Parcourir la côte Ouest des États-Unis, c’est côtoyer des célébrités, personnages de cinéma, séries télévisées ou villes à la réputation sulfureuse. On y perd en nature ce que l’on gagne en culture, encore que pour un mix des deux, nous décernons la palme à …Palm Springs.
Santa Barbara à part le feuilleton
Nous sommes redescendus à regret de nos montagnes pour retrouver la côte, la circulation …et le brouillard. Nos pas, ou plutôt nos tours de roues, nous amènent bientôt à Santa Barbara. Nous ne connaissions cette ville que pour son roman télévisé, mais, bien que nous aimions faire coller nos séances vidéo aux lieux visités, pas question de nous enfiler les 2188 épisodes de cette série dont le synopsis – et la réputation – ne nous inspirent guère. Nous commençons par visiter une Mission qui, un peu plus que la précédente reconnaît la destruction de la culture des indiens Chumash, et restaure les locaux pour conserver trace de l’histoire. Nous nous rendons ensuite au palais de justice et passons le sas de sécurité avant de nous diriger vers la salle d’audience. Non, nous n’avons commis aucun méfait, c’est juste que le bâtiment se visite, pour sa grande valeur historique et tout en étant en activité. Avec son architecture mauresque, ses escaliers joliment carrelés, ses lustres magnifiques, son escalier circulaire, son horloge, sa tour d’observation munie d’un panorama à 360° sur la ville et surtout sa grande salle d’audience entièrement recouverte d’une fresque historique sur ses 4 murs, ce bâtiment mérite totalement la visite – gratuite qui plus est. Ça donnerait presque envie de commettre un tout petit larçin, juste pour voir comment sont les autres salles d’audience ou traverser le pont des soupirs qui communique avec la prison. Mais non.
Malibu sans alerte ni boisson
Se réveiller à Malibu sur un petit parking en corniche en bord de mer avec un paysage gris et triste devant les yeux en totale contradiction avec l’image de cartes postale que nous en avons, ce n’est pas bon pour le moral. Nous longeons un peu la côte jusqu’à Santa Monica, mais les brumes matinales peinent à se dissiper. Notre meilleure arme anti-mauvais temps, c’est le musée. Et ça tombe bien, il en existe un renommé pas très loin, à l’orée de Los Angeles, le Getty Center. Fondé par le magnat du pétrole J. Paul Getty, l’homme le plus riche du monde en 1957 mais qui avait pourtant refusé de payer la rançon de son petit fils enlevé dans les années 70. Cela avait coûté une oreille à ce dernier avant que le grand-père ne se décide enfin à aligner les billets, non sans s’assurer qu’il pouvait en déduire la plus grosse partie fiscalement. Difficile de dire si c’est également pour des raisons de défiscalisation, mais l’homme est devenu collectionneur d’art, accumulant au fil des années plus de 800 000 œuvres, et finissant par construire le musée actuel tant les autres étaient devenus trop petits. Inutile de dire que tout est de grande qualité et que nous nous sommes régalés. Nous avons été surpris de voir à quel point les auteurs français étaient bien représentés. La visite est gratuite aussi bien présentielle que virtuelle sur le site https://www.getty.edu/art/. A ne pas manquer si vous êtes de passage dans la Cité des Anges.
La piste aux étoiles d’Hollywood
Nous avons laissé Roberto sur un des nombreux parkings du métro. Sa nounou n’a demandé que 3 dollars pour 24 heures, une affaire dans une ville de cette taille. Et c’est à peu près le prix du forfait-journée en transports en commun. Il faut sans doute ça pour pousser les Américains à quitter leur sacrée voiture, mais ce n’est pas gagné !
Notre première destination étant à 1 station de métro de la nôtre, je propose d’y aller à pied pour nous dégourdir les jambes, mais Google nous en dissuade de suite : 2h25 de trajet pour une dizaine de kilomètres. Wouah, les stations sont éloignées dis-donc ! Nous prenons donc sagement la première rame qui passe, un peu tristounette d’ailleurs, et débarquons sur le Walk of Fame d’Hollywood Boulevard. Au moindre doute, vous savez que c’est la bonne rue parce que tout le monde y marche tête baissée, au risque de se percuter, pour retrouver ses stars préférées (ou pas). Nous ne les verrons pas toutes (il y en aurait plus de 2700) mais collectionnons quelques photos de celles qui nous parlent le plus.
