152. Paraguay seconde partie

De la capitale Asunción à la ville d’Encarnacion, nous poursuivons notre découverte du Paraguay, un pays qui nous plaît beaucoup pour l’instant. On espère rester sur cette impression favorable !

Paraguay seconde partie
Carte du parcours
Parcours décrit dans cet article, zoomable pour plus de précision sur les étapes en cliquant ici

Asunción

La découverte du pays se poursuit par la visite de sa capitale Asunción, peu connue sur le plan mondial (j’aurais été incapable de la citer). À parcourir le quadrillage parfait de ses rues, à l’américaine, on comprend vite pourquoi elle ne fait pas de vagues. La grande majorité des bâtiments sont des immeubles sans charme, aussi bétonnés que peu entretenus, la circulation est dense et polluante surtout avec les vieux bus antédiluviens qui crachent leur fumée noire à tout va. Les rares édifices historiques sont assez dispersés et rien n’indique qu’à un moment vous êtes au centre-ville. Nos téléphones, peu enclins à capturer la désolation, restent dans nos poches. Les occasions de les sortir seront assez rares, mais nous avons tout de même trouvé quelques zones d’intérêt ou de nature insolite. À voir dans les 5 séries ci-dessous dont la dernière est consacrée à la cuisine paraguayenne.

voir plus bas pour le lien manquant et les réponses aux quizz

Le lien pour la paréidolie c’est ici, et les bonnes réponses aux deux quiz sont 1c et 2b


La plus belle église du pays

C’est dans la petite ville de Yaguarón que fut fondée en 1586 l’une des premières missions franciscaines du Paraguay. L’église datant du XVIIIe siècle, bâtie sur le modèle des grandes maisons des Guarani, en bois et en pisé avec un toit descendant bas et de grandes colonnades tout autour, est remarquablement bien conservée. La richesse de la décoration intérieure tranche avec la sobriété extérieure. C’est probablement le plus bel exemple de l’art baroque hispano-guarani et la plus belle église du pays. Le domaine de la mission initiale a été préservé en espace vert. Au long des grilles, une dizaine de personnages dorés semblent attendre sur autant de bancs. Il s’agit de personnalités importantes de la ville ou de la région, aussi bien politiques que artistiques. Insolite.


Sapucaí et son musée ferroviaire

En 1890, la gare de Sapucaí était la plus importante de la ligne Asuncion–Encarnation, une des premières lignes ferroviaires de l’Amérique latine. Avec une voie unique de 376 km reliant la capitale du Paraguay à l’Argentine. C’est à Sapucaí que se trouvaient les ateliers de réparation des trains. Ils ont cessé leur activité en 1999 avec la disparition des locomotives à vapeur et du trafic passagers. Mais ils se visitent toujours et c’est un beau moment d’histoire et de mécanique. Avec encore quelques locos les entrailles ouvertes dans le hangar ou d’autres encore rouillant dans le cimetière improvisé des champs alentour.


Un château médiéval au Paraguay !

Ça n’a l’air de rien, mais en y réfléchissant deux secondes, il est évident que le Moyen-Âge tel qu’on le connait n’a pas existé en Amérique. C’était alors la grande époque des Mayas, Aztèques et autres Incas à qui il n’était pas venu l’idée de construire des châteaux. Pourtant, le Castillo Echauri, près de Villa Rica, a bien l’allure d’un château médiéval, avec sa situation au sommet d’une colline, ses mur épais, son donjon et ses tours crénelées. Il a juste été construit … entre 1995 et 2000 par l’architecte Guillermo Echauri en hommage à ses ancêtres venus d’Espagne s’installer au Paraguay. Il y a habité avec sa famille pendant 20 ans avant de l’ouvrir au public. Non sans avoir ajouté quelques attractions pour les locaux à qui le Moyen-Âge européen parle moins que les séries télévisées. On trouve ainsi quelques reliques de Game of Thrones, Harry Potter ou encore du Seigneur des Anneaux, de quoi faire d’amusants selfies.


La zone des 3 frontières et les chutes du Lundi

Ciudad del Este, la 2ème ville du pays a été construite de toutes pièces en 1950 pour commercer avec le Brésil et l’Argentine à l’endroit stratégique où les frontières des 3 pays se rejoignent. De fait, nombre de visiteurs frontaliers viennent encore faire leurs courses dans les marchés et les grands centres commerciaux situés juste après le pont de l’Amitié qui relie le Brésil au Paraguay, entraînant un intense trafic au niveau des douanes. Si les locaux passent quasi-librement en raison du Mercosur, nous sommes obligés pour notre part d’effectuer les formalités de passage de frontières, même pour une journée. Car oui, nous allons bientôt passer là pour nous rendre aux chutes d’Iguaçu côté brésilien. Mais en attendant, nous profitons des quelques parcs de la ville, offrant des campings et quelques attractions culturelles gratuitement. Le hic, c’est qu’il faut réserver au préalable et que le procédé est loin d’être simple. Nous nous sommes contentés du joli camping et sommes allés visiter, en préalable à Iguaçu, les chutes du Lundi. C’était un mardi mais elles étaient toujours là…


Des pneus pour Roberto

Dans cette ville au commerce intense, nous avons profité du grand nombre de vendeurs de pneumatiques – ça s’appelle des gomerias – pour faire remplacer les pneus avant de Roberto. Une première tentative chez un revendeur Michelin nous a fait demander un délai de réflexion : 316 € le pneu tout de même ! Un peu plus loin, on nous a proposé des pneus chinois qui nous ont semblé de bonne facture tout en répondant aux normes techniques de nos pneumatiques et en étant agréé pour la neige et la boue. Montant du devis ? 112 € les deux pneus, montage équilibrage et remplacement des valves compris. Accepté !

