94. Au Belize et compagnie

Nous n’aurons passé qu’une petite semaine au Bélize, mais ce pays n’est pas très grand. Et nous avons volontairement omis sa partie Sud qui n’était pas sur notre route pour entrer au Guatemala. Mais ce fut une agréable découverte d’un pays dont nous ignorions tout, s’avérant très attachant, se différenciant du Mexique à bien des égards, et malgré le titre n’ayant rien à voir avec Goscinny et Uderzo. C’est juste que chez moi ça part comme ça, comme un syndrome de Gilles de la Tourette.

Arrivee au Belize
Quelques voiles de lasers en arrière-plan de ces lettres du pays. J’avoue que l’envie m’a démangé…

Passage de frontière

Bien que se décrivant souvent aventuriers, la plupart des voyageurs n’aiment pas cette part d’incertitude qui justement définit l’aventure et cherchent des informations préalables sur les réseaux sociaux ou sur les applications qui leurs sont dédiées. Ainsi va pour le passage de frontière de chaque pays et nous connaissions le détail de la procédure avant même de passer le premier contrôle. Et quand bien même nous serions arrivés sans information, il y a toujours une bonne âme pour vous guider au fil des formalités.

Notre propre passage a vu s’enchaîner les étapes suivantes : tampon de sortie du Mexique sur chacun de nos passeports, annulation du permis d’importation de Roberto au Mexique (il était pourtant valable 10 ans, mais dans le cas où nous devrions le vendre, l’acheteur ne pourrait obtenir à son tour de permis, et dans le cas où nous souhaiterions importer un autre véhicule, nous ne le pourrions pas non plus), passage sous un portique hors d’usage pour un simulacre de fumigation (le terme fumisterie serait plus approprié), passage à la caisse pour payer tout de même cette opération fumeuse, obtention d’un visa d’immigration de 30 jours pour chacun de nous et d’un permis d’importation temporaire pour Roberto, passage express à la douane sans fouille aucune contrairement à d’autres voyageurs (le fait d’être des compatriotes de M’Bappé a apparemment impressionné les agents).

Une fois entrés légalement dans le pays, nous avons de suite rejoint un bureau où nous avons acquis une assurance pour Roberto, avec une couverture minimale (au tiers) pour 8 jours. Les visas et permis sont gratuits, nous avons payé un droit de circulation de 15 € et l’assurance auto a coûté 20 € pour 8 jours. Les « formalités » d’arrivée se sont terminées dans la première ville rencontrée, Corozal, où nous avons retiré quelques dollars béliziens au distributeur (il y avait la queue, les habitants doivent être comme au Mexique payés le vendredi et viennent donc ce jour là en nombre en retirer tout ou partie) et acheté des cartes SIM locales. Car Free, c’est fini, et dire que c’était la SIM de mon premier amour…

Nouvelles plaques sur les voitures
Nouvelles plaques sur les voitures
Nouveau drapeau
Nouveau drapeau… le seul dans le monde à faire figurer des êtres humains ; l’un métis et l’autre créole avec les « armes » du pays : de quoi exploiter les ressources forestières (hache, acajou…) et marines (pagaie, bateau 3 mâts). Et la devise : Je fleuris à l’ombre
AEt eme pays pour Roberto
…et le 17ème pays visité pour Roberto !

L’autoroute du bon air

Après une nuit tranquille à Corozal, dans un joli parc en bord de mer, nous reprenons la route. La première que nous empruntons, s’appelle autoroute. Mais rien à voir avec nos standards européens, il s’agit d’une route à double sens de circulation avec un nombre de voies indéterminé en l’absence de tout marquage au sol. Ajouté à l’absence de tout contrôle de vitesse, cela donne une conduite assez libre mais qui se passe plutôt bien. Cette autoroute traverse volontiers des villages, protégés alors des chauffards par des ralentisseurs en forme de passages piétons surélevés tous les 50m. Une dernière caractéristique et pas des moindres est le revêtement d’asphalte, en relativement bon état, qui a au moins l’avantage de ne pas faire soulever de poussière par les véhicules.

