49. Orizaba ville magique

La ville d’Orizaba est notre dernière étape avant Veracruz, là où nous devons retrouver Roberto. Elle est située dans une vallée entourée de volcans, dont le point culminant du Mexique : le Pico de Orizaba, 5 747 m d’altitude. Nous arrivons dans la brume, avec une température plutôt frisquette, mais il est déjà prévu que cela se lève dès demain. Tant mieux, nous allons pouvoir profiter de ce « Pueblo Mágico », une appellation qui n’a rien à voir avec Houdini ou Copperfield mais qui est décernée par l’office de tourisme mexicain aux villes « offrant aux visiteurs une expérience « magique » en raison de leur beauté naturelle, de leur richesse culturelle, de leurs traditions, de leur folklore, de leur pertinence historique, de leur cuisine, de leur art et de leur hospitalité ». Plus trivialement autre chose que des plages où s’entasser en buvant de la bière.


« Le dimanche c’est un jour autre. Même le soleil est différent » (Yves Montand)

Puisque c’est dimanche et que nous imaginons que tout sera fermé, et qu’en plus il fait grand beau alors que la météo n’est pas très optimiste pour les jours qui viennent, nous décidons de prendre un peu de hauteur et d’aller observer la ville du sommet de son teléferico, Il nous semble en arrivant aux caisses que la moitié de la ville a eu la même idée que nous. Plusieurs files se font puis se défont, ça resquille un peu, l’organisation parait un peu dépassée, mais nous finissons par monter dans l’une des cabines de 6 places qui, par groupe de 3 s’élèvent vers le Cerro del Borrego (la colliine des moutons), une petite montagne qui surplombe Orizaba de 320 m. Le teléferico a été construit par les étasuniens (ici on ne dit pas américains, ça n’a pas de sens) en 2013, mais les cabines sont françaises, cocorico (pourvu que ça tienne).

orizaba  ville magique

De la plate-forme à l’arrivée, nous avons évidemment un joli point de vue sur les environs et pouvons observer le quadrillage parfait de la ville sur lequel se distinguent ça et là quelques édifices religieux. Un petit sentier relie quelques attractions, dont les restes d’un fort et un petit musée historique qui nous apprend qu’à cet endroit, le 14 juin 1862, lors de l’intervention française au Mexique, une troupe de 150 de nos compatriotes « massacra » 2000 mexicains. Pas cocorico, ça, nous nous faisons tout petits et décidons d’être temporairement suisses si l’on nous demandait d’où nous venions. Au retour tout de même, nous vérifions les informations sur Internet. En fait « seulement » 250 militaires mexicains auraient perdu la vie, dont un certain nombre sous les balles amies ou en sautant dans le vide dans la confusion de cette bataille nocturne. La différence est un peu du même ordre que celle du décompte des manifestants en France, selon que l’on se place du côté des organisateurs ou de celui de la police. Pour les passionnés d’histoire et/ou de stratégie militaire, le récit de la bataille est ici.


Nous redescendons en ville pour flâner en son centre, vers la place principale, un grand jardin bordé par la cathédrale. L’autre moitié de la ville est ici, manifestement. Une personne harangue la foule au micro. Des enfants courent partout. Une vingtaine de stands de cireurs de chaussures est en pleine activité. Des vendeurs de fleurs, d’en-cas ou de confiseries tentent leur chance d’un banc à l’autre. Et les magasins autour de la place sont pour beaucoup ouverts en ce jour du Seigneur. Mais il y a du monde aussi dans la cathédrale, qui n’est pas exceptionnelle. Et aussi dans ce Palacio de Hierro (le palais de fer), un édifice conçu par Gustave Eiffel et acheté par le maire de la ville après l’exposition universelle de 1889 pour en faire (c’est le cas de le dire) une mairie. C’est en fait devenu un musée assez éclectique, exposant d’une salle à l’autre tout aussi bien la géographie locale, l’art préhispanique, les présidents mexicains, les grands scientifiques du monde, un planétarium, que la bière mexicaine et le foot.


« Lundi. Dans les pays chrétiens, lendemain du jour du tiercé » (Ambroise Bierce – Le dictionnaire du Diable)

J’aurais pu choisir en citation « Triste comme un lundi » car ce matin le ciel est tout gris. Toutefois il ne pleut pas et nous partons nous dégourdir les jambes, habillés chaudement car avec l’altitide il ne fait guère plus de 8 ou 10°C dehors. Nous rejoignons le « Paseo del arte », une voie aménagée le long de la rivière qui traverse la ville sur environ 3 km. Sur une bonne portion, les murs sont décorés de fresques. La qualité est variable mais l’ensemble rend bien et l’effort est louable. Vous en retrouverez un certain nombre ci-dessous, commentés ou non.