Roberto à la gomeria
Roberto à la gomeria

Escapade aux chutes d’Iguaçú

Le plus long a été de franchir la frontière pour aller à Foz do Iguaçú, la ville brésilienne à partir de laquelle on rejoint les chutes. Partis pourtant de bonne heure, nous n’arrivons qu’en fin de matinée au parking des chutes, distant pourtant de seulement 25 kilomètres de notre point de départ. Nous déjeunons rapidement et rejoignons la station des bus du parc qui nous emmèneront au début du sentier qui longe les chutes. Et là, la magie commence à opérer. Certes nous avions déjà vu des photos de ces chutes géantes de 50 à 84m de hauteur, étalées sur près de 3 kilomètres, déversant jusqu’à 6 millions de litres chaque seconde (étonnamment, leur débit est régulé par les Brésiliens qui possèdent les barrages en amont sur le Rio Iguaçú), mais le bruit et le panorama grandiose du lieu ne peuvent être appréciés que vécus. Le sentier en corniche offre un panorama sur l’ensemble des chutes, qui se découvre peu à peu, avec les brumes et arcs-en-ciel s’élevant du fond du fleuve. Au passage on rencontre quelques singes et coatis, ce qui ne gâte rien. La progression se termine en apothéose avec d’une part une passerelle qui s’avance jusqu’à un point de vue magnifique sur la « gorge du diable », la plus haute chute du parc, et d’autre part jusqu’à presque toucher une impressionnante cascade, à condition d’accepter quelques embruns. Il faut savoir se mouiller !


Le parc des oiseaux

Installé non loin du départ des bus pour les chutes, ce parc héberge environ 600 oiseaux de 150 espèces, majoritairement locales. On passe de volière en volière pour bien s’immerger dans ce monde particulier. Même si beaucoup de ces volières sont immenses, les oiseaux restent en captivité, posant l’éternel dilemme du zoo : faut-il enfermer les animaux pour permettre à la population d’en voir au moins un de chaque espèce dans sa vie ? Cela dit, plusieurs espèces présentes ici sont en voie d’extinction et ce genre d’établissement permet aussi d’en sauvegarder quelques-unes, tout en ayant un programme de réintroduction dans un milieu naturel protégé dès lors que c’est possible. À noter enfin qu’un certain nombre d’oiseaux circulent librement ici hors des volières, peut-être parce qu’ils sont nourris. Mais on peut imaginer aussi que cela les intéresse de voir des humains.


Que dire des photos ci-dessous : arbre génétiquement modifié ? messages colorés aux extra-terrestres ? La réponse est dans la dernière diapo.


On file

Après nous être remis de nos émotions et après discussion, nous décidons de ne pas aller visiter le côté argentin, nous économisant ainsi deux passages de frontières supplémentaires. Les sentiers argentins sont plus proches des chutes mais n’en permettent pas une vue d’ensemble. Nous estimons que le côté brésilien nous a donné une plus grande diversité de vues, aussi bien éloignées que très rapprochées, et que s’il fallait en visiter un seul ce devait être celui-là. Alors nous voilà repartis sur les routes toujours aussi charmantes du Paraguay.

La capitale du maté

L’arrêt à Bella Vista était indispensable quand on connaît l’importance du maté au Paraguay. Car la yerba maté, la plante à partir de laquelle est fabriqué le breuvage national, voire sud-américo-sous-continental (?), est originaire du Paraguay. Son nom scientifique est d’ailleurs Ilex paraguayense. Elle était bien connue des Guaranis qui la consommaient d’une façon différente d’aujourd’hui, en laissant infuser les feuilles fraîches et broyées dans de l’eau. Ils maîtrisaient la culture, mais lorsqu’ils ont été quasi exterminés, ils ont emporté leur secret avec eux. Car la graine de yerba maté que l’on récolte sur l’arbuste ne germe pas si elle est plantée directement dans le sol. Les Espagnols ont dû s’en passer pendant plus d’un siècle, jusqu’à ce qu’un immigré allemand, après avoir observé que les graines que rejetaient les oiseaux après les avoir consommées germaient bien, trouvât le procédé pour reproduire les effets du passage dans le tube digestif des volatiles avant de distribuer ses plants dans le pays et ses voisins. C’est en tout cas ce que l’on nous a expliqué lors de la visite en VIP de la plantation Selecta, l’une des nombreuses qui officient dans la région. Toutes les étapes de la fabrication du maté nous ont été détaillées par un passionné qui a fait des efforts pour bien articuler pour que l’on comprenne bien son Espagnol. Une fois la graine traitée comme il faut, il faut attendre 2 ans avant qu’un rameau d’une dizaine de feuilles se forme. Replanté en pleine terre, taillé régulièrement pour ne pas monter trop haut, ce rameau devra encore attendre 5 ans avant de s’être suffisamment étoffé pour permettre la première récolte, toujours effectuée pendant l’hiver austral. Les rameaux qui contiennent 70% d’eau sont chauffés au bois à plusieurs reprises pour que l’humidité descende autour des 3%. Les feuilles et les tiges qui sont devenues craquantes sont ensuite stockées pendant 2 ans pour permettre leur maturation avant le traitement final : un broyage plus ou moins fin selon la demande des consommateurs. La visite se termine bien entendu par une dégustation au Maté Bar (établissement unique en son genre au Paraguay), accompagnée de spécialités culinaires à base de maté également. Notre guide nous a expliqué que les enfants commençaient à en consommer entre 2 et 5 ans, que les adultes, en fonction du moment de la journée, le prenaient soit en maté, infusé dans de l’eau chaude, soit en tereré, avec alors de l’eau fraîche. Les pays étrangers n’apprécient pas toujours la saveur amère du produit et commandent volontiers des versions aromatisées, tout en y ajoutant un peu de sucre et/ou de lait. Mais les Paraguayens le boivent généralement pur.

