Voici le 37ème pays de notre périple avec Roberto. De taille modeste, la Slovaquie est onze fois plus petite que la France, et nous devrions la traverser assez rapidement. Nous retrouvons ici l’euro, donc la disparition des calculs fastidieux à réaliser pour les achats. Alors, côté touristique, qu’est-ce que cela donne ?
Parcours correspondant à cet article, en version zoomable ici
Première ville slovaque
Notre première étape est Banska Stiavnica, une ancienne cité minière classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. L’exploitation des gisements d’or et d’argent a fait prospérer la ville entre le XIIIe et le XVIIIe siècle, la dotant de belles demeures aux façades décorées. La crainte des invasions ottomanes au XVe siècle lui a fait aussi construire un château et des remparts pour mieux se protéger, tandis que plusieurs églises et un calvaire renforçaient la ferveur catholique. La réputation dans l’exploitation minière a également conduit à la mise en place d’une académie des mines, enseignant l’art de la prospection, de l’extraction et du traitement des minerais. C’est devenu aujourd’hui un musée, que nous n’avons pas manqué de visiter.
Le village peint de Cicmany
Il y a 200 ans dans ce petit village de montagne, on protégeait le bois foncé des maisons avec de la chaux. Plutôt qu’un vulgaire barbouillage, les femmes qui fabriquaient en majorité de la dentelle reprirent les motifs de leurs ouvrages pour enjoliver les maisons. La concurrence s’y est mise et presque tout le village a recouvert sa maison de motifs blancs à la chaux. Procurant une harmonie architecturale qui fit classer la ville comme première réserve d’architecture populaire au monde en 1977. Et un afflux de touristes. Encore que lors de notre venue, le froid et le blizzard avaient apparemment dissuadé tous nos congénères et nous étions seuls dans les rues. Mais des maisons noires aux motifs blancs avec un ciel gris, ça rendait plutôt bien.
Bratislava et les 40 voleurs
Stationner dans les grandes villes ne s’improvise pas, surtout si l’on souhaite y rester la nuit et abandonner son véhicule toute la journée pour la découverte. L’application Park4night nous est d’une précieuse aide dans ces cas là. Mais ce que nous lisons sur les commentaires laissés par les précédents visiteurs ne nous rassure pas : les vols avec effraction sont manifestement fréquents sur les véhicules de loisirs. Un peu comme en Italie par exemple, mais nous y avions toujours trouvé des parkings sécurisés, ce qui n’est pas le cas ici. Voulant jouer la sécurité, nous décidons, et c’est la première fois depuis le début de notre périple, d’aller visiter la ville chacun notre tour pendant que l’autre s’occupe dans Roberto et veille sur lui.
Cela dit, même avec un temps plutôt maussade, la ville est plutôt agréable. Les rives du Danube, les bâtiments de styles variés dans le centre historique, les statues, le street-art par endroits et la faible fréquentation en dehors des marchés de Noël donnent une bonne impression qui contrebalance la mise en garde initiale.
À propos des marchés de Noël, peu de gens imaginent qu’ils peuvent avoir des conséquences négatives pour nous autres voyageurs nomades. Outre les places de stationnement occupées par ces cabanes en bois et autres manèges, réduisant donc les places de parking dans la ville, ces marchés défigurent à notre sens les grandes et belles places en masquant les somptueux bâtiments qui les bordent. Ils entraînent enfin un tourisme de masse que l’on ne verrait pas à cette époque de l’année dans les autres attractions des villes, et nous font perdre notre bénéfice de tranquillité hors saison. À l’inverse, nous trouvons les décorations et illuminations des rues et vitrines lors de ces fêtes de fin d’année plutôt avantageuses.
La Slovaquie, c’est déjà fini ! Nous avons maintenant une idée précise de Bratislava qui n’était jusqu’ici pour nous qu’un mythe maintenant transformé en ville modeste et accessible. La capitale du pays suivant devrait être d’une toute autre envergure. Et puis elle est toute proche : seulement 60 kilomètres nous séparent de Vienne. À nous l’Autriche !
Tout comme pour la Bulgarie, nous n’avons que quelques clichés en tête avant de découvrir ce pays : austérité liée au passé communiste, dictature de Ceausescu, insécurité, roms, faible niveau économique, manque d’intérêt touristique. Eh bien tout ça va tomber en flèche : nous avons découvert un pays contrasté, avec des villes modernes et des campagnes rustiques, une population accueillante et serviable, quelques pépites touristiques malgré la basse saison et le climat froid qui nous a accompagnés tout du long et provoqué quelques frayeurs avec Roberto.
Hasard de la route, la première ville roumaine d’importance sur notre parcours se trouve être la capitale, Bucarest. La température est aussi basse et le ciel est aussi gris qu’en Bulgarie, mais au moins il ne pleut plus. La ville est très encombrée, les voitures stationnent volontiers en double ou triple file et même sur les trottoirs. La circulation se fait au pas et à coups de klaxon. Nous arrivons à nous faufiler jusqu’à un parking en plein centre, bien situé donc, et où nous pourrons passer la nuit. Parfait ! Depuis Roberto, nous avons vue sur une belle église orthodoxe, par laquelle nous allons commencer notre visite. Richement décorée comme toutes les églises orthodoxes. Alors nous partons voir si la synagogue voisine – c’est assez rare de pouvoir en visiter – tient la comparaison. Eh bien finalement oui, jugez-en sur les photos. Bucarest a été appelée autrefois le petit Paris, pour ses grands boulevards bordés d’immeubles de style néoclassique, ses multiples statues et son arc de triomphe. Nous trouvons en effet pas mal de bâtiments haussmanniens, mais bon nombre sont décrépits, leur piteuse mine étant encore aggravée par le ciel assombri.
Le palais du parlement le plus lourd au monde
En construction depuis 1984, sous le régime communiste dictatorial de Ceausescu, ce palais initialement baptisé palais du peuple a été rebaptisé palais du parlement, ce qui est plus juste car pendant que des milliards de dollars étaient dépensés pour le bâtiment, le pauvre peuple subissait des pénuries de nourriture, d’électricité et de gaz tandis que 9000 de leurs maisons ont été démolies. Avec 9 étages au-dessus ET au-dessous du sol, 1100 pièces, des milliers de places dans des bunkers au sous-sol, c’est actuellement le bâtiment le plus lourd de la planète. Ces tristes records ne nous ont pas incités à nous lancer dans une visite, qui aurait été très encadrée bien sûr.
Camping artistique
Deux musées étaient au programme avant de quitter la capitale et n’ont pas pu être visités : le premier parce qu’ouvrant beaucoup plus tard que prévu et le second parce qu’après avoir tourné ¾ d’heure dans son quartier, nous n’avons pas trouvé une seule place de stationnement. Dommage pour la ville et dommage pour nous. Alors nous filons au nord et décidons de nous arrêter dans un camping pour recharger la batterie cellule qui n’aime pas trop quand nous stationnons trop longtemps au même endroit. Nous jetons notre dévolu sur un petit camping en rase campagne, que nous trouvons portes closes. J’ai mis le pluriel parce que des portes, il y en a partout, insérées dans la clôture et joliment colorées. Le temps que nous prenions quelques photos, le gérant sort d’un restaurant 200m plus loin et nous rejoint. Pas de problème, il nous ouvre le portail et nous fait la visite des lieux. L’endroit est parsemé d’œuvres d’art, relativement simples mais de bon goût. Nous apprécions. Nous serons les seuls, mais rien d’étonnant pour un mois de novembre. Enfin pas tout seuls, car une gentille chienne toute frisée et aux beaux yeux bleus reste à nos côtés. Nous pensions que c’était pour nous tenir compagnie, mais nous saurons un peu plus tard qu’elle restait là pour s’occuper de sa récente portée, de moins d’une semaine manifestement. La nuit est évidemment très tranquille au milieu de nulle part et nous repartons le lendemain, les pleins d’eau et d’énergie faits.
