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  • 158. Baleines, pingouins, etc.

    158. Baleines, pingouins, etc.

    Comme prévu, nous nous dirigeons de nouveau vers la côte, car nous ne voulions pas manquer les parcs naturels de la Péninsule de Valdés et de la Pointe Tombo, propices à l’observation de nombreux animaux marins dont ceux cités dans le titre. Cela valait-il la boucle de 1000 km aller-retour pour retrouver ensuite la route 40 un peu plus bas. La réponse suit…

    Le parcours correspondant à cet article, en version zoomable ici

    Traversée du désert

    C’est une très longue route que nous empruntons, traversant cette région aride et minérale qu’est la steppe patagonienne, qui n’est ni plus ni moins que le 7ème désert de la planète. Avec des vents forts permanents et la faible pluviosité, la végétation rentre la tête dans les épaules : on trouve davantage d’herbes rases ou en touffes, de buissons piquants à feuilles minuscules et d’arbustes que partout ailleurs. Par endroits, ce sont de multiples et immenses falaises multicolores qui dominent le paysage. Les cours d’eau sont rares mais sont l’occasion alors d’une traînée verte digne des oasis sahariennes. De l’ouest à l’est, il nous aura fallu parcourir plus de 500 km. Autant dire que les podcasts ont bien défilé sur le système multimédia de Roberto pendant les longs moments où il n’y avait pas grand-chose à voir.

    A peu près aux trois quarts de la traversée, nous avons fait une halte au niveau du barrage Florentino Ameghino (c’est le nom d’un naturaliste argentin), dont la visite nous a été recommandée par Gabriel, notre gardien de Roberto pendant notre mois en France. Un environnement impressionnant de montagnes rouges striées de blanc encadre un superbe lac de retenue de 65 km². Après avoir traversé la digue et traversé plusieurs tunnels, Roberto nous amène au petit village en aval du barrage. 200 habitants seulement – on peut comprendre qu’il y a un certain niveau de risque à vivre là – mais beaucoup de touristes en saison. Pour l’heure nous sommes très peu, et nous allons trouver un joli coin paisible au bord de l’eau où un cheval tacheté comme un dalmatien viendra nous saluer. Nuit tranquille assurément. Et le barrage a tenu !


    Pas au Connemara

    Si Michel Sardou évoque à plusieurs reprises la présence des Gallois au Connemara, il ne faut pas aller là-bas pour en trouver, ils n’y ont jamais mis les pieds. Par contre, 153 d’entre eux ont bien débarqué en Argentine en 1865, fuyant l’oppression de l’Angleterre qui les étranglait économiquement et leur interdisait même de pratiquer leur langue. Quelques années après, ils sont venus s’installer dans la petite ville de Gaiman qui leur offrait des terres à occuper et cultiver. Aujourd’hui, 50 à 70 000 de leurs descendants occuperaient encore la région, bien que quelques milliers seulement parlent encore la langue. Et, alors que nous faisons une petite pause logistique et déjeûner à Gaiman, nous retrouvons rapidement des stigmates de cette colonisation : nombreux dragons rouges sur les enseignes ou les drapeaux de la ville, et surtout multiples salons de thé servant des pâtisseries galloises comme le pain noir tacheté (de raisins secs imbibés de thé), les « welsh cakes » ressemblant aux scones anglais, ou encore les gâteaux au miel. Nous aurions bien goûté à tout ça, mais il aurait fallu attendre le tea time (17h) et surtout qu’une table se libère car tout était affiché complet pour le premier service : les touristes argentins adorent manifestement les coutumes galloises ! Ce sera pour une autre fois.


    Des baleines, des pingouins, des orques etc.

    Roberto à son poste d'observation de Puerto Madryn
    Roberto à son poste d’observation de Puerto Madryn

    Ayant rejoint la côte à Puerto Madryn, nous nous garons pour la nuit sur une falaise près du port. Et déjà, dans la baie sous nos yeux, de nombreux souffles de baleines apparaissent régulièrement. Plus d’une douzaine manifestement s’y promènent en ce moment. C’est actuellement la saison de reproduction des baleines franches australes, qui ont migré pour cela depuis un mois ou deux dans la région. Nous restons un bon moment scotchés à nos jumelles qui, à cette distance, restent le seul moyen d’apercevoir les cétacés émerger de l’eau. Pas de photo donc, ou juste un petit souffle au loin, mais nous devrions pouvoir faire mieux demain en nous rendant dans le parc naturel de la péninsule voisine,

    Au matin, nous empruntons la route en terre qui longe la côte et faisons 2 ou 3 arrêts à des « points d’observation des baleines » mentionnés sur notre carte. Et à un endroit, une plage de galets ou un certain nombre de touristes se sont rassemblés, c’est le choc : un vrai défilé de baleines se fait sous nos yeux, à 20 mètres de la plage seulement. Jamais nous n’avons été aussi près. Ce qui est amusant, c’est la banalité apparente pour les locaux, dont certains ont sorti leur table pour déjeûner devant ce spectacle, tandis que les enfants jouent en jetant des cailloux dans l’eau, semblant ignorer l’énorme tête qui émerge de l’eau comme pour les observer à 15 ou 20 mètres d’eux !

