132. Noisette – Pistache

Ce titre ambigu évoquant les saveurs combinées d’une crème glacée n’est en fait que le résumé en deux mots de notre second parcours en Turquie. Des plantations de noisetiers des rives sud-est de la Mer Noire à la ville emblème de la pistache, nous aurons encore parcouru plusieurs milliers de kilomètres dans l’Est de la Turquie, frôlant tour à tour les frontières géorgienne, arménienne, azerbaïdjanaise, syrienne, irakienne puis iranienne. Des pays dans lesquels nous aurions bien fait quelques incursions s’ils n’étaient pas déconseillés pour la plupart par les autorités françaises. Mais nous avons eu largement de quoi nous occuper à l’intérieur de la frontière turque.

La saison de la noisette

Lorsque nous arrivons dans la région d’Ordu, toujours sur les rives de la Mer Noire, nous constatons un changement dans le paysage : tous les versants des montagnes sont occupés par une seule espèce d’arbre dont il n’est pas trop difficile de connaître l’origine. Car nos sommes en plein dans la période de récolte, et le moindre espace plat devant les maisons, au bord des routes ou même sur les ronds-points est occupé par les noisettes fraîchement récoltées et mises là à sécher. La plupart du temps gardées par une personne âgée ou au contraire un enfant. Le long des routes, de petits tracteurs sont disposés ça et là. Dans les fossés, des sacs probablement pleins de noisettes attendent le ramassage. En levant les yeux, on voit les arbres bouger et parfois de petites taches colorées mobiles que l’on entend par ailleurs discuter. Manifestement, la cueillette ici est une affaire familiale.

Nous apprenons que la Turquie est le premier producteur mondial de noisettes décortiquées, et loin devant les autres avec une part de marché de 80%. Encore plus surprenant, en fait pas tant que ça finalement, c’est un groupe industriel italien qui achète 80% de leur récolte : l’entreprise Ferrero. Pas besoin de vous donner le nom de leur pâte à tartiner, constituée, il faut le savoir, de plus de 70% de sucre et d’huile de palme.


Il y avait longtemps

Il n’est pas dans l’habitude des musulmans d’aller construire des mosquées au beau milieu de falaises inaccessibles. Aménager ainsi un lieu de culte, c’est plutôt le truc des moines orthodoxes, qui cherchent ainsi à s’isoler pour mieux méditer. Nous voilà donc à explorer au beau milieu de la Turquie, un monastère orthodoxe partiellement troglodyte datant du IVe siècle. Des moines grecs auraient reçu dans leur sommeil un message de la Vierge Marie leur demandant d’aller chercher dans une grotte une icône la représentant. 17 siècles plus tard, c’est dans un photomaton qu’on leur aurait demandé de récupérer la photo perdue, mais la grotte offre davantage de mystère. Toujours est-il qu’ils l’ont trouvée et ont bâti l’édifice que l’on voit aujourd’hui. Fortement remanié par des outrages de la nature et surtout des occupants successifs. Si les constructions paraissent nettement retapées, il reste néanmoins de belles fresques sur les murs extérieurs et intérieurs de l’église initiale. Une foule très majoritairement locale se presse pour admirer tout ça. Après tout ce Monastère de Sumela est une partie l’histoire de la Turquie.


Thé où ?

Certes cela dépend des sources, mais les Turcs seraient les plus gros consommateurs de thé au monde, avec une moyenne annuelle de 3,16 kg par habitant, qui peut passer à 4 kg dans la grosse région productrice que sont les rives sud-est de la Mer Noire. Le climat plus humide est bien adapté à la croissance des arbustes à thé. Nous avons d’ailleurs constaté par nous-mêmes que depuis que nous sommes dans ce secteur, le ciel se couvre constamment les après-midis, ce qui n’était pas le cas précédemment. Dans les montagnes autour de Rize, les plantations de thé sont partout, formant une sorte de tapis ondulé verdoyant quand il ne s’agit pas de reproduire les courbes de niveau de notre carte topographique. Les autres pays gros consommateurs sont l’Irlande, le Royaume-Uni, le Pakistan et l’Iran (respectivement 2,19 ; 1,94 ; 1,50 et 1,50 kg/an/hab. en 2020). Concernant la production, la Chine occupe 40% du marché mondial, suivie par l’Inde (25%), le Kenya (10%), le Sri Lanka (8%) et la Turquie (6%). Mais les Turcs sont les seuls à consommer plus de la moitié du thé qu’ils produisent.


Le rite du thé

Si le thé est connu en Turquie depuis le XIXe siècle, grâce à la position du pays sur la route de la soie, il n’y a été cultivé qu’après la 1ère guerre mondiale, laquelle avait fait grimper le prix du café. Le premier président du pays, Mustafa Kemal Atatürk, a favorisé l’importation de plants venant de la Géorgie voisine afin de favoriser l’autonomie de la Turquie. Depuis, la boisson a largement supplanté le café dans les rites sociaux, qu’ils soient amicaux, familiaux ou professionnels. La pause thé biquotidienne est même obligatoire dans les conventions collectives.