(suite)


Une mission pour le prix de trois

Nous avions visité quelques-uns des restes de ces missions jésuites au Sud du Brésil, le Paraguay en possède également. C’est la même histoire : une évangélisation bienveillante des indiens Guaranis par les Jésuites, manifestement trop bienveillante pour la couronne d’Espagne qui les a fait cesser en 1767. La plupart ne s’en sont pas remises et les Guaranis totalement désemparés se sont dispersés avant d’être opprimés (le mot est faible) par les conquistadores. La communauté actuelle est d’un peu plus de 100 000 âmes, à comparer aux 6 millions d’habitants du pays. La restauration et la conservation de ce patrimoine participe au devoir de mémoire. Les explications sur place aident à comprendre l’organisation solide de ces missions. Nous avions prévu d’en voir deux dans le Sud-Est du Paraguay, celle de Jesús de Tavarangüe dont la construction de l’église n’était pas terminée au moment de l’éviction des Jésuites (les colonnes centrales de l’église s’arrêtent à mi-hauteur) et celle de Trinidad, la mieux conservée du pays, mais dont l’accès nous a été refusé pour cause d’évènement privé ! Alors que le billet d’entrée de la précédente était censé la couvrir ainsi qu’une troisième. Scandaleux, nous avons tout de même perdu 4 euros dans l’affaire. Je blague quant au prix bien sûr, mais nous étions fâchés de ne pouvoir faire cette visite alors que la veille au soir le gardien nous avait affirmé que ce serait ouvert.

Cette visite est l’occasion de se poser la question « Que sont devenus le peuple et la culture Guarani dans le Paraguay d’aujourd’hui ? ». Eh bien pendant la période des Jésuites et des Franciscains, il y a d’abord eu un métissage important. Une fois les Jésuites chassés du Paraguay par le roi d’Espagne, les Guarani se sont dispersés, avant d’être sévèrement opprimés par les Espagnols devenant largement majoritaires au fil des vagues d’immigration, et leur nombre n’a cessé de diminuer au fil des années. Quand la guerre de la Triple Alliance a été déclarée (voir plus bas), tous les Paraguayens ou presque se sont retrouvés à la même enseigne, perdant 85 à 90% de leur population masculine et 2/3 de leur population totale. On aurait pu croire la culture Guarani oubliée mais il n’en est rien : outre le nom donné à la monnaie locale, 90% de la population parle aujourd’hui le Guarani, contre 70% pour l’Espagnol. Ces deux langues sont d’ailleurs les 2 langues officielles du Paraguay, un cas unique en Amérique. La langue elle-même, de tradition orale, a été heureusement été transcrite à l’écrit grâce aux frères missionnaires. Longue vie au Guarani !


Encarnación, dernière étape paraguayenne

C’est par cette ville tout au Sud du Paraguay que nous terminons la visite de ce pays. Il est trop tard pour profiter de son carnaval, le plus réputé du Paraguay, mais ayant lieu entre janvier et mars. Et il est trop tôt pour profiter des plages aménagées le long du fleuve Paraná, où accourent la majorité des estivants paraguayens entre décembre et février. En dehors de ces périodes, la ville est plutôt tranquille. Nous avons apprécié ses rues larges et peu encombrées, ses espaces verts, sa Plaza de Armas qui rassemble les monuments en hommage aux diasporas italienne, japonaise, ukrainienne et allemande entre autres. Et son sanctuaire de la Vierge d’Itacuá, la sainte-patronne des marins du Rio Paraná, perdu dans la forêt à la pointe d’une péninsule. Ce lieu rassemble les pèlerins chaque dimanche mais surtout une foule énorme le 8 décembre de chaque année. On se demande bien comment tout ce petit monde circule dans un endroit aussi réduit. Tout au long de la route, de petits abris qui pourraient être pris pour des arrêts de bus présentent chacun une illustration en mosaïque d’une Vierge de chacun des pays sud-américains.


Enfin, nous avons été attirés par le mini-zoo d’Encarnación, intrigués par son droit d’entrée concurrentiel à 1 euro. Il fallait y jeter un œil pour vérifier qu’avec une bonne gestion, on pouvait présenter de façon honorable les animaux du pays (pas que des oiseaux donc, comme à Iguaçu).


La guerre de la Triple Alliance

On ne peut pas traverser le Paraguay sans connaître la partie la plus terrible de son histoire, la guerre de la Triple Alliance, qui a d’ailleurs commencé comme certains conflits mondiaux actuels, peut-être une leçon à méditer. Dans les années 1860, le Paraguay était l’un des pays les plus avancés d’Amérique, gouverné par la dynastie des Lopez, de quasi-dictateurs. Mais cinq années d’une guerre terrible vont tout anéantir. À cette époque l’Argentine et le Brésil, déjà géants, rêvaient encore de s’agrandir. Le géant Brésil occupa soudain à cet effet une province du modeste Uruguay (la référence contemporaine c’est ici). Le problème, c’est que le dirigeant de l’Uruguay était un copain du dernier des Lopez, Francisco, lequel rêvait de se voir accorder un droit de passage vers l’océan. Alors ce Francisco Lopez, un rien égocentrique et sanguin, surestimant sans aucun doute ses forces, déclara purement et simplement la guerre au Brésil. Le pays attaqué fut rapidement soutenu par l’Argentine, et comble de malchance aussi par l’Uruguay, dont l’opposant au copain de Lopez venait de prendre le pouvoir. C’est cette triple alliance qui va répondre à la déclaration de guerre du Paraguay. Avec un rapport des forces d’à peu près 1000 contre 1 (j’exagère sans doute, mais peut-être pas tant que ça), Francisco Lopez s’obstinera tout de même 5 ans avant de perdre la guerre en mourant sur un champ de bataille (le fameux Cerro Mora de notre première visite). Le problème, c’est qu’il entraînera avec lui dans la mort 85 à 90% des hommes du pays en âge de se battre. C’est tout simplement énorme (plus de 3 fois les pertes masculines françaises au cours de la 1ère guerre mondiale). Le plus étonnant, c’est que le pays n’ait pas été absorbé par ses 3 adversaires au décours de la guerre. Le fort sentiment de nationalisme de la population restante, la mésentente des pays gagnants sur la part éventuelle du Paraguay qui leur reviendrait, le coût afférent de l’occupation, la pression internationale, et finalement le bon sens l’ont emporté : il était plus avantageux pour les gagnants de permettre au Paraguay de se reconstruire et de se stabiliser. À méditer pour les tentatives d’occupation contemporaines…