Car oui, c’est le problème majeur dès lors que l’on aborde les routes secondaires : elles sont la plupart du temps en terre et/ou en cailloux, parsemées d’ornières profondes et de nids-de-poule, et surtout génératrices de gros nuages de poussière au passage des véhicules. Les habitations et la végétation en bordure de ces routes sont toutes blanches. Tout comme Roberto après avoir parcouru une trentaine de kilomètres sur ces pistes avant d’atteindre notre nouvelle destination.

Ces routes un peu difficile nous ont permis tout de même d’entrer sur les terres des mennonites, une communauté proche des Amish, se préservant du monde moderne en refusant l’électricité. Vêtus « à l’ancienne », ils sont nombreux à circuler en calèche, mangeant davantage de poussière que nous alors qu’ils n’en soulèvent pas : un comble !

P.S. La dernière photo = piste en gazon à l’arrivée, idéale pour dépoussiérer le bas de caisse…

Un joli parking en herbe en front de mer
sur un joli parking en herbe en front de mer, gratuit, aéré, calme, parfait quoi. On y discute volontiers avec les locaux qui viennent vous aborder spontanément


Un p’tit tour chez l’épicier

A l’arrivée dans un nouveau pays, il est toujours intéressant de parcourir les rayonnages des supermarchés (on parlera plutôt ici de supérette) car cela est souvent indicateur de la culture locale. Voici quelques trouvailles lors de notre premier passage. Les prix apparaissant éventuellement sont en dollars béliziens, à diviser par deux pour convertir en euros.

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Un petit restau de bord de rue juste en face de la supérette

Un site mayo-bélizien

L’empire maya couvrait l’actuel Belize (ce jeune état n’est né qu’en 1981) et il est donc normal d’en retrouver quelques vestiges ici. Nous avons rejoint le site archéologique de Lamanai, en bordure de rivière, découvert en 1970, et très lentement mis à jour depuis. On y apprend qu’il a été occupé de 1500 av. J.-C. jusqu’au XIXe siècle, soit une longévité exceptionnelle. La forêt tropicale a ensuite repris ses droits et reste encore bien présente malgré les passages dégagés pour les touristes, c’est ce qui fait le charme du lieu. Il est de plus assez peu visité, compte-tenu des difficultés d’accès (55 km en bateau ou 60 km en voiture dont 30 sur une route extrêmement poussiéreuse). Arrivés en début d’après-midi, nous avons eu le site pour nous seuls, le petit groupe de touristes déjà sur place regagnant son bateau. Un petit musée à l’entrée retrace l’histoire de la découverte de Lamanai et de la civilisation Maya. Puis nous entrons dans la jungle sous des allées de palmiers et d’arbres géants, sous les cris des oiseaux et des singes hurleurs, et découvrons peu à peu ces ruines couvertes de mousses multicolores et d’arbres qui prennent racine. Entre le temple des jaguars, le palais royal, le terrain de jeu de balle, le temple haut (une pyramide de 33m) et le temple des masques avec son petit air d’Angkor, nous avons été conquis par l’atmosphère du lieu.

Lamanai des temples perdus dans la jungle
Lamanai, des temples perdus dans la jungle et juste pour nous. Ça change avec le Mexique !
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Le fameux temple des masques avec ses ttes sculptes
Au détour d’un sentier, on découvre le fameux Temple des Masques avec ses têtes sculptées. Un petit air d’Angkor Wat avec cette végétation

Pour rester dans l’ambiance, nous sommes allés nous stationner pour la nuit à deux pas de là, sur un petit terrain plat immédiatement au bord de la rivière. Il y passe parfois des lamentins, mais nous n’avons pas eu l’honneur de leur visite. La nuit a été néanmoins des plus calmes et le lever de soleil magnifique.