Le boulevard est évidemment très touristique et les boutiques se sont adaptées. Les amateurs de gadgets seront servis
Le cœur des anges
Nous nous rendons maintenant au cœur de la ville de Los Angeles, là où tout a commencé. Pour cela, il nous faut reprendre le métro jusqu’à la gare principale de la ville : Union Station. Un joli bâtiment dans le style mission espagnole à l’extérieur et art déco à l’intérieur. Étonnamment, la gare semble déserte alors qu’il est presque midi. Même le bureau d’information attend le client ! Nous nous imaginons avec amusement ce qu’il en aurait été à l’heure de pointe dans une grande gare parisienne. Mais ici, non, tout est calme, nous avons le temps de flâner dans les grandes salles, les salles d’attentes luxueuses, tout en profitant d’une ambiance sonore jazz distillée par un pianiste de passage mais néanmoins talentueux. Une terrasse en bord d’allée de circulation nous invite à nous asseoir. Impensable à Paris sans risquer la bousculade, mais ici nous n’hésitons pas à céder à l’invitation et à commander hamburgers maison et bières.
Nous voilà donc à El Pueblo, là où la première maison fut construite en 1881 alors que la région appartenait au Mexique. Cette maison est toujours debout d’ailleurs et se visite. Le quartier lui-même a conservé son caractère mexicain, avec boutiques et restaurants très colorés, mariachis autour des tables et squelettes partout (sans aucun rapport avec Halloween). Nous avons l’impression d’être transposés 9 mois plus tôt à Mexico City et cela nous donne envie d’y retourner.
Nos autres découvertes notables de la journée seront la très moderne Cathédrale of Our Lady of Angels, inaugurée en 2002, dotée d’un parking à étages, d’un café et d’un design audacieux que nous avons beaucoup aimé ; et puis le Walt Disney Concert Hall avec ses façades-toitures extravagantes. Avec les salles avoisinantes, il forme le haut lieu du spectacle local. Nous serons malheureusement trop peu de temps dans la ville pour pouvoir en profiter.
Les camps de concentration américains
Dans le petit quartier japonais de Los Angeles, un musée rappelle le douloureux souvenir des 120 000 américains d’origine japonaise, considérés du jour au lendemain comme des terroristes potentiels après l’attaque de Pearl Harbour le 7 juillet 1941. Déjà mal aimés par la population qui avait fait voter des lois pour bloquer l’immigration des non-caucasiens et les empêcher d’obtenir pour eux ou leurs enfants la nationalité américaine, ils furent carrément déportés dans de véritables camps de concentration et dépouillés de leurs biens. Certes, ce n’étaient pas des camps de la mort comme chez les nazis, mais ils avaient en commun la soustraction d’un groupe minoritaire de la population générale par les gens au pouvoir sans que le reste de la société ne s’en soucie. Les conditions de détention étaient difficiles, tout comme l’a été la réinsertion après la fin de la guerre de ces malheureux qui n’avaient plus rien et durent subir encore longtemps le racisme ambiant. Il aura fallu plus de 40 années pour que le gouvernement reconnaisse enfin que l’opération était injustifiée sur le plan militaire et verse une indemnité aux personnes concernées. Je ne sais pas vous, mais moi, je n’ai pas appris cette histoire à l’école, mais seulement bien plus tard au Musée Canadien des Droits de la Personne à Winnipeg. Et la piqûre de rappel est importante car la mémoire ça s’entretient.
Boutiques insolites
Nous aimons bien ces boutiques qui sortent de l’ordinaire et nous avons été particulièrement gâtés d’en dénicher deux coup sur coup.