Illustration de la Guerre de la Triple Alliance - photo site www.larepublica.pe
Illustration de la Guerre de la Triple Alliance – photo site www.larepublica.pe

Le Paraguay c’est fini !

Le grand pont qui relie le pays à la ville argentine de Posadas nous fait de l’œil. Nous allons l’emprunter sur le champ, en espérant que les formalités de passage de la frontière seront plus courtes que celles de notre excursion au Brésil. A très bientôt !

97. Les capitales du Guatemala

Prenant possession du Guatemala en 1523, les colons espagnols installèrent d’abord une Capitainerie générale pour gérer quasiment toute l’Amérique centrale. En raison de soulèvements d’Indiens, elle fut déplacée en 1541 au pied du volcan Agua qui manifesta de suite son mécontentement (à moins que ce ne soit un coup des Indiens) en crachant une énorme coulée de boue. Les Espagnols reconstruisirent l’année suivante leur première capitale appellée Villa de Guatemala à quelques kilomètres de là, hors du passage de la boue. Mais le volcan (ou les Indiens) n’avait pas dit son dernier mot : il attendit que la population se soit bien développée (60 000 personnes) pour générer un beau tremblement de terre en 1773. Dépités, les conquistadors créèrent une nouvelle capitale, Guatemala Ciudad à 40 km de là, tandis que l’ancienne était rebaptisée La Antigua Guatemala (Antigua pour petit nom) et se reconstruisait peu à peu malgré les séismes à répétition qui continuent de l’affecter et qui ne semblent pas inquiéter les touristes qui viennent en nombre. C’est vrai qu’elle a un charme fou.

La Antigua Guatemala, ancienne capitale
La Antigua Guatemala, vue depuis le Cerro de la Cruz. En arrière-plan le volcan Agua (3760m)

Antigua, jour de procession

Antigua est peut-être la ville du Guatemala où les traditions catholiques sont les plus marquées, particulièrement en cette période de Carême, à l’approche de la semaine sainte. Arrivés un samedi après-midi, logés gracieusement à deux pas du centre-ville sur l’agréable parking gazonné et ombragé de la police touristique, nous avons pu assister dès le dimanche matin à une procession d’envergure. Une heure avant le passage du cortège, les trottoirs étaient déjà presque pleins et plusieurs dessins avaient été réalisés au milieu de la rue à l’aide de fleurs fraîches, de sciure de bois colorée, d’aiguilles de pin ou encore de fruits et légumes. Réalisés par les riverains, ces dessins éphémères disparaîtront au passage de la procession, piétinés par la foule.

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La procession du jour a démarré vers 5h ce matin et est en cours de bénédiction dans une église voisine. Vers 9h elle devrait reprendre son circuit qui durera toute la journée pour se terminer vers minuit. Des centaines de personnes vêtues de robes et capuches violettes envahissent peu à peu les rues, bientôt accompagnés par d’autres déguisées en soldats romains. Puis on entend la fanfare et on aperçoit un grand palanquin, chargé d’une couronne et une statue de Jésus, se déplacer avec un balancement régulier, comme flottant sur la foule. De près, on souffre pour les 80 pénitents, la sueur au front et la joue contre le bois du char, totalement investis dans leur tâche de soutenir cette masse énorme. Derrière, ce sont des femmes qui supportent de façon similaire une effigie de la vierge Marie, accompagnées par une fanfare jouant une musique lugubre. Un moment aussi spectaculaire qu’émouvant.

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Très concentrés et investis, les 80 pénitents portent ce grand palanquin de plusieurs centaines de Kg
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La fanfare suit, en jouant des airs lugubres
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Puis vient le palanquin de la Vierge Marie, porté tout aussi péniblement par des femmes, cette fois
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Ils sont arrosés régulièrement pour raviver les couleurs et éviter que le vent les abime

Antigua, le lendemain

La foule du week-end partie, nous pouvons visiter tranquillement la ville. Un joli quadrillage de rues pavées bordées de maisons à un seul étage et de couleurs vives où le jaune domine. L’architecture coloniale espagnole et les bougainvilliers qui débordent des murets, les églises jaune vif décorées de motifs en stuc blanc, les nombreuses ruines teintées de lichens et l’écrin volcanique en arrière-plan ont un charme certain. L’Unesco l’a d’ailleurs reconnue patrimoine mondiale de l’humanité dès 1979.

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Antigua – Façade d’église en ruines et bâtiment restauré à côté

Nous déambulons tranquillement dans les rues pour observer les édifices et les lieux les plus caractéristiques, comme la célèbre Arche Santa Catalina, emblème de la ville ; le Parque Central, quadrilatère verdoyant où viennent discuter les habitants au milieu des cireurs de chaussures et autres vendeurs ambulants ; la Catedral Santiago, logée dans sa chapelle initiale après le séisme de 1773 et dotée d’un Christ noir ; La Merced, dont la façade jaune canari est construite à la manière d’un retable avec colonnades et statues ; les nombreux couvents ; les marchés d’artisanat en nombre adapté à la fréquentation touristique (2,5 millions de visiteurs en 2019).

