Cette troisième partie de notre périple argentin sera bien entendu centrée sur nos retrouvailles avec nos amis quittés en Haute-Savoie 15 ans auparavant, et venus s’installer près de Mendoza. Mais nous aurons fait encore de belles découvertes dans ce pays qui est loin de nous avoir tout donné. A commencer par un avant-gardiste transport de charbon par télécabine, de multiples petits autels au bord des routes, et pas mal d’autres curiosités encore.

Le Cable Carril de Chilecito

Chilecito, 30 000 habitants, est dominée à l’Est par une sorte de Christ Rédempteur perché sur une colline aux faux airs de Corcovado, mais c’est la traversée Sud-Nord qui intrigue davantage. Une immense avenue à double voie présente sur son terre-plein central un alignement de pylônes qui se perd à l’horizon vers le montagne. On s’attendrait à voir des cabines remplies de touristes circuler sur les câbles mais il n’en est rien. Il faut aller jusqu’à une extrémité de la ligne pour comprendre. La plus proche, au Sud, s’appelle la station numéro 1. Une grande construction sur 2 étages où des trains de bennes vides sont à l’arrêt. Il y a une centaine d’années en effet, un ingénieux système de transport avait été mis en place par des ingénieurs anglais, baptisé le Cable Carril, pour acheminer de façon la plus efficace et compétitive possible les minerais de cuivre, d’or, d’argent ou de plomb provenant de la mine La Mejicana située à 36 km de là et 4600m d’altitude. Arrivé à Chilecito, le minerai était soit fondu à proximité, soit transbordé sur un train de marchandises jusqu’au port chilien d’Antofagasta. Le système comptait neuf stations, chacune équipée de lignes téléphoniques, de bâtiments en pierre, de dortoirs, d’écuries et d’ouvrages hydrauliques. Seules les deux premières sont visitables, mais cela donne déjà un bon aperçu de ce système très en avance pour l’époque et qui a permis l’essor économique de la ville.
Sanctuaires routiers

Depuis que nous roulons en Argentine, nous n’arrêtons pas de voir au bord des routes des petits groupements de drapeaux ou de rubans rouges. Et puis, à l’approche des montagnes, se sont rajoutés des amas de bouteilles d’eau en plastique, que l’on pourrait prendre à tort pour des dépôts sauvages. Mais il n’en est rien. Il faut savoir s’arrêter, s’approcher de plus près pour trouver au centre de ces groupement des petits autels abritant divers personnages manifestement vénérés. L’interrogation d’amis argentins associée à l’identification de photos sur Google Lens nous a permis d’identifier les 2 principaux, typiques du pays, et un outsider d’origine étrangère.
Le personnage le plus courant, avec les drapeaux rouges, est Gauchito Gil, un soldat devenu hors-la-loi qui s’efforçait d’aider et protéger les pauvres. Suscitant l’admiration des Gauchos qui ont qualifié affectueusement celui qui s’appelait en réalité Antonio Mamerto Gil Núñez de « Gauchito », petit gaucho. La légende raconte que ce Robin des Bois espagnol était à l’épreuve des balles et accomplissait des miracles, même après sa capture et son exécution en 1878. L’aspect hors-la-loi a refroidi l’église catholique pour la canonisation, mais pas la population dont beaucoup le considèrent comme un saint et continuent à le vénérer au bord des routes. Notamment les camionneurs et les automobilistes qui déposent entre autres leurs bouteilles de vin devant les autels, en remerciement à Gauchito Gil de leur avoir évité un accident. Ceux qui diront que l’abandon des bouteilles de vin y est pour quelque chose sont de mauvaise foi…
L’autre pilier de la religiosité populaire argentine est la Difunta Correa. Une jeune femme de la région de San Juan qui au cours des guerres d’indépendance a voulu rejoindre avec son bébé son mari enrôlé de force dans l’armée. Dans cette région désertique, elle est malheureusement morte de soif à mi-chemin. Mais lorsqu’elle fut retrouvée par des muletiers plusieurs jours plus tard, son fils, toujours allaité, était encore vivant : un vrai miracle qui a ému les Argentins et qui a été suivi d’autres miracles posthumes, conduisant au culte encore en vigueur aujourd’hui, débordant largement les frontières de la région et du pays. Là encore, ce sont des voyageurs qui s’arrêtent au bord des routes pour y déposer leurs offrandes. Mais pas de bouteille de vin ici, c’est déconseillé au cours de l’allaitement, mais des bouteilles pleines d’eau par centaines qui expliquent donc nos observations.
L’outsider, nous ne l’avons vu qu’une fois. Dans un autel plus petit pile entre ceux des personnages précédents. Contenant bizarrement 3 petites statuettes d’une sorte de légionnaire romain portant un plastron en argent, brandissant une croix dans sa main droite et tenant une grande palme dans la gauche. Au-dessous, sur une petite carte, la mention « San Expedito ». Ce saint peu banal aurait son origine … à la Réunion, où le Vatican aurait envoyé en 1931 une boîte contenant des reliques d’un martyre arménien mais non identifiées. La seule indication était le tampon « Spedito » (expédié) sur la boîte, générateur d’une rumeur qui a conduit à la grande popularité d’un saint devenu Saint-Expédit, ayant le rare pouvoir d’exécuter rapidement les vœux des croyants. La popularité aurait gagné les îles et religions voisines (les Hindous et les Mulsulmans l’ont adopté). Et manifestement aussi l’Amérique du Sud.
Merveilles de la nature