Nos pas nous amènent ensuite au Jardin botanique, un havre de paix joliment entretenu qui ne figurait pourtant pas dans notre guide papier. Nous nous immergeons dans une volière où circulent librement perruches et perroquets multicolores. Nous visitons la serre à orchidées, décevante par le fait que 3 ou 4 espèces seulement soient en fleurs sur les 1 200 présentes au Mexique, mais bon, quand ce n’est pas la saison… Nous tentons sans succès de nous perdre dans un labyrinthe végétal. Nous traversons un jardin japonais riche d’une cinquantaine de bonsaïs. Nous froissons sous notre nez les feuilles de plusieurs plantes de l’espace médicinal pour en retrouver l’origine (celle surnommée « Vaporub » ne nous laisse aucun doute). Nous rejoignons enfin la sortie sur une passerelle qui serpente entre haies de bambous et sculptures préhispaniques. Un bel endroit.


« Cette semaine, le gouvernement a fait un sans-faute. Il est vrai que nous ne sommes que mardi. » (François Goulard)

La grisaille a évolué en bruine, plus question de sortir sans parapluie, mais une bonne occasion de nous réfugier dans les musées. Ceux-ci sont souvent gratuits au Mexique. Malheureusement cela n’attire pas les foules pour autant, à l’exception peut-être du dimanche. A plusieurs reprises depuis notre arrivée dans le pays nous nous sommes retrouvés seuls à visiter, enfin pas vraiment seuls parce qu’une personne nous surveille dans chaque salle ou encore allume puis éteint les pièces au fur et à mesure de notre passage. Nous commençons par le Musée de l’Art de l’État de Veracruz, dont les façades sont étonnamment décorées de la même façon que l’église qu’il jouxte. Il est principalement consacré aux peintres célèbres de la région, tout en consacrant une salle entière à Diego María de la Concepción Juan Nepomuceno Estanislao de la Rivera y Barrientos Acosta y Rodríguez, qui préféra s’appeler Diego Rivera pour gagner du temps en signant ses toiles. 33 de ses œuvres originales sont exposées ici, permettant d’apprécier l’évolution de l’artiste au fil du temps. Une pièce est aussi consacrée à la construction de la première ligne de chemin de fer reliant Mexico à Veracruz, qui inspira beaucoup les peintres locaux.



Après une pause déjeuner, nous nous intéressons maintenant au musée de l’hôtellerie, installé sur le site où la première auberge du Mexique fut créée le 15 janvier 1525. On y admire les aménagements et les costumes de l’époque puis leur évolution dans le temps, comme ces tenues de « bell-boy », cet ascenseur ramené de New York datant des tout débuts de l’invention, ce vieux standard téléphonique dont on imagine l’ambiance sonore de son utilisation.


« Le conseil des sinistres, c’est le mercredi, le jour des gosses. Ils vont au sable, ils font des pâtés, c’est sympa. Le garde des sceaux est là. » (Coluche)

Mercredi est le jour des enfants peut-être en France, mais pas au Mexique puisque l’école est ouverte ici du lundi au vendredi, et plutôt assez tôt comme dans tous les pays chauds (7-8h à 13-14h, le repas se prenant au retour à la maison). Pour nous c’est jour de transfert puisque nous allons maintenant rejoindre Veracruz. Comme d’habitude, nous nous rendons simplement à la gare routière et prenons un ticket pour le prochain bus disponible. Départ 40 mn plus tard, à peine le temps de grignoter un sandwich. Le trajet de 136 km nous coûte 11 euros et nous prend environ 3 heures. Pas très rapide, mais il y a eu 3 arrêts en route. Une douce chaleur (enfin !) nous attend à l’arrivée et nous rejoignons notre hôtel en taxi pour 2,50€ et laissons généreusement 50 centimes de pourboire. Pas par radinerie mais pour ne pas casser le marché. Nous sommes logés près du port. Nous serons aux premières loges pour voir arriver Roberto. Nous ne sommes pas loin non plus du centre-ville, marqué par une petite place bordée par une cathédrale. Tiens, ça ne vous rappelle pas quelque chose ?