Le thé turc ne se prépare pas de la même manière que le thé occidental. Les feuilles infusent dans le compartiment supérieur d’une théière qui en comporte deux. L’eau bouillante du compartiment inférieur est versée quelques minutes après la fin de son ébullition sur les feuilles de thé, puis remise à chauffer une dizaine de minutes pour maintenir constante la température d’infusion. Le thé, alors assez fort, est versé au tiers d’un petit verre en forme de tulipe, et complété par l’eau du compartiment inférieur. A l’inverse du thé anglais, le thé turc se boit a priori noir et non sucré. A la limite on peut y mettre un peu de sucre, mais ajouter du lait serait mal vu…


A 20 km de la Géorgie

Nous avons quitté les rives de la Mer Noire pour nous diriger vers la région montagneuse du nord-est de la Turquie, longeant la frontière avec la Géorgie à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau. Nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de faire un détour pour visiter ce pays qui paraît intéressant et assez sûr, voire d’enchaîner avec l’Arménie qui n’est pas accessible depuis la Turquie, mais nous risquerions d’être limites en temps pour rejoindre Istanbul vers le 20 septembre, une rare contrainte dans notre voyage. Donc pas de Géorgie, mais de superbes paysages faits de grandes vallées contenant des lacs de barrages et surplombées de montagnes dépassant fréquemment les 2000 m d’altitude. Par moments, la végétation est assez pauvre, mais à d’autres, nous retrouvons des forêts de sapins, de grands pâturages et de jolis petits lacs. Il n’y a que l’embarras du choix pour trouver des sites où passer des nuits tranquilles avec une jolie vue.


Complique le gouvernement (7 lettres)

De Gaulle disait de la France qu’elle était impossible à gouverner en raison de ses 246 sortes de fromages. On comprend alors les difficultés de la Turquie qui en compte 200. C’est en tout cas ce que nous avons appris en visitant le musée du fromage de Kars, une ville perchée sur des hauts plateaux à 1800 m d’altitude et entourée d’alpages où broutent en semi-liberté vaches, brebis et chèvre. Fournissant donc la matière première à de nombreux fromages locaux. Le plus célèbre est le gruyère de Kars, élaboré avec l’aide des Suisses donc très proche du fromage helvétique. Mais de nombreuses autres sortes existent, proches de la feta grecque comme le beyaz peynir ou du gouda comme le kasar, se présentant inhabituellement de façon effilochée ou tressée comme le çeçil ou encore affinées dans des panses de brebis comme le tulum.

Nous avons été étonnés de la qualité et de la modernité de ce musée totalement oublié du Petit Futé qui n’a pas l’air de connaître non plus la ville de Kars. Nous l’avons trouvé par hasard sur Google Maps. Comme quoi il faut toujours diversifier ses sources.


Ani ou le moyen-âge arménien

Habitée dès l’âge de bronze, la ville d’Ani connut son apogée vers le Xe siècle sous le règne arménien, hébergeant alors plus de 100 000 habitants et devenue capitale du pays. On dit qu’elle rivalisait avec Constantinople, Bagdad ou encore Le Caire. Et puis elle est tombée aux mains d’une succession d’envahisseurs, victime alors d’une lente descente aux enfers en cumulant massacres, vandalisme et dégradations liées au temps et à l’absence d’entretien. Quelques tremblements de terre ont fait le reste et « la ville aux mille et une églises » n’est plus que ruines. Les édifices religieux et de défense, les plus solides, sont les seuls à être encore debout, et encore. Ils ont le mérite d’offrir au visiteur une bonne idée de l’architecture arménienne à l’époque médiévale : structures massives pour résister aux séismes, utilisation large de pierres locales en mélangeant les couleurs, coupoles octogonales, croix de basalte, motifs géométriques, floraux ou figuratifs.

Nous avons eu la chance de pouvoir dormir la veille de notre visite sur le parking du site, habituellement interdit la nuit pour des raisons de sécurité (l’Arménie est juste de l’autre côté du ravin). Le réveil a été magique, avec les belles couleurs de l’aube sur les remparts et le passage de toutes sortes d’animaux menés aux champs. Nous aurons malgré tout dû attendre l’ouverture du site à 8h pour pouvoir y pénétrer, soit presque 3h après le lever du soleil !


Mine de rien, mine de sel

C’est le hasard qui nous a fait visiter cette attraction, trouvée par hasard sur notre route. Pourtant ces montagnes blanchâtres et luisantes fournissent du sel à toute la Turquie depuis le moyen-âge. Si l’activité se continue en profondeur, le rez-de-chaussée a été ouvert au public il y a quelques années seulement. On y découvre une succession de salles voûtées éclairées de bleu et d’orange, dont les parois sont recouvertes de cristaux de sels. Fait étrange et typique de la Turquie, des tables de pique-nique sont disposées ça et là, et plusieurs étaient d’ailleurs occupées. Les Turcs adorent pique-niquer !


Bis repetita

C’est encore le hasard qui nous a conduit devant ces collines arc-en-ciel. Nous avions choisi de faire une pause déjeuner au bord d’une petite rivière bordée de falaises déjà un peu colorées, sur un site référencé par l’application Park4night. L’un des commentaires disait que les « vraies » collines arc-en-ciel étaient un peu plus loin. Mais introuvables directement sur Google Maps. C’est en traduisant l’expression en Turc puis en la collant sur Maps que nous avons fini par trouver un départ de randonnée portant ce nom. Mais à l’endroit donné, rien de tel. Un peu avant, nous avions pourtant trouvé quelques montagnes multicolores, sans pouvoir nous y arrêter pour cause de route en travaux. Heureusement, nous avons déniché un peu plus loin un paysage similaire, que nous avons rejoint en quittant la route principale. Magnifique et pourtant référencé nulle part. Les Américains en auraient sûrement fait un parc national et protégé l’accès, mais là non, nous aurions même pu sans doute nous promener dessus. J’en ai fait ma première contribution d’ajout de site sur Google Maps !