Découvrir un nouveau pays, c’est découvrir de nouvelles plantes, de nouveaux arbres, de nouvelles fleurs qui ne poussent pas chez soi. Et la variété semble infinie, au point qu’elle me semble dérouter les moteurs de recherche par image comme Google Lens par exemple, surtout lorsqu’on s’éloigne au Sud de l’équateur. Plus de la moitié des plantes présentées ici n’ont pu être identifiées. Je rage !
Des trucs qui marchent chez vous les grands voyageurs ?
Le refuge

Nous avons connu Michel, Sandra et Julian lorsque nous habitions en Haute-Savoie. Michel était passionné de montagne et de parapente et voyageait pour cela en Argentine. c’est là qu’il rencontra Sandra, originaire du pays, avec qui il se maria. Ils eurent Julian qui était de l’âge de nos deux derniers enfants. Nous étions pratiquement voisins et nous voyions assez souvent. Nous avons passé ensemble le réveillon de l’an 2000, c’est dire. Le grand projet de Michel, c’était de tenir un refuge en moyenne montagne en Argentine pour aller vivre là-bas avec sa famille. Il acheta avec Sandra le Refuge de San Bernardo, au-dessus de Mendoza et passa des années à le remettre en service tout en l’exploitant chaque été, avec un certain succès. Et puis nos chemins se sont séparés. Nous sommes partis vivre dans notre île caribéenne. Michel a malheureusement succombé à une grave maladie. Sandra et Julian sont partis là-bas vivre à temps plein et poursuivre le travail que Michel avait initié. Nous nous sommes toujours dit Claudie et moi que si nous passions un jour en Argentine, voir en vrai ce refuge dont nous avions tant entendu parler était incontournable. Et puis l’occasion s’est présentée avec ce tour du monde : quinze ans après, nous avons revu Sandra et Julian et enfin visité ce refuge mythique !
Nous avons été reçus à l’argentine, c’est à dire merveilleusement bien. Julian et son amie nous ont régalés du typique asado et d’un délicieux dessert maison. Sandra et son nouveau partenaire (depuis peu) nous ont emmenés en randonnée dans les magnifiques montagnes au-dessus du refuge. Nous avons apprécié l’aspect accueillant et chaleureux du bâtiment, imaginant tout le travail accompli en rénovation. Nous avons imaginé l’ambiance en saison quand les groupes arrivent et racontent leurs sorties en moyenne ou haute-montagne (le Cerro San Bernardo est à 4150m d’altitude).
Il va falloir que nous programmions un séjour bis en haute-saison !
Rando à 3000 m