« Si la bourse continue à baisser, vendredi ça va être un jeudi noir » (Jean-Marie Gourio)

Eh bien justement, ça commence presque comme un jeudi noir. C’est aujourd’hui que nous avons rendez-vous avec notre agent portuaire, qui nous a convoqué à l’agence ce jour-là mais sans nous donner d’horaire précis. Vers 8h30, nous sommes prêts à partir tranquillement vers l’agence située à 3 km de notre hôtel. Une petite balade à pied nous fera le plus grand bien. Mais nous recevons un mail de Claudia, la responsable de l’agence, qui nous informe qu’après nous avoir attendus à 8h elle est déjà à la banque (probablement celle où nous devons régler le montant de notre permis de transit), que demain elle ne pourra pas s’occuper de nous, mais que peut-être nous avons encore une chance si nous allons tout de suite à l’agence sinon ce ne sera pas avant mardi (dans 5 jours !). Nous sautons dans un taxi et rejoignons l’agence en 10 mn. Là une autre employée nous prend en charge, photocopie en plusieurs exemplaires nos passeports, visas, carte grise et permis de conduire, puis nous emmène à toute berzingue à la fameuse banque. Une bonne cinquantaine de personnes attendent dehors. Les premiers sont arrivés à 7 heures alors que l’établissement n’ouvrait qu’à 8h30. Nous allons devoir faire preuve de patience.

Le dernier message inquiétant de notre agent portuaire…

Heureusement nous n’aurons pas à faire 3 heures de queue, l’assistante appelle Claudia qui est à l’intérieur avec un autre client et lui passe nos papiers. 20 à 30 mn plus tard, nous sommes invités à entrer, doublant la foule, pour aller à petit guichet apparemment dédié aux fameux permis. L’enregistrement prend du temps, il faut donner notre prochaine destination (on l’improvise car difficile de dire juste « vers le nord »), corriger les erreurs du premier projet qui nous est imprimé (il y en avait une sur mon prénom, une lettre en trop qui pouvait nous bloquer à une douane, on ne rigole pas là-bas) et revérifier la liste de tout ce que contient Roberto, que nous avions établie en anglais mais qui a été traduite en espagnol. Notamment nous avons beaucoup hésité à savoir si nous avions un « gato » ou pas. La seule traduction que nous connaissons pour ce mot est « chat » mais la description de la chose que nous fait l’assistante ne correspond pas. Elle nous fait le geste de soulever. Nous pensons à un toit ouvrant, un lanterneau mais ce n’est pas ça. L’assistante s’aperçoit que nous avons pourtant déclaré ce « gato » dans la liste initiale. Après une double traduction en passant par l’anglais, nous trouvons enfin que ce terme signifie aussi « cric ». Bien sûr que nous avons un cric ! Claro que sí (j’adore cette expression…). Après avoir réglé la somme de 55,68 € à la caisse, là aussi en shuntant la foule, nous voilà munis du précieux sésame : Roberto est autorisé à circuler librement au Mexique pendant une durée de 10 ans. Cela devrait suffire.

El Permiso de Importación Temporal de Casa Rodante, ou permis d’importation temporaire de maison roulante. Pour une voiture ou un fourgon non homologué, nous aurions dû payer une caution de 400$ et n’aurions eu le permis que pour 6 mois.

De retour à l’hôtel, une autre bonne nouvelle nous attend. Nos permis de conduire internationaux établis à Saint-Barth sont arrivés, grâce à l’aide de notre grand copain Laurent. Ils ne sont pas exigés au Mexique, mais seront nécessaires aux États-Unis.


La journée se termine avec Kilian, notre ami néerlandais dont le van fait chambre commune avec Roberto en ce moment et qui est donc venu attendre comme nous la livraison de son véhicule. Nous échangeons nos expériences avec plaisir. J’en profite pour rappeler le blog qu’il partage avec son amie Marcia et leur chat Binkie, accessible ici.

Le palais municipal, sur la place centrale, près duquel nous avons dîné.

Roberto se trouve au moment où nous écrivons, d’après le suivi réalisé sur le site MarineTraffic, quelque part entre les îles Caïman et la pointe du Yucatan. L’arrivée est prévue à Veracruz le 12 février, ou peut-être le 13. Nous devrions pouvoir vous décrire la réception dans le prochain article. D’ici là, nous allons devoir l’assurer, car bien entendu notre assurance française ne va pas au-delà des limites de l’Europe. Nous cherchons une compagnie qui couvre au moins les trois pays d’Amérique du Nord, mais ce n’est pas très simple. Nous vous raconterons. A très bientôt !

Le Yokohama et son passager Roberto en approche