Nuit sous le sommet

Un nouveau bivouac sauvage, on ne les compte plus, mais cette fois sous le sommet du célèbre Mont Ararat, celui qui aurait vu débarquer l’Arche de Noé. Selon certaines versions. Ce qui est indiscutable, c’est qu’avec ses 5137 mètres, ce volcan âgé d’1,5 millions d’années est le point culminant de la Turquie, au grand dam des Arméniens qui l’avaient autrefois sur leur territoire et qui aimeraient bien le récupérer. Tout comme leur ancienne capitale Ani d’ailleurs. Pour diverses raisons historiques et politiques, la frontière turco-arménienne est fermée depuis de nombreuses années.


Un palais délicat

Construit sur plus d’un siècle par la famille Pacha pendant la période ottomane, ce palais perché sur une falaise pas très loin de la frontière iranienne en a gardé une certaine influence, des décors parait-il plus sobre que le vrai style ottoman. Bah nous on ne les a pas trouvés si sobres ces décors et surtout nous avons trouvé le lieu particulièrement bien intégré au paysage. Visite en photos.


Et à propos de palais…

Comme régulièrement, nous nous offrons un petit repas en ville, pour le plaisir bien sûr, pour l’immersion ensuite et pour approfondir nos connaissances sur la cuisine turque. Le restaurant s’appelle Keravansaray et a été aménagé comme son nom l’indique dans l’un de ces établissements où l’on recevait les commerçants de passage, nombreux sur cette route de la soie. On commence par nous amener des entrées (mezze) bien que nous n’en ayons pas commandé – c’est manifestement inclus avec les plats : salade de crudités, pâte d’aubergines, sauce relevée, pain pita et petit gâteau de semoule pour adoucir tout cela. Pour boisson ce sera de l’ayran, une sorte de lassi salé et mousseux. C’est l’autre boisson nationale avec le thé et le raki. Et puis bien sûr un peu d’eau, de marque (bi)Binpinar, dans ce pays musulman ça ne s’invente pas. Viennent ensuite nos plats de résistance, assortiment de viandes grillées au feu de bois pour Claudie, brochettes de légumes et de viande pour moi. Avant l’addition (très douce, une dizaine d’euros par personne pour tout ça), on nous offrira le thé. Là aussi, c’est une tradition, et pas seulement au restaurant. N’hésitez pas à mettre le son pour la vidéo, vous verrez que l’ambiance sonore était aussi typique que le repas.


La Van life

On pourrait la croire paradis des voyageurs nomades, mais il n’en est rien. A l’Ouest du lac éponyme, le plus grand de Turquie avec ses 3700 km², la ville de Van nous a semblé assez banale. Un centre-ville très encombré, une citadelle vide, un littoral marécageux et des températures élevées. Les habitants d’ailleurs vont se réfugier sur les bords du lac là où c’est possible, hors de la ville, pour prendre le frais. Une file continue de voitures en stationnant le long de la route côtière en témoigne. A certains endroits, l’eau est presque blanche (y aurait-on déversé du sable de carrière pour créer une plage artificielle ?), à d’autres d’un joli bleu. Bref, la Van life ne nous a pas séduits, un énorme paradoxe !


Et si l’on se refaisait un petit monastère ?

Celui de Mor Gabriel, au milieu de grandes collines arides parsemées d’arbres rabougris, nous a tendu les bras. Fondé en 397, après J.-C. forcément, il est l’un des monastères chrétiens les plus vieux au monde (le plus ancien, en Bulgarie, date de 344). Et pourtant, il est toujours en activité, occupé par des moines de l’Église syriaque orthodoxe, des religieuses et des séminaristes. Ce qui fait que l’on n’en visite qu’une partie et accompagnés d’un guide. Alors que l’on s’attend, du fait du grand âge, à voir des murs croulants et des voûtes étayées, on observe au contraire des structures fortement rénovées, un peu trop peut-être. L’harmonie de couleurs du bâti et l’architecture respectent apparemment celles d’origine (nous n’avons pas vérifié…). Des mosaïques datant du Vie siècle ont pu être conservées. Le Dôme de Théodora, construit à l’initiative de la reine byzantine éponyme impressionne. La pierre monolithique qui trône en son centre et que nous prenons d’emblée pour la tombe de l’intéressée n’est en fait que la table de pétrissage de la pâte du monastère, d’après ce qui est écrit dessus en Syriaque. Mais Google Traduction ignorant le Syriaque (mais pas le Ndau ni le Tok Pisin qui comptent pourtant moins de locuteurs) nous ne pouvons que croire notre guide. Dans la même pièce, nous trouvons aussi une reproduction du monastère en allumettes. Mais le plus impressionnant est la Maison des Saints, une pièce où sont enterrés (debout) les saints créateurs du monastère et d’autre personnes valeureuses, dans tous les sens du terme. Ce ne serait qu’anecdotique si la terre dans laquelle reposent ces personnages n’avait acquis, aux yeux des chrétiens syriaques, des propriétés de guérison. Et de fait, nous en avons vu, au cours de la visite, plonger la main dans une ouverture faite dans la tombe et en ressortir une poignée de la précieuse terre immédiatement enveloppée dans un mouchoir en papier. Ne me demandez pas ce qu’ils en font après. J’espère juste qu’ils ne la mangent pas…