Il fait bien frais ce matin. La température avoisinait zéro degré juste après le lever du soleil. Alors nous nous équipons chaudement car Sandra et Gonzalo nous proposent une randonnée dans le massif juste au-dessus du refuge. C’est d’ailleurs là que vont en premier les randonneurs de l’été à y être hébergés. Certains s’arrêtent là, d’autres poursuivent vers la haute montagne, avec des sommets à plus de 4000m à quelques heures de marche. Paradoxe de l’altitude, il nous faut ne pas oublier d’appliquer notre crème solaire. Même sans réflexion sur la neige, les UV augmentent de 11% tous les 1000m. Nous voilà partis à monter lentement mais sûrement sur le sentier qui part presque du refuge. Nous ne serons pas trop gênés par la neige, réduite cette année au fond des torrents et inhabituellement absente des pâturages cette année. On imagine bien la raison. Elle est tout de même bien présente en arrière-plan sur les sommets de la précordillère des Andes, comme ce Cerro San Bernardo à 4250m d’altitude à qui le nom du refuge fait référence. La vue est grandiose, aussi bien sur ces cimes que sur la vallée en contrebas. Arrivés dans une sorte de plaine perchée à 3300 m, nous trouvons quelques rochers plats pour nous reposer et prendre un petit remontant. Ce sera chocolat pour Claudie et moi, plus quelques sucreries argentines que nous offre Sandra, tandis qu’elle-même et Gonzalo vont savourer un maté. Je dois avouer que nous n’avons pas encore adopté la coutume. Qu’en ferions-nous après avoir quitté l’Amérique du Sud ? Pendant notre pause, des caracaras vont venir à notre rencontre. Ce sont des falconidés assez communs dans ces hautes plaine, et ils n’ont pas l’air trop farouches, venant juste quémander quelques miettes. Nous redescendons tranquillement par le même sentier et retournons nous mettre au chaud dans le refuge. Une belle balade, oui. Merci à nos hôtes !
Le canyon de l’Atuel

C’est encore Sandra et Gonzalo, alors que nous avions rejoint Mendoza, qui tiennent à nous faire découvrir le Cañon de l’Atuel, qui serait l’équivalent argentin du Grand Canyon de l’Ouest américain. La comparaison est difficile car nous avons vu le second par beau temps, chaleur écrasante et Colorado bien rempli, des conditions presque opposées à celles présentes aujourd’hui. N’empêche que cette vallée dans laquelle on circule entre de hautes falaises dont la couleur et les formes changent pratiquement tous les kilomètres nous a vraiment donné envie d’y revenir en période favorable. Les lacs à l’arrivée nous ont aussi rappelé les bouches de Kotor au Monténégro, les bateaux de croisière en moins. C’est véritablement un endroit extraordinaire, peu connu et donc peu fréquenté dans la partie la plus éloignée de Mendoza, qu’il faut absolument visiter lorsque l’on passe dans la région, surtout si le soleil est au rendez-vous. À noter que le parcours se fait sur un chemin de terre assez étroit par endroits, que des crues viennent parfois obstruer. Mieux vaut se renseigner à l’une ou l’autre des extrémités avant de se lancer dans la traversée du cañon.
L’abus d’alcool etc.

Les parents de Xenia, l’amie de Julian, tenant une entreprise vinicole (bodega) pas trop à l’écart de notre parcours, nous décidons d’aller la visiter. La Finca Ivonne, du prénom de l’épouse de son créateur, a démarré son activité en 1998 et fait partie d’une propriété familiale plus grande fondée elle en 1974. Cela reste une toute petite entreprise qui conçoit son vin de la plantation des vignes jusqu’à la commercialisation des bouteilles, ce qui permet d’avoir le contrôle sur toutes les étapes. Et notamment de miser sur l’agriculture durable, l’absence de pesticides ou d’additifs, laissant au maximum le vin travailler par lui-même. Tout cela nous est décrit par Luciano Martinez, l’œnologue familial, qui parle avec passion des ses produits. Les vins produits sont 3 rouges, issus des cépages malbec, cabernet-sauvignon et tempranillo, un blanc moelleux et un étonnant (pour nous en tout cas) vin orange. Ce dernier est élaboré en laissant fermenter un jus de raisin blanc avec la peau d’un raisin rouge. Cela donne effectivement une couleur orangée, tandis que la saveur est intermédiaire entre celles du blanc et du rosé. En tout cas bravo à l’entreprise pour sa philosophie bio et son caractère familial. Quant aux vins, nous n’avons pas encore goûté toute la sélection, mais nos premiers essais sont très satisfaisants : les vins argentins tiennent tout à fait la route face aux vins français. Enfin une façon de parler parce que la tolérance sur la route en Argentine, c’est zéro alcool.
Rien à voir avec la Finca Ivonne, et heureusement d’ailleurs, je me suis permis de rajouter là quelques trouvailles de supermarchés concernant les boissons. Appréciez et consommez avec modération !
Bivouac insolite