    Puis nous nous engageons plus franchement dans la réserve. Presque toutes les routes de la Péninsule de Valdés sont en gravier et sur de longues distances : près de 100 km pour aller d’un point de vue à un autre par exemple. Rouler là-dessus n’est pas une expérience agréable : outre les nuages de poussière soulevés par les autres véhicules, heureusement peu nombreux, il faut subir les vibrations du sol irrégulier, le pire étant les passages en « tôle ondulée ». Le soir au parking, la pause commence par un gros dépoussiérage de l’intérieur de Roberto et un resserrage de nombreuses vis dans les placards. Mais au final ces contraintes valaient le coup. Nous avons pu ainsi observer plusieurs colonies de lions de mer, se prélassant sur le littoral, une pinguïnera, lieu préservé où vivent des pingouins, plus précisément des manchots de Magellan, adorables oiseaux qui ne semblent nullement effrayés par notre présence et que l’on peut donc voir de tout près, sans toutefois pouvoir entrer sur leur territoire, délimité par une petite clôture. Et puis nous avons eu la chance d’observer des orques. Nous avons su après coup que c’était loin d’être systématique, mais sur le moment, en voyant arriver les premiers, nous pensions que comme pour les baleines ça allait être un défilé. Mais non, seulement un petit groupe de 4 est passé devant nous, dont l’un longeant le rivage cherchant manifestement un bébé lion de mer un peu isolé à dévorer. Nous nous sommes laissés surprendre et avons à peine eu le temps de sortir nos appareils photos avant que le groupe ne disparaisse. Plus tard, sur la route du retour, nous rencontrerons régulièrement des guanacos, mais ça en Patagonie, c’est vingt fois par jour ! De superbes rencontres animalières en tout cas, en pleine nature, ce qui est une expérience totalement différente de celle des zoos. Rien que ça justifiait parfaitement nos centaines de kilomètres parcourus pour rejoindre cet endroit.




    Rencontre du 3ème type

    En 2011, un particulier de la région de Trelew découvre dans son champ des « fossiles » et prévient les autorités locales qui lui envoient des archéologues. Un déplacement pas inutile pour un sou puisque les scientifiques dégagent une sacrée bestiole : un dinosaure haut comme un immeuble de 7 étages, le plus haut connu en fait. Qui plus est presque complet avec 70 à 80% du squelette retrouvé. 90 millions d’années après son décès, le titanosaure est remis sur pied au musée de paléontologie de la ville de Trelew, laquelle expose en outre fièrement à son entrée principale une reconstitution 3D de la bête complète, extrapolée par un laboratoire allemand à partir des os retrouvés. Le transport n’a pas dû être simple !


    Encore des pingouins

    Descendant la côte vers le Sud, nous nous arrêtons voir une autre « pinguïnera« , celle de Punta Tombo. Immense cette fois et offrant une expérience différente de la précédente. Ce sont ici des milliers de manchots de Magellan qui viennent là pour la saison de la ponte. On peut les observer en traversant leur territoire sur des passerelles en bois, qu’ils peuvent traverser eux-mêmes d’ailleurs, et en ayant la priorité comme le mentionnent les panneaux de signalisation. La plupart de ces oiseaux sont en couple à cette époque de l’année et préservent un terrier qu’ils ont décidé d’occuper. La femelle est à l’intérieur et finalise en disposant quelques brindilles le nid douillet qui va accueillir son œuf, tandis que le mâle est debout devant l’entrée, faisant le guet ou assurant simplement une présence pour montrer que le terrier est occupé. D’autres manchots cherchent encore leur partenaire, émettant une sorte de plainte hoqueteuse à intervalles réguliers. D’autres encore sont rassemblés sur la plage en petits groupes, attendant peut-être de partir en masse (c’est mieux contre les prédateurs) pour se nourrir. Enfin, c’est sur les chemins des retours de plage que nous pouvons observer les plus mobiles, remontant vers leur terrier avec cette démarche dandinante adorable et si caractéristique.


