52. On the road again

Roberto est enfin libéré des griffes des douaniers mexicains et cela n’a pas été une sinécure. L’inventaire après la récupération nous a permis de constater par ailleurs qu’un certain nombre d’objets avaient disparu pendant le transport transatlantique, bien plus que nous ne le pensions initialement. Mais notre fourgon lui-même n’a pas été détérioré et c’est avec un grand bonheur que nous avons pu reprendre notre vie itinérante sur les routes du Mexique. On the road again !

Le VIN français n’est pas bon !

Oui je sais, vous n’y comprenez rien, je vais vous expliquer. Après avoir patienté tout un week-end le temps que les douaniers se reposent avant de pondre le rapport sur l’inspection qui autorisera Roberto à sortir, nous attendons le message de notre agent maritime pour nous rendre au port. A 9h30, notre ami Kilian nous indique que lui est déjà là-bas et qu’il n’attend plus qu’un coup de tampon pour partir. Nous en faisons part à notre agent sous forme d’un petit mot qui signifie en gros « pourquoi lui et pourquoi pas nous ? ». La réponse ne se fait guère attendre : « Vous ne pouvez pas sortir, votre VIN n’est pas bon »…

Notre ami Kilian a pris de l’avance sur nous. Il attend son van, celui derrière Roberto

Ne vous méprenez pas, ce n’est pas une insulte à notre boisson nationale, le VIN c’est le Vehicle Identification Number, ou encore numéro de châssis propre à chaque véhicule. Eh bien dans le cas de Roberto, la compagnie maritime a tout bêtement tronqué les 3 premières lettres, coupé le VIN en quelque sorte, ce qui évidemment est insupportable aux yeux de l’administration mexicaine. L’agence nous dit être en contact avec la douane et assure s' »apprêter à envoyer » un mail à la compagnie maritime afin qu’elle corrige le document. Inutile de vous dire notre déception. Nous nous voyons passer encore quelques jours à Veracruz le temps que les échanges de mails et de coups de tampons se fassent.

Nous exprimons tout de même notre mécontentement à la fois à notre agent qui avait en main tous ces papiers depuis plus d’un mois et aurait pu les vérifier, ainsi qu’à notre intermédiaire allemand qui aurait pu lui aussi s’assurer que la compagnie maritime avait la bonne information. Et puis, tandis que Kilian nous annonce qu’il est au volant de son van, dans la file d’attente pour sortir du port – nous sommes tout de même heureux pour lui, nous prolongeons notre chambre d’hôtel d’une journée. En espérant qu’il n’en faudra pas deux ou trois autres. Heureusement, peut-être piqués au vif, les différents intervenants ont apparemment pu corriger rapidement les documents puisque notre agent nous propose vers midi un rendez-vous à 15h pour la sortie du port. Ouf !

Kilian sort du port. Et pourquoi pas nous ?

Le moment venu, l’agent me prend devant l’hôtel et m’emmène de nouveau auprès de Roberto. Nous attendons 45 minutes interminables avant de recevoir la liasse de papiers dûment validés qu’il faudra présenter aux différents postes de contrôle. L’agent m’explique toute la procédure et le chemin pour sortir car il ne pourra m’accompagner jusqu’au bout. Et là je reprends enfin le volant. Un vrai bonheur que de reconduire notre fourgon après tout ce temps. Je suis le parcours indiqué et me retrouve comme prévu dans la longue file d’attente au milieu d’un flot continu de poids lourds. L’avancée se fait au compte-gouttes, c’était prévu, et ce n’est qu’une heure et demi plus tard que je passe enfin les dernières barrières, non sans avoir dû montrer une dernière fois que j’avais un bon VIN derrière le fagot, euh derrière le pare-brise. Un long parcours d’une quinzaine de kilomètres me ramène enfin auprès de Claudie, dont je n’ai pas besoin de vous décrire la joie lors des retrouvailles.