Bonne mine
Nous faisons étape à Slanic, une ville de Moldavie connue pour sa mine de sel, apparemment la plus belle de Roumanie. A l’approche du lieu, nous passons devant le chevalement caractéristique et embarquons dans un minibus qui va nous conduire dans des boyaux étroits à 210 mètres de profondeur. Le reste de la visite se parcourt à pied, d’abord en longeant un couloir tout de sel vêtu, puis en pénétrant dans une salle incroyable dont les parois parfaitement lisses montent jusqu’à 70 mètres de hauteur. Les strates de sel y dessinent de jolies arabesques. Des escaliers au milieu des murs ne rejoignent ni le sol ni le plafond, témoignant des niveaux successifs de l’exploitation depuis 1943. Une nappe d’eau entoure une sorte de cascade formée de stalactites de sel que rejoint un petit pont, procurant un reflet photogénique. Comme dans la mine que nous avions visitée en Turquie, des tables de pique-nique sont disposées un peut partout. Mais là, l’espace est tellement généreux que l’on trouve aussi une église, un minigolf, un planétarium, des tables de ping-pong et des espaces de jeux avec châteaux gonflables pour les enfants. Nous nous contentons de déambuler dans cet espace immense et impressionnant, avant de reprendre le chemin du retour. A la surface nous attendent bien entendu des vendeurs de sel sous toutes ses formes et les habituels stands de souvenirs et de nourriture.
Le Château de Peles
Entre 1881 et 1947, la Roumanie connut une période de monarchie. Parmi ses dirigeants, le roi Carol 1er décida de se faire construire une résidence d’été près de la station de montagne Sinaia. Ayant goût pour le luxe et apparemment les moyens, il fit ériger un château parmi les plus modernes de l’époque. Il fut le premier château d’Europe à bénéficier de l’eau courante et de l’électricité. Avec un architecte allemand, les extérieurs sont de style germanique, mais cachés le jour de notre passage par des échafaudages. Quant à la décoration intérieure, elle est bien évidemment somptueuse et les visiteurs se pressent pour l’admirer. Pas de chance là encore, nous étions là un dimanche, le jour le plus chargé de la semaine, et il fallait jouer des coudes pour déambuler parmi les nombreuses pièces du château. Tout en ne prenant pas trop de temps pour les admirer afin que les suivants puissent en profiter. Heureusement, il nous reste les photos pour revoir ça en mode débriefing.
Ah oui quand même !
Le fils du dragon
Ne cherchez pas trop loin, c’est comme ça que se traduit Dracula du Roumain au Français. Car oui, nous sommes en Transylvanie, région qu’il est difficile de traverser sans voir le moindre portrait ou la moindre allusion au personnage maléfique de l’auteur irlandais Bram Stoker qui lui-même n’a jamais mis les pieds en Roumanie. L’écrivain s’est inspiré pour son roman à la fois d’un prince local de triste réputation, appelé Vlad III dit l’empaleur et de légendes du folklore local évoquant des vampires. Le premier, fils de Vlad II dit le dragon, avait la triste réputation d’infliger le supplice du pal à ses prisonniers de guerre, voire d’en boire le sang, ce qui faisait parfaitement le lien avec les secondes. La Roumanie exploite à fond le mythe, des gadgets chinois jusqu’aux portraits sur les T-shirts en passant par les enseignes des boutiques et surtout le château de Bran. Celui-là a pour comble de n’avoir jamais reçu ni la visite de Vlad l’empaleur ni bien sûr celle de l’auteur irlandais tout en recevant chaque année plusieurs centaines de milliers de visiteurs sur la base d’une simple ressemblance avec la demeure du comte Dracula décrite dans le livre. Nous nous sommes contentés d’une photo.
En Roumanie il faut des RON
Brasov
Comme un certain nombre de villes que nous allons voir en Roumanie, Brasov possède un centre médiéval bien conservé possédant l’architecture des Saxons qui l’occupaient à cette époque. Outre les remparts et les classiques rues pavées, la richesse des habitants d’alors permit de construire de somptueuses maisons aux tons pastel et des églises luxueusement décorées. Parmi celles-ci, l’Église Noire doit son nom à l’incendie qui a assombri ses murs en 1869. L’extérieur a manifestement été nettoyé depuis. Difficile de savoir pour l’intérieur qui était inhabituellement fermé lors de notre passage. Le cœur de la ville est la place du Conseil, centrée par la maison éponyme qui ressemble à une église avec sa tour de 48 mètres, mais qui abritait autrefois les réunions du conseil, une assemblée de 100 citoyens qui dirigeait la cité.
Le Roumain, une langue latine ?
Déroutés par les caractères cyrilliques utilisés en Bulgarie, nous découvrons avec plaisir que les Roumains utilisent l’alphabet latin, avec quelques cédilles ou accents supplémentaires par rapport au nôtre. Cela vient de l’époque ou l’empire romain a occupé les rives du Danube au 1er siècle ap. J.-C. Mais tandis que les autres pays conquis dans cette région ont récupéré leur langue slave après le départ des Romains, la Roumanie a gardé cette langue. Avec pas mal de termes communs, elle est parait-il assez facile à apprendre par les Français. Quand nous entendons les Roumains nous dire merci ou pardon, ce n’est pas parce qu’ils font l’effort de nous parler Français, mais juste parce que les mots sont les mêmes dans les 2 langues !
L’église fortifiée de Prejmer
Voilà un concept nouveau pour nous : l’église fortifiée, ces deux termes ne nous semblant pas aller de pair au premier abord. Nous apprenons que cette région de Transylvanie a dû au XIIIe siècle se protéger des invasions régulières ottomanes et tatares. Tandis que les grandes villes pouvaient s’entourer de remparts, les plus petites n’avaient d’autres moyens que de protéger leur église par des murs épais aménagés de multiples pièces pour que la population puisse vivre en autonomie jusqu’à la fin de la menace. On y trouve ainsi des habitations, des ateliers d’artisans, des écoles, des greniers à provision, etc. L’église fortifiée de Prejmer serait la plus belle de la région qui en compte plus d’une dizaine.
Point of (no) view
Les plats-pays
Oui je suis vraiment une brèle pour vous proposer un jeu de mots pareil. Vous l’avez compris, nous allons évoquer la cuisine roumaine. Comme souvent dans les pays d’Europe centrale, les plats reflètent l’influence des multiples envahisseurs qui se sont succédé. Le nom change mais le gras mélange de viande hachée turque se retrouve dans des boulettes ou des saucisses, le yaourt et le fromage sont aussi utilisés que chez les Grecs, les légumes servis en entrée ou dans une soupe généreuse comme en Turquie, tandis que les desserts fourrés aux pommes viennent de chez les Austro-Hongrois. Nous n’avons fréquenté que 2 ou 3 restaurants au cours de nos 2 semaines dans le pays, retrouvant avec plaisir une cuisine de qualité sans pour autant être exceptionnelle.
Sighişoara et le chemin des écoliers
Cette ville transylvanienne de 28 000 habitants est encore un bel exemple de cité médiévale bien conservée. Elle est inscrite pour cela au patrimoine mondial de l’Unesco. Nous nous régalons encore une fois de ces ruelles pavées bordées de maisons multicolores très stylées, nous grimpons comme les étudiants jusqu’au lycée situé en haut de la colline, juste pour tester le superbe escalier couvert qui y amène. Depuis 1642, les lycéens grimpent et redescendent les 175 marches de l’ouvrage, pour le plus grand bonheur des profs d’EPS de l’établissement.
Point de fuite
Ce n’est pourtant pas la première fois qu’il fait 6 degrés au-dessous de zéro alors que nous sommes dans Roberto. Nous avons, comme en pareil cas, simplement laissé ouvert le tuyau d’évacuation des eaux grises, contenues dans le seul réservoir qui pourrait geler parce que situé sous le véhicule. Mais en pleine nuit, Claudie est réveillée par le bruit continu de la pompe à eau. Réveillé à mon tour, j’éteins la pompe afin qu’elle ne grille pas, puis teste les robinets et réservoirs, constatant malheureusement que plus rien ne coule. Nous pensons qu’à un endroit de la glace a du se former et décidons d’attendre la journée du lendemain, prévue avec des températures positives. En attendant, nous faisons quelques réserves d’eau dans des poches souples pour nos besoins quotidiens. Mais le soir, alors que je relance la pompe, Claudie me dit qu’une grosse fuite apparaît sous Roberto, en regard de l’un des deux réservoirs, bizarrement pas celui qui est en service. Je ne comprends plus rien et nous décidons de nous rendre le lendemain chez un réparateur de véhicules de loisirs idéalement situé sur notre route à 1h30 de là, craignant qu’il faille refaire toute la tuyauterie gelée. Après quelques investigations, le gars très compétent trouve l’origine de la panne : le levier de la vidange antigel, dont j’ignorais totalement l’existence, s’est mis tout seul en position d’urgence. La « fuite » que nous constations sous Roberto, accentuée par l’enclenchement de la pompe, correspondait tout simplement aux réservoirs qui se vidaient. Donc zéro panne, point de fuite, moral remonté en flèche et, cerise sur le gâteau, zéro frais de réparation. Le technicien n’a rien voulu nous facturer, préférant en retour un commentaire positif sur Google. Ce que nous avons fait bien sûr. Moralité : même 3 ans et demi après, nous en apprenons encore sur le fonctionnement de Roberto.
