64. De l’Ontario au Québec

Nous voici donc partis sur les routes du 15ème pays de notre périple, le Canada. Rien de moins que le 2ème plus grand pays du Monde après la Russie. Je ne parle que de superficie bien sûr 😉. Un peu comme les États-Unis, le Canada est une fédération d’états, appelés ici provinces, ayant une relative autonomie. Nous commençons notre visite par les deux plus grandes d’entre elles, l’Ontario et le Québec.


Toronto (Ontario)

Est-ce dû à la froideur de l’accueil à l’aéroport ou bien à celle du temps grisâtre de notre arrivée ? Est-ce lié à la fatigue physique du voyage ou bien à la morosité inhérente aux circonstances de notre retour inopiné en France ? Toujours est-il que nous n’avons pas été emballés par Toronto. La ville la plus peuplée du Canada avec ses 3 millions d’habitants est peut-être trop grande pour être apprivoisée facilement. Ses travaux titanesques sont peut-être trop présents pour lui donner une allure sympathique. Ses gratte-ciels sont peut-être trop communs après nos visites urbaines américaines. Le prix des ses attractions touristiques est peut-être trop indécent (43 dollars pour prendre juste l’ascenseur qui grimpe aux 2/3 de la Tour CN, emblème de la ville, plus 50 dollars pour la plate-forme d’observation située au-dessus, plus 195 dollars pour une sortie acrobatique, tout ça hors taxes). Ses temples du hockey ou du baseball sont peut-être trop hermétiques à notre culture européenne. Les 6 millions d’objets exposés dans les 40 galeries des 5 étages du ROM (Royal Ontario Museum) nous ont peut-être fait trop craindre d’y perdre la tête (pas étonnant avec un nom pareil 😉). Si vous regardez bien, dans ToROnto il y a TRO, non ?

Bon, on y trouve tout de même quelques curiosités, comme cette fontaine dédiée aux chiens où plus de 27 spécimens crachent leur jet d’eau tout en lorgnant sur un magnifique os doré placé au sommet, ces spectateurs en béton sur un des balcons du temple du baseball, quelques jolies fresques murales, ou encore ce petit jardin devant une maison victorienne totalement empli de figurines en plastiques, contrastant fortement avec le gazon parfait, taillé aux ciseaux de coiffeur, des jardinets voisins.


Pause culinaire

En quelques jours, nous aurons goûté aux 3 spécialités-phares de la cuisine canadienne. La poutine, terriblement à la mode, est aussi bien servie dans les restaurants que dans les food-trucks. C’est un plat populaire à base de frites molles parsemées de « crottes » de fromage et d’une sauce brune. On peut la varier à loisirs en y ajoutant un support genre pâte à pizza, une viande et plus si affinité. La tourtière est une tourte à la viande, composée d’un fond de tarte composé d’un fond de bœuf ou de porc bien assaisonné avant d’être cuit au four. Enfin, parfait pour un dessert ou une petite pause-goûter, la queue de castor est un beignet plat censé ressembler à la queue de l’animal que l’on déguste nature (saupoudré de sucre) ou garni de tout ce que vous voulez. Bien entendu, le Canada possède d’autres richesses culinaires, et pas seulement caloriques, nous aurons sûrement l’occasion d’y revenir au cours des mois qui viennent.


Kingston (Ontario)

Ce n’est bien sûr pas la capitale de la Jamaïque et nos brusques allers-retours en avion ne vont pas devenir la règle, mais la ville a tout de même été la première capitale du Canada de 1841 à 1844, au moment de sa fondation. Elle a sans doute été choisie pour sa position stratégique au confluent du Lac Ontario, du fleuve St Laurent et du Canal Rideau qui mène à Ottawa. Dix ans avant cette période glorieuse, les Anglais qui occupaient alors le Canada ont bâti, pour protéger la zone d’éventuelles attaques américaines, une série de fortifications dont le Fort Henry, que nous avons visité. Un parcours plutôt immersif avec des soldats en costume d’époque marchant au pas, tirant au mousquet et même au canon, tandis que notre guide francophone nous expliquait la vie dans le fort à cette période. Soit l’effet de dissuasion était suffisant, soit les Américains avaient d’autres chats à fouetter, toujours est-il que le fort n’a jamais subi aucune attaque.