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L’ancienne Capitainerie générale, sur le Parque Central
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L’église de la Merced et sa façade jaune vif avec décors de stuc
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Derrière cette église, un grand patio avec la plus grande fontaine d’Amérique centrale (à sec…)
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L’hôtel de ville
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Séquence nostalgie

Il y a 25 ans, nous mettions les pieds pour la première fois à Antigua lors de l’adoption de notre fils Achille. Ressortant quelques vieilles photos prises alors, nous avons cherché à retrouver quelques lieux. Pour les édifices à caractère touristique, cela a été relativement simple, mais pour deux photos avec notre fils dans les bras, c’était une autre affaire. L’une d’elles était prise dans le patio d’un restaurant. Il a fallu en explorer quelques uns pour retrouver le lieu précis qui heureusement n’avait pas trop changé en 25 ans. Nous nous sommes faits un grand plaisir d’y déjeuner et de nous y faire prendre en photo par le serveur. Pour l’autre, prise dans la rue, cela a été plus compliqué encore. Une grande porte en bois près d’un mur jaune et de fenêtres grillagées, c’est très commun ici. Après avoir sillonné le centre-ville, nous étions de retour bredouilles vers Roberto quand un passant nous a interpellés, nous entendant parler en Français. Nous apprenons qu’il est Suisse et qu’il vit ici depuis 7 ans avec son épouse guatémaltèque et sa fille de 13 ans. Il n’a guère envie de retourner en Suisse avec la morosité ambiante assez proche de celle de la France. On le comprend ! Misant sur sa connaissance d’Antigua, nous lui soumettons alors la photo. Après examen attentif, il repère quelques détails et nous retrouve la bonne rue. Un petit parcours complémentaire sur Google Maps en version Street View nous permettra d’identifier le lieu précis… et d’aller refaire un cliché similaire.

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A table au Restaurante del Arco, en 1998 et en 2023
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Stand up sous l’Arche de Santa Catalina, en 1998 et en 2023
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L’arche si célèbre n’a pas trop changé en 25 ans
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Cette église très abimée vient de débuter sa restauration !
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Quant à l’église de la Merced, elle est toujours aussi populaire !

Épilogue : à l’aide des quelques informations en notre possession sur le dossier d’Achille, nous avons pu retrouver dans le dédale des rues d’une ville de banlieue de Guatemala Ciudad, la nourrice qui l’a élevé ses 6 premiers mois. Nous tenions avant tout à lui témoigner notre reconnaissance de l’avoir si bien pris en charge pendant cette période et de l’avoir préparé à la perfection, malgré le déchirement que cela a dû entraîner, à l’arrivée de ses nouveaux parents. Nous avons pu rencontrer toute sa famille d’accueil et constater à quel point ils étaient aimants, comprenant que ce sont eux qui ont transmis cette gentillesse et cet amour d’autrui à notre fils, qui l’emploie si bien encore aujourd’hui. Ils se souvenaient tous parfaitement de lui, nous ont dit à quel point ils étaient reconnaissants des nouvelles et photos que nous leur avons envoyées de temps en temps, un retour hélas rare par rapport aux autres enfants qu’ils ont hébergé. L’émotion était perceptible lorsque nous leur avons montré des photos d’Achille à différents âges de sa vie et à son comble lorsque nous avons pu faire une petite visio avec lui. Une émotion partagée, bien évidemment. Mille mercis à cette famille formidable qui a donné tant d’amour à notre fils dans cette période si importante de la vie où tout l’affect se crée.


Antigua, 4 jours et 4 nuits

Pour notre dernière journée sur place, nous avons encore visité de beaux édifices, certains réhabilités, d’autres en cours de reconstruction et d’autres encore restés au stades de ruines qui permettent de bien se rendre compte des forces de la nature. Nous quitterons Antigua après 4 nuits passées sur place, un record en deux années de voyage. La ville le méritait, mais nous nous sommes trouvés très bien logés dans ce jardin apaisant mis à disposition gracieusement par la Police Touristique, très bien situé à deux pas du centre-ville. Cerise sur le gâteau, nous y avons (re)trouvé d’autres voyageurs et échangé chaque soir nos expériences autour d’un verre. Tout comme il est intéressant de comprendre comment les habitants des pays que nous visitons fonctionnent, il est tout aussi enrichissant de dialoguer avec d’autres voyageurs nomades, chacun ayant son histoire, son évènement déclencheur, son rythme de déplacement et ses buts propres.

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Une rue typique d’Antigua, un porteur de palanquin devant un couvent et une petite boutique
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L’église San Francisco, où repose la dépouille de San Hermano Pedro, un moine venu des Canaries qui suite à son oeuvre de dévouement auprès les pauvres et des malades au Guatemala a été canonisé par le Pape Jean-Paul II lors de sa venue en 2002.
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Joli reflet d’un ancien lavoir
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Testez votre Espagnol avec Roberto

Vous avez tous brillamment réussi l’exercice précédent, ce qui vous donne le droit de revenir en deuxième semaine. Rassurez-vous, le niveau ne va pas trop monter. Voici donc 9 images ou logos à traduire en Français. Bonne chance !

Si vous hésitez pour les réponses, n’hésitez pas à demander une correction en commentaires


Un jour « sans »

Nous voici à la (re)découverte de la vraie capitale du pays, Guatemala Ciudad. Nous sommes stationnés pour la nuit dans un « parqueo », sorte de parking privé où les véhicules sont rangés à la manière d’un Tetris, les conducteurs laissant habituellement leur clé au gardien pour que les véhicules les plus au fond puissent sortir le moment venu. Il n’est évidemment pas question pour nous de laisser nos clés, mais pour plusieurs jours, on nous trouvera une place qui ne gêne pas trop de monde. Le parking ferme la nuit, c’est donc totalement sécurisé, ce qui est plutôt bien dans cette ville où la criminalité est élevée, surtout la nuit.