Encore un monastère (Romanii de Jos, près d’Horezu)
Il est difficile de se lasser de ces monastères, toujours situés dans des endroits reculés, possédant toujours une ou plusieurs églises recouvertes de fresques à l’extérieur comme à l’intérieur, et toujours en activité. Même en dehors des heures de messe, les fidèles défilent toute la journée pour prier quelques instants devant les autels. Celui de Romanii de Jos, l’un des plus grands de la région, est entouré de belles montagnes aux couleurs automnales et les peintures sont magnifiques, restaurées grâce à l’intégration au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 1995. Ce sont toujours des scènes religieuses assez expressives, particulièrement celles du Jugement dernier à l’entrée de l’église centrale. Il faut dire qu’autrefois, on se servait beaucoup de ces fresques pour l’éducation religieuse de la population rurale souvent illettrée. Autant qu’elles soient expressives !
Les arbres peints
Au hasard de la route, nous rencontrons ce petit bois ne figurant sur aucun guide, dont tous les arbres ont le tronc peint de couleurs vives. Sous le soleil rasant automnal, l’effet est saisissant.
Târgu Jiu et l’élève de Rodin
Nous avons fait une brève halte dans cette ville sans grand intérêt touristique mais qui est connue des roumains pour avoir hérité de nombreuses œuvres du sculpteur Constantin Brâncusi, né dans un village voisin. Nous parcourons le parc où plusieurs de ses œuvres sont exposées, notamment la Porte du Baiser et la Table du Silence, censées rendre hommage aux morts de la Première Guerre Mondiale. Peu sensibles au style de l’artiste, nous cherchons à en savoir davantage. Nous découvrons qu’il a passé une bonne partie de sa vie en France, au point d’en acquérir la nationalité. Qu’il a produit quelques œuvres « sulfureuses » comme la sculpture appelée « Princesse X » censée être un portrait en buste de la princesse Marie Bonaparte, petite nièce de Napoléon, et retirée juste avant le passage du ministre au Salon des indépendants de 1920, vous comprendrez pourquoi en voyant la photo. Nous apprenons aussi que l’artiste une fois en France a fait un stage chez Auguste Rodin, dont il est reparti au bout d’un mois. A voir ses œuvres, rien d’étonnant. Nous sommes fiers d’avoir Rodin !
Les portes de fer
Sur 135 km, le Danube se rétrécit, emprisonné – d’où le nom – entre deux falaises appartenant au massif des Carpates roumaines au Nord et à celui des Balkans serbes au Sud. C’est le plus long défilé d’un fleuve en Europe et nous allons suivre ses moindres méandres en empruntant la route qui le longe. Le temps n’est pas trop de la partie et ne nous permettra pas de profiter au mieux du paysage et des couleurs de l’automne. Nous aurons tout de même le plaisir de faire une halte devant le gigantesque portrait du roi Décébale, aussi célèbre en Roumanie que l’est pour nous Vercingétorix (ils sont contemporains), taillé dans la roche à la manière des présidents du Mont Rushmore. Et puis une autre devant la forteresse de Golubac, côté Serbe, une ancienne centrale électrique fortifiée qui a résisté à plusieurs guerres mais pas aux ingénieurs serbes qui ont construit une route traversant l’édifice de part en part et un barrage sur le Danube qui fait que la forteresse a maintenant les pieds dans l’eau. La patrie n’est pas très reconnaissante !
Le Chocolat Dubai
Nous avions été intrigués en Turquie par toutes ces affichettes dans les vitrines des pâtisseries ou chocolateries, disant en gros « ici chocolat Dubai », termes parfois griffonnés à la hâte sur un bout de papier. Et puis en Bulgarie pareil. Et en Roumanie aussi. Alors nous avons fini par craquer pour ce chocolat au lait généreusement fourré à la pistache agrémentée de feuilletine pour un effet croustillant. Effectivement inventé par une pâtissière de Dubai, il a surtout été promu sur le réseau social Tik Tok par une influenceuse. Sa vidéo aurait été vue plus de 100 millions de fois depuis sa mise en ligne il y a un peu plus d’un an et depuis, tout le monde se l’arrache à des prix parfois démentiels (100 € la tablette sur Internet). C’est dingue le pouvoir multiplicateur des réseaux sociaux ! Alors victimes nous aussi du buzz, nous avons testé. C’est bon mais pas exceptionnel. Ça ne vaut pas à mon avis un bon baklava turc. Mais ce n’est que mon avis.
Timişoara et la révolution
Pour le coup, le nom de cette ville nous parlait. Nous nous rappelons précisément où nous étions au moment de la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Cet évènement a sonné le glas des régimes communistes en Europe, suscitant rébellions et évolution vers l’indépendance des ex républiques soviétiques. Pour la Roumanie, c’est à Timişoara que ça a commencé, le 16 décembre 1989, peu de temps après une réélection truquée du dictateur Nicolae Ceausescu. Ce dernier n’a pas hésité à ordonner à son armée de tirer dans les foules de manifestants. Cela n’a fait qu’attiser le mouvement de revendication qui s’est rapidement étendu à tout le pays. Alors que Timişoara se déclarait la première ville libérée, Ceausescu et son épouse prenaient la fuite à Bucarest le 22 décembre. Le 25, après un procès expéditif, ils étaient fusillés. Forcément, la ville n’est pas peu fière d’avoir été le berceau de cette révolution pour l’indépendance. Elle a aménagé un musée pour que les évènements ne sombrent pas dans l’oubli. Nous l’avons bien sûr visité.
Mais Timisoara est aussi une ville touristique que nous avons adoré parcourir. Parfois appelée « la petite Vienne », elle possède de nombreux bâtiments de la période austro-hongroise, mais cumule en fait de nombreux styles architecturaux aussi différents qu’exubérants. Nous avons apprécié aussi la grande cathédrale orthodoxe toute en briques, les grandes places bordées de maisons pastel, quelques œuvres d’art dans les rues et un intéressant petit musée gratuit du « consommateur communiste » accumulant dans quelques pièces nombre d’objets insolites que l’on est invités à manipuler tout comme à ouvrir les tiroirs des meubles pour explorer leur contenu.
Oradea, pour finir en beauté
C’est notre dernière étape en Roumanie. Nous sommes accueillis dès le parking par les « Nymphes d’Oradea », une méga peinture murale de 700 m² dans le style Art Nouveau / Mucha et représentant les 4 saisons. Une première approche artistique qui ne va faire que se confirmer au cours de notre visite de la ville qui aurait pour certains le titre de « plus belle ville de Roumanie ». De fait, c’est ici que nous avons rencontré la plus forte concentration de bâtiments de style, mêlant éclectisme, néoclassicisme et art nouveau de la sécession hongroise.
Il a juste manqué un peu de soleil pour rendre plus éclatantes les couleurs de ces édifices dans la vieille ville, mais lorsque l’astre est reparu alors que nous longions la rivière qui traverse la ville, des reflets fantastiques sont apparus dans l’eau. Si je n’avais pas mis mon photophone en mode silencieux, il en aurait crépité de bonheur.
Miroir ô miroir, dis-moi qui est la plus belle ?
Vous pouvez voter en saisissant un commentaire ci-dessous. Si vous êtes nombreux à participer, je mettrai le résultat du vote dans le prochain article qui concernera la Hongrie. A très bientôt !
Notre grand tour de la Turquie touche à sa fin. Nous avons gardé la plus grande ville pour la fin essentiellement dans l’intention de partager la visite avec notre amie Françoise venue nous rejoindre depuis la métropole. Allons-nous retrouver dans la ville la plus occidentalisée du pays la Turquie que nous avons connue jusqu’ici ? Vous n’allez pas tarder à le savoir… La carte de ce parcours sera très simple puisque le dernier jour nous rejoindrons directement la frontière turco-bulgare.
Carte du dernier parcours en Turquie, en version zoomable ici
En route vers Roberto
Après avoir fait le plein d’amour et d’amitié lors de ce séjour hexagonal de 5 semaines, nous reprenons la direction de la Turquie à bord d’un avion de la Turkish Airlines, compagnie tout à fait recommandable. Ponctualité, bon service à bord, repas copieux pour un vol de 3h et 2244 km, couverts en métal et bouteille de vin en verre, vraiment rien à redire.