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Au petit matin, on profite du lever de soleil et du départ des pêcheurs

L’ancienne capitale

Belize City fut un temps capitale du Belize, à l’époque où le pays s’appelait encore Honduras Britannique. Malheureusement, sa situation en bord de mer l’expose régulièrement aux ouragans, dont Hattie en 1961 qui détruisit la ville aux trois quart, poussant le gouvernement à déplacer sa capitale dans un lieu plus sûr. C’est ainsi que naquit Belmopan. Le pays acquit son indépendance en 1981, et Belize City, malgré les ouragans à répétition, en reste la capitale économique et la ville la plus peuplée.

Belize city a un caractere creole bien marque
Belize City possède un caractère créole bien marqué
Les traces de louragan Earl de sont encore visibles
Les traces de l’ouragan Earl de 2016 sont encore visibles. Un passant tient spontanément à le faire remarquer à Claudie. Mais on trouve aussi heureusement des bâtiments récents
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Bien qu’encore très abimée par le passage de Earl en 2016, Belize City mérite la visite pour ses grandes maisons créoles, ses peintures murales et son agréable front de mer. Les rues étaient un peu désertes le jour de notre passage, pour cause de dimanche, aussi n’avons-nous guère pu profiter de l’ambiance du centre-ville. A la place nous avons visité le petit musée qui raconte bien l’histoire de l’esclavage au Belize et l’arrivée de la culture garifuna (métissage entre les esclaves africains et les indiens caraïbes autochtones) tout en faisant la part belle aux peintures d’un artiste local renommé : Pen Cayetano. Nous avons aussi jeté un œil à la cathédrale construite avec des briques venue d’Angleterre et qui servaient au ballast des bateaux d’esclaves, ainsi qu’à l’étonnant phare construit en l’honneur d’un navigateur anglais admirateur du pays depuis son bateau ancré dans le port et qui, sans y avoir jamais accosté, a légué une partie de sa fortune au gouvernement juste avant de mourir 2 mois après son arrivée. Sa tombe est au pied du phare…

Le port de peche est peu actif ce dimanche
Le port de pêche est peu actif ce dimanche. Même les pélicans sont au repos !
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il y a eu un artefact étrange au moment de la composition de la photo… finalement je le laisse…
Un petit lot de peintures murales prs de lembarcadre des ferries
Nous avons déniché un petit lot de peintures murales près de l’embarcadère des ferries
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Ce musée consacre aussi une exposition permanente à l’esclavagisme local, développé au XVIIIème siècle par les colons britanniques pour l’exploitation de la forêt, mais très particulier en ce sens qu’une sorte de solidarité entre les esclaves et de leurs maîtres a permis de repousser les tentatives de récupération espagnoles et finalement d’amorcer la fondation du pays au début du siècle suivant. Il faudra attendre encore 150 ans avant qu’il ne deviennent indépendant. Malgré la précession par les Mayas et l’arrivée ultérieure d’Espagnols et de Garifunas, les descendants d’esclaves et de colons britanniques présents au moment de cette bataille victorieuse contre l’Espagne, dénommés Créoles, n’hésitent pas à faire valoir que sans eux le Belize n’existerait pas. Ce qui est évidemment contesté par les autres populations.

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La visite se poursuit par les extérieurs de la cathédrale. Construite avec des briques venues d’Angleterre et servant comme ballast dans les bateaux négriers. Sur le panneau ils disent juste « venues d’Angleterre »…

Le Grand Trou Bleu

C’est une merveille de la nature, une grotte formée il y a plus de 150 000 ans et dont le toit a fini par s’effondrer lorsque le niveau de la mer est monté. Si l’on reste au niveau de l’eau, c’est paraît-il un paradis pour les plongeurs avec des fonds descendant jusqu’à 120 m. Nous avons choisi pour notre part de l’observer du ciel. Un cadeau que nous nous offrons pour notre récent anniversaire de mariage.