Nous marchons un petit kilomètre pour atteindre la grande place centrale. Elle est couverte de kiosques affreux qui nous privent de belles photos. Nous visitons la cathédrale qui n’a rien d’exceptionnel puis nous dirigeons vers le Palacio Nacional. Ce magnifique bâtiment n’est plus en fonction mais se visite avec guide.

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Le Palacio Nacional très déformé par le grand angle faute de recul suffisant

Sauf que la visite vient de démarrer et on nous demande d’attendre une heure la suivante. Nous déclinons et partons cette fois vers un groupe de musées au Sud de la ville. Bien que marqués « ouverts » sur Google, ils sont tous en travaux. Tous sauf le musée d’histoire naturelle qui n’était pas dans nos choix initiaux mais dans lequel nous nous engouffrons par dépit. Il est à peine 11h et l’employé qui nous vend les billets nous prévient que l’établissement ferme à 17h.

Sauf que le bâtiment est tout décrépit, qu’il n’y a rien à voir, et qu’en 20 minutes tout est visité, y compris les toilettes sans papier et sans eau. L’agent d’accueil se serait-il moqué de nous avec ses 17h ? Allez, nous nous rabattons sur le marché artisanal tout proche.

Sauf que nous sommes les seuls visiteurs d’une centaine de stands et que chaque vendeur tente de nous attirer avec un « pase adelante » que tous les voyageurs en Amérique latine connaissent par cœur. Nous fuyons. Nous reprenons notre marche pour retrouver l’hôtel dans lequel nous avions logé lors de l’adoption de notre fils il y a 25 ans. Le bâtiment est bien là, tel que dans notre imagination, et nous nous apprêtons à redécouvrir les intérieurs avec émotion.

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Feu l’hôtel Casa Grande

Sauf que l’hôtel n’en est plus un. Il a été racheté par une société pour en faire ses bureaux et le gardien à l’entrée n’accepte même pas que nous refaisions la photo devant la fontaine. Nous avons tout de même pris 2 clichés pendant qu’il était occupé avec une voiture qui sortait. Mais quelle déception ! Notre destination suivante est, selon notre guide, une réplique de la Tour Eiffel, construite en hommage à la fin de la guerre civile du pays.

Sauf que l’espèce de structure en fil de fer – vous en jugerez sur la photo – n’a rien à voir avec notre monument national, ni même avec les copies plus fidèles bien qu’à échelle réduite comme on peut en trouver à Macao ou Las Vegas. Il nous reste encore à voir un groupe de bâtiments qui seraient célèbres pour leurs bas-reliefs en façade racontant l’histoire du pays.

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L’histoire du Guatemala en bas-reliefs. Si vous y comprenez quelque chose…

Sauf que la sculpture sur béton n’a jamais été notre tasse de thé et que l’histoire du pays qui y est relatée n’est pas plus évidente à nos yeux que ne l’étaient les premiers hiéroglyphes examinés par Champollion. Nous terminons enfin par le musée du chemin de fer, décrit comme très couru par la population locale qui y pique-niquerait dans les vieux wagons, et comme possédant d’intéressants schémas de déraillements de trains.

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Visite au Museo Del Ferrocaril

Sauf que nous n’avons rien vu de tout cela et que la foule n’était pas plus au rendez-vous que les fameux schémas. Reconnaissons tout de même que la visite n’était pas inintéressante et que nous avons appris 2 ou 3 choses sur l’histoire du chemin de fer guatémaltèque, mais rien d’exceptionnel non plus.

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Allez, devinez ce que signifie le sigle FEGUA, ce n’est pas trop dur
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S’il ne restait qu’une locomotive et un quetzal, que ferais-je, que ferais-je ?

C’était bien une journée « sans ». Demain sera-t-il un autre jour ?


Un jour « avec »

Déjà au petit matin le ciel est d’un joli bleu. Dans notre parqueo, les poules s’égayent joyeusement, ignorant les mouvements des voitures qui entrent et sortent. Nous quittons les lieux vers 9h et nous dirigeons vers un grand espace vert de Guatemala Ciudad qui héberge une carte géante en relief du Guatemala. Chaque voyageur arrivant dans le pays, au lieu de fuir rapidement la capitale, devrait venir ici pour se rendre compte de la grande diversité géographique du pays. Les 170 m² représentent l’intégralité du Guatemala, de l’océan Pacifique à la mer des Caraïbes, et des grandes plaines aux imposantes chaînes volcaniques que l’échelle utilisée (1:2000 à la verticale pour 1:10000 à l’horizontale) met particulièrement en valeur. Ainsi, les plus hauts volcans du pays sont représentés avec plus de 2 m de hauteur. Nous recréons avec plaisir notre itinéraire dans le pays, mesurant les efforts qu’a dû fournir Roberto. Nous admirons aussi le travail de l’ingénieur Francisco Vela à l’origine de l’œuvre, bâtie en 1905 après de multiples expéditions dans le pays pour prendre les mesures adéquates, ne pouvant bien entendu pas compter sur des images aériennes ou satellitaires. Un système hydraulique fonctionnait à l’inauguration pour approvisionner rivières, lacs et océans, mais pas le jour de notre visite. L’œuvre plus que centenaire est en cours de restauration. Nous étions les seuls touristes mais pas les seuls visiteurs : le lieu est très prisé par les scolaires. Et en effet, il n’y a pas mieux pour apprendre la géographie d’un pays.