Gananoque et les Mille-Îles (Ontario)

Quand on aime, on ne compte pas. Surtout les Mille-Îles de cet archipel situé au beau milieu du Fleuve St Laurent1, d’autant qu’elles sont en réalité bien plus nombreuses, probablement plus du double. Mais en ne retenant que celles qui ont au moins un pied carré2 de surface constamment émergée et qui possèdent au moins 2 arbres vivants3, le décompte officiel est de 1864. Arrivés au débarcadère de Gananoque à 15h20, nous avons lâchement abandonné Roberto sur un parking pour sauter dans le bateau qui partait à 15h30 pour une croisière de 3 heures sur fleuve. On est retraités, on n’est pas pressés, mais quand même, quand une opportunité se présente, on fonce ! Autant le départ a été speed, autant la balade a été tranquille, le bateau se faufilant tranquillement entre les grandes îles couvertes de végétation dense et les îlets occupés par une seule maison (et ses 2 arbres vivants bien sûr), entre les bateaux de plaisance et les barques de pêcheurs, entre les rives américaines et canadiennes puisque la frontière entre ces deux pays passe au milieu de l’archipel. Et même entre les 2 micro-îles d’une même propriété, faisant de la passerelle qui les relie le plus petit pont international au Monde ! Les photos ne rendent pas forcément compte que ce qui domine ici, ce sont ces forêts posées sur des socles de granit et les nombreux oiseaux qui les habitent plutôt que les maisonnettes ou l’excentrique château qui ont attiré on ne sait pourquoi notre objectif. L’ensemble est d’ailleurs classé réserve naturelle et hyper protégé.
1 On salue bien notre copain Lolo
2 Le système métrique est en vigueur au Canada depuis 1970…
3 Certains ont dû abuser avec leur sapin de Noël en plastique


Pause liquidités

Les supermarchés recèlent toujours des surprises, que nous découvrons d’autant plus facilement que notre vie d’explorateurs nous pousse à être un peu plus attentifs au contenu des rayons. Il est possible d’ailleurs que ces produits existent ailleurs dans le monde et possiblement chez vous, mais jusqu’ici nous n’en avions pas encore rencontré. Nous connaissions les briques de lait, de jus de fruits, de soupe, mais les briques d’eau minérale, pas encore. Sans doute sommes-nous trop formatés aux emballages transparents, qu’ils soient en plastique ou en verre pour ce type de produit, mais nous trouvons cet emballage opaque peu attirant. Et pour les mêmes raisons, l’eau d’Évian commercialisée ici en cannettes ne nous attire pas. Enfin, nous avons beaucoup de mal à trouver des briques de lait longue conservation, pourtant très communes en France. On trouve bien ici des briques de lait, mais uniquement à conserver au frais, et le plus souvent en conditionnements de 2 litres. Mais la présentation la plus courante au Canada, c’est la poche plastique souple de grande contenance, autour des 4 litres, totalement inadaptée à notre petit frigo et à notre consommation !

Pour ceux qui pensaient que j’allais parler de cash, sachez que nous n’en utilisons pratiquement jamais. La carte de crédit est acceptée partout, y compris pour de menues dépenses, et, si nous n’avions pas besoin de pièces de monnaie pour les laveries automatiques, nous pourrions totalement nous passer d’argent liquide aux USA comme au Canada. Cela dit, cela m’enlèverait le plaisir de faire de la monnaie dans ces laveries : j’adore entendre le bruit des pièces qui tombent en quantité dans le bac du changeur après avoir introduit un billet : cela me donne l’impression d’avoir gagné au bandit manchot !


Brockville (Ontario)

Brockville est une cité agréable au bord du fleuve St Laurent, à l’extrémité orientale de la zone des Mille-ïles dont elle est comme Gananoque un point de départ de croisières. Le recensement de 2016 dénombrait 21 346 habitants, et nous avons la chance d’en connaître deux ! Patricia et Lloyd sont des habitués et même des grands fans de Saint-Barthélemy, où nous avons résidé pendant dix ans et où ils séjournent plusieurs mois par an. Ils possèdent un superbe appartement au onzième étage d’un immeuble idéalement situé au bord du St Laurent et la vue y est spectaculaire. Nous avons été heureux de les retrouver le temps d’une après-midi et d’échanger sur nos parcours et nos souvenirs. En dehors des Mille-Îles, Brockville compte deux curiosités touristiques intéressantes. La première est un tunnel ferroviaire, le premier creusé au Canada, qui traverse la ville du Nord au Sud sur environ 500m. Fermé en 1970 après 110 ans de bons et loyaux services, il a récemment été restauré d’une façon originale. Un éclairage psychédélique et des chansons accompagnent les visiteurs tout au long de la traversée sous un suintement continu du plafond malgré tout joliment mis en valeur. La seconde curiosité est un manoir-musée censé nous faire revivre le quotidien luxueux de son propriétaire le Sénateur Fulford qui a, selon le site qui le présente en ayant l’air d’en être fier, « gagné des millions de dollars grâce aux ‘Pink Pills for Pale People’, un médicament breveté qu’il a fabriqué à Brockville et vendu dans le monde entier. Fulford a reconnu le potentiel commercial du lectorat développé par les journaux à grand tirage et a bâti son entreprise sur la publicité imprimée à saturation. ». Pour faire simple un charlatan qui a embobiné toute une population crédule avec des pilules miracles sensées guérir à peu près tous les maux du monde. Ce qui interroge sur la nature des discours qu’il a tenus pour se faire élire sénateur. Sans doute pas si éloignés des pilules roses pour gens pâles. Rassurez-vous, nous n’avons pas visité ce manoir. Question d’éthique.