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Des cartes d’embaquement originales…

Nous choisissons la compagnie Tropik Air, qui promet une place hublot systématique et un maximum de 11 passagers. Mais comme nous sommes les seuls passagers du jour, on nous octroie un avion privé, un petit Cessna 182, rien que nous, et je suis en place copilote !

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Un petit Cessna rien que pour nous ! Et le pilote avec bien sûr…
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Nous survolons les îles qui bordent le continent, puis la barrière de corail, la seconde plus longue du monde après sa sœur australienne. Les couleurs sont magnifiques, même si le ciel est un rien voilé. Après 30 mn de vol, nous parvenons au-dessus de cet œil géant, un disque bleu sombre parfait qui tranche avec les couleurs plus claires du petit récif corallien qui l’entoure. Un bateau est au mouillage, attendant probablement des plongeurs. Un autre arrivera un peu plus tard. Le pilote fait 3 fois le tour du Grand Trou Bleu, nous laissant le temps de bien l’admirer, avant de longer la barrière de corail jusqu’à une épave puis de reprendre la route du retour.

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Et voilà la merveille ! Nous avons tourné plusieurs fois autour
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Passage au dessus d’une épave sur la route du retour

Vraiment une expérience exceptionnelle !


Le Zoo du Bélize

Si nous ne sommes pas fans des zoos classiques, préférant voir les animaux dans la nature que dans des cages, nous aimons bien ceux qui hébergent les animaux blessés ou orphelins avec l’idée de les remettre dans le milieu naturel si c’est possible. Et c’est bien le cas ici. De plus, s’il y a bien des cages grillagées, la plupart des enclos sont larges et laissés avec la végétation d’origine que le climat tropical n’a aucun mal à entretenir. Comme dans un refuge que nous avions vu au Canada, une pancarte raconte l’histoire de chaque hôte et donne des conseils pour que la situation ne se reproduise pas, comme par exemple éviter d’accueillir comme animaux de compagnie des espèces qui ne s’y habitueront pas.

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Coatis, jaguarundi et tapir
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Ara, pélican brun et aigle harpie

Nous avons pu avoir ainsi une idée plus précise de la faune du Belize, et même de sa flore avec quelques arbres impressionnants comme ce ceiba (alias kapok) de 30 m de haut et tout cela dans un environnement agréable et bienveillant.


Camping Paradis ?

Depuis le Yucatan, nous ne bénéficions plus de la fraîcheur des montagnes et il est quasi impossible de dormir les fenêtres latérales fermées. Pour des raisons de sécurité, nous allons plus souvent qu’auparavant passer la nuit dans des campings, ce qui nous permet de tout laisser ouvert en grand. Les prix sont modiques, mais le confort est en rapport…


La capitale de béton

Puisqu’elle était sur notre route, nous avons traversé la capitale du pays, Belmopan. Ce n’est qu’une petite ville de 30 000 habitants, construite de toutes pièces entre 1964 et 1970 après que Belize City ait été ravagée par un ouragan en 1961. Belmopan est à 35 km des côtes, le risque est bien moindre. Le problème est que le gouvernement britannique qui détenait la colonie à l’époque (le Honduras Britannique) n’a versé que la moitié des fonds promis, et la ville a un petit air d’inachevé, surtout concernant les bâtiments administratifs. Mais elle fait des efforts, et l’installation récente de l’Université du Belize devrait relancer l’économie.

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Le parlement entouré de bâtiments administratifs. Théoriquement il est en forme de temple maya. Théoriquement.