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Une carte en relief du Guatemala sur 170 m² réalisée il y a presque 120 ans
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il ne manque plus que l’eau…

Notre seconde visite du jour a été celle du Musée Ixchel, situé dans le domaine d’une université privée, à l’environnement aussi verdoyant que soigné qui donnerait presque envie de reprendre des études. Ce musée a pour vocation de collectionner les types de vêtements portés par toutes les communautés indigènes du Guatemala à différentes époques. Aussi bien pour l’usage quotidien que cérémoniel. Actuellement, 181 de ces communautés sont représentées et chacune a créé des motifs spécifiques permettant de l’identifier. L’exposition est vraiment de qualité, et les tissus sont tous plus beaux les uns que les autres. Si les photos de Claudie ne vous suffisent pas, allez jeter un œil sur le site du musée.

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Le musée est dans un domaine universitaire verdoyant qui donne envie d’étudier… et d’y garer Roberto
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Les textiles guatémaltèques dans toute leur splendeur, de l’usage cérémoniel à celui du quotidien
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Une salle était dédiée aux peintures de Carmen Lind Pettersen, une artiste guatémaltèque connue pour ses aquarelles de costumes traditionnels du Guatemala. Elle a aussi écrit un livre qui fait référence sur le sujet.

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Superbes oeuvres de Carmen Lind Pettersen

Nous terminons notre parcours guatémaltèque sur un petit « camping » au bord du « Lac du Pin », curieusement le plus cher (38 €) et le moins aménagé (les sanitaires sont en travaux…) de tous ceux que nous avons visités dans le pays. Mais avec un joli bout de pelouse au bord du lac, pour nous seuls comme d’habitude. Une courte pause avant de franchir la frontière vers le Salvador. Vous traverserez bien avec nous ?

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Le Lac du Pin, vu de Roberto
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P Parcours Guatemala
Dernière partie de notre parcours au Guatemala. Pour zoomer c’est ici
Parcours Guatemala
… et le parcours complet du pays en un peu plus de 3 semaines

51. La inspección

Je profite du blog pour vous distiller quelques mots d’espagnol, langue dans laquelle nous sommes totalement baignés actuellement, d’autant que peu de mexicains parlent anglais. L’espagnol n’est pas si compliqué pour les francophones grâce au fait qu’une grosse partie du vocabulaire est commune, ou presque. Ainsi pour tous les mots dont la terminaison est -tion et -sion (ou -ssion) en français, il suffit de remplacer le suffixe par -ción ou -sión et vous aurez le mot espagnol. Fastoche, non ? Il y a bien sûr des exceptions comme « protestation » qui devient « protesta », mais rassurez-vous, « exception » se traduit bien « excepción », sinon ç’aurait été un comble ! Mais revenons à notre « inspección ».

la inspeccion

L’inspection douanière est un moment important dans le processus du shipping. Non pas tant par l’acte bureaucratique, qui peut néanmoins parfois tourner au vinaigre comme ce couple décrivant sur les réseaux sociaux que leur véhicule a été bloqué à Veracruz pendant 2 ans ! Mais surtout par le fait que vous revoyez ce jour-là pour la première fois depuis 4 ou 5 semaines votre compagnon à roues favori. Outre l’émotion des retrouvailles, vous découvrez aussi à quel point il a pu être ou non malmené. Car au cours de ces voyages en RO-RO, les véhicules sont de plus en plus souvent, pour ne pas dire systématiquement, visités et « allégés » d’une partie de leur contenu, voire dégradés. C’est un gros problème qui ne trouve pas pour l’instant de solution car les victimes se plaignent rarement au-delà des réseaux sociaux, n’attendant rien de leur assurance maritime qui n’assure que les biens d’une valeur individuelle supérieure à 200$. Et quand bien même ces victimes iraient en justice, elles se heurteraient au renvoi de responsabilité des différents intervenants entre eux (transitaires, autorités portuaires, compagnies maritimes, etc. Nous n’avions donc pas d’autre choix que de faire avec, en protégeant Roberto du mieux que l’on pouvait tout en connaissant les limites de ce genre de protections face à des gens déterminés pouvant prendre tout leur temps dans la quiétude d’une cale de navire ou l’obscurité d’un port.

« Quoi ? Les 2 gringos ont leur inspection aujourd’hui ? » – Non, ce n’était quand même pas dans le journal !

Quatre jours après le déchargement de Roberto, nous avons enfin le rendez-vous pour l’inspection douanière. L’agent qui nous guide dans les formalités à Veracruz, Luis, nous avait quelque peu préparé : un seul d’entre nous pourra entrer dans le port, à condition d’être correctement habillé, ce qui signifie chemise, pantalon et chaussures fermées, y compris pour les femmes. L’occasion est trop belle de mettre mon pantalon tout neuf, acheté 2 jours auparavant. Luis me récupère, accompagné d’une employée, devant la porte de l’hôtel. Il me demande si j’ai bien mon passeport, regarde mon pantalon et me dit, une expression bizarre sur son visage : « Vous n’avez pas de jean ? ». Voyant mon incompréhension il insiste, montrant que son employée et lui en portaient. Je confirme cette faute de goût, désolé de ne pas être aussi « correctement » habillé qu’il l’espérait. Il répond que ça ira et me fait enfiler un gilet de chantier orange fluo, the mexican touch sans doute. Nous arrivons à l’entrée du port. Pendant que Luis passe les barrages pour l’accès de sa voiture, l’employée m’emmène au contrôle des humains, un peu similaire à celui des aéroports, le gel hydroalcoolique à double dose en plus (j’ai dû recevoir celle de l’employée qui, elle, est passée direct…). Nous retrouvons Luis, une liasse de papiers fraîchement tamponnés à la main. Après un long parcours dans l’immense port, sillonnant entre les trains de marchandises en marche et les nombreux poids lourds, il nous amène au parking de la douane. Et là je vois enfin Roberto, attendant sagement au soleil parmi une demi-douzaine de congénères. J’envoie de suite une photo à Claudie afin de partager ce moment d’émotion, puis je scrute la carrosserie au travers du grillage qui nous sépare encore. Je ne décèle rien d’anormal, c’est déjà ça.