Sur la route vers notre destination suivante, nous nous arrêtons en fin d’après-midi un peu à l’écart de la nationale, sur un chemin de terre près d’une entreprise de briquèterie. Un peu cachés de la route par des arbres, nous pensons être tranquilles la nuit venue. Mais un homme qui circule à vélo sur le chemin s’approche de Roberto et nous fait signe qu’il veut nous parler. Il nous dit que nous ne sommes pas en sécurité ici et que nous ferions mieux d’aller nous garer devant un bâtiment qu’il nous montre à 100 m de là. Voyant notre hésitation – davantage due à une incrédulité sur la réalité du danger qu’à une mauvaise compréhension des propos de notre cycliste – il nous propose de nous y conduire. Nous rangeons rapidement nos affaires et remettons le moteur en route. L’homme nous fait entrer en fait à l’intérieur de l’enceinte d’un grand bâtiment blanc affichant de belles colonnes devant sa porte d’entrée. Il rejoint un second, le gardien en fait, qui nous fait garer le plus près possible de l’entrée. C’est tout juste si nous ne débordons pas sur le sol en marbre. Nous discutons un peu avec nos hôtes. Nous apprenons que le bâtiment est une salle de réception assez chic. Le gardien s’empresse d’ailleurs de nous la faire visiter… Nous essayons d’aborder le thème de l’insécurité. L’homme au vélo nous montre la photo d’un camping-car d’un de ses amis, qui n’a pas l’air d’avoir été agressé du tout. On comprend qu’il aime les voyageurs nomades et qu’il souhaite nous rendre service. Peut-être que son copain le gardien s’ennuie aussi dans son grand bâtiment vide. La prochaine réception est pour dans seulement une dizaine de jours. Très gentils, ils nous proposent de nous brancher à l’électricité ou à l’eau, d’utiliser leurs toilettes… nous répondons sur le même ton que nous avons tout ce qu’il nous faut. Quel accueil ces Argentins ! Nous dormirons en tout cas à poings fermés, dans l’enceinte fermée du bâtiment et gardée toute la nuit par un agent de sécurité.
Encore des salines !

Nous arrivons vers la ville de San Luis, dans une grande région aride. A 42 km de là survit tout de même un petit lac salé dont l’étendue va et vient avec la pluviosité ou la fonte des glaciers. Lorsqu’il se retire, il laisse 6500 ha de sel de cuisine que les visiteurs peuvent ramasser à loisir, c’est gratuit. Il est tout de même préférable que l’extraction soit mécanisée, ce qui est le cas depuis 1900. Habituellement, le sel nouvellement déposé au fond de l’eau après évaporation et cristallisation est ramassé par des engins adaptés puis rassemblé en « montagnes de sel ». L’intérêt est que les précipitations suivantes vont laver le sel des impuretés et minéraux indésirables. Cela prend environ 1 an. Aux Salinas del Bebedero, c’est une usine moderne qui fait ce travail dans un processus plus sûr et plus rapide. L’usine est la plus grande de toute l’Argentine. Selon Wikipédia, le propriétaire des salines s’appelle Franco Selle. Ça ne s’invente pas !
La Carolina

Nommé ainsi, selon Wikipédia, « en l’honneur de Charles III d’Espagne » (y aurait-il un doute sur son orientation sexuelle ?), le village argentin de La Carolina est comme beaucoup d’autres un pur produit de la fièvre de l’or. Le filon a été épuisé en une cinquantaine d’années, vers le milieu du XIXe siècle. Mais un autre filon a suivi, celui de l’exploitation touristique de l’endroit. L’un des accès à la mine d’or, fermé lorsque nous sommes passés, a été sécurisé pour permettre la visite au public, qui se fait néanmoins avec casque et bottes. Il y a possibilité aussi d’orpailler dans le ruisseau qui traverse le village, sans grand espoir de trouver la pépite du siècle. Le village lui aussi a été réaménagé. On a remis des pierres sur les maisons qui n’en avaient pas pour rendre l’aspect plus harmonieux. On a saupoudré la rue qui traverse la ville de diverses attractions : bars, restaurants, glaciers, expositions-ventes de cristaux, labyrinthe en pierre et même un musée de la poésie. Tous les efforts esthétiques sont appréciables, mais nous n’avons rien trouvé de transcendant sinon une surface herbeuse au pied d’une montagne à l’écart de la ville pour passer la nuit en toute tranquillité. Enfin une fois que ce couple avec enfants, venu se garer juste à côté de nous alors qu’il y avait plein de place, ait terminé son pique-nique du soir bien après le coucher du soleil.
La maison de la pierre peinte