On the road again
C’est enfin notre tour. Pour une fois que je me sens heureux coincé dans une file interminable de poids-lourds !

Protections en vain

Le temps m’avait manqué pour réaliser l’inventaire de nos biens lors de l’inspection des douanes. Bien que j’aie retrouvé la porte latérale de Roberto non verrouillée, l’absence de tout désordre à l’intérieur me laissait supposer qu’à l’inverse du véhicule de Kilian retrouvé sens dessus dessous (voir article précédent) personne n’avait pénétré à l’intérieur du nôtre. Malheureusement, Claudie et moi devons nous rendre à l’évidence, il y a bien eu intrusion et fouille en règle de notre fourgon et, curieusement, pour ne pas dire avec perversité, tout a été remis en place comme s’il ne s’était rien passé. Les serrures des tiroirs et de la porte de la salle de bains ont bien été forcées, les pênes en acier tordus en témoignent. Quelques vêtements ont disparu, un petit couteau, un aspirateur portable, un thermomètre et sûrement quelques autres bricoles dont l’absence se révèlera au moment où nous en aurons besoin.

Malgré la bonne tenue du cadenas qui verrouillait les portes arrière, celles-ci ont pu être entrebâillées en force, suffisamment pour passer la main et récolter ce qui était le plus accessible dans la soute. Une mini-perceuse a ainsi disparu de ma boîte à outils. Ce qui nous amène à nous inquiéter pour notre petit coffre-fort, d’apparence intact et fermé. Nous affichons la combinaison et l’ouvrons… pour découvrir qu’une partie du contenu a également disparu. Pas les lingots, que nous avions gardés avec nous bien sûr 😉, mais quelques objets de valeur indéterminable comme nos anciens téléphones par exemple. Le plus surprenant est qu’ils aient réussi à ouvrir et encore plus à refermer ce coffre sans effraction !

Certes il s’agissait d’un modeste coffre d’hôtel, avec une clef 4 pans pour l’ouvrir en cas de perte du code ou d’épuisement des piles, et aussi une prise USB destinée aux gérants des hôtels. Ont-ils utilisé l’un de ces 2 moyens ??? Cela témoigne en tout cas que nous avons eu affaire à des voleurs expérimentés, pas de simples marins au long cours. Nous allons pousser la société Seabridge qui nous a vendu la traversée à investiguer davantage pour que ces vols à répétition cessent de devenir la règle et ne demeurent pas impunis. Et en parler sur les réseaux sociaux pour inciter les futurs voyageurs à en laisser le moins possible plutôt qu’à tout barricader. Mais nous n’allons pas nous prendre la tête non plus. Le principal est que Roberto n’ait pas subi de dommages et puisse continuer à nous emmener vaillamment là où nous le souhaitons. Notre vie nomade avant tout, le reste n’est que dommages collatéraux. Les risques étaient connus et nous les avons acceptés.


20 pesos le litre d’essence (0,90€), qui dit mieux ?

Nous passons la fin de journée sur le parking d’un supermarché à remettre Roberto en état d’y dormir et bien que nous ayons encore la chambre d’hôtel, nous nous offrons le plaisir d’aller passer la nuit dans notre véhicule favori garé sur la jetée, à 10 mètres de la mer. Quel bonheur ! Le lendemain, nous repassons à l’hôtel prendre nos affaires et quittons pour de bon Veracruz. Non sans avoir fait quelques petits stops dans la banlieue pour refaire le plein de gasoil (un peu plus cher que l’essence, mais à peine : 1 €/l), d’eau (gratuite à la station-service en contrepartie de la visite de notre fourgon) et de denrées alimentaires. Et même faire shampouiner Roberto qui, après ces 6 semaines de voyage, était franchement cra-cra. Lavage « al mano » comme ils disent, à grands coups de seaux d’eaux et de serpillère dans une ambiance de musique latino à tue-tête. Nous n’aurons pas droit à la finition à la brosse à dents, comme la voiture d’à côté, faute peut-être ne de pas avoir payé le supplément adéquat, mais 4 euros pour 50 mn de lavage, c’était vraiment donné ! Après plus d’une heure de route (tout un poème, je vous en reparlerai c’est promis), nous nous garons dans une petite rue du village de Zempoala, tout près de l’entrée d’un site préhispanique que nous visiterons demain.