- La maison du voyageur temporel
Cet établissement d’exception s’adresse à tous ceux qui souhaitent voyager dans le temps. Dans la vitrine, un homme des cavernes serre la main à deux robots et dès l’entrée, pour ceux qui auraient oublié leur liste de courses, un téléphone permet d’appeler à différentes époques, dans une fourchette assez large qui va du précambrien à l’an 4000. Il parait que l’on peut même joindre des proches… Sur les rayonnages, sont proposés aussi bien de la crème solaire pour astronautes que des produits d’entretien pour robots (graisse, éponges métalliques, etc.) ou encore des sprays répulsifs anti-barbares (on ne sait jamais sur qui on peut tomber dans le cosmos). En cherchant bien, on peut trouver des langues mortes, comme le grec ancien, conservées dans des bocaux de formol. Et dans des vitrines réfrigérées, des bouteilles de lait de robot côtoient des œufs de dinosaures extra-frais, des morceaux de mammouth laineux et, pourquoi pas (oui, pourquoi pas ?) des livres. On peut aussi commander tout ça en ligne mais attention, certaines planètes ne sont plus livrées. Le plus étonnant (oui, c’est possible) c’est que tous les bénéfices sont reversés à une association promouvant la rédaction littéraire chez les jeunes. Les livres dans la vitrine réfrigérée, ce sont les leurs.
- L’empire du soda
Dans la banlieue de Los Angeles on peut trouver une sorte de petit supermarché qui ne paie pas de mine. L’enseigne peinte sur les vitres, « SODA POP STOP » donne une idée du contenu. En effet à l’intérieur, de multiples cartons posés à même le sol directement sur les rayons, un peu comme chez Lidl, proposent à la vente une multitude de sodas de toutes les couleurs, à tous les goûts imaginables (et même à des saveurs inimaginables), aux designs variés et parfois étonnants, provenant du monde entier. Le magasin réunit là plus de 700 spécialités différentes. Et quand bien même on ne trouverait pas son bonheur, il est possible de fabriquer son propre soda de A à Z en mettant soi-même dans une bouteille vide un ou plusieurs arômes (si vous rêviez d’un soda associant bière de racine et marshmallow toasté, c’est ici possible), en y ajoutant une eau gazéifiée à la puissance souhaitée, en plaçant puis en sertissant la capsule avant d’inscrire le nom de sa composition sur l’étiquette. La boutique possède aussi un choix multinational de bières (de l’Arménie à l’Inde en passant par le Japon et la Russie), de vins (les français sont assez bien représentés) et d’eaux minérales. On trouve enfin un rayon de jouets quelque peu insolites, comme ce requin qui devient « géant » (jusqu’à quel point ??) lorsqu’on le met dans l’eau ou ce poulet en caoutchouc qui pond des œufs (une grosse boule sort effectivement d’entre ses pattes lorsqu’on lui écrase le ventre – c’est kitsch). Bon, nous avons fait quelques emplettes, et n’avons pas manqué de composer notre cuvée spéciale Roberto, dont la recette restera secrète.
Festival d’orchidées etc.
Vous le savez, nous sommes fans de jardins botaniques, toujours prêts à admirer ce que la nature peut nous offrir de plus beau. Nous nous sommes donc rendus à celui de San Marino, dans la banlieue de Los Angeles, un immense complexe de 4 856 hectares créé par un couple de milliardaires amoureux des plantes Mr & Mrs Huntington. Ayant lu qu’il était trop peu visité, nous avons été étonnés de trouver difficilement de la place sur le parking pourtant de belle taille. C’était sans compter que nous sommes tombés au moment d’un concours d’orchidées, finalement à pic. Les fleurs étaient de toute beauté, y compris les compositions et celles en plastique (!) tout comme les 12 autres secteurs du jardin, dont une roseraie, une cacteraie, des jardins chinois et japonais, un secteur australien et une palmeraie. Malgré une certaine expérience dans le domaine, nous avons encore découvert un certain nombre d’espèces que nous n’avions encore jamais rencontrées. La nature est infinie dans sa diversité, on ne se lasse jamais.
Palm Springs en dehors des enquêtes
Ce grand rectangle vert au milieu du désert n’est autre que la plus grande oasis de Californie (un quart de l’état est constitué de désert). Les larges rues en quadrillage parfait sont presques toutes bordées de Palmiers de Californie, gagnant rapidement jusqu’à 30 mètres de hauteur tout en conservant de longs fils blancs jusqu’à leur base, ce qui leur donne un aspect un peu en rouleau de laverie automobile. Arrivés alors que le temps tournait à l’orage, nous avons fait connaissance avec ces arbres alors qu’ils ressortaient magnifiquement sur le ciel très sombre, tandis que de notre côté nous rentrions magnifiquement nous abriter à l’intérieur. Nous avons passé la nuit là, au bord d’une rue calme près du centre, attendant le retour du beau temps prévu le lendemain.