C’est un endroit un peu mystérieux, accessible sur la carte par un petit chemin en pointillés à peine visibles, et qui recèlerait des peintures rupestres. Aucune indication à l’embranchement du chemin avec la route, mais le GPS a l’air sûr de lui. A ce stade, nous ne sommes pas étonnés de trouver un chemin de terre, par endroits limité aux deux passages de roues, alors nous ne sommes pas étonnés davantage lorsque nous arrivons sur un terrain herbeux où broutent une cinquantaine de vaches. Nous garons Roberto au milieu de tout ça. Nous ne sommes que trois (Roberto et nous) à ne pas meugler, c’est dire l’ambiance ! Le site proprement dit se situe à mi-hauteur d’une falaise surplombante. Nous empruntons le petit escalier qui grimpe raide sur les rochers en faisant bien attention où nous mettons les mains (le câble qui fait office de main courante manque par endroits) et les pieds (des marches sont cassées, voire manquantes). La maison n’est autre que ce surplomb rocheux qui permettait aux autochtones présents 9000 à 5000 ans avant notre ère de s’abriter et de cuisiner. On retrouve d’ailleurs des mortiers au niveau du sol. Et la fameuse pierre peinte, ce sont des pétroglyphes de couleur rouge représentant des formes géométriques, une sorte de biche et peut-être un poisson. Malheureusement, la majorité ont été vandalisés, les visiteurs étant ce qu’ils sont, et la région ou le pays n’ayant pas les moyens de faire surveiller le site jour et nuit. Il est surprenant en effet que l’accès soit totalement libre pour des pétroglyphes de cette valeur.
La vallée du gentil condor

Qu’on se le dise, malgré son envergure imposante pouvant aller jusqu’à 3m, le condor des Andes est plus facile à voir qu’à photographier, surtout au smartphone. Car il vole généralement très haut, cherchant régulièrement les courants ascendants qui leur permettent de planer sans battre des ailes, soit 99% de leur temps de vol. Même à grande hauteur, les grandes ailes rectangulaires comme munies de petits doigts au bout sont assez caractéristiques, et l’on arrive volontiers à distinguer le petit col blanc qui tranche sur le noir du reste des plumes. Alors, quand nous sommes arrivés dans ce parc dédié aux condors, la Quebrada del condorito, et qu’on nous a donné le choix entre une balade de 4h aller-retour où nous aurions une petite chance d’en apercevoir en altitude, et une de 30 mn appelée parcours de découverte, nous avons opté pour la solution la moins courageuse mais peut-être la plus réaliste. Le seul condor que nous verrons, est celui qui, au bord de l’autoroute, annonce l’entrée du parc en déployant ses grandes ailes métalliques. Mais sinon on les aime bien ces condors, si typiques de la culture andine et si idolâtrés par les Incas. Charognards mais pas prédateurs, ils sont les grands nettoyeurs des pampas. En remerciement, les humains détruisent peu à peu leur milieu naturel et l’espèce est en danger. Le plus grand oiseau volant du monde en péril à cause du plus grand voleur du monde.
Córdoba