Zempoala, le « site des vingt cours d’eau »

Au matin, nous sommes réveillés par le soleil qui commence à bien chauffer l’habitacle. Il n’est pourtant que 8 heures. Je descends prendre le frais. Une dame sort de la propriété devant laquelle nous sommes garés et s’approche de moi. J’ai soudain un doute et me dis que nous la gênons, que nous allons devoir déplacer le fourgon. Mais non, c’est tout le contraire, elle me propose de me garer à l’ombre dans sa propriété pour ne pas rester en plein soleil, joignant le geste à la parole en ouvrant largement son portail. Quelle hospitalité ! Je me confonds en remerciements et conduis donc Roberto sous les grands arbres d’un jardin. Il s’agit en fait de la cour d’un petit restaurant, mais rien ne nous est demandé. Nous achèterons tout de même quelques empanadas avant de quitter les lieux en guise de remerciement. Ainsi protégés du soleil, nous partons à la découverte du site qui vient d’ouvrir.

Roberto à l’ombre dans la garderie

En fait, un seul des vingt cours d’eau évoqués dans l’appellation du site est naturel : la rivière qui le traverse. Les autres, ce sont les différents canaux du dense réseau d’irrigation de ce complexe politico-religieux préhispanique édifié vers l’an 1200 par les Totonaques. Ce peuple plutôt pacifique du centre du Mexique vivait d’agriculture, de chasse et de pêche. Ce qui ne l’empêchait pas d’avoir des rites religieux plutôt barbares, du genre sacrifier des esclaves pour les écorcher et se revêtir de leur peau. Brrr ! La table d’exécution est encore là d’ailleurs, et l’herbe y pousse bien… Autour, nous explorons un ensemble de pyramides construites entièrement en galets provenant de la rivière, joints avec un mortier fait à base de coquillages cuits. Nous avons le site pour nous seuls, l’ambiance n’en est que meilleure. Les Totonaques connaîtront leur déclin, comme tous les peuples de cette époque, avec l’arrivée des Espagnols en 1521. Ils crurent un instant s’en sortir en s’alliant avec Hernan Cortes, le grand chef des conquistadores, pour lutter contre leurs ennemis Aztèques, mais l’Espagnol en guise de remerciement détruisit les statues de leurs divinités, obstacles à la christianisation, et leur refila en prime la variole. Les rares survivants se réfugièrent dans la ville voisine et le site tomba dans l’oubli, envahi peu à peu par la végétation. La restauration est en cours depuis une cinquantaine d’années.

En haut : la table des sacrifices – En bas : Je me prends pour un chef Totonaque et grâcie le prisonnier

Un MAX qui assure : 20/20

Cet acronyme est le raccourci du Musée Anthropologique de Xalapa, le second du Mexique, que nous ne voulions pas manquer car le premier, celui de Mexico était fermé au moment où nous y étions. Dans un décor grandiose est exposée une superbe collection d’objets issus des principales civilisations préhispaniques du Golfe du Mexique : Olmèques, Totonaques et Huastèques. Le musée possède notamment la plus grande collection mondiale de têtes géantes Olmèques, pouvant atteindre 3 mètres de haut. Mais aussi une multitude d’autres pièces fabuleuses dont vous n’aurez que quelques exemplaires en photo, une bonne partie du reste étant accessible en visite virtuelle sur le site du musée. La visite se termine agréablement par les jardins, bien entretenus. Nous avons adoré.


C’est le moment de nous quitter, mais pas d’inquiétude, nous en avons encore beaucoup à raconter ! A très bientôt !