Mardin et la jandarmerie

Nous avons trouvé refuge pour la nuit sur une petite colline arborée au-dessus de la ville de Mardin, prévue pour la visite le lendemain. Après une heure ou deux sur place, une voiture marquée « JANDARMA » vient se garer à côté de nous, gyrophare allumé. Nous ne sommes pas inquiets, ce n’est que le 4ème contrôle aujourd’hui. Il est vrai que nous sommes proches de la Syrie et les militaires déjà bien présents dans le pays le sont encore plus ici, difficile de leur reprocher. Le contact est très amical avec les trois policiers, qui s’intéressent de près à Roberto, à notre parcours, nous demandent si nous sommes mariés, quel âge nous avons, nos métiers. Quand je dis que je suis dermatologue retraité, l’un deux me montre des photos de son frère qui présente plusieurs plaques sur la peau que j’identifie. A la demande du policier, je propose un traitement… Ils parlent aussi peu Anglais que nous Turc, mais les échanges via Google Traduction se font finalement de façon assez fluide. Admirant notre parcours passé et prévu sur la carte de Turquie que leur déploie Claudie, ils nous situent leurs villes de naissance respectives et nous conseillent sur certains lieux que nous n’avons pas surligné. Nous leur parlons de la zone frontalière avec la Syrie fortement déconseillée par les Affaires étrangères françaises, ils nous disent que tout est parfaitement sûr. Ils rajoutent qu’ils vont repasser dans la nuit et veiller à notre sécurité, que nous pouvons les appeler à tout moment sur le 112 et qu’ils viendront de suite. Ils vont jusqu’à nous proposer d’aller nous chercher quelque chose à manger si nous avions besoin de quoi que ce soit ! Puis finissent par s’en aller en nous saluant vigoureusement de la main et en donnant un petit coup de sirène pour le fun… Sympas les jandarmas turcs !

Mon sens du respect m’a empêché de leur demander un selfie. Il ne vous restera que la photo nocturne de Roberto dans ce bel endroit où nous avons dormi en toute quiétude.


Mardin à part ça

Nous avons adoré visiter cette ancienne ville assyrienne, essentiellement peuplée de kurdes, construite toute en hauteur – du moins pour la vieille ville – sur une colline dominant l’immense plaine de la Mésopotamie, où circulent le Tigre (proche d’ici) et l’Euphrate (que nous verrons un peu plus loin), deux fleuves bien connus sans lesquels vous et moi ne serions peut-être pas nés puisqu’ils sont le berceau de la civilisation indo-européenne. La ville, classée par l’Unesco pour son histoire et ses nombreux monuments, lieux de cultes très diversifiés compris, possède une architecture d’influence arabe, que nous avions encore peu vue en Turquie. Nous avons aimé nous perdre dans les ruelles tordues et se terminant volontiers en cul-de-sac. Mais un peu moins grimper sous une forte chaleur les multiples escaliers reliant les rues. Globalement, l’ambiance et le style l’ont tout de même emporté. Nous y avons trouvé des gens sont adorables, comme partout en Turquie Et une fois de plus dans cette région, nous avons eu l’impression d’être les seuls touristes occidentaux. Nous avons terminé la visite en auto-récompensant de nos efforts par une boisson chaude prise sur une terrasse panoramique : un çay pour Claudie, et un café syrien pour moi, accompagnés d’un excellent yaourt servi dans un bol.


De l’énergie pour deux

La ville précédente visitée à la fraîche, nous avons pu la quitter en fin de matinée et finalement nous arrêter assez tôt à la suivante, reboostés en énergie grâce à la climatisation de Roberto lorsque l’on roule. C’est ainsi que nous avons parcouru l’après-midi de la même journée la ville de Diyarbakir. Outre un nom plus difficilement prononçable, elle s’est distinguée de la précédente par une animation plus grande. L’heure y était possiblement pour quelque chose, les Turcs nous semblant sortir davantage l’après-midi et le soir que le matin. Nous avons visité tour à tour une grande mosquée pleine de vie, une vieille église syriaque orthodoxe, un bazar à l’agitation extrême, aussi bien que des petites rues très tranquilles dès que nous éloignions un peu du centre. A noter que la ville a été durement touchée par le tremblement de terre de février 2023. Nous en trouvons encore de nombreux stigmates.


La belle vallée de l’Euphrate

Après avoir franchi le Tigre entre les deux villes précédentes, c’est maintenant l’Euphrate que nous traversons puis surplombons. Ces deux fleuves bien connus, notamment pour leur rôle dans l’apparition de l’espèce humaine, sont aussi une source – si j’ose dire – importante de conflit pour les pays situés sur leur parcours. Issus des montagnes turques, le Tigre et l’Euphrate ont leur lit majoritairement sur les territoires syrien et irakien. Comme souvent dans ces cas-là, c’est le pays situé en amont qui fait la loi. La Turquie construit barrage sur barrage pour irriguer ses terres, ne laissant qu’un maigre débit aux pays en aval qui ont tout autant besoin de la ressource. C’est la loi du plus fort, mais le risque existe de déclencher des conflits armés, d’autant que les relations ethniques et politiques du secteurs ne sont pas des plus sereines.