Nous sommes ici dans la seconde ville la plus peuplée du pays, après Buenos Aires bien sûr. Córdoba compte 1,4 millions d’habitants, ce qui la situerait entre Bordeaux et Toulouse si l’on veut comparer. Naturellement très étendue, la ville est parsemée de grands espaces verts, à l’image de ce Parc Sarmiento où nous sommes venus nous garer. Tranquille le jour, les habitants venant principalement s’installer sur les pelouses pour y discuter autour d’un maté, quelle que soit la température (il faisait entre 10 et 15°C…), le parc s’est révélé malheureusement bruyant en première moitié de nuit, entre les passages de motos sans échappement, les séances de rodéo urbain et les discussions à voix haute des passants. Nous avons été à 2 doigts de bouger, mais c’est toujours un peu difficile de se relever du lit et de reprendre le volant, alors nous nous sommes contentés des bouchons d’oreilles. La visite du parc le lendemain, alors que tout calme était revenu, s’est révélée agréable, avec découvertes de quelques éléments symboliques de la ville comme ce Phare du Bicentenaire (de l’indépendance) ou cette étonnante Roue Eiffel dont l’immobilité est à l’égal de l’incertitude quant à son réel auteur, même si les Cordobeses – qui ne sont pas si gros – sont persuadés d’avoir une œuvre made by France.
La visite se poursuit sur le thème des animaux domestiques, particulièrement choyés en Argentine, de la couleur souvent exprimée en architecture, puis par une exposition découverte par hasard sur notre chemin, où les animaux tentent de ressembler à des humains, à moins que ce ne soit l’inverse…
Nous terminons notre visite par le cœur colonial de la ville, pas trop mal conservé, avec des édifices religieux et publics intéressants parsemés sur des rues souvent quelconques, hélas.
La guerre prégnante

A plusieurs reprises, nous entrevoyons au bord de la route des panneaux « Port Stanley, 2500 km », « Port Stanley, 1975 km », etc. Mais où est donc ce Port Stanley ? Eh bien tout simplement aux Iles Malouines (Falkland pour le Royaume-Uni qui les occupe). L’Argentine est loin d’avoir digéré sa défaite lors de la guerre de 1982, qu’elle avait déclenchée en envahissant ces îles occupées par le Royaume Uni. Après 10 semaines de conflit, l’armée britannique évidemment plus puissante avait repris le contrôle des lieux tout en mettant les moyens pour repousser toute autre tentative : 2000 militaires sont là en permanence pour 2800 civils. L’Argentine revendiquait pourtant ce territoire, plus proche de ses côtes que de n’importe quel autre pays, pensant que l’attribution serait automatique lors de l’acquisition de son indépendance des colons espagnols vers 1811. Mais les Anglais qui avaient occupé les Malouines auparavant n’étaient pas d’accord, contrairement aux Français qui après 4 ans de présence acceptèrent de s’en séparer. A noter que ce sont nos compatriotes originaires de St Malo qui ont donné leur nom aux îles ! Quoi qu’il en soit, les Argentins revendiquent toujours activement en 2025 ce bout de territoire, que ce soit dans les rues du pays ou en actions diplomatiques.
Miramar de Ansenuza

Nous sommes au bord du plus grand lac d’Argentine, le Lago Mar Chiquita (la Petite Mer), qui est aussi l’un des plus grands lacs salés endoréiques du monde. C’est à dire ne se remplissant que par la pluviosité ou par des sources profondes, mais ne produisant pas d’eau par lui même. L’endroit où nous sommes, très asséché, aurait tendance à faire croire à un déclin proche de celui de la Mer Morte. Mais il n’en est rien : le niveau ne cesse de monter et de descendre depuis des siècles, avec un cycle d’environ 50 ans. Le niveau actuel est stable depuis 1980. Il a été jusqu’à 3 fois plus bas dans le passé ! La côte Sud du lac est la plus touristique, notamment la ville balnéaire de Miramar de Ansenuza, où l’on vient pour admirer entre autres les colonies de flamants roses, se faire peur dans un hôtel au passé troublant, ou encore déguster de curieuses spécialités culinaires…
a) marche sur les eaux
b) l’hôtel de tous les mystères