Nous avons commencé notre journée par une curiosité, les Robolights. L’œuvre d’un artiste local un rien allumé (d’où le nom ? 😉) qui a construit et disposé sur son très grand jardin une multitude de robots en tous genres plutôt de grande taille et faits de matériaux de récupération et abondamment colorés. La « galerie » n’ouvre qu’occasionnellement aussi nous n’avons pu la voir que de l’extérieur, mais c’est déjà significatif. Il parait qu’en plus le gars est devenu irrascible. Pas trop envie de finir en robot géant rose ou jaune vif… Mais quand il est là, les machines s’animent et sont éclairées la nuit. Pour avoir une idée de ce que cela donne, n’hésitez pas à jeter un œil sur la vidéo YouTube ci-après.
La suite a été plus sportive puisque nous sommes allés randonner dans les Indian Canyons. En fait nous nous sommes contentés du principal, une petite rivière creusée dans le désert et bien entendu longée d’une bonne quantité de ces Palmiers de Californie, nous procurant par ailleurs une ombre bienvenue. Le retour s’est fait par les hauteurs, permettant de voir la palmeraie de haut et l’ensemble de la ville de Palm Springs pas très loin. Près de 2 heures de marche, c’est bien pour un dimanche !
Revenus dans la ville, nous sommes allés nous mettre au frais dans le Palm Springs Art Museum. Ce n’est pas et de loin le meilleur musée d’art que nous ayons vu, mais nous y avons trouvé comme toujours quelques œuvres intéressantes, en intérieur comme en extérieur.
Nous sommes allés nous garer pour la nuit au bord d’un stade. Pas certains que c’était légal mais personne n’est venu toquer à notre porte… En l’absence de match, c’était tranquille.
Le jour suivant, nous décidons de prendre de la hauteur, pour échapper aux 35°C prévus en ville dans la journée. Pas compliqué, il suffit de prendre le « tramway », c’est comme ça qu’ils appellent ici leur téléphérique. En à peine 12 minutes, nous arrivons à 2600m d’altitude, près du sommet du Mont Jacinto (le point culminant de la Californie qui lui culmine à 3300m) en ayant perdu 18°C : nous sommes passés de 27°C à la station de départ à 9°C seulement à l’arrivée. Autant dire qu’il valait mieux emmener sa petite laine ! D’ailleurs, il est étonnant de trouver dans la boutique des gants et bonnets de ski alors que nous étions dans le désert quelques minutes auparavant. Une particularité de ce téléphérique est que le plancher des cabines tourne pendant le trajet, comme un restaurant panoramique, ce qui permet de mieux apprécier les paysages traversés, pas moins de 5 écosystèmes différents en 12 mn.
Forcément de là-haut nous avons une vue magnifique sur toute la vallée de la Coachella où les carrés verts des villes tranchent avec un paysage des plus arides alentour. Un choix de 80 km de randonnées s’offre à nous. Nous choisissons un parcours raisonnable, ce qui se définit par l’absence de nécessité d’enregistrement auprès des rangers et de présentation d’une check-list de matériel de survie. Nous avons marché un peu moins de 2 heures dans un environnement alpin, avec des pauses points-de-vues réparties le long du trajet. Nous avons fait durer le petit café avant de redescendre dans la fournaise et reprendre la route. En fait, quand on roule c’est parfaitement supportable, même sans la climatisation.
Avec Palm Springs se termine notre tour des célébrités. Encore que… En nous dirigeant vers le parc national de Joshua Tree, nous allons croiser la route du groupe U2. Savez-vous pourquoi ? La réponse dans le prochain article bien sûr !
Et en bonus la carte de notre trajet depuis le tout début. Car cela fait tout juste 18 mois que nous avons pris la route avec Roberto. Et nous avons parcouru un sacré bout de chemin !