Le mausolée du roi perché

En 64 av. J.-C. l’empire romain contrôlait toute l’Asie Mineure … sauf la région appelée la Commagène. Ça ne vous rappelle pas une autre histoire ? Mais le chef de la Commagène, le roi Antioche 1er, était bien plus orgueilleux que notre Abraracourcix, et se fit construire un mausolée géant au sommet d’une montagne, le Mont Nemrut, qu’il fit même surélever de 150m pour qu’il dépasse en hauteur les cimes voisines. Autour de ce sommet, des terrasses sculptées dans la pierre , ornées pour deux d’entre elles de statues monumentales en position assise de divinités grecques et perses, ainsi que d’aigles et de lions. Toutes les têtes sont tombées après un intense tremblement de terre en 1923, mais offrent, redressées sur le sol en regard de leur buste initial, un spectacle étonnant. Que nous observons seuls à 2150 m d’altitude, ce qui augmentant d’autant l’étrangeté du lieu.


La ville de la pistache

Gaziantep est la 6ème ville de Turquie, mais pas plus encombrée que cela quand on y circule. Elle est la capitale de la pistache turque et produit une variété d’excellente qualité, l’Antep. La Turquie est le 3ème producteur mondial de cette graine oléagineuse, derrière l’Iran et les USA (Californie principalement). Et puis avec la pistache, les pâtissiers de Gaziantep vont fabriquer une version unique de baklava, fourrée et/ou couverte de produit écrasé du plus joli vert. La ville est d’ailleurs réputée pour sa gastronomie. Vous verrez ci-dessous le résultat de nos tests. Nous y avons trouvé aussi un curieux café bi-ton (2 forces de café différentes qui ne se mélangent pas…).


Nous sommes retombés un instant en enfance en visitant le musée du jouet, exposant des spécimens remontant à la fin du XIXe siècle, mais d’origine bien plus souvent allemande que turque. Avec un droit d’entrée de 0,40€ on ne peut pas trop se plaindre.


Le musée suivant nous aura coûté trente fois plus mais s’est révélé exceptionnel : il s’agit tout simplement du plus grand musée de mosaïques au monde. Il est né d’une mission franco-turque de sauvetage des trésors de la cité antique de Zeugma située sur les rives de l’Euphrate, près de la frontière syrienne. Érigée en 300 av. J.-C. par un général d’Alexandre le Grand, elle connut un déclin brutal 6 siècles plus tard suite à l’attaque des Perses qui l’incendièrent. Un archéologue turc qui travaillait sur les ruines apprit en 1990 qu’un barrage allait être construit tout près de là et engloutir la cité antique. Il fit appel à la communauté internationale, et c’est ainsi qu’une équipe franco-turque fouilla les ruines en urgence pendant que la construction du barrage se poursuivait inexorablement. Pendant plusieurs années, ils mirent au jour nombre de bâtiments, mais quelques mois seulement avant le début de la mise en eau, ils découvrirent ces mosaïques extraordinairement bien conservées sous les cendres de l’incendie des Perses. Les riches habitants de cette cité marchande en habillaient les sols et les murs de leurs maisons, quand il ne s’agissait pas de fresques. Malheureusement, tout n’a pas pu être préservé, la montée de l’eau enfouissant à jamais le site dans l’oubli. Toutes ces œuvres sont présentées aujourd’hui dans le récent Musée de Zeugma, inauguré en 2011. Sur deux bâtiments et trois niveaux pour chacun, nous avons pu observer de multiples et superbes mosaïques, présentées dans leur pièce d’origine reconstituée.

Le clou de l’exposition, la « Joconde de Turquie » est la mosaïque appelée « La Bohémienne » presque aussi bien protégée que notre Mona Lisa. Les hypothèses courent sur cette jeune femme mystérieuse. L’une d’entre elles, pas plus farfelue que les autres, soutient qu’il ne s’agirait du visage d’Alexandre le Grand, effectivement passé par là à un moment donné.


Gaziantep, la ville de la pistache, clôture donc cette deuxième section de notre parcours en Turquie. Vous en trouverez le plan ci-dessous. Nous nous dirigeons maintenant vers la Cappadoce, où nous risquons de ne pas être aussi seuls qu’actuellement. Nous le saurons bientôt.

55. La Louisiane, quelle histoire !

Avant d’y être allé, j’imaginais la Louisiane réduite au seul état actuel des États-Unis. Une fois sur place, un peu plus investi dans l’histoire du pays, je découvre l’ampleur à la fois de mon ignorance et du territoire initial de ce qui a été la Nouvelle France. Près du tiers de l’Amérique du Nord, rien que ça ! Pour ceux comme moi qui ne le savaient pas, je vous ai fait un petit résumé du passé mouvementé de la région. Pour les autres, vous pouvez passer directement au second chapitre.