Un taxi nous fait traverser tout Istanbul dans une circulation très dense (la ville a été qualifiée comme la plus embouteillée du monde en 2021…) ce qui nous donne le temps d’apprécier le paysage, surtout à l’approche du quartier historique où les multiples mosquées se parent des belles couleurs de l’éclairage nocturne. Mieux vaut regarder à l’extérieur d’ailleurs plutôt que le chauffeur qui passe beaucoup de temps sur son téléphone portable tout en roulant. Malgré la précision de la géolocalisation, il n’arrive pas à trouver l’adresse de notre Airbnb et c’est notre hôte qui, prévenu de la situation, viendra à notre rescousse.
Oui, nous sommes en Airbnb pour une semaine, car notre amie Françoise vient nous rejoindre pour la visite d’Istanbul. C’est avec grand plaisir que nous partagerons avec elle nos découvertes.
La récupération de Roberto
Dès le lendemain de notre arrivée, nous partons récupérer Roberto à la douane. Nous pensions que l’affaire serait plus simple que pour la dépose (voir l’article précédent), mais ça a pris au contraire davantage de temps. Non seulement il a fallu reconstituer tout le dossier, avec les photocopies, les coups de tampons dans les différents bureaux des fonctionnaires qui sirotaient leur thé et grignotaient leur baklava. Et puis quelques compléments inédits où j’ai été mis à contribution : alors que j’étais au bureau 12, on m’a demandé d’aller dire au chef du bureau 1 un truc comme « Araaaatchiquitchi » en roulant bien le « r ». Étonnamment, ça a eu l’air de marcher puisque l’homme du bureau 1 a acquiescé, tout en esquissant un sourire. A se demander s’ils ne se sont pas fichus de moi, du genre demander à un Turc à l’ambassade de France d’aller dire au gardien « Pouet pouet camembert ». Un peu plus tard, on m’a demandé d’emmener la liasse de papiers à Monsieur (nom imprononçable) du bureau du fond. Je dois avoir un bon sens du mimétisme oral car ça a marché aussi. Quand enfin, après 75mn de formalités, on nous a remis les clefs de Roberto, j’ai cru que c’était fini. Mais non, impossible de sortir Roberto du parking, une grosse Mercedes garée devant lui bloque le passage. A ma grande stupéfaction, l’agent de sécurité du parking me demande de photographier le numéro de dossier figurant sur le pare-brise de la Mercedes, puis d’aller récupérer moi-même sa clef au « bureau du fond ». Opération faite en deux temps car la feuille portant le fameux numéro avait glissé à moitié sous le tableau de bord et le numéro ne correspondait pas initialement. A mon encore plus grande stupéfaction, on me demande de déplacer moi-même la Mercédès !!! Je n’aurais pas trop aimé que n’importe qui en fasse de même avec Roberto ! Finalement, c’est un employé qui s’y colle et je sors enfin du parking de la douane au volant de notre compagnon à 4 roues. Ouf !
La visite d’Istanbul
Pendant 4 jours, nous allons arpenter avec Françoise les rues de la ville, parcourant 10 à 15 km par jour tout en empruntant régulièrement les transports en commun, des minibus au métro en passant par les bus classiques et les ferries. Une carte rechargeable unique valable sur presque tous les transports urbains, bateaux compris, facilite bien la tâche. Car oui, la ville est très étendue. Même si les principales attractions sont dans le quartier historique où nous logeons, de nombreux points d’intérêts se trouvent dans d’autres quartiers, voire dans un autre continent… En effet, Istanbul s’est développée de part et d’autre du Bosphore, ce bras de mer qui sépare l’Europe de l’Asie. Prendre un ferry pour passer d’un continent à l’autre en une dizaine de minutes est une expérience intéressante, tout en permettant d’observer le ballet incessant des navires de toutes tailles qui se croisent sur la frontière.
La ville elle-même est assez différente de celles que nous avions pu visiter en Turquie jusqu’ici. Par son animation et sa circulation dense, par le nombre important de ses points d’intérêt, par la modernité de certains quartiers. Mais l’esprit de la Turquie est bien là, comme le remarque davantage que nous notre amie Françoise qui vient ici pour la première fois : l’islam est très présent avec les multiples mosquées, les appels à la prière qui se répondent en écho 5 fois par jour, une partie des femmes voilées, le croissant sur les drapeaux rouges qui flottent partout. Côté boutiques, difficile de ne pas passer à côté d’un kebab, d’un vendeur de simit (sortes de bretzels en forme de donut…), d’une pâtisserie orientale, d’un restaurant aux coussins colorés, d’une vitrine de bijoutier débordante de colliers ou bracelets en or très jaune, d’un presseur de jus d’orange ou de grenade, d’un marchand de tapis ou de souvenirs parmi lesquels le bon œil turc bleu et blanc, celui qui protège contre le mauvais, est rarement absent.
Istanbul étant la seule ville de l’Europe est-orientale à être « envahie » par les petits motifs céramiques de l’artiste Invader (dont j’ai déjà parlé dans le blog), et Françoise en étant une passionnée – c’est elle qui nous en a parlé la première fois – nous décidons de faire de cette recherche notre fil rouge pour visiter une partie de la ville. Munis de la carte qui localise avec une précision toute relative les œuvres, nous empruntons des rues moins connues des touristes et faisons des découvertes intéressantes. Onze petits « Invaders » correctement localisés déclencheront le jingle caractéristique et le bonus de points sur les téléphones de Claudie et Françoise.
Les quelques carrousels de photos glissés entre les paragraphes vous permettront d’avoir une petite idée de la variété de nos découvertes et peut-être de glaner quelques informations ça et là en vue d’un prochain séjour.
Clap de fin
Tandis que Françoise reprend son avion pour la France, nous rejoignons rapidement la frontière turco-bulgare. Nous avons en effet dépassé de 2 jours la période de 90 jours autorisée pour Roberto, ce qui entraîne généralement l’octroi d’une amende. Celle-ci devrait rester raisonnable pour ce modeste dépassement, mais à plus d’un mois, on peut vous réclamer 20 à 25% de la valeur de votre véhicule ! C’est aussi généralement à la douane de sortie du pays que l’on vous fait payer les éventuelles contraventions pour excès de vitesse ou stationnement irrégulier. C’est donc un rien inquiets que nous nous présentons à la douane, mais au final, bonne surprise, rien ne nous sera demandé. Peut-être que le séjour en « fourrière » aura été décompté de la période de validité ? Peut-être que les multiples caméras contrôlant la vitesse moyenne sur des dizaines de kilomètres sont plus tolérantes que je ne le pensais ?
Quoi qu’il en soit, nous quittons blancs comme neige la Turquie, ce beau pays qui nous aura conquis par bien des aspects, notamment par l’accueil chaleureux de ses habitants, la diversité et l’exotisme de ses paysages, la facilité de garer Roberto un peu partout.
Notre parcours turc se termine par le Nord-Ouest, où nous allons refranchir la frontière Asie-Europe en traversant le Bosphore. Nous avons gardé la visite d’Istanbul pour la fin, à la fois pour se synchroniser avec l’arrivée de notre amie Françoise qui partagera nos découvertes, mais aussi pour faire un sas de décompression, la ville étant réputée comme la plus européenne des villes de Turquie. Mais n’allons pas trop vite, il nous reste un peu de chemin à parcourir et aussi une petite escapade en France avant d’aller explorer la vie stambouliote.
Notre parcours d’Izmir à Istanbul, en version zoomable ici
Izmir ou le début de l’automne
Voilà plusieurs semaines voire plusieurs mois que nous bénéficiions d’un soleil continu, jugé parfois trop généreux même, et le temps grisâtre du jour nous rappelle que les meilleures choses ont une fin, que l’automne se rapproche. Ce qui va d’autant plus s’accélérer que nous avons repris une route globalement nord-ouest pour revenir vers la France en début d’année prochaine. Alors les photos s’en ressentent, le contraste chute, la Mer Méditerranée pourrait être rebaptisée la Mer Noire.
Izmir n’a rien d’exceptionnel, ou alors c’est nous qui commençons à saturer de la Turquie. Le bazar nous semble assez banal, l’architecture aussi. La ville aurait été reconstruite après un gros incendie sur les plans de 2 architectes français, les frères Danger (j’ai d’ailleurs failli intituler ce chapitre « La ville de tous les Danger ») mais la patte francophone n’est pas flagrante. Après une grosse demi-journée sur place, nous filons vers la cité phocéenne turque, Foça.