Conserve d’iguanes

Nous l’avons découvert à un carrefour où un jeune homme brandissait, au lieu des habituelles boissons rafraîchissantes, des iguanes aux automobilistes de passage : les béliziens mangent ces reptiles ! Aussi, quand nous avons vu à San Ignacio ce petit conservatoire des iguanes, nous n’avons pas hésité. Une intéressante visite qui nous en a beaucoup appris sur les 2 espèces locales : les iguanes verts (qui deviennent gris en grandissant) qui sont plutôt arboricoles et en voie d’extinction, leur chair ayant malheureusement meilleur goût (surtout les femelles en gestation) que l’autre espèce, les iguanes noirs, vivant plus près du sol et consommant toutes les espèces peu ragoutantes qui y traînent. Ici vous l’avez compris on protège surtout les iguanes verts, recueillant et protégeant leurs œufs et les juvéniles qui en naissent, améliorant ainsi fortement le taux de survie qui est de moins de 10% dans la nature. La visite se termine par quelques photos de famille avec ces iguanes peu farouches, avec tout de même le message de prudence que ceux-là sont l’exception : dans la nature, les morsures et les violents coups de queues peuvent entraîner des blessures sévères.

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Ça se passe à San Ignacio, près de la frontière guatémaltèque

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Ensuite nous sommes invités à prendre la pose avec les habitants du lieu

Haricots-riz-coco !

Ce presque chant-du-coq n’annonce pas l’heure du petit-déj mais celle du déjeuner. Loin de nous l’idée de consommer des iguanes en voie d’extinction, mais nous avons tout de même envie de goûter à la cuisine locale. Un doux mélange d’influences mexicaine, guatémaltèque et caraïbe. Les tortillas de maïs côtoient ici les galettes de manioc (kassav, vous connaissez ?). Le poisson fraîchement pêché est facilement accessible. L’accompagnement comporte toujours une part de riz et haricots rouges cuits dans du lait de coco. Simple et savoureux. La bière locale Belikis est sur toutes les tables et excellente. Et pour le dessert un petit gâteau au chocolat s’impose : le pays aurait été le premier à produire du cacao. Descendance maya oblige.

Cuisine bélizienne

Vous reprendrez bien un peu de maya ?

Dans la même ville se trouve le site maya de Cahal Pech. Sa particularité est d’avoir le joli prénom du fils de notre grand copain, et des portes partout. Peut-être cherchait-on ici les courants d’air ? Les architectes mayas construisaient toutes leurs portes sur le principe de l’encorbellement : chaque pierre repose sur la précédente, en dépassant un peu, donnant cet aspect triangulaire à leur sommet et aux plafonds des couloirs. L’intérêt est l’absence de clé de voûte et donc une plus grande facilité de réalisation. L’inconvénient est que les portes sont assez étroites. Mais à l’époque où les sacrifices humains étaient monnaie courante, on n’en menait pas large…

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Le site maya de Cahal Pech avec toutes ses portes

Rencontre avec un artiste de Beliwood

Après quelques routes bien poussiéreuses, Roberto avait besoin d’un bon lavage. Nous sommes allés dans un « car wash » et, le temps que l’opération se fasse, nous avons fait une pause dans la boutique-bar autour d’une Belikin bien fraîche. Le barman, un beau jeune homme bodybuildé au crâne rasé, engage la conversation. Très jovial et charismatique, il nous apprend qu’il est chanteur et acteur, ayant joué dans plusieurs films comme Jurassic Attack (2013) ou Les 7 aventures de Sindbad. Naturalisé américain, il est natif du Belize et n’en a pas oublié ses racines, chantant notamment du punta rock, la musique des Garifundas (voir plus haut). Il a manifestement du talent et nous lui souhaitons une belle carrière. Vous pouvez retrouver quelques unes de ses œuvres ici ou .


C’est déjà fini… Un peu moins d’une semaine après notre arrivée, nous quittons déjà le Belize, conquis par ce petit pays qui donne envie d’y revenir. Destination le Guatemala pour d’autres découvertes et un émouvant retour en arrière de 25 ans. Pour ceux qui ne nous connaissent pas, vous en saurez davantage dans le prochain article. A très bientôt !

Parcours au Belize
Parcours au Belize, en version zoomable ici

68. Cap plein Ouest

Après ce point extrême-oriental de la Gaspésie, nous amorçons un virage à 180° pour débuter une longue traversée du Canada qui devrait nous amener dans la région de Vancouver fin-août début-septembre. Notre GPS nous indique à vue de nez 5 500 km et 58 heures de route, mais ce sera forcément davantage compte-tenu de notre malin plaisir à prendre le chemin des écoliers.

Un trou pas du tout perdu

La petite ville de Percé, à l’Est de la Gaspésie, ne compte guère qu’un peu plus de 3 000 habitants, mais elle accueille 20 fois plus de touristes en saison, tous venus voir en priorité le trou dans la falaise qui lui donne son nom. La falaise est maintenant séparée du continent, mais ça n’a pas toujours été le cas. Lorsque Jacques Cartier est passé dans le coin en 1534, il a décrit une seule avancée et trois trous. Les assauts de la mer combinés aux alternances gel/dégel en hiver arrachent chaque année 300 tonnes de roches à la falaise et rendent ses abords dangereux. Nous nous sommes contentés de l’observer de loin, en prolongeant même le plaisir une nuit entière grâce au camping situé pile en face. Cerise sur le gâteau, nous avons observé le matin aux jumelles moult baleines venues prendre leur petit déjeuner dans la baie.


L’anti Robin des bois

Tout près du joli port de pêche de l’Anse à Beaufils, au sud de Percé, se trouve le Magasin Général de la compagnie Robin. Ce Robin-là était un immigré de Jersey et de ce fait parlait très bien l’Anglais et le Français. Il a ainsi pu embobiner les francophones du Québec alors sous domination anglaise en les enrôlant dans la pêche à la morue. M. Robin possédait les bateaux et revendait la morue. Il rémunérait ses pêcheurs en avoirs, utilisables seulement dans les « magasins généraux » …appartenant bien entendu au magnat jersiais. Inutile de dire que M. Robin faisait aussi crédit, entraînant ses ouvriers dans des spirales infernales où l’aîné de la famille devait aller pêcher à son tour pour éponger les dettes du père. Après le moratoire sur la fin de la surpêche à la morue, ces boutiques ont périclité. Mais pour l’histoire, celle-ci a été remise sur pied et aménagée comme autrefois. Pour les touristes, les vendeurs en habits d’époque font l’article de leurs produits, mais heureusement, plus rien n’est à vendre sinon ce baratin.


Retour en Acadie

Quelques mois après la Louisiane, nous retrouvons les Acadiens à Bonaventure, au Sud de la Gaspésie, une de leurs premières destinations après qu’ils aient été chassés de leur Acadie primitive par les Anglais. On se souvient que ces émigrants du centre-ouest de la France avaient fondé une colonie en Nouvelle-France au début du XVIIème siècle, dans un territoire transféré ensuite à l’Angleterre puis reconquis par le Canada. Grâce à une forte résilience et une forte natalité aussi (jusqu’à 25 enfants par famille !) ils ont su se reconstruire et reconquérir peu à peu leurs territoires perdus. 80% des habitants de Bonaventure sont Acadiens. Le drapeau bleu-blanc-rouge orné d’une étoile jaune (représentant la vierge Marie) qui flotte dans la ville aux côtés du drapeau Québécois en témoigne.


Tous à couvert !

Non, ce n’est pas une mauvaise blague sur ce qu’endurent les Ukrainiens, c’est juste l’histoire de quelques ponts couverts croisés sur notre route. Au Québec, il s’en est construit plus de 1 500 au cours du XIXème siècle, principalement pour décupler leur longévité par rapport aux ponts classiques en raison de la sévérité du climat. On dit aussi qu’ils étaient idéaux pour dissimuler les amoureux… Ils étaient dotés d’une construction robuste, de type ferme pour la charpente et de madriers entrecroisés pour les parois. Quelques 90 de ces ponts sont encore présents et pour beaucoup en service. Nous en avons d’ailleurs traversé un, à la fois pour le fun et pour aller régler quelques cartes postales peintes par l’épouse d’un gentil monsieur qui nous a raconté l’histoire du petit village où il habite, de l’autre côté du pont.


Ventes de garages à gogo

Le marché de l’automobile se porte mal, pourrait-on penser à voir fleurir ainsi ces multiples pancartes au bord des routes. Mais ce n’est pas ce que l’on croit. La cause est un phénomène de société au Québec appelé « Le grand déménagement ». Curieusement, la plupart des baux d’habitation expirant au 30 juin, la grande majorité des Québécois qui déménagent le font le 1er juillet. Cela vient d’une loi de 1750 qui imposait alors pour les premiers baux une échéance au 1er mai. Bien plus tard, le 1er mai est devenu le 1er juillet pour ne pas perturber l’année scolaire des enfants. Plus aucune loi n’impose quelque date que ce soit aujourd’hui, mais les habitudes ont la dent dure. Mais alors, pourquoi vend-t-on tous ces garages fin juin ? Eh bien parce qu’une « vente de garage » en québécois est l’équivalent de nos « vide-greniers ».


Apparences trompeuses

Le forfait mobile Free est très prisé des voyageurs qui se rendent en Amérique du Nord, car il offre, outre la gratuité des communications et textos depuis ce sous-continent, 25 Go de données cellulaires en mobilité, ce qui est tout à fait compétitif par rapport à d’autres forfaits européens voire locaux. Mais comme les autres opérateurs français, Free ne possède pas d’antennes en Amérique et doit donc sous-traiter avec des opérateurs locaux. Et nous avons eu la mauvaise surprise de constater qu’en Gaspésie, pourtant une région francophone et très touristique du Canada, la couverture de l’opérateur partenaire de Free, Rogers, est quasi inexistante. Vous pourrez constater cela sur les cartes ci-dessous, répertoriant les antennes des 4 opérateurs historiques canadiens.

Bien sûr on peut trouver des antennes Wi-Fi çà et là, dans les restaurants ou les musées, mais ce n’est pas pareil. Pour nos visites touristiques par exemple, nous avons besoin d’avoir un peu d’internet pour trouver quelques informations actualisées par rapport à nos guides papier, notamment en termes d’heures d’ouvertures. Nous avons dû acheter un forfait local, chez l’opérateur Telus, bien plus présent en Gaspésie. Cela dit, pour le triple de notre forfait Free, nous avons obtenu trois fois moins de données cellulaires. Mais nous avons pu nous connecter, c’était le principal. En tout cas, mieux vaut toujours se renseigner lorsque l’on part dans un pays censé être couvert par son opérateur sur la réalité de la couverture de son relais local.


De mon point de vue…

celui du Mont St Joseph, à Carleton, méritait le déplacement. Surtout pour son panorama sur la Baie des Chaleurs et son barachois, une sorte de lagune fermée par deux bandes de sable, l’une hébergeant le plus beau camping de Gaspésie, l’autre une colonie de hérons. On trouve aussi au sommet une petite chapelle au toit tout bleu surmonté d’une Sainte-Vierge curieusement emprisonnée dans un grillage.


Faire de la pluie un évènement positif

Au cours de ces 2 semaines en Gaspésie, nous aurons profité de 4 ou 5 jours de beau temps, pas plus. En raison de la pluie torrentielle, nous avions décidé de remettre à plus tard la visite des réputés Jardins de Métis, sachant que nous les croiserions de nouveau à la fin de notre boucle. Mais le moment venu, la pluie est toujours présente. A croire qu’elle n’a pas quitté les lieux depuis notre passage. Heureusement, la météo annonce une petite accalmie vers les 15h, alors que le parc ferme à 17. Nous attendons patiemment toute la matinée, et nous précipitons vers l’entrée dès le premier rayon de soleil réapparu. Les Jardins de Métis ont été aménagés par Mme Elsie Reford, une bourgeoise montréalaise venue se mettre au vert chaque été sur un campement de pêche. Associant les fermiers et guides de pêche de la région pour les transformer en jardiniers, surmontant des conditions climatiques extrêmes (et je ne parle pas de la pluie bien sûr), elle parvient à planter plus de 3000 espèces dans un environnement initialement forestier, nous offrant de beaux jardins à l’anglaise. Nous y avons trouvé des fleurs magnifiques et surtout sublimées par cette récente pluie. Les photos parlent d’elles-mêmes. Admirez les gouttelettes qui perlent partout, les superbes pavots bleus de l’Himalaya, les pivoines aux couleurs éclatantes et le jardin sauvage d’épilobes avec leur camaïeu de pourpre.