La Louisiane, le pays dont personne ne voulait

Quand les grandes forces européennes sont parties à la conquête de l’Amérique au XVIème siècle, l’Angleterre s’est octroyée la côte Est de l’Amérique du Nord, tandis que les Espagnols arrivés par le Sud ont plutôt colonisé l’Ouest et la Floride. La France, ne voulant sans doute pas paraître faible ou bien pour éviter que l’une des deux nations ci-dessus écrase l’autre, a pris ce qui restait, c’est-à-dire une large bande centrale allant du Canada au Golfe du Mexique, occupant un bon tiers des actuels États-Unis. Le conquérant français a nommé Louisiane toute la partie au sud des Grands Lacs, en l’honneur du Roi Louis XIV. Toutefois, ce dernier n’était pas vraiment convaincu par cet agrandissement de son territoire, tout occupé qu’il était à aménager Versailles. Quelques familles et quelques troupes ont bien été envoyées là-bas, deux à trois cents personnes en tout, une broutille par rapport à l’étendue du territoire. Sans moyens, sans convictions, la plupart rentraient au bout de quelques années, abandonnant au passage femmes amérindiennes et enfants.

La Louisiane en 1700
La Louisiane au sein de la Nouvelle France avant 1713

Louis XIV au bord de la ruine et peu avant sa mort privatisa alors la région, la donnant en gestion d’abord à un homme d’affaires français qui finalement ne la fit pas (l’affaire) puis, alors qu’on était passé à Louis XV, à un banquier explorateur d’origine écossaise qui avait néanmoins la confiance du monarque. Le banquier changea radicalement de méthode en envoyant à la place des Français trop peu motivés 7000 personnes recrutées ou enlevées de l’autre côté de la frontière Est de la France, pour une forte proportion jugés indésirables dans leurs pays respectifs (anciens forçats, vagabonds, brigands, déserteurs ainsi que des « femmes de mauvaise vie » dont la célèbre Manon Lescaut) et qualifiées du terme générique d' »Allemands ». Rentabilité oblige, le financier fit aussi venir d’Afrique un nombre similaire d’esclaves, soit bien moins que les autres nations. Si ça ne déresponsabilise pas la France pour autant, ce « faible » nombre explique peut-être en partie que la compagnie dirigée par le banquier fut mise en banqueroute quelques années seulement plus tard.

Pendant ce temps, Anglais et Espagnols bien plus investis dans la colonisation grossissaient leurs effectifs respectifs et rêvaient d’étendre leurs territoires. Mais sans rêver de la Louisiane pour autant, jugée non rentable en termes de qualité de sol et de sous-sol. Vint le moment où la France s’engagea dans la Guerre de 7 ans (1758-1763) contre les Anglais et la perdit. Elle dut céder la moitié Est de la Louisiane (et le Canada) à son adversaire et réussit à refiler l’autre moitié à l’Espagne, si peu intéressée qu’elle mit 4 ans à en prendre possession.

La Louisiane en 1762-1763

A l’inverse, lorsque la Louisiane redevint française 40 ans plus tard suite à la victoire de Maringo en 1800, la France, dirigée alors par Napoléon Bonaparte ne se précipita pas pour la réoccuper, laissant un temps les Espagnols la défendre. Et lorsque la date de prise de possession fut enfin fixée au 18 mars 1803, la France s’empressa de vendre le 20 avril la Louisiane aux États-Unis qu’elle jugeait mieux aptes qu’elle à la protéger des Anglais. Bonaparte n’avait pas tort, mais tout de même, la France a perdu, faute de s’en occuper, un territoire hautement stratégique et grand comme quatre fois le sien, représentant aujourd’hui 15 des 52 états américains.

Ce chapitre n’est qu’un résumé de l’excellent article sur le sujet que je me suis régalé à lire ici et que je vous conseille si vous voulez plus de détails.


Dernière nuit au Texas

Le parc naturel évoqué dans le précédent article nous refusant l’hospitalité et peu enclins à rouler beaucoup aujourd’hui, nous nous réfugions dans le RV-park le plus proche. Les RV-parks, ça ressemble un peu à nos campings ou nos aires de services pour véhicules de loisirs, mais de loin tout de même. En fait, il y a de tout. Du simple terrain vague sans aucun équipement, dont on se demande bien pourquoi les gens s’y réfugient, jusqu’au camping 4 étoiles luxueux similaire aux nôtres. Les américains se réfugient quasi-systématiquement dans les RV-parks pour la nuit, et parfois même à demeure, car leurs camping-cars ne sont pas conçus pour être autonomes. Ils sont même gigantesques, déjà très longs, mais en plus devenant très larges une fois garés grâce à des caissons latéraux extractibles. Ils sont équipés de gros frigos, de fours, de climatiseurs, de machines à laver comme à la maison. Comme si cela ne suffisait pas encore, ils tractent volontiers une remorque, une caravane ou bien une voiture. Énergivores et volumineux, ils ne peuvent guère séjourner que sur des terrains spécialisés, alors que de notre côté nous avons suffisamment d’autonomie pour rester dans la nature sans bouger une douzaine de jours en été (davantage si nous pouvons trouver de l’eau), et deux ou trois jours en hiver (les panneaux solaires ne compensant plus la consommation, il nous faut alors rouler pour augmenter notre autonomie).

Roberto bien petit à côté de ses voisins

Notre terrain du jour est plutôt spartiate. Déjà il nous faut trouver l’accueil. Renseignement pris auprès d’un résident d’une sorte de mobile-home, le propriétaire n’est pas là, il faut l’appeler, mais il nous propose de l’appeler à notre place. Le proprio lui communique une place et déclare qu’il passera récupérer ses sous (12 $) dans la soirée, ce qu’il fera effectivement. Pour ce prix nous avons droit à un emplacement avec un robinet d’eau. Nous aurions pu nous brancher aussi en cas de besoin, ce qui n’était pas le cas. Nous avons accès à une salle d’eau unique en béton brut, avec douche chaude lavabo et WC. Une seule pour tout le camping, mais c’est suffisant car les locaux restent dans leur maison sur roues. Nous, quand on peut trouver une douche supérieure à 1 mètre carré, on profite… Voyant les gens sortir leur barbecue, nourrir leur chien en cage, allumer leur télé, nous avons craint un moment que la soirée soit très animée, mais non, la nuit a été plutôt calme.