Foça
Les phoques qui ont donné leur nom à la ville (autrefois Phocée) sont en voie d’extinction, seule l’histoire de cette ville fondée par des Grecs entre le Xe et le VIIIe siècle av. J.-C. persiste. Ce peuple possesseur d’un tout petit territoire a fondé des colonies dans toute la Méditerranée orientale, cherchant à exploiter des richesses naturelles ou stratégiques. C’est ainsi qu’ils ont fondé Marseille en 600 av. J.-C. Le vieux port de Foça a moins de charme que son homologue marseillais, mais la jolie baie et le retour du soleil nous en ont donné une impression agréable.
La presqu’île d’Erdek
Totalement oubliée de notre guide et presque autant des touristes, la presqu’île d’Erdek située au sud de la Mer de Marmara est pourtant un petit joyau. Couverte d’une forêt manifestement recomposée après un incendie (espèces variées alternées régulièrement), elle se parcourt en empruntant une route côtière qui en épouse tous ses contours, découvrant au détour d’un virage de larges baies habitées comme d’intimes petites plages sauvages. C’est sur l’une d’elle que nous passerons la nuit. Et c’est purement par faute de temps que nous n’avons pas pu prolonger l’expérience. En effet, nous avons un avion à prendre à Istanbul dans quelques jours.
Question de culture
Première autoroute
La circulation dans la banlieue d’Istanbul est réputée difficile et c’est peut-être le seul endroit de Turquie où les autoroutes – qui ne sont pas dans nos habitudes, notre GPS étant même réglé pour les éviter – sont particulièrement conseillée. Seulement voilà, on lit partout qu’à de rares exceptions près, aucun poste de péage n’accepte autre chose que le télépéage, et qu’il faut donc se munir d’une carte magnétique rechargeable qui sera débitée à chaque passage. La carte s’achète, ne riez pas, dans les bureaux de poste. Nous tentons notre chance à Bandirma, juste après notre presqu’île de rêve. Nous avons beaucoup de mal à nous faire comprendre de l’employé qui ne parle pas plus Anglais que nous Turc. Heureusement, un jeune guinéen a reconnu notre accent et s’est proposé de nous aider. Nous obtiendrons finalement la précieuse carte, chargée d’environ 20€ (on nous a dit que c’était suffisant pour les 250 km qui nous séparent d’Istanbul) et partons de suite la tester.
Au premier poste de péage, le feu passe au vert : parfait. Au suivant, même succès, l’écran affiche en outre le montant débité (environ 5 €). Nous imaginons que le poste précédent n’était que l’enregistrement du point d’entrée. Nous continuons. Mais au péage suivant, juste avant un grand pont, le feu reste au rouge et la barrière baissée. Nous sommes sur l’une des files les plus à gauche de ce péage qui comporte une dizaine de postes. Ça klaxonne derrière nous. Un employé nous fait comprendre que nous n’avons pas assez sur notre carte, et qu’il nous faut reculer et passer par le poste 1, le plus à droite. Vous imaginez la manœuvre, reculant puis traversant la quasi-totalité des files de voitures se précipitant sur nous, peu fair-play comme la majorité des Turcs d’ailleurs. Nous apprenons que le prix de passage du pont, environ 34 €, est effectivement bien supérieur au solde de notre carte, mais que nous pouvons payer cette somme en espèces comme en carte. Ce qui va nous donner l’occasion de découvrir que dans tous les péages suivants, la file de droite donne cette possibilité. « On » nous a raconté n’importe quoi, comme d’habitude.
À l’approche d’Istanbul
Nous trouvons un bivouac pour la nuit dans un endroit tranquille et nature, à quelques dizaines de kilomètres de l’aéroport Havalimani, l’un des trois d’Istanbul, situé au nord de la ville. Un peu de repos nous fera du bien, car demain, c’est journée administrative : il va nous falloir trouver un parking pour laisser Roberto pendant nos 5 semaines françaises et faire ce qu’il faut pour être en règle avec l’administration douanière. Et ça ne va pas se passer du tout comme prévu !
Interdiction d’abandonner son véhicule de compagnie
(ou le dernier roman de l’été)
Ce n’est pas la première fois que nous nous interrompons temporairement notre voyage pour faire un petit saut familial en France. A chaque fois nous avons pu trouver sans difficulté un lieu sécurisé pour laisser Roberto pendant ce laps de temps. Mais pour Istanbul, ça s’avère un peu plus compliqué. Les quelques parkings que nous avons trouvés ne répondent pas à nos mails. Claudie lance alors un appel sur un groupe Facebook de francophones en Turquie et recueille des avis très contradictoires. Mais parmi ceux-ci, plusieurs nous mettent en garde sur le risque d’amende importante (25% de la valeur vénale !) si l’on quitte le pays sans son véhicule en négligeant la déclaration aux douanes. On nous parle même de devoir laisser Roberto directement à la douane, dans une sorte de fourrière. Mais qui croire ?
De passage à Antalya, nous nous arrêtons à la douane de l’aéroport pour leur poser la question. Pas de problème, nous disent-ils, faites la déclaration aux douaniers le jour de votre départ. Même à 6h du matin ?, nous inquiétons-nous. Oui, pas de problème, le service fonctionne jour et nuit, assurent-t-ils.
Sur la route de l’aéroport nord d’Istanbul, celui prévu pour notre départ dans un peu plus de 48 heures, nous nous arrêtons à l’un des parkings longue durée que nous avions repérés. Aucun problème, ils peuvent nous prendre pour environ 2 € par jour. C’est déjà ça. Reste à confirmer que les douanes acceptent.
Nous poursuivons jusqu’à la douane de l’aéroport. Nous expliquons notre situation à grands renforts de Google Traduction (l’Anglais des douaniers est très limité, mais c’est tout sauf un reproche), et ils nous renvoient à la douane de l’aéroport Atatürk, tout au sud d’Istanbul, à 56 km de là… Ok…
Une heure et un déjeuner plus tard, nous entrons dans notre 3ème douane depuis Antalya. Après que nous ayons de nouveau expliqué notre situation, on nous confirme qu’il faut bien laisser notre véhicule chez eux et qu’il faut remplir une attestation sur l’honneur certifiant, entre autres, que personne ne conduira Roberto en notre absence. Nous demandons un modèle, on nous envoie vers le service de photocopies …qui nous photocopie effectivement l’imprimé à remplir. Évidemment, tout est en Turc, mais avec l’application de Google nous nous en sortons à peu près. Nous revoyons l’employé des photocopies car il faut joindre des copies du passeport, de la carte grise et de l’assurance de Roberto. Nous lui demandons au passage de vérifier notre attestation. Il nous corrige une date et nous indique dans un anglais approximatif que nous devons faire tamponner tout ça au bureau 15, puis au bureau 12, puis au bureau 14 avant de revenir lui faire photocopier les documents une fois tamponnés.
Un peu plus d’une heure plus tard, nos documents sont validés, on nous envoie vers un dernier bureau, sans numéro celui-là. L’ambiance est joyeuse. Les employés se taquinent pour savoir à qui incomberait de traiter notre dossier. L’un d’eux nous prend finalement en charge, tape deux ou trois trucs sur son ordi. Et nous demande les clefs de Roberto. Claudie et moi nous regardons interloqués. Nous sortons vite le traducteur pour expliquer que nous voulions juste faire les papiers, mais que nous ne déposerons notre véhicule que le surlendemain, juste avant de prendre notre avion. L’employé nous ramène alors au premier bureau qui nous avait renseigné. L’homme prend la liasse avec tous les tampons dûment récoltés, écrit une petite phrase en bas et me demande de signer… Le traducteur confirme hélas nos craintes : il nous faut annuler la procédure, elle ne peut se faire que le jour du dépôt effectif du véhicule. Je n’ai pas d’autre choix que de signer, faute d’être à la rue pendant 2 jours, la précieuse liasse qui disparaît à tout jamais de notre vue.