c) tout à l’escabèche

Le cimetière de Devoto

C’est toujours notre roue de secours pour les bivouacs des week-ends, lorsqu’il nous faut éviter les centres-villes, les stades et les églises. Les cimetières affichent toujours un calme rarement démenti, sauf évidemment lors d’évènements comme les grandes fêtes religieuses. Nous voici donc sur le parking de celui de la ville de Devoto, avec asphalte et emplacements délimités s’il vous plaît, ç’est moins fréquent en Amérique du Sud que ça en a l’air. J’en ai profité pour rendre visite à nos voisins et observer un peu les rites funéraires argentins. Contrairement aux habitudes européennes, les défunts étaient ici rarement enterrés, mais plutôt placés dans des cases de béton numérotées, ce qui ne les change peut-être pas trop de leur vivant. Les plus riches se font construire de jolis édifices autour avec statues, petits anges et autres fioritures. Cela dit, les habitudes changent, la sévérité de la crise économique et l’évolution des mœurs conduisant à une très forte progression du taux de crémation. On est arrivés proche des 90% ici alors qu’en France ce serait plutôt dans les 50%. La crémation coûte ici dans les 400 €, ce qui n’est pas si loin du revenu moyen (485 €). Pour ceux qui restent, si j’ose dire, on va économiser sur l’entretien, et certains caveaux ou même chapelles – la crise frappe à toutes les portes – tombant en décrépitude. J’ai tout de même trouvé un caveau fleuri avec des oiseaux de paradis fraîchement coupés. Quel luxe !
Visite éclair à Santa Fé
Certes c’était un dimanche, et le repos dominical est particulièrement bien respecté ici, mais nous ne nous attendions pas à voir si peu de monde dans une ville de cette importance. Surtout, les quelques bâtiments à valeur historico-culturelle du centre, comme ce Couvent San Francisco à l’intérieur parait-il magnifique, étaient également fermés à la visite, ce qui n’est pas forcément blâmable un tel jour, encore faudrait-il que Google Maps donne les informations correctes. Nous avons transformé notre exploration urbaine en promenade autour d’un cours d’eau sans grand charme, mais bordé de pas mal d’arbres différents qui m’auront inspiré pour écrire le paragraphe suivant.
a) désillusion en centre-ville
b) arbres d’hiver … divers
Les saisons étant inversées dans l’hémisphère Sud, nous sommes en plein hiver pendant que l’Europe subit son été le plus chaud jamais enregistré. Cela dit, étant à des latitudes équivalentes à celles de Casablanca ou Tunis dans l’hémisphère Nord, toute végétation n’a pas disparu. Nous côtoyons aussi bien des arbres ayant perdu toutes leurs feuilles que d’autres encore bien garnis voire couverts de fleurs ou de fruits. Avec bien sûr des espèces que nous n’avons pas l’habitude de voir en France.
Nous sommes suivis !
C’est l’histoire d’un chien qui nous a emboîté le pas un bon moment pendant notre visite de San Antonio de Areco. L’occasion de rappeler que, si les animaux errants sont nombreux en Argentine, ils sont rarement agressifs grâce à une population bienveillante qui leur laisse régulièrement de quoi se nourrir et se restaurer dans la rue.
Je ne suis pas un animal de compagnie
Hasard ou pas, le jour où j’ai vu ce capybara en tricot – une tradition sud-américaine – j’ai reçu sur Instagram des nouvelles d’un groupe de ces rongeurs placides recueillis dans un refuge que nous avions visité au Costa-Rica après avoir échappé à un trafic d’animaux entre ce pays et le Panama. Si sympathiques qu’ils paraissent, les capybaras sont totalement incompatibles avec une vie d’animaux domestiques. Il était bon de le rappeler.
Le déluge
Nous sommes dans une grande traversée vers l’Est pour rejoindre une réserve naturelle renommée toute proche de la frontière Uruguayenne. En milieu d’après-midi, nous décidons de stopper dans un « balneario », une sorte d’aire aménagée au bord d’une petite rivière, dont les Argentins semblent assez friands, même si la qualité de l’eau n’est pas toujours au rendez-vous. Nous sommes hors saison, le terrain est déserté mais les installations sanitaires ou de pique-nique restent accessibles. Et gratuites si l’on n’y reste pas plus de 24 heures. Le gardien vient d’ailleurs nous accueillir. Nous lui confirmons que nous ne ferons que passer la nuit. Un camping-car argentin arrive un peu plus tard et s’installe près des sanitaires, pour avoir l’eau et l’électricité sans doute. « Un peu » de pluie étant annoncée pour la nuit, nous nous stationnons pour notre part au centre d’une petite clairière au sol ferme et en évitant la proximité avec les arbres. Effectivement en fin de nuit, ça crépite un peu sur le toit de Roberto, mais pas de quoi handicaper notre sommeil. Au moment de commencer le petit-déjeuner, nous nous félicitons de notre choix, car les arbres autour de nous ont les pieds dans l’eau, tandis que les roues de Roberto restent au sec. Enfin façