94. Au Belize et compagnie

Nous n’aurons passé qu’une petite semaine au Bélize, mais ce pays n’est pas très grand. Et nous avons volontairement omis sa partie Sud qui n’était pas sur notre route pour entrer au Guatemala. Mais ce fut une agréable découverte d’un pays dont nous ignorions tout, s’avérant très attachant, se différenciant du Mexique à bien des égards, et malgré le titre n’ayant rien à voir avec Goscinny et Uderzo. C’est juste que chez moi ça part comme ça, comme un syndrome de Gilles de la Tourette.

Arrivee au Belize
Quelques voiles de lasers en arrière-plan de ces lettres du pays. J’avoue que l’envie m’a démangé…

Passage de frontière

Bien que se décrivant souvent aventuriers, la plupart des voyageurs n’aiment pas cette part d’incertitude qui justement définit l’aventure et cherchent des informations préalables sur les réseaux sociaux ou sur les applications qui leurs sont dédiées. Ainsi va pour le passage de frontière de chaque pays et nous connaissions le détail de la procédure avant même de passer le premier contrôle. Et quand bien même nous serions arrivés sans information, il y a toujours une bonne âme pour vous guider au fil des formalités.

Notre propre passage a vu s’enchaîner les étapes suivantes : tampon de sortie du Mexique sur chacun de nos passeports, annulation du permis d’importation de Roberto au Mexique (il était pourtant valable 10 ans, mais dans le cas où nous devrions le vendre, l’acheteur ne pourrait obtenir à son tour de permis, et dans le cas où nous souhaiterions importer un autre véhicule, nous ne le pourrions pas non plus), passage sous un portique hors d’usage pour un simulacre de fumigation (le terme fumisterie serait plus approprié), passage à la caisse pour payer tout de même cette opération fumeuse, obtention d’un visa d’immigration de 30 jours pour chacun de nous et d’un permis d’importation temporaire pour Roberto, passage express à la douane sans fouille aucune contrairement à d’autres voyageurs (le fait d’être des compatriotes de M’Bappé a apparemment impressionné les agents).

Une fois entrés légalement dans le pays, nous avons de suite rejoint un bureau où nous avons acquis une assurance pour Roberto, avec une couverture minimale (au tiers) pour 8 jours. Les visas et permis sont gratuits, nous avons payé un droit de circulation de 15 € et l’assurance auto a coûté 20 € pour 8 jours. Les « formalités » d’arrivée se sont terminées dans la première ville rencontrée, Corozal, où nous avons retiré quelques dollars béliziens au distributeur (il y avait la queue, les habitants doivent être comme au Mexique payés le vendredi et viennent donc ce jour là en nombre en retirer tout ou partie) et acheté des cartes SIM locales. Car Free, c’est fini, et dire que c’était la SIM de mon premier amour…

Nouvelles plaques sur les voitures
Nouvelles plaques sur les voitures
Nouveau drapeau
Nouveau drapeau… le seul dans le monde à faire figurer des êtres humains ; l’un métis et l’autre créole avec les « armes » du pays : de quoi exploiter les ressources forestières (hache, acajou…) et marines (pagaie, bateau 3 mâts). Et la devise : Je fleuris à l’ombre
AEt eme pays pour Roberto
…et le 17ème pays visité pour Roberto !

L’autoroute du bon air

Après une nuit tranquille à Corozal, dans un joli parc en bord de mer, nous reprenons la route. La première que nous empruntons, s’appelle autoroute. Mais rien à voir avec nos standards européens, il s’agit d’une route à double sens de circulation avec un nombre de voies indéterminé en l’absence de tout marquage au sol. Ajouté à l’absence de tout contrôle de vitesse, cela donne une conduite assez libre mais qui se passe plutôt bien. Cette autoroute traverse volontiers des villages, protégés alors des chauffards par des ralentisseurs en forme de passages piétons surélevés tous les 50m. Une dernière caractéristique et pas des moindres est le revêtement d’asphalte, en relativement bon état, qui a au moins l’avantage de ne pas faire soulever de poussière par les véhicules.

Car oui, c’est le problème majeur dès lors que l’on aborde les routes secondaires : elles sont la plupart du temps en terre et/ou en cailloux, parsemées d’ornières profondes et de nids-de-poule, et surtout génératrices de gros nuages de poussière au passage des véhicules. Les habitations et la végétation en bordure de ces routes sont toutes blanches. Tout comme Roberto après avoir parcouru une trentaine de kilomètres sur ces pistes avant d’atteindre notre nouvelle destination.

Ces routes un peu difficile nous ont permis tout de même d’entrer sur les terres des mennonites, une communauté proche des Amish, se préservant du monde moderne en refusant l’électricité. Vêtus « à l’ancienne », ils sont nombreux à circuler en calèche, mangeant davantage de poussière que nous alors qu’ils n’en soulèvent pas : un comble !

P.S. La dernière photo = piste en gazon à l’arrivée, idéale pour dépoussiérer le bas de caisse…

Un joli parking en herbe en front de mer
sur un joli parking en herbe en front de mer, gratuit, aéré, calme, parfait quoi. On y discute volontiers avec les locaux qui viennent vous aborder spontanément


Un p’tit tour chez l’épicier

A l’arrivée dans un nouveau pays, il est toujours intéressant de parcourir les rayonnages des supermarchés (on parlera plutôt ici de supérette) car cela est souvent indicateur de la culture locale. Voici quelques trouvailles lors de notre premier passage. Les prix apparaissant éventuellement sont en dollars béliziens, à diviser par deux pour convertir en euros.

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Un petit restau de bord de rue juste en face de la supérette

Un site mayo-bélizien

L’empire maya couvrait l’actuel Belize (ce jeune état n’est né qu’en 1981) et il est donc normal d’en retrouver quelques vestiges ici. Nous avons rejoint le site archéologique de Lamanai, en bordure de rivière, découvert en 1970, et très lentement mis à jour depuis. On y apprend qu’il a été occupé de 1500 av. J.-C. jusqu’au XIXe siècle, soit une longévité exceptionnelle. La forêt tropicale a ensuite repris ses droits et reste encore bien présente malgré les passages dégagés pour les touristes, c’est ce qui fait le charme du lieu. Il est de plus assez peu visité, compte-tenu des difficultés d’accès (55 km en bateau ou 60 km en voiture dont 30 sur une route extrêmement poussiéreuse). Arrivés en début d’après-midi, nous avons eu le site pour nous seuls, le petit groupe de touristes déjà sur place regagnant son bateau. Un petit musée à l’entrée retrace l’histoire de la découverte de Lamanai et de la civilisation Maya. Puis nous entrons dans la jungle sous des allées de palmiers et d’arbres géants, sous les cris des oiseaux et des singes hurleurs, et découvrons peu à peu ces ruines couvertes de mousses multicolores et d’arbres qui prennent racine. Entre le temple des jaguars, le palais royal, le terrain de jeu de balle, le temple haut (une pyramide de 33m) et le temple des masques avec son petit air d’Angkor, nous avons été conquis par l’atmosphère du lieu.

Lamanai des temples perdus dans la jungle
Lamanai, des temples perdus dans la jungle et juste pour nous. Ça change avec le Mexique !
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Le fameux temple des masques avec ses ttes sculptes
Au détour d’un sentier, on découvre le fameux Temple des Masques avec ses têtes sculptées. Un petit air d’Angkor Wat avec cette végétation

Pour rester dans l’ambiance, nous sommes allés nous stationner pour la nuit à deux pas de là, sur un petit terrain plat immédiatement au bord de la rivière. Il y passe parfois des lamentins, mais nous n’avons pas eu l’honneur de leur visite. La nuit a été néanmoins des plus calmes et le lever de soleil magnifique.

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Au petit matin, on profite du lever de soleil et du départ des pêcheurs

L’ancienne capitale

Belize City fut un temps capitale du Belize, à l’époque où le pays s’appelait encore Honduras Britannique. Malheureusement, sa situation en bord de mer l’expose régulièrement aux ouragans, dont Hattie en 1961 qui détruisit la ville aux trois quart, poussant le gouvernement à déplacer sa capitale dans un lieu plus sûr. C’est ainsi que naquit Belmopan. Le pays acquit son indépendance en 1981, et Belize City, malgré les ouragans à répétition, en reste la capitale économique et la ville la plus peuplée.

Belize city a un caractere creole bien marque
Belize City possède un caractère créole bien marqué
Les traces de louragan Earl de sont encore visibles
Les traces de l’ouragan Earl de 2016 sont encore visibles. Un passant tient spontanément à le faire remarquer à Claudie. Mais on trouve aussi heureusement des bâtiments récents
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Bien qu’encore très abimée par le passage de Earl en 2016, Belize City mérite la visite pour ses grandes maisons créoles, ses peintures murales et son agréable front de mer. Les rues étaient un peu désertes le jour de notre passage, pour cause de dimanche, aussi n’avons-nous guère pu profiter de l’ambiance du centre-ville. A la place nous avons visité le petit musée qui raconte bien l’histoire de l’esclavage au Belize et l’arrivée de la culture garifuna (métissage entre les esclaves africains et les indiens caraïbes autochtones) tout en faisant la part belle aux peintures d’un artiste local renommé : Pen Cayetano. Nous avons aussi jeté un œil à la cathédrale construite avec des briques venue d’Angleterre et qui servaient au ballast des bateaux d’esclaves, ainsi qu’à l’étonnant phare construit en l’honneur d’un navigateur anglais admirateur du pays depuis son bateau ancré dans le port et qui, sans y avoir jamais accosté, a légué une partie de sa fortune au gouvernement juste avant de mourir 2 mois après son arrivée. Sa tombe est au pied du phare…

Le port de peche est peu actif ce dimanche
Le port de pêche est peu actif ce dimanche. Même les pélicans sont au repos !
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il y a eu un artefact étrange au moment de la composition de la photo… finalement je le laisse…
Un petit lot de peintures murales prs de lembarcadre des ferries
Nous avons déniché un petit lot de peintures murales près de l’embarcadère des ferries
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Ce musée consacre aussi une exposition permanente à l’esclavagisme local, développé au XVIIIème siècle par les colons britanniques pour l’exploitation de la forêt, mais très particulier en ce sens qu’une sorte de solidarité entre les esclaves et de leurs maîtres a permis de repousser les tentatives de récupération espagnoles et finalement d’amorcer la fondation du pays au début du siècle suivant. Il faudra attendre encore 150 ans avant qu’il ne deviennent indépendant. Malgré la précession par les Mayas et l’arrivée ultérieure d’Espagnols et de Garifunas, les descendants d’esclaves et de colons britanniques présents au moment de cette bataille victorieuse contre l’Espagne, dénommés Créoles, n’hésitent pas à faire valoir que sans eux le Belize n’existerait pas. Ce qui est évidemment contesté par les autres populations.

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La visite se poursuit par les extérieurs de la cathédrale. Construite avec des briques venues d’Angleterre et servant comme ballast dans les bateaux négriers. Sur le panneau ils disent juste « venues d’Angleterre »…

Le Grand Trou Bleu

C’est une merveille de la nature, une grotte formée il y a plus de 150 000 ans et dont le toit a fini par s’effondrer lorsque le niveau de la mer est monté. Si l’on reste au niveau de l’eau, c’est paraît-il un paradis pour les plongeurs avec des fonds descendant jusqu’à 120 m. Nous avons choisi pour notre part de l’observer du ciel. Un cadeau que nous nous offrons pour notre récent anniversaire de mariage.

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Des cartes d’embaquement originales…

Nous choisissons la compagnie Tropik Air, qui promet une place hublot systématique et un maximum de 11 passagers. Mais comme nous sommes les seuls passagers du jour, on nous octroie un avion privé, un petit Cessna 182, rien que nous, et je suis en place copilote !

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Un petit Cessna rien que pour nous ! Et le pilote avec bien sûr…
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Nous survolons les îles qui bordent le continent, puis la barrière de corail, la seconde plus longue du monde après sa sœur australienne. Les couleurs sont magnifiques, même si le ciel est un rien voilé. Après 30 mn de vol, nous parvenons au-dessus de cet œil géant, un disque bleu sombre parfait qui tranche avec les couleurs plus claires du petit récif corallien qui l’entoure. Un bateau est au mouillage, attendant probablement des plongeurs. Un autre arrivera un peu plus tard. Le pilote fait 3 fois le tour du Grand Trou Bleu, nous laissant le temps de bien l’admirer, avant de longer la barrière de corail jusqu’à une épave puis de reprendre la route du retour.

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Et voilà la merveille ! Nous avons tourné plusieurs fois autour
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Passage au dessus d’une épave sur la route du retour

Vraiment une expérience exceptionnelle !


Le Zoo du Bélize

Si nous ne sommes pas fans des zoos classiques, préférant voir les animaux dans la nature que dans des cages, nous aimons bien ceux qui hébergent les animaux blessés ou orphelins avec l’idée de les remettre dans le milieu naturel si c’est possible. Et c’est bien le cas ici. De plus, s’il y a bien des cages grillagées, la plupart des enclos sont larges et laissés avec la végétation d’origine que le climat tropical n’a aucun mal à entretenir. Comme dans un refuge que nous avions vu au Canada, une pancarte raconte l’histoire de chaque hôte et donne des conseils pour que la situation ne se reproduise pas, comme par exemple éviter d’accueillir comme animaux de compagnie des espèces qui ne s’y habitueront pas.

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Coatis, jaguarundi et tapir
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Ara, pélican brun et aigle harpie

Nous avons pu avoir ainsi une idée plus précise de la faune du Belize, et même de sa flore avec quelques arbres impressionnants comme ce ceiba (alias kapok) de 30 m de haut et tout cela dans un environnement agréable et bienveillant.


Camping Paradis ?

Depuis le Yucatan, nous ne bénéficions plus de la fraîcheur des montagnes et il est quasi impossible de dormir les fenêtres latérales fermées. Pour des raisons de sécurité, nous allons plus souvent qu’auparavant passer la nuit dans des campings, ce qui nous permet de tout laisser ouvert en grand. Les prix sont modiques, mais le confort est en rapport…


La capitale de béton

Puisqu’elle était sur notre route, nous avons traversé la capitale du pays, Belmopan. Ce n’est qu’une petite ville de 30 000 habitants, construite de toutes pièces entre 1964 et 1970 après que Belize City ait été ravagée par un ouragan en 1961. Belmopan est à 35 km des côtes, le risque est bien moindre. Le problème est que le gouvernement britannique qui détenait la colonie à l’époque (le Honduras Britannique) n’a versé que la moitié des fonds promis, et la ville a un petit air d’inachevé, surtout concernant les bâtiments administratifs. Mais elle fait des efforts, et l’installation récente de l’Université du Belize devrait relancer l’économie.

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Le parlement entouré de bâtiments administratifs. Théoriquement il est en forme de temple maya. Théoriquement.

Conserve d’iguanes

Nous l’avons découvert à un carrefour où un jeune homme brandissait, au lieu des habituelles boissons rafraîchissantes, des iguanes aux automobilistes de passage : les béliziens mangent ces reptiles ! Aussi, quand nous avons vu à San Ignacio ce petit conservatoire des iguanes, nous n’avons pas hésité. Une intéressante visite qui nous en a beaucoup appris sur les 2 espèces locales : les iguanes verts (qui deviennent gris en grandissant) qui sont plutôt arboricoles et en voie d’extinction, leur chair ayant malheureusement meilleur goût (surtout les femelles en gestation) que l’autre espèce, les iguanes noirs, vivant plus près du sol et consommant toutes les espèces peu ragoutantes qui y traînent. Ici vous l’avez compris on protège surtout les iguanes verts, recueillant et protégeant leurs œufs et les juvéniles qui en naissent, améliorant ainsi fortement le taux de survie qui est de moins de 10% dans la nature. La visite se termine par quelques photos de famille avec ces iguanes peu farouches, avec tout de même le message de prudence que ceux-là sont l’exception : dans la nature, les morsures et les violents coups de queues peuvent entraîner des blessures sévères.

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Ça se passe à San Ignacio, près de la frontière guatémaltèque

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Ensuite nous sommes invités à prendre la pose avec les habitants du lieu

Haricots-riz-coco !

Ce presque chant-du-coq n’annonce pas l’heure du petit-déj mais celle du déjeuner. Loin de nous l’idée de consommer des iguanes en voie d’extinction, mais nous avons tout de même envie de goûter à la cuisine locale. Un doux mélange d’influences mexicaine, guatémaltèque et caraïbe. Les tortillas de maïs côtoient ici les galettes de manioc (kassav, vous connaissez ?). Le poisson fraîchement pêché est facilement accessible. L’accompagnement comporte toujours une part de riz et haricots rouges cuits dans du lait de coco. Simple et savoureux. La bière locale Belikis est sur toutes les tables et excellente. Et pour le dessert un petit gâteau au chocolat s’impose : le pays aurait été le premier à produire du cacao. Descendance maya oblige.

Cuisine bélizienne

Vous reprendrez bien un peu de maya ?

Dans la même ville se trouve le site maya de Cahal Pech. Sa particularité est d’avoir le joli prénom du fils de notre grand copain, et des portes partout. Peut-être cherchait-on ici les courants d’air ? Les architectes mayas construisaient toutes leurs portes sur le principe de l’encorbellement : chaque pierre repose sur la précédente, en dépassant un peu, donnant cet aspect triangulaire à leur sommet et aux plafonds des couloirs. L’intérêt est l’absence de clé de voûte et donc une plus grande facilité de réalisation. L’inconvénient est que les portes sont assez étroites. Mais à l’époque où les sacrifices humains étaient monnaie courante, on n’en menait pas large…

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Le site maya de Cahal Pech avec toutes ses portes

Rencontre avec un artiste de Beliwood

Après quelques routes bien poussiéreuses, Roberto avait besoin d’un bon lavage. Nous sommes allés dans un « car wash » et, le temps que l’opération se fasse, nous avons fait une pause dans la boutique-bar autour d’une Belikin bien fraîche. Le barman, un beau jeune homme bodybuildé au crâne rasé, engage la conversation. Très jovial et charismatique, il nous apprend qu’il est chanteur et acteur, ayant joué dans plusieurs films comme Jurassic Attack (2013) ou Les 7 aventures de Sindbad. Naturalisé américain, il est natif du Belize et n’en a pas oublié ses racines, chantant notamment du punta rock, la musique des Garifundas (voir plus haut). Il a manifestement du talent et nous lui souhaitons une belle carrière. Vous pouvez retrouver quelques unes de ses œuvres ici ou .


C’est déjà fini… Un peu moins d’une semaine après notre arrivée, nous quittons déjà le Belize, conquis par ce petit pays qui donne envie d’y revenir. Destination le Guatemala pour d’autres découvertes et un émouvant retour en arrière de 25 ans. Pour ceux qui ne nous connaissent pas, vous en saurez davantage dans le prochain article. A très bientôt !

Parcours au Belize
Parcours au Belize, en version zoomable ici

53. Conduire au Mexique

Pour conduire au Mexique, le permis français suffit. Mais on parle là du carton rose ou de la carte à puce. Pour le reste, il faut oublier la plupart de nos bonnes pratiques et repartir sur de nouvelles règles, et surtout composer avec un certain nombre de pièges qui nécessitent de la part du conducteur une attention de tous les instants. En voici quelques-uns.

Les topes

Ils sont véritablement le cauchemar de tout conducteur au Mexique. Le gouvernement n’a sans doute pas trouvé mieux pour calmer les ardeurs des automobilistes, mais c’est peut-être allé un peu loin. Vous l’avez compris, ce sont des ralentisseurs et pas n’importe quels ralentisseurs. D’abord ils sont partout. Par paires sur les routes avant chaque carrefour, chaque chemin, chaque pont, et même devant chaque échoppe, construits peut-être même par le propriétaire de la boutique. Par groupes d’une douzaine à l’entrée et à la sortie des villes, des autoroutes, des stations-services. Tous les 30 à 50 mètres dans chaque ville et chaque village. Et parfois tout seuls à un endroit dans lequel on ne les attend pas.

Ensuite vient le problème de leurs profils extrêmement variés, allant du petit tas de terre étalé par les ouvriers des travaux publics aux redoutables hémisphères quasi infranchissables sans contact – reconnaissables aux stries multiples qui les labourent, en passant par les carrés, les cloutés, et ceux qui n’ont l’air de rien mais qui vous font toucher la tête au plafond même à petite allure.

Enfin, pour corser la difficulté, ils ne sont que rarement signalés à l’avance et tout semble fait pour les rendre invisibles : absence de peinture évidemment mais au contraire présence d’une teinte qui est exactement celle de la route ou encore dissimulation par l’ombre d’un arbre ou d’un panneau routier qui se superpose exactement, à tel point qu’on se demande même s’ils n’ont pas été plantés ou posés là exprès. Une bonne manière de les repérer ou de les évaluer est d’observer les véhicules devant vous. Si le coffre de la voiture s’ouvre au passage ou si le camion laisse échapper une dizaine d’oranges (évènements constatés personnellement), alors il faut les franchir à allure d’escargot.

Les trous

Seulement un tiers du réseau routier est revêtu, et si l’on ne se fait aucune illusion pour les deux tiers restants, on pourrait s’attendre à un état correct pour le premier tiers. Mais il n’en est rien. Même sur les « autoroutes  » (voir plus loin pour les guillemets) il faut s’attendre à tout moment à trouver devant soi un trou dans la chaussée, du classique nid-de-poule au véritable nid-d’autruche (je ne sais pas si ce mot existe mais il me parait bien représenter ces énormes creux véritablement infranchissables).

Certaines routes en sont truffées, au point que tout le monde roule en zig-zag pour les éviter. Voire roule sur la chaussée opposée, ce qui peut paraitre inquiétant lorsque vous avez un énorme semi-remorque qui fonce droit sur vous avant de se rabattre au dernier moment. On apprend d’ailleurs rapidement à observer soi-même ce comportement lorsque l’état de la route le nécessite. Tout comme à s’inquiéter en permanence de savoir si un véhicule vous suit, afin de connaitre sa marge de manœuvre : possibilité de faire un écart brusque ou de freiner brutalement si un de ces cratères se présente soudain droit devant. De temps en temps, un homme au milieu de la route une pelle à la main vous réclame un peu d’argent. C’est qu’il s’est trouvé comme occupation de remplir de terre quelques-uns de ces trous, compensant ainsi partiellement les carences du gouvernement. Cela dit, c’est illusoire, la terre doit partir à la première pluie.



Les voies de circulation

Le terme « autoroute » n’a pas tout à fait le même sens que chez nous. Il désigne une route avec des accès relativement protégés et qui contourne les villages, assez souvent payante et même d’un coût très élevé pour le pays. On distingue d’une part les carreteras, comportant 2 voies, où l’on circule donc à double sens, et parfois deux sortes de bandes d’arrêt d’urgence sur lesquelles on doit circuler, à cheval sur la bande blanche, afin de permettre les dépassements à cheval sur les pointillés centraux, trois véhicules pouvant donc circuler en même temps dans la largeur (voir photo). C’est un peu déroutant mais l’on s’y fait. On trouve d’autre part les autopistas, caractérisées par un nombre de voies supérieur à deux, avec séparation centrale ou non et des zones de retournement, pratiques si l’on s’est trompé mais exposant en contrepartie à retrouver devant soi un véhicule à petite vitesse après son demi-tour. Concernant les péages, la bonne nouvelle c’est que nous sommes ici dans la même classe tarifaire que les voitures, alors qu’en France nous sommes taxés comme les camions.

En ville, les rues peuvent bien sûr être à plusieurs voies, pas faciles à dénombrer d’ailleurs compte-tenu de l’absence fréquente de marquage au sol. Inutile de vous dire la pagaille que ça crée. Une particularité est que parfois, pour tourner à gauche à un carrefour, il faut se placer sur la file de droite… Pas évident à comprendre au début.


Les signaux lumineux

Les feux tricolores sont la plupart du temps situés de l’autre côté du carrefour, parfois dans un coin peu visible, et c’est d’autant plus perturbant qu’aucun marquage au sol ne vient vous prévenir ou tout simplement vous dire là où il faut s’arrêter. Les clignotants ne sont quasiment jamais utilisés, ou alors à contre-courant de nos habitudes : quand le véhicule devant vous vous propose de le dépasser, il met son clignotant à gauche, soit l’inverse de ce que nous faisons. Du coup on ne sait jamais s’il va tourner à gauche ou si l’on peut doubler. Les feux stops des véhicules sont volontiers customisés pour clignoter, parfois c’est l’ensemble des feux qui clignotent comme une guirlande de Noël. Enfin, certains véhicules mettent les warnings avant chaque tope. Il parait que c’est obligatoire, mais tous ne le font pas. Vu le nombre de ces ralentisseurs, autant garder les warnings allumés en permanence alors 😉


Les panneaux de circulation

Tout comme les feux tricolores, les stops et cédez le passage peuvent être situés de l’autre côté du carrefour. Sans marquage au sol, on peut vite se faire piéger ! En contrepartie, le feu rouge autorise à tourner à droite, et le feu vert autorise à ne pas s’arrêter devant le panneau stop s’il s’en trouve un. Aux carrefours, en l’absence d’indication, la priorité est un peu particulière. Elle est à droite si deux véhicules arrivent en même temps. Mais si ce n’est pas le cas, c’est le véhicule qui arrive le premier qui a priorité. Premier arrivé premier servi ! Et ensuite c’est chacun son tour. Les panneaux de limite de vitesse comme ceux interdisant de doubler semblent là juste pour le décor… De plus ils ne sont quasiment jamais suivis de panneaux de fin d’interdiction. Si vous tombez sur une limitation à 20 km/h, c’est théoriquement jusqu’à la limite suivante, mais ce n’est pas bien grave puisque personne ne respecte. Après, on trouve des panneaux intéressants, annonçant la traversée d’ours en cas d’incendie (ils doivent sortir des forêts à toute allure) ou limitant la vitesse à 60 km/h en cas de traversée …de papillons (explication : migration massive des papillons monarques vers le Mexique en hiver). Enfin, je me suis amusé une fois, sans avoir eu le temps de prendre la photo, d’un panneau annonçant sur une voie rapide un numéro à appeler en cas d’urgence, dix chiffres sans aucun lien, comme un numéro ordinaire, très difficiles à mémoriser. De quoi paniquer en situation difficile !


Les fils électriques

Les yeux fixés vers le sol pour éviter les creux et les bosses, vers les rétroviseurs pour s’assurer des possibilités de freiner ou de faire un écart brusque, on en oublierait de regarder en l’air. Pourtant, le danger peut venir de là aussi. Dans certains quartiers de ville ou sur des chemins reculés, on peut trouver des fils électriques ou téléphoniques qui pendent à hauteur d’homme, ou des branches d’arbres très basses ou encore dépassant latéralement. Rien de bon pour notre Roberto.


Et le reste

L’attention doit enfin être portée aux autres véhicules dont le comportement peut être imprévisible (traversée brusque d’une route, doublement par la droite, etc.), aux énormes camions très hauts ou très longs (doubles ou triples remorques), à ce qui peut en tomber à cause des topes, aux piétons qui peuvent traverser à tout moment, et aux nombreux animaux qui errent sur les routes : chiens surtout, mais aussi poules, chevaux et sûrement bien d’autres que nous n’avons pas encore croisés. Nous attendons les ours avec impatience !


Heureusement la route n’est pas que galère et toutes ne sont pas en si mauvais état. Comme nous roulons beaucoup, nous traversons des paysages variés, des champs de maïs en espalier, des orangeraies géantes, des forêts tropicales, des montagnes embrumées, des déserts immenses hérissés de yuccas et de cactus à perte de vue. C’est juste un régal. Et puis nous serions malvenus de blâmer ces routes qui nous permettent de nouvelles découvertes comme celles décrites ci-dessous.


Papantla

Du haut de cette ville identifiée comme la plupart de ses sœurs mexicaines par ses lettres colorées, le joueur de flûte, tel le Christ de Corcovado, semble appeler les habitants. C’est lui qui en fait orchestre la cérémonie des voladores (voir plus loin)


El Tajin

Nous assistons à la cérémonie des voladores à El Tajin. En tenue d’apparat et guidés par le son envoutant de la flûte, les voladores grimpent un à un le long de ce mat de 30 m de haut puis s’élancent tête première rejoignant majestueusement le sol en tournoyant tandis que leur corde se déroule peu à peu. C’est juste à l’entrée du site préhispanique d’El Tajin où de nombreuses pyramides et temples aux niches en pierre caractéristiques nous invitent à réfléchir aux cérémonies politico-religieuses et au séances de jeu de balle qui s’y déroulaient vers l’an 800, toutes sujettes parfois à des sacrifices humains.


Las Pozas, Xilitla

Sous une pluie fine continue, nous suivons le guide (imposé) au travers des Jardins surréalistes de Las Pozas. Un mélange intime de forêt tropicale humide et d’architecture loufoque. Aménagé dans les années 60 par un riche poète anglais, Sir Edward James, admirateur passionné de Dali, Magritte et Picasso dont il finançait les œuvres. La mousse et les lianes recouvrent peu à peu des structures en béton aux formes bizarres, colonnes ventrues ou imitant le bambou s’élançant vers le ciel sans rien supporter, escaliers ne menant nulle part, portes ouvertes sur une grande cascade. Un étrange mélange de Sagrada Familia et d’Aventuriers de l’Arche Perdue. A voir assurément.


Rio Verde et la Laguna de la Media Luna

Le soleil étant timidement de retour, nous tentons la baignade dans la Lagune de la demi-lune à Rio Verde. Un petit lac en forme de croissant alimenté par 6 sources chaudes (27 à 30°C) et le bras de rivière qui en sort, tous deux aux jolis tons bleu à turquoise. Même les canards sont assortis ! L’eau est particulièrement transparente, mais on profite encore mieux des fonds en nageant avec masque et tuba : apparaissent alors une multitude de poissons, de plantes aquatiques ainsi que des arbres pétrifiés. Il paraît qu’à 36m de profondeur on trouverait des statuettes préhispaniques. Je ne suis pas allé vérifier !


Real de Catorce

Le village de Real de Catorce se mérite. Après 24 km à tressauter sur une route de pavés rocheux concassés, mais en traversant des paysages somptueux, il faut encore franchir un tunnel de 2 km à voie unique et hauteur variable (non indiquée – nous nous sommes seulement fiés au fait que l’employée du péage nous ait laissés passer) mais guère au-dessus des 2m60 de Roberto.

Après, ce n’est que du bonheur que de découvrir cette petite ville habillée de pierres, située à 2760m d’altitude, qui dut sa création à l’exploitation d’une mine d’argent. Tout a fermé depuis, une partie de la ville est devenue fantôme et se visite volontiers à cheval. Nous n’avons pas résisté à tenter l’expérience, qui était une première pour moi ! Sans le dire à Roberto qui aurait peut-être été vexé que l’on troque ses huit chevaux par seulement deux. Nos montures nous ont mené sagement, sans s’énerver sur les rochers glissants du chemin, vers ce village fantôme bien au-dessus de la ville. On y retrouve diverses ruines dont celles d’une église et de divers bâtiments utilitaires qu’on imagine en actitivé. On pénètre même dans un ancien filon dont les murs scintillent encore devant la lampe de poche.

Et puis il faut repartir. Souhaitant éviter de reprendre le tunnel et la route pavée, nous sommes redescendus par la route de l’autre côté. Tout aussi tressautante que la première, mais surtout nous aurions bien pu y rester bloqués. Voie unique étroite au bord du ravin, où nous avons pourtant dû croiser 3 véhicules. Pont à angle droit dans un virage où il a fallu manœuvrer à plusieurs reprises pour passer sans toucher. Petites montées bien raides par moment, un peu limites pour un véhicule ni réhaussé ni 4×4. Le salaire de la peur à côté c’était une promenade de santé ! A refaire nous prendrions le tunnel…


Saltillo

Après avoir failli sauter dans le vide, plongeons nous dans l’univers plus reposant des traditions mexicaines, et plus particulièrement sur cette tenue typique qu’est le sarape, un tissu aux motifs colorés qui se porte aussi bien comme un poncho que comme une couverture, depuis l’époque de la révolution. Un petit musée à Salpotillo en retrace l’histoire et le mode de fabrication. Même Elvis en a décoré l’un de ses albums. Le sarape est un vêtement masculin, mais les tenues féminines traditionnelles ne sont pas en reste dans ce musée qui en expose de magnifiques spécimens. Et encore une visite gratuite, merci au ministère de la culture !


Passage également au Musée du Désert, centre scientifique pédagogique rassemblant un parc de dinosaures animés et sonorisés, un petit zoo, une grosse collection de cactus, une belle exposition sur la façon dont les déserts se créent et se déplacent, sur les particularités des plantes qui y vivent, sur les minéraux et fossiles qu’on y trouve et sur les animaux qui y vivent, en commençant par les dinosaures. A recommander aux familles, mais intéressant à tout âge !


Saltillo possède aussi une mairie peu commune ou toute l’histoire de la ville est racontée sous forme d’une fresque qui fait le tour entier de sa cour intérieure. Il a fallu trois ans à l’artiste Elena Huerta pour la peindre.


A noter enfin une imposante cathédrale aux façades richement sculptées.


Cuatro Cienagas

Le sable de ces dunes de gypse à Cuatro Ciénegas est d’un blanc étincelant et s’enfonce peu sous les pieds. En fait il s’agit de cristaux de sulfate de calcium, formés par l’évaporation d’une ancienne mer. Selon les endroits, ils se présentent sous la forme d’une poudre, de roches compactes ou même de cristaux de plusieurs cm de longueur. Mais le plus agréable est de marcher sur cette immense lagune …craquante !


Notre première phase au Mexique est terminée, nous venons de franchir la frontiière vers les Etats-Unis. D’emblée, si les premiers paysages du Texas sont similaires à ceux du nord mexicain, les routes sont d’un lisse, mais d’un lisse…

Ci-dessous le parcours effectué au Mexique du 20 janvier au 7 mars 2022.