Et donc deux jours après, nous revoilà dans cette fameuse douane. Cette fois nous filons directement au service de photocopie, enchaînant les bureaux 15 et 12, puis directement à celui sans numéro, sans passer par le 14, ça s’améliore on dirait. En 15 mn, nous avons fait le même parcours que l’avant-veille en une heure. Nous sommes presque heureux de donner la clef de Roberto quand on nous la demande, pensant être tout près de la fin. Mais non, l’employé nous rend la clef après y avoir collé une petite étiquette avec un numéro et nous tend une feuille de papier. Il nous mime qu’il nous faut apposer la feuille derrière le pare-brise et conduire notre véhicule à l’intérieur de l’enceinte de la douane. Nous nous exécutons, j’abandonne Claudie près du portail avec les bagages et je poursuis seul les démarches. Je conduis Roberto dans une zone clôturée où il est le dernier à entrer. Chaque véhicule qui voudra sortir nécessitera que le nôtre soit déplacé. Un état des lieux est rempli, comme pour une location et puis j’abandonne avec sa clef notre compagnon à 4 roues, batterie cellule débranchée, frigo vidé et tous bien précieux soit pris avec nous soit laissés au coffre.
Mais ça n’est pas encore fini. La liasse s’est enrichie de l’état des lieux, et il faut donc tout refaire tamponner aux bureaux 14 et 8, tout faire rephotocopier, tout faire valider au bureau sans numéro qui nous renvoie vers le bureau 12. Là, on me tend comme seule preuve de mon dépôt la 3ème copie toute pâle et toute mince de l’état des lieux, me disant que c’est ça qu’il faudra que je présente lors de la récupération de mon véhicule. Pris dans le vertige des numéros, je demande à quel bureau il faudra que je m’adresse. Et là, je n’oublierai pas le sourire ironique et la réponse qui tue de l’employé, balayant d’un bras tout le couloir : « A n’importe quel numéro ! »
Mariage à la turque
Nous avons passé notre dernière nuit avant de déposer Roberto sur le parking d’une salle de mariage. Ces établissements sont en grand nombre dans les périphéries des villes, laissant augurer soit une fréquence particulièrement élevée du mariage en Turquie, soit des cérémonies d’envergure systématiques à cette occasion. Renseignement pris, les deux hypothèses sont valables et se rejoignent. 2/3 des Turcs de plus de 15 ans sont mariés – c’est le chiffre le plus élevé de l’OCDE – contre 47,5% des Français par exemple. Ce qui correspond à environ 9 mariages par an pour 1000 habitants.
La première étape d’un mariage turc est la demande en mariage, faite au père de la jeune fille soit par le prétendant, soit par la personne la plus âgée de sa famille. En cas d’acceptation, la future épouse va servir un bon café à ses invités, mais une version surprise, plus ou moins salée ou poivrée à son futur conjoint. S’il le boit sans sourciller, témoignant ainsi de son total dévouement, s’en suivront des fiançailles avec échanges d’anneaux, signature d’un accord financier et bien sûr festivités.
Le mariage lui-même, financé par les 2 familles, va durer 3 jours (contre 40 jours autrefois, la crise économique est passée par là…), précédés par la cérémonie du henné déposé avec une pièce de monnaie porte-bonheur au creux des mains de la future mariée vêtue d’une robe rouge. Malgré l’importance des traditions en Turquie, le mariage religieux reste facultatif.
La révolution de l’écriture
Lors de notre parcours grec, nous avons eu beaucoup de mal à déchiffrer les menus ou les panneaux routiers en raison des caractères non latins. Nous nous attendions à pire en arrivant en Turquie, mais ça a été exactement l’inverse. En 1928, sous l’impulsion réformatrice d’Atatürk, le pays a troqué en quelques mois seulement ses caractères arabes pour des caractères latins. Imaginez un instant la situation inverse, voir disparaître du jour au lendemain tous les caractères latins de notre langue française transcrits phonétiquement en caractères arabes, devoir les lire de droite à gauche, et vous comprendrez la difficulté engendrée pour les Turcs. Le caractère autoritaire de la réforme n’a pas permis beaucoup de protestations, mais beaucoup considèrent aujourd’hui que cela a permis une véritable ouverture à l’extérieur pour le pays et Atatürk est encore très vénéré aujourd’hui, bien davantage que le président actuel.
Cuisine turque pour affamés
Blagounette à deu Troie balles
Réparons ici un petit oubli lors du récit de notre visite de la cité antique de Troie, qui est bien en Turquie alors que son histoire a été écrite par le Grec Homère dans l’Iliade. On y trouve notamment le héros Achille, tué d’une flèche dans le talon par Pâris et Apollon, tout cela décrit par la plume d’Homère. 2 ou 3 photos prises dans la boutique ou le musée m’ont inspiré cette petite blagounette à deu euh Troie balles.
Le père des Turcs
Mustafa Kemal est entré de bonne heure dans l’armée Ottomane après ses études en école militaire. Il s’est illustré dans plusieurs conflits au cours de la première guerre mondiale. Après l’armistice et la dislocation de l’empire ottoman, il a senti que son pays ne tenait plus à grand-chose et a tout fait pour le rendre indépendant et moderne. Il en a été le premier président et a œuvré pendant ses 15 ans de règne pour que le pays s’occidentalise socialement, culturellement, économiquement et politiquement. Considérant les religions comme un frein, et notamment l’islam largement majoritaire, il a laïcisé la Turquie, interdisant toute pratique religieuse, fermant les lieux de culte et permettant aux femmes de ne plus se voiler et de porter des vêtements occidentaux. Il a même donné le droit de vote à celles-ci 14 ans avant la France. Sa réforme la plus significative a été le remplacement de l’écriture arabe par des caractères latins. Dans le même esprit, Mustafa Kemal a imposé les patronymes, qui avaient disparu au temps de la période ottomane, montrant l’exemple en se faisant appeler Atatürk, ce qui signifie père de la nation. On n’est jamais si bien servi que par soi-même. Si toutes ces réformes ont transformé positivement la Turquie, en faisant un état à part parmi ses voisins, et en lui donnant une possible porte d’entrée dans l’Union Européenne, l’aspect dictatorial du gouvernement est moins reluisant, et la chasse des populations de religion différente l’est encore moins. Mais à voir les portraits de l’ancien président partout dans les rues, la reconnaissance des Turcs parait définitivement acquise.
Quelque part en Turquie
Sont regroupées ici toutes ces petites choses photographiées ça et là, ne méritant pas un paragraphe à elles-seules mais néanmoins représentatives de la vie locale. Une occasion aussi d’occuper le terrain pendant notre parenthèse française.
En route vers Roberto
Voilà, le temps de ces petits sujets, nous avons passé quelques semaines en France et fait le plein d’amour et d’amitié. Nous retrouvons le chemin de l’aéroport et bientôt celui de la Turquie. Avec bien sûr les retrouvailles avec Roberto.
Après l’Est peu fréquenté et donc authentique, nous nous rapprochons des grands sites touristiques du centre et du Sud-Ouest, comme la Cappadoce, la Riviera turque et Pamukkale. Ces endroits plus visités seront-ils à la hauteur de nos attentes ?
Et pourquoi pas la carte du parcours en début d’article ? Toujours en version zoomable ici
Traversée vers la Cappadoce
Il nous faudra deux bonnes journées pour rejoindre la région de la Cappadoce, avec de beaux paysages et de tranquilles spots nature pour seules attractions touristiques. Il est toujours assez difficile de photographier des paysages en roulant, alors que cela représente somme toute une partie importante de notre voyage. A part quelques clichés glanés aux arrêts, le reste restera fixé uniquement dans nos yeux. Il faut bien garder un peu d’intimité ! Nous ferons une halte nocturne intéressante pour la suite devant le Mont Erciyes. C’est l’éruption de ce volcan aujourd’hui endormi qui a permis de former les paysages de la Cappadoce, recouvrant toute la région de diverses couches dont certaines vont donner de la couleur, et d’autres comme le tuf du relief. Cet agglomérat volcanique tendre va permettre à la nature de créer de jolis paysages (canyons, falaises, cheminées de fées, etc.) et aux humains de creuser à peu près n’importe où des abris, des églises voire des villes souterraines complètes pour se protéger des assaillants.