Étapes en Louisiane

Que ce soit sur les routes secondaires ou les autoroutes, la verdure et l’eau sont omniprésentes en Louisiane, cela contraste avec les plaines arides du Texas. Compte-tenu de la grande surface occupée par les marécages (les fameux bayous), les voies de circulation sont souvent surélevées, voire carrément sur pilotis, par centaines de kilomètres, ou plutôt de miles. Car effectivement, depuis notre arrivée aux US, nous avons dû abandonner le système métrique. Autant s’y mettre de suite pour mieux apprécier les limites de vitesse ou les distances affichées sur les panneaux. D’ailleurs, nos deux applications de routage GPS ont adapté leur affichage sans aucune intervention de notre part.

Plaque minéralogique de l’état de Louisiane. Une particularité : il n’y en a pas à l’avant.

Le réseau routier, contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’un pays riche, n’est pas en super état. Les nids de poule, sans avoir l’ampleur de ceux du Mexique, sont très fréquents. En de nombreux endroits, les routes sont faites d’un matériau qui fait un bruit aigu en roulant, ou sont construite par plaques qui donnent l’impression de rouler sur une vieille voie de chemin de fer. La circulation n’est pas si facile non plus, surtout sur les autoroutes où la circulation est anarchique. Les limites de vitesse ne sont pas respectées et les dépassements se font aussi bien par la gauche que par la droite. Quand vous avez deux énormes semi-remorques qui vous doublent en même temps, un de chaque côté, c’est un rien stressant ! Et si vous voulez rester à droite pour éviter ça, immanquablement vous vous retrouvez sur une bretelle de sortie. Le point positif pour les autoroutes, que nous tentons néanmoins d’éviter dans la mesure du possible, c’est qu’elles sont gratuites.


1. La fabrique du Tabasco

Si notre guide Lonely Planet États-Unis n’en parlait pas, le site Authentik USA présentait la visite comme incontournable. Alors nous y sommes allés et n’avons rien regretté. Comme quoi il faut toujours multiplier ses sources d’information.

C’est ici, près de la ville de La Fayette, dans l’île d’Avery, ainsi appelée bien qu’elle soit en plein milieu des terres parce qu’il s’agit d’une zone circulaire complètement entourée d’une rivière marécageuse, qu’un banquier désœuvré suite à la Guerre de Sécession a mis au point la célèbre sauce au piment rouge en 1868. Edmund McIlhenny souhaitait simplement donner du goût aux rares aliments disponibles dans cette période. Une reproduction de son carnet de notes expose d’ailleurs, en guise de preuve, la recette originale. Recette qu’il a testée d’abord auprès de son entourage en la conditionnant dans d’anciens flacons d’eau de Cologne, ce qui explique la forme du conteneur encore aujourd’hui d’actualité.

Tout le processus de fabrication est présenté de façon pédagogique et vivante. On apprend que les piments provenant de la région de Tabasco au Mexique sont semés en juin puis récoltés en août, uniquement lorsqu’ils sont à point, c’est-à-dire lorsqu’ils ont atteint la couleur du petit bâton que possède chaque cueilleur. Ils sont ensuite lavés, réduits en purée puis mélangés à du sel. Et ça tombe bien, du sel il y en a beaucoup car l’île est en fait un « dôme de sel », une formation géologique particulière qui descend ici plus de 9 km sous le niveau du sol. La purée salée est alors mise à fermenter dans des tonneaux en chêne scellés au sel pendant une durée de 3 ans. Cette phase terminée, la purée de piment est malaxée de façon intermittente avec du vinaigre pendant plusieurs semaines avant d’être filtrée et mise en flacons.


Comme nous ne sommes pas dans la période de récolte, nous ne verrons pas les toutes premières étapes, mais tout le reste de l’usine est en activité, de la fabrication et du stockage des fûts jusqu’à l’embouteillage, en passant par le mélange final avec le vinaigre. Cela rend toujours les choses bien plus concrètes. Mais le plus concret, c’est bien sûr la dégustation, avec modération ici encore plus qu’ailleurs, mais pas pour les raisons habituelles !


2. Jungle Gardens

La visite des jardins attenants à l’usine était incluse dans le prix du billet, alors nous nous sommes dits pourquoi pas ? Mais ce que nous prenions pour un simple bonus s’est avéré être une attraction à part entière.

L’immense parc peut se parcourir aussi bien en voiture – ce que font la grande majorité des visiteurs – qu’à pied, solution que nous avons privilégiée. Nous sommes frappés d’emblée par ces grands arbres dont les branches sont couvertes de plantes épiphytes, certaines en forme de petites fougères, d’autres plus impressionnantes se présentant comme de grandes barbiches qui pendent et se balancent au gré du vent. Elles sont d’ailleurs appelées parfois barbes de vieillard ou encore filles de l’air, mais la dénomination la plus courante ici est celle de mousse espagnole. Ces plantes ne dépendent pas des arbres qui les supportent puisqu’elles n’ont pas de racines. Elles vivent simplement de l’eau de ruissellement et se propagent d’un endroit à un autre emportées par le vent. Elles sont volontiers utilisées ici pour garnir les matelas, moins coûteuses que les billets de banque. Nous avons adoré nous y promener.