Entre Rivière-Beaudette et Pointe-Lalonde (Québec)

C’est entre ces deux villes au nom prometteur que nous avons pénétré dans la province du Québec. La MacDonald Cartier Freeway est soudain devenue Autoroute du Souvenir et les panneaux se sont francisés. Sur les panneaux rouges octogonaux, « Stop » est devenu « Arrêt ». Sur les bus jaunes, le mot « Écoliers » remplace désormais le classique « School Bus ». Difficile d’ignorer que la province est résolument francophone et tient à le montrer. Nous savons d’avance que le Français d’ici a de nombreuses particularités et nous avons hâte de le découvrir. Et de vous le faire partager bien sûr. Nous venons d’arriver à Montréal. Nous avons garé Roberto dans un grand parc verdoyant au cœur de la ville, que nous irons visiter à pied ou en métro. A bientôt !


48. Puebla

Les habitants de cette ville située à 110 km au sud-est de Mexico auraient pu garder ses dénominations d’origine, « La ville des anges » ou « Le peuple héroïque de Saragosse », mais ils préfèrent se contenter en toute modestie de l’appeler « Le peuple » (Puebla en espagnol), réalisant au passage une économie non négligeable sur les panneaux d’entrée de ville et les documents officiels. Cette ville de 2 millions d’âmes est classée au patrimoine mondial de l’humanité, et méritait donc la visite.

◊ L’Hôtel Colonial

Sans être colonialistes pour autant, nous adorons ce type d’architecture et, dès que nous en avons l’occasion comme en ce moment puisqu’il nous faut bien loger à l’hôtel, nous privilégions ces d’établissement de charme. D’une manière générale, le confort est un peu au-dessous des hôtels modernes de catégorie équivalente, avec par exemple des robinets qui fuient un peu dans les salles de bains ou de vieux volets qui occultent imparfaitement la lumière dans la chambre, mais le cadre y est souvent somptueux et empreint d’histoire. L’établissement que nous avons choisi à Puebla se nomme tout simplement « Hôtel Colonial ». Il fut autrefois un couvent. Vous pourrez constater sur les photos que la décoration est tout à fait dans le style et que la terrasse sur le toit offre une vue splendide sur les alentours. Et ne pensez-pas que cela coûte une fortune, nous sommes à 45 euros la chambre !



◊ Le centro historico

Le centre historique de Puebla est lui aussi de style colonial avec sa grande place centrale entourée sur 3 côtés par de grandes bâtisses avec arcades et bordée sur le dernier par une immense cathédrale richement décorée et joliment illuminée la nuit. Les façades sont soit peintes de couleurs vives, avec parfois des associations osées, soit couvertes de céramiques dont la ville est un lieu de production. Tout se visite à pied, c’est un régal constant pour les yeux et un gros coup de chauffe pour les appareils photos de nos smartphones.





Un quartier dédié au street art

Cet art de rue est très répandu au Mexique et nous en avions déjà déniché plusieurs exemples dans le centre de Puebla, jusqu’à ce que nos pas nous amènent dans ce quartier de Xanenetla. Un peu excentré, celui-ci n’avait pas très bonne réputation jusqu’à ce qu’un comité artistique décide de s’en occuper et de couvrir ses murs de fresques, interrogeant chaque habitant sur ce qui le représenterait le mieux. Ce ne sont pas moins de 75 œuvres que l’on peut observer aujourd’hui en se perdant dans le dédale de rues du quartier, redevenu sûr et attractif pour les touristes. Encore que nous étions les seuls ce jour-là.


Des églises couvertes d’or

La Chapelle du Rosaire, attachée à l’Eglise Santo Domingo de Puebla

Nous avons plaisir à entrer dans chaque église qui se présente sur notre chemin. A raison d’une par jour, il nous faudrait à Puebla un an pour les visiter toutes ! S’il en existe autant, c’est que la demande est forte et que les fidèles s’y pressent en nombre. Jamais nous n’en avons trouvé une vide. Chacune est dans un style différent, mais la décoration est souvent très riche. La merveille des merveilles est la Chapelle du Rosaire, attachée à l’Eglise Santo Domingo, entièrement recouvertes de feuilles d’or à 24 carats, brillant de mille feux grâce à la verrière située juste au-dessus.