La réponse de Claudie
Un peu poussiéreux mais enfin là !

Vingt bonnes minutes après, la douanière arrive enfin. C’est sûr que si j’étais atteint d’onychotillomanie, je n’aurais plus que des moignons d’ongles à ce moment-là. Nous faisons le tour de Roberto, que l’inspectrice prend en photos sous toutes les coutures. C’est vrai qu’il est beau… mais ce doit être pour d’autres raisons. Je vérife que la porte latérale que j’avais condamnée électriquement est bien fermée. Malheureusement, elle s’ouvre… Ça commence plutôt mal ! Un rapide coup d’œil à l’intérieur, ne constatant rien d’anormal dans l’entrée, me rassure partiellement. Mais je n’entre pas et poursuis mon inspection. J’arrive aux portes arrière. Celle de droite est entrouverte. Manifestement elle a été forcée, sans dégât apparent sur la carrosserie, et le cadenas à l’intérieur a tenu le coup. Ouf, car nous avions rangé pas mal de choses dans la soute. Pas d’autre anomalie à l’extérieur. Je pars maintenant à la découverte de l’habitacle, m’attendant au pire avec cette porte latérale déverrouillée. Mais non, tout semble en place. Aucun placard ou tiroir ouvert. Seule la cloison temporaire de séparation cabine/cellule est partiellement sortie de ses rails et présente une petite déchirure dans le bois, démontrant bien qu’on a essayé de la forcer. De nouveau sans résultat apparemment. Au niveau des portes arrière forcées, les plaques en acier anti-ouverture que j’avais installées sont cintrées, ils ont dû tirer fort, mais le cadenas qui les solidarise est toujours en place. Il a néanmoins souffert car je n’arrive pas à l’ouvrir. Je craignais enfin avoir oublié, dans la panique de la dépose à Anvers, de désactiver ma batterie, risquant ainsi une décharge profonde lors du long transport et donc une détérioration. Mais non, le disjoncteur est bien sur « OFF » et l’afficheur lumineux indique 13,9 V, ce qui signifie que les panneaux solaires la rechargent. Un premier bilan plutôt positif donc, si l’on excepte la porte forcée et peut-être abîmée.

… et la batterie aussi !

Je n’ai pas trop le temps de réfléchir à tout ça car l’inspectrice des douanes me fait sortir sur le quai la quasi-totalité du contenu des placards et des soutes, à l’heureuse exception de la batterie de cuisine. Le sport consiste à détecter tout ce qui est prohibé à l’importation et notamment tout ce qui est nourriture. Ayant eu l’information au préalable, nous n’avions plus grand-chose, mais les quelques sachets de thé et d’infusions qui nous restaient ont été confisqués, tout comme un flacon d’épices et une boîte de sucre. On nous a aussi pris un des paquets de sciure de bois, celle qui nous sert pour nos toilettes sèches, un grand danger pour le pays manifestement. Deux autres paquets stockés tout près sont passés inaperçus pour leur part, mais ne crions pas victoire trop tôt car il y aura une autre inspection à la sortie du port. L’inspectrice a forcément voulu voir les soutes. Elle a appelé à la rescousse un ouvrier qui, muni d’un coupe-boulon plus grand que lui, a sectionné le cadenas rebelle en moins de temps qu’il n’en a fallu pour écrire le dernier mot de cette phrase. Le contenu des soutes, plutôt technique (tuyau de remplissage, câble électrique, boîte à outils, etc.) n’a pas paru intéresser la fonctionnaire qui ne m’a rien demandé de sortir. Zut, j’aurais dû cacher les tisanes dans la boîte à outils ! Pour finir, ils ont lâché le chien. Enfin c’est une façon de dire qu’un gros molosse est venu mettre le nez dans toutes nos petites affaires, histoire de vérifier que nous ne tentions pas d’importer de croquettes 😉. D’ailleurs j’ai trouvé ça bizarre, parce que les « croquettes » elles vont plutôt de l’Amérique vers l’Europe et pas l’inverse, non ?

Il ne me restait plus qu’à tout ranger. Et à laisser de nouveau Roberto clefs sur le contact aux mains des employés du port pour plusieurs jours, le temps que les douaniers puissent partir en week-end et se reposer avant de rendre leur rapport. Avant de partir, je passe demander à mon ami Kilian, en train de subir le même contrôle, comment ça se passe pour lui. Je le trouve la mine défaite, errant parmi ses effets étalés sur le sol. Il me dit avoir retrouvé l’intérieur de son van sens dessus dessous et que plusieurs éléments mobiliers ont été endommagés. En outre, plusieurs de ses biens ont été volés. Je le quitte avec la promesse de le revoir l’après-midi. Il va lui falloir plusieurs jours pour s’en remettre moralement. Mais il s’en remettra, car heureusement les bons côtés du voyage vont vite reprendre le dessus.

Nous avons donc encore un grand week-end à occuper avant d’être convoqués pour l’ultime étape, celle de la sortie du port, qui n’a rien d’une simple formalité. Le musée naval vient de réouvrir, nous allons y jeter un oeil mais nous ne le trouverons pas aussi « incroyable » que l’affirme le site. Je mets aussi quelques photos d’une balade plus intéressante dans l’ancienne forteresse qui, sur une île proche de la côte protégée des courants, a pu servir d’abri aux bateaux de commerce et permettre à la ville de se développer. Le port s’est d’ailleurs développé autour d’elle et ce n’est plus une île du tout.

De l’extérieur, une jolie vue sur le port
Des douves à l’intérieur sont là pour séparer la zone de vie de la zone de défense



Beaucoup de vent ce week-end. Le drapeau rouge interdit la baignade et les rafales de sable bousculent les marcheurs

J’espère que vous attendez le prochain article comme nous attendons Roberto. Alors à très bientôt !