C’est une maison blanche… accrochée à la ravine

Rien à voir avec sa consœur bleue, celle-ci a une tout autre histoire. Nous sommes rendus à Chicoutimi, de nouveau sur la rive Nord du fleuve St Laurent, et même plus précisément sur la rive Sud de son affluent la rivière Saguenay. En 1996, des pluies exceptionnelles dans la région ont provoqué un débordement de tous les barrages hydro-électriques, et des torrents monstrueux ont envahi les villes en aval. Ainsi à Chicoutimi, toutes les maisons du centre ont petit à petit été emportées par les eaux. Toutes sauf une restée fièrement debout au milieu du déluge. Tout simplement parce que sa propriétaire de 79 ans avait, avant d’être évacuée, déposé une rose sur la statue de Ste Anne qui trônait dans son salon. Mais pourquoi (diable) les autres n’y avaient-ils pas pensé ?!


Pas lol du tout

Ces inondations de 1996, auxquelles la petite maison blanche a survécu, ont fait beaucoup de victimes, générant dans la foulée quelques monuments commémoratifs. Cette « Pyramide des Ha! Ha! » est l’un d’entre eux. Elle est faite d’un intéressant assemblage de 3000 panneaux routiers d’alerte, dont le pouvoir réfléchissant nocturne doit rendre un bel effet lorsque les phares des véhicules l’éclairent. Nous y étions le matin, nous n’avons pas pu vérifier. Ha! Ha! est le nom de la rivière qui a débordé ici. L’étymologie n’est pas claire mais n’a rien à voir avec l’onomatopée liée au rire. Heureusement, car il n’y avait pas de quoi !


Lol par contre

Suite logique aux panneaux d’avertissements, je vous en livre deux autres, photographiés à peu d’intervalle, l’un dans les toilettes d’un magasin de bricolage, l’autre près d’un barrage. Je me demande si le second ne répond pas à la question mystérieuse que semble soulever le premier. Vous en pensez quoi ?


Le village-fantôme de Val Jalbert

C’était la grande époque des pulperies, ces usines de pâte à papier du tout début du XXème siècle. Dans ce site idéal cumulant une forêt abondante pour la matière première, un torrent pour transporter les troncs et une cascade pour fournir l’énergie nécessaire, une usine performante a été installée en moins de 18 mois. Afin d’attirer les ouvriers, un village a été construit avec des facilités rares à l’époque : eau courante et électricité. 25 ans plus tard, 80 maisons abritaient 950 personnes. L’année d’avant la crise économique de 1929, la demande s’était déjà affaiblie et l’usine dut fermer. Les familles partirent les unes après les autres et le site resta abandonné pendant près d’un siècle avant que l’on ne lui redécouvre une valeur historique. Certaines maisons ont été restaurées, ouvertes à la visite avec leur mobilier d’époque, pour certaines transformées en chambres d’hôtes, tandis que d’autres s’effondrent tranquillement, envahies par la nature. Il en résulte un certain charme et nous avons adoré cette balade dans ce site magnifique.


Nous sommes dans la région du lac St Jean, encore calme malgré la saison touristique en cours. Mais les deux jours qui viennent vont être encore plus tranquilles. Nous allons rejoindre le Val d’Or par une route en pleine nature où les stations-services – si cela peut être un repère – sont espacées de plusieurs centaines de kilomètres. A bientôt si nous ne nous perdons pas !