3. J’Acadie : « Plongez dans le passé ! »

Toujours à La Fayette, un centre culturel est consacré à la culture « cajun » (« cadien » prononcé par un anglais chiquant du tabac) et nous en apprend un peu plus sur ce peuple d’émigrés français au Canada, brutalement arrachés à leur terre d’adoption par les Anglais qui venaient d’en hériter et savaient qu’ils n’arriveraient à imposer ni leur langue ni leur religion à ces irréductibles gaulois. Après une période de cavale, d’emprisonnement ou de retour forcé en France, beaucoup se sont retrouvés en Louisiane où ils ont fondé la « Nouvelle Acadie ». Peu de temps avant que la région ne devienne espagnole puis américaine. Quand on a la poisse… Cela ne les a pas empêchés de maintenir leur culture, leur religion et leur langue un peu particulière faite d’un mélange de vieux Français, de Canadien et de Créole.

A l’image de ces « courses des chevals », orthographiquement correctes en Acadien uniquement, un certain nombre d’expressions perdurent, colorées et parfois si logiques. Comme par exemple : asteur = maintenant (à cette heure) ; débourrer = déballer (un cadeau par exemple) ; froliquer = faire la fête ; galance = balançoire (pour se galancer, tiens) ; mouiller = pleuvoir ; plats = plats, mais aussi (ce serait trop simple) tasses, verres, couverts, en gros tout ce qu’on appellerait vaisselle ; plumer = éplucher (plumer des patates par exemple) ; poutine = boule faite d’un mélange de porc et de pommes de terre râpées (après avoir été plumées bien sûr)

Le centre culturel est complété par un village acadien reconstitué. Comme souvent aux États-Unis, c’est animé par des bénévoles qui nous présentent chacun un travail, une maison, voire poussent la chansonnette.


4. La Nouvelle-Orléans

A la Nouvelle-Orléans, berceau du jazz, il est normal de trouver des statues d’Armstrong ou de Bechet dans les jardins et de rencontrer des brass band un peu partout. En que capitale de la Louisiane, ex colonie de la France au passé mouvementé, il n’est pas étonnant que les plaques de rues portent des toponymes français, espagnols ou américains. A la Nouvelle-Orléans, des bateaux munis de roues à aubes naviguent encore sur le Mississipi, tout près du célèbre quartier français avec ses maisons coloniales aux jolis balcons en fer forgé.

Sous les arcades, les boutiques d’artisanat ou d’antiquités alternent avec les restaurants où l’on sert une cuisine cajun bien relevée. Juste devant la cathédrale Saint-Louis, comme par provocation, des sorciers vaudou désenvoûtent les passants. Et près du marché français trône une statue équestre de Jeanne d’Arc. Elle n’a pourtant pas délivré la Nouvelle-Orléans des Anglais que je sache !


5. Le réveil du couloir des tornades

Nous nous réveillons avec un ciel soudainement gris et du vent qui fait osciller Roberto. La météo annonce « Alerte rouge vents violents avec risque de tornades ». Pas de chance, c’est aujourd’hui que nous avons réservé une mini-croisière sur le Mississipi en bateau avec roues à aubes. Nous nous rendons tout de même à l’embarcadère. Au guichet on nous confirme malheureusement l’annulation du départ. C’est qu’ici, dans une région régulièrement touchée par les tornades et les ouragans, on ne plaisante pas avec la météo, et ça se comprend. Le site meteomedia.com, fait justement un article sur le « couloir des tornades » dont fait partie la Louisiane. Dommage.

Nous n’avons plus qu’à poursuivre notre découverte à pied de la ville, au milieu des vieux tramways, des statues de musiciens de jazz, des immeubles qui semblent vouloir toujours être plus hauts que leurs voisins.
Nous nous arrêtons dans un musée consacré aux artistes du sud de l’Amérique du Nord, dont un cubain (Luis Cruz Azaceta) qui a le don pour mettre ses idées noires en couleurs. Son expo est d’ailleurs intitulée « What a wonderful world », c’est dire !


Puisque la journée est pourrie, nous allons faire notre lessive dans une laverie automatique. Comme son enseigne l’indique, elle fonctionne avec des pièces, mais seulement des « quarters » (0,25$). J’ai commencé par changer le plus petit billet que j’avais, 20$, et j’ai eu l’impression de rafler la mise dans une machine à sous. Les 80 pièces pesaient bien lourd dans mes poches… Et Il a fallu en insérer pas mal dans la machine pour arriver aux 4,50$ du prix du lavage. Bon, ça occupe…


Pour finir la journée en beauté, la pluie, les éclairs et le tonnerre sont arrivés et puis nous avons reçu cette alerte tornade nous invitant à nous réfugier urgemment dans l’abri le plus proche. Mais comme personne ne bougeait autour de nous, nous avons attendu patiemment que ça passe. A Rome fais comme les Romains font.


La nuit s’est terminée dans le calme et nous avons pu poursuivre notre route vers l’état du Mississipi. A bientôt !