Kayseri
Kayseri est la grande ville la plus proche de la Cappadoce. Nous trouvons la ville plutôt agréable et étonnamment propre comparé au reste du pays. C’est un sujet dont j’ai peu parlé, mais, alors que nous trouvons en Turquie le plus grand nombre de poubelles à disposition de tout notre voyage (en ville c’est quelquefois une tous les cinquante mètres), le pays est jonché de détritus, lingettes canettes et bouteilles de verre loin devant le reste. On ne sait pas si le secret des espaces publics assez nets tient à une politique municipale ou bien à une éducation particulière dans les écoles, mais la preuve est là : quand on veut on peut ! Cette parenthèse mise à part, nous dénichons quelques curiosités dans la ville, comme un mausolée tournant (c’est sa construction en spirale qui donne cet effet mais rien à voir avec le restaurant panoramique de la Tour Montparnasse) dédié à une princesse, la reproduction au milieu d’un rond-point d’une tablette en argile écrite en cunéiforme reprenant le texte d’une lettre de commerce Assyrienne, un bazar animé sans le moindre touriste occidental, pas mal de magasins de tapis (la ville est la capitale turque du tapis) et quelques magasins intéressants de par leur contenu. Nous avons fait aussi un petit stop dans une concession Fiat (présent partout en Turquie) pour faire changer des balais d’essuie-glaces et compléter le niveau du liquide de refroidissement qui baissait, tout ça en quelques minutes sans rendez-vous, à peine le temps de boire le thé offert.
Ozkonak
Le sous-sol de la Cappadoce est un vrai gruyère. La nature y est pour une part, mais l’homme a largement profité de la tendreté du tuff volcanique pour creuser des villes souterraines afin de se protéger de ses agresseurs, et cela a commencé plusieurs siècles avant notre ère. Environ 200 villes sont présentes dans la région, nous avons choisi celle-ci, la première sur notre route. On y trouve diverses cavités correspondant à des habitations, mais aussi des écoles, des églises, des cuisines communes, reliées entre elles par de tout petits couloirs où il faut marcher courbé. Des portes à roue isolent les passages stratégiques. 4 niveaux sont visitables sur les 10 que comporte la ville, et c’est déjà pas mal. Difficile tout de même d’imaginer vivre longtemps là-dedans. A quelques kilomètres de là, le Monastère de Belha (Ve siècle) est totalement creusé dans la roche, sur le même principe. Il comporte même une chambre secrète source d’énergie positive (ce serait la raison de l’installation de moines ici) que nous avons rejointe en nous faufilant dans un couloir à l’obscurité totale. A la lueur près de nos smartphones. Un petit air d’Indiana Jones…
Avanos
A l’entrée nord de la Cappadoce, cette petite ville est renommée pour ses potiers (le fleuve qui la traverse serait riche en argile à certaines saisons) dont la production est affichée à tous les coins de rues et même aux intersections, ainsi que pour son vin (elle est jumelée avec Nuits-Saint-Georges). Nous n’avons acheté ni grande jarre émaillée ni caisse de rouge pour raison de place dans Roberto, nous contentant de flâner dans la ville.
La Vallée de l’Amour
Les cheminées des fées sont légion en Cappadoce. Parmi les plus visitées on trouve celles de la Vallée de l’Amour, dont vous trouverez aisément la signification en regardant les photos. Les fées étaient bien gâtées… En arrière-plan de cette belle randonnée, on aperçoit de grandes falaises aux couleurs roses, blanches ou rouges, qui donnent leur nom à autant de belles balades, nécessitant parfois la journée.
Göreme
C’est le cœur de la zone touristique. Tout ce dont ont besoin (ou pas) les visiteurs y est concentré : distributeurs de billets, marchands de glaces, cireurs de chaussures, pour commencer par les plus indispensables, et bien sûr bars, restaurants et magasins de souvenirs. La particularité, c’est que tout a été intégré dans une zone hérissée de formations plus ou moins coniques. Il a suffi d’y creuser directement les hôtels et les boutiques. Les touristes en redemandent, mais nous avons préféré la nature autour. Il est vrai que nous avons notre maison avec nous et que nous pouvons la déplacer presque partout.
Boycott raté
Difficile d’imaginer la Cappadoce sans montgolfières. L’aspect trop prégnant de l’invasion humaine de ce décor naturel et le paradoxe de photographier d’autres personnes qui photographient ce que vous êtes venus voir me gênait suffisamment pour que je décide a priori de ne pendre aucun cliché de montgolfière. Et puis le matin quand nous nous sommes réveillés avec une multitude de ces engins volant juste au-dessus de Roberto, j’ai craqué. J’ai tout de même réussi au cours de ce bref séjour à éviter toute intrusion de quad dans le champ de mon objectif. Ce qui est un exploit, car à l’approche de l’aube et du crépuscule, de longues files de ces engins bruyants et générateurs de poussière se forment partout. On n’ose à peine imaginer l’ambiance sur les lieux où ils se rejoignent tous. Et encore moins le nombre incalculable de selfies publiés au même moment sur les réseaux sociaux. Oui je sais, moi aussi je publie. Mais pas trop de selfies, hein ?
Concentré de troglodytisme
Dès les 1ers siècles de notre ère, les chrétiens arrivent nombreux dans la région et fondent monastères et églises. Pour le bâti c’est facile, il suffit de creuser dans le tuf qui est en surabondance ici. C’est ainsi que sont concentrées près de Göreme une dizaine de ces lieux de culte, protégés dans ce qui est appelé un « musée à ciel ouvert ». Les portes souvent étroites et parfois au sommet d’escaliers raides et sans rambarde ouvrent sur des salles parfois étonnamment grandes et structurées comme chez nous (nef, autel, chapelles, etc.). Les murs sont volontiers couverts de fresques dont l’état de conservation est variable mais parfois excellent. Dans plusieurs cas, les yeux de tous les personnages ont disparu. On pourrait croire à un vandalisme de la part des Ottomans qui sont arrivés plus tard, mais ce sont en fait les Grecs qui sont responsables de ces énucléations, croyant à un pouvoir miraculeux de la peinture des yeux diluée dans une boisson. Les photos étant interdites à l’intérieur des bâtiments, toutes les fresques que vous verrez ont été « empruntées » sur le net.
Dans la même journée, nous avons gravi le rocher central de la ville d’Uçhisar, tout autant gruyèrisé que les églises précédentes. La différence est dans la laïcité, ce piton ayant abrité une grande partie de la population jusqu’à il y a peu, avant d’être livré à la foule et et à la manne touristique.
Et pour terminer en beauté, nous sommes allés visiter 40 km plus loin la vallée de Soganli, un melting pot d’habitations et d’édifices religieux creusés dans des falaises et des reliefs rocheux. Là encore, nous jouons aux explorateurs dans des lieux abandonnés, aussi bien les habitations initiales évacuées suite au tremblement de terre de 1998 que les maisons construites par le gouvernement pour reloger les habitants qui n’en ont pas voulu. Les lieux sont aussi beaux que peu visités, l’équation étant plutôt rare.
Le caravansérail du sultan
C’est exactement comme cela que se traduit le nom de la ville de Sultanhani, qui comporte pourtant bien d’autres bâtiments. Mais celui-là est d’exception. D’abord parce qu’il est le plus grand caravansérail de Turquie. Dans ce pays, tout au long de la route de la soie, on en trouve un tous les 30 à 40 km, ce qui correspond à une journée de marche. Après quoi, il fallait bien que les caravaniers se reposent et pratiquent leur commerce. Ils étaient, comme leurs animaux de transport, reçus ici gratuitement, nourris et logés, et disposaient même de la mosquée au centre. Du all inclusive en quelque sorte. Aujourd’hui, les touristes sont moins bien traités, puisqu’il leur faut s’acquitter d’un droit d’entrée et payer leurs consommations au bar. Néanmoins, l’architecture vaut le coup d’œil, tout comme les femmes qui se relaient pour tisser un immense tapis, et l’exposition de tapis anciens très bien mise en scène.
Konya, la ville sainte
Cette grande ville de 2 millions d’habitants est à la fois l’un des plus grands centres religieux du pays, respectant les valeurs traditionnelles de l’islam via ses 3000 mosquées, et le lieu de naissance du fondateur d’un ordre dérivé de l’islam, les derviches tourneurs. Nous visiterons en premier le mausolée qui leur est dédié, mais raterons de peu la démonstration hebdomadaire de la fameuse danse au centre culturel. Mais vous n’aurez aucun mal à trouver une vidéo sur le net. Naturellement, nous visiterons quelques mosquées, découvrant au passage les magnifiques céramiques bleu turquoise* seldjoukides (une dynastie turco-persane qui domina l’empire musulman d’Orient du Xie au XIIIe siècle) et finirons par le musée ethnographique, centré sur l’artisanat ottoman. La pause restaurant n’aura pas été exceptionnelle quant aux entrées et plats de résistance dont nous commençons à nous lasser, mais nous aura encore appris 2 ou 3 choses sur les desserts.