Viendrait en second celle de Cholula, dans la banlieue de Puebla, que l’on admirerait sans arrière-pensée si elle n’avait été bâtie au sommet d’une pyramide amérindienne, construite en sept étages et sur plus de mille ans à partir de -500 av. JC par les Toltèques et leurs successeurs. Elle était, en tant que lieu cérémoniel sûrement richement décorée. Outre l’affront à ces peuples, on peut aussi se poser la question sur l’origine de l’or des églises catholiques. Quoi qu’il en soit, cette pyramide de Cholula n’est rien moins que la plus grande du monde (mais pas la plus haute) avec des 400 m de côté, à comparer avec les 150 m de celle de Chéops et les 21 m de celle du Louvre… Ses parois sont aujourd’hui recouvertes de végétation et ce sont plutôt les soubassements et les souterrains que les missions archéologiques dégagent peu à peu.


Des spécialités culinaires …spéciales

Le chile en nogada, plat mexicain par excellence, aux couleurs du drapeau du pays

En prolongement de l’article précédent, citons trois spécialités propres à la ville. D’abord le mole poblano, cette sauce à base de chocolat, de piments doux et de différentes épices, accompagnant généralement du poulet, que nous avions découverte dans un marché et qui est donc originaire d’ici, servie à toutes les sauces pourrait-on dire aux terrasses des restaurants. Ensuite le chile en nogada, gros piment doux farci à la viande, aux fruits et aux arachides, nappé d’une sauce aux noix et parsemée de persil et de grains de grenade, ce qui lui donne opportunément les couleurs du drapeau mexicain. Enfin les dulce poblano, confiseries locales, à qui une rue entière est dédiée, créées pour beaucoup par les religieuses du couvent de Santa Clara pour satisfaire la gourmandise de leurs évêques. Nous avons pu goûter aussi à deux autres spécialités réputées du Mexique, la soupe pozole à base de gros grains de maïs, de tomate et de viande, accompagnée de laitue, de radis, d’oignons et de quarts de tortillas frits, ainsi qu’aux cemitas, sortes de gros hamburgers contenant fromage frais, piments doux et viande panée. Bien nourrissant tout ça !



◊ Le coup de la tisane froide

Attablés à une terrasse, nous commandons nos boissons. Un grand choix de tisanes de fleurs et/ou de fruits séduit Claudie. Les deux premiers choix posent problème puisqu’à chaque fois le serveur revient en disant qu’il n’en a pas. Il finit par donner la liste de ce qu’il a, c’était plus simple. Claudie opte pour une tisane à la rose en précisant « frio » (froide) puisque les deux choix étaient possibles. Le serveur revient avec un pot fumant dans lequel trempe un sachet… Claudie rappelle qu’elle avait demandé une tisane fraîche. Sans se démonter, le serveur revient quelques minutes plus tard avec une choppe en verre emplie de gros glaçons. Ben tiens !


◊ Le coup des plaques

Nous lisons sur un forum de voyageurs du Mexique la mésaventure d’un couple de touristes qui, après avoir malencontreusement stationné là où il ne fallait pas, se retrouvent non seulement affublés d’un procès-verbal sur leur pare-brise mais aussi dépossédés de leur plaque d’immatriculation. Ils racontent être allés interroger la police locale qui leur a annoncé sans vergogne que la procédure était normale, que c’était le seul moyen qu’ils avaient trouvé pour percevoir à coup sûr le montant de l’amende. Le couple, bien qu’ayant réglé la contravention, devra tout de même attendre trois jours avant de pouvoir récupérer sa plaque minéralogique, le temps que l’enregistrement se fasse sur le système informatique. Sur le forum, d’autres expériences similaires sont décrites et certains conseillent de faire comme les habitants : placer derrière une vitre de leur véhicule une copie plastifiée de leur plaque d’immatriculation. Prêtant attention aux véhicules garés le long du trottoir, nous découvrons qu’effectivement, nombreux ont pris cette précaution. Nos voyageurs s’interrogent alors judicieusement : « Oui mais si nous enlevons notre plaque, ils vont nous prendre quoi la prochaine fois ? Un rétroviseur ? Un panneau solaire ? ». Cela mérite effectivement réflexion.

Intéressant de noter que cette voiture-là possède deux plaques de réserve, dont l’une avec un numéro différent. On n’est jamais trop prudent ?

Allez, comme on dit, une dernière photo pour la route, celle qui va nous mener à Orizaba au milieu des montagnes mexicaines. Un peu de fraîcheur en perspective mais nous nous rattraperons ensuite lorsque nous serons sur la côte à Veracruz pour récupérer Roberto. Ce dernier se promène actuellement entre la Martinique et la Jamaïque où il devrait faire escale le 8 février. C’est long, nous avons tellement hâte de le retrouver ! Hasta pronto !