    Intermède culinaire

    Tout d’abord cette découverte dans un rayon de supermarché : un fromage gros comme un baril de lessive, vendu aussi en tranches pour les appétits modestes. Et puis connaissiez-vous le point commun en Argentine entre les factures et les demi-lunes ? Dans les 2 cas il s’agit de nos bons vieux croissants. Sur la photo, un combo café-croissant (café + factura, donc) qui m’a été offert … avec le plein de carburant de Roberto !


    La Fiesta Nacional de la Esquila

    Nous sommes repartis vers les montagnes et faisons étape à Rio Mayo, une petite ville qui se revendique la capitale de la esquila. Mais qu’est-ce donc cette esquila ? Une bière locale ? Un chant polyphonique gaucho ? Un rodéo avec des moutons ?

    Festival Nacional de la Esquila : qu’est-ce ?

    Rien de tout cela en fait. Si les jeunes gauchos se mettent de plus en plus à la bière (la Patagonia est réputée) alors que leurs aînés ne jurent que par le maté, s’ils s’adonnent effectivement à la payada, une sorte de joute poétique chantée où ils communiquent par vers improvisés en s’accompagnant à la guitare (rien de polyphonique toutefois) et s’ils font volontiers des rodéos avec leurs chevaux pour encercler des bœufs, les moutons ne font jamais l’objet de telles pratiques. Mais ce sont bien ces derniers qui sont concernés, car la esquila, c’est la tonte. Et le festival est un concours du meilleur tondeur. Le jugement se fait non seulement sur la qualité de la tonte (un seul tenant, épaisseur régulière, etc.) mais aussi sur l’absence de stress de l’animal qui doit ressortir calme et … sans blessure !). Le festival n’a hélas lieu qu’en janvier, nous le manquerons. Mais pourquoi ne pas tenter de vivre ça en direct en demandant à une intelligence artificielle de nous décrire la scène ? J’ai demandé à Chat GPT et voici le récit proposé, distillant les petites notes d’humour que j’ai demandées. Impressionnant, non ?

    « Fiesta de la tonte – ou quand les ciseaux chauffent plus que le soleil

    Le soleil tape dru sur la plaine, quelque part entre Trelew et le bout du monde. Le vent soulève des nuages de poussière, les chiens aboient, et une sono grésille en annonçant d’une voix exaltée :
    – ¡A la pista el número cuatro, Don Mario Gómez, de Paso del Sapo!
    Les applaudissements éclatent. Quatre tondeurs se tiennent debout, tendus comme des archers avant la bataille. Chacun a sa tondeuse électrique, son tablier de cuir, et ce petit air de mec qui sait qu’il va se battre contre un mouton… et contre le chrono. Les bêtes attendent, résignées, l’œil mi-fermé — elles savent que ce n’est pas un combat, juste une humiliation passagère. Le juge lève la main, compte :
    – Tres… dos… uno… ¡ya!

    Et là, c’est la chorégraphie. Les tondeuses vrombissent, les bras s’agitent, la laine vole comme de la neige sous amphétamine. On entend des “¡vamos Mario!” et des “¡mirá ese corte, qué prolijo!”. En moins d’une minute, un mouton ressort tout nu, rose pâle et surpris, l’air de se demander s’il ne vient pas de perdre un pari. Le tondeur lui, enchaîne le suivant, en se déhanchant avec une grâce presque dansante. Certains bossent à genoux, d’autres à demi penchés, le câble de la tondeuse enroulé autour du bras comme un lasso électrique. Autour, l’odeur du gras chaud et de la sueur se mêle à celle du feu de bois : un asado géant fume dans un coin, où les spectateurs se réfugient entre deux tours de tonte. Des gamins courent avec des bouts de laine, des chevaux piaffent attachés à l’ombre d’un pick-up, et les matés circulent sans fin. Quand tout s’arrête, les juges inspectent les toisons, tirent dessus, les palpent comme des sommeliers du textile. Les moutons, eux, sont déjà repartis, plus légers, frissonnant de surprise. Le gagnant du jour soulève sa tondeuse comme un trophée olympique. Il gagne une somme modeste, un tonnelet de bière et surtout, l’estime éternelle du public. Dans le coin, un vieux gaucho murmure fièrement :
    – Ese sabe esquilar, che. No cortó ni un cuero.” (“Celui-là, il sait tondre. Pas une seule coupure.”)

    La musique criolla reprend, les guitares vibrent, et la fête continue jusqu’à la nuit. »


    Il est temps de retrouver ma propre prose, notre route 40 et dans la foulée les belles cimes enneigées de la Cordillère des Andes. La montagne, ça nous gagne, mais il va falloir attendre le prochain épisode. Alors à bientôt !