* Turquoise signifie « pierre de Turquie ». J’avoue que je n’avais pas fait le rapprochement jusqu’ici !
Au musée ethnographique, en autres, cette arme hydride associant pistolet et hache (deux précautions valent mieux qu’une !) et ce joli set en bois pour la préparation du café turc.
Alanya : les affres du tourisme de masse
Nous rejoignons la Méditerranée à Alanya, en pleine « Riviera turque ». Nous n’avions pas vu la mer depuis que nous avons quitté les rivages de la Mer Noire. Eh bien ça n’est pas folichon. D’Antalya à Antioche, ce sont près de 800 km de littoral qui ont été bétonisés et livrés au tourisme de masse, principalement des Russes et des Allemands en plus des nationaux. Hotels, piscines, plages couvertes de parasols et clubs de loisirs se succèdent sans fin autour d’une 2 fois 2 voies où l’on roule à 110 km/h en pilant tous les 500m à cause des feux rouges. Nous grimpons au sommet d’une péninsule qui domine la ville et gaspillons 12 euros chacun à visiter une citadelle qui ne comporte que des murs. Nous étions sans étonnement les seuls, même les Turcs qui ne paient pourtant que dix fois moins semblaient avoir eu vent de l’arnaque. S’il fallait trouver un point positif, gardons le panorama. Revenus sur les quais en bas, nous longeons une armada de bateaux de pirates amarrés côte à côte, que tentent de remplir les vendeurs en hélant le chaland. Pourquoi des pirates ? Peut-être parce que les sirènes et leurs seins nus sont plutôt mal vues ici ?
Aspendos : un bel amphithéâtre mais pas que
Nous nous éloignons de la côte de quelques kilomètres, c’est fou comme on retrouve du beau rapidement : nous sommes sur le site archéologique d’Aspendos. La majorité des visiteurs se limitent au théâtre, l’un des mieux conservés d’Asie mineure, au point d’être couramment utilisé aujourd’hui pour des représentations, dont un festival d’opéra et de ballet. 20 000 places seraient disponibles. Nous étions très peu le jour de notre passage à grimper le petit chemin qui mène à la ville haute, avec de beaux vestiges d’une agora, d’un marché couvert, d’une basilique, d’une fontaine monumentale, d’un aqueduc. Dommage.
Antalya : les affres bis
On se demande ce que trouvent à cette ville les 10 millions de visiteurs annuels. Certes le petit port est mignon, la vieille ville pourrait être charmante si toutes ses maisons anciennes n’étaient pas reconverties en boutiques qui vendent toutes les mêmes souvenirs. Mais le reste n’est qu’un alignement de voitures devant un alignement d’hôtels all-inclusive devant un alignement de parasols sur une longue plage de 18 km au sable douteux. Le pire c’est que beaucoup de ces touristes n’iront pas plus loin que ce séjour balnéaire artificiel et n’auront que cette image de la Turquie.
Nous quittons rapidement cette ville étouffante à bien des égards pour gravir de jolies montagnes, traverser des prairies aux belles couleurs, laisser passer des troupeaux de chèvres. Ça change des moutons de la ville !
Pamukkale : une merveille de la nature
On pourrait se croire en haute montagne, proche d’un domaine skiable, en voyant surgir devant notre pare-brise ces collines d’un blanc éclatant qui tranchent sur celles plus vertes alentour. Mais la vallée dans laquelle nous roulons n’est qu’à 250 m d’altitude et les fameuses collines ne dépassent pas 600, il ne peut donc s’agir de neige à cette saison, d’autant plus qu’en ce milieu d’après-midi, la température ambiante avoisine les 32°C. Nous sommes en fait face à un extraordinaire phénomène naturel : des sources saturées en bicarbonate de calcium déposent depuis plusieurs milliers d’année du calcaire sur le sol. Petit à petit se forment de petits barrages, les travertins, qui retiennent l’eau dans de jolies piscines aux teintes bleu vert. L’afflux non contrôlé des touristes a failli dégrader totalement le site, mais les autorités ont mis un peu d’ordre dans tout ça : interdiction de se baigner (des bassins artificiels ont été créés pour les irréductibles et les selfimaniaques), interdiction de marcher en chaussures, interdiction de gravir les travertins. Une gestion complexe de l’eau est aussi nécessaire pour entretenir la belle couleur blanche et éviter les algues à certaines saisons.
Comme pour la Cappadoce, des montgolfières survolent le site (et Roberto) le matin de bonne heure. Ce n’était pas spécialement anticipé, et cette fois nous étions les seuls à cet endroit.
La visite est couplée avec celle de la station thermale antique de Hiérapolis, perchée juste au-dessus, qui exploitait les fameuses sources entre le IIe siècle av. J-C. et le IVe siècle ap. J.-C., pendant la période gréco-romaine. Encore un joli théâtre, un musée archéologique dans les anciens thermes, la mystérieuse porte de Pluton d’où sort un gaz mortel qui tue les oiseaux et les taureaux mais curieusement pas les prêtres eunuques, et une nécropole qui rassemble les tombes de tous ceux qui espéraient repartir guéris après avoir « pris les eaux ». Au final c’est plutôt la station qui leur a pris les os.
La visite s’est terminée par les Bains de Cléopâtre, une piscine thermale à 36°C d’où s’échappent quelques bulles. La photo aux jolis reflets verts masque une réalité moins reluisante. D’abord rien ne prouve que Cléopâtre soit venue se baigner là. Ensuite une horrible zone commerciale a été construite autour de la piscine, où déambule une foule de touristes occidentaux dont certains en maillots de bain échancrés ou strings assez mal venus dans un pays musulman même tolérant. Les prix y sont exorbitants, le simple thé turc y coûte par exemple 6 fois plus cher que dans la ville à côté, tout en étant servi dans un gobelet en carton au lieu du joli verre tulipe habituel. Bien que plutôt fans des piscines d’eau thermale, nous avons rapidement fui cet endroit pour nous dérangeant.
Boycott réussi !
Le site d’Éphèse avait l’apparence d’un énième site archéologique sur notre route. Les commentaires du guide et les photos ne nous ont pas convaincus, notamment la foule qui traîne dans l’allée principale. Et puis s’est rajouté le ras-le-bol de la taxation des touristes-étrangers-vaches-à-lait. Certes l’inflation galopante que connaît le pays depuis 2022 (ça tourne à environ 50% par an avec des pics dépassant les 80% !) justifiait l’instauration d’un prix en euros qui assurerait la stabilité, mais on observe au contraire une encore plus forte inflation sur les prix en euros : de 11 € en 2022, le prix d’entrée est passé à 23 € en 2023 et 40 € en 2024, hors suppléments ! Alors que les Turcs paieront moins de 2 €. Alors que le gouvernement turc refuse l’inscription d’élèves turcs aux lycées français du pays, prétextant la non réciprocité (refus de la France d’ouvrir des écoles turques pour élèves français) j’aimerais bien voir cette réciprocité appliquée aux musées français exigeant des touristes turcs un droit d’entrée 20 fois supérieur. Agacés par tout ça, nous avons boycotté et pris le chemin de la plage…
La plage
Les plages ne sont pas si attirantes que ne le laissent supposer les guides, principalement en raison de la présence d’innombrables déchets, du moins pour les plages publiques ou sauvages. Il est à espérer que celles quadrillées de parasols à n’en plus finir sont un minimum entretenues, mais ce n’est pas le genre d’endroit que nous avons envie de fréquenter. Nous nous trouvons tout de même une grande plage pas trop abimée, dont le sable à l’arrière est suffisamment tassé pour que Roberto puisse rouler dessus. Une bonne brise compense l’absence d’ombre, et l’eau à peu près claire encourage à la baignade. Nous allons finalement rester deux jours ici, une sorte de week-end de vacances dans notre voyage. Nous en avons besoin régulièrement. Nous observons au passage un joyeux pêle-mêle d’occupants, des pêcheurs assis toute la journée devant leur ligne aux familles entières se baignant en burqa en passant par les couples venant faire faire leurs photos de mariage devant le coucher du soleil. Les chiens sont nombreux sur les plages, comme dans tout le pays d’ailleurs, mais absolument pas agressifs.
Après une nouvelle pause baignade dans un autre port, nous arrivons à Izmir, la ville de tous les Danger. Le plus difficile, c’est qu’il va vous falloir attendre le prochain article pour savoir pourquoi je l’ai appelée comme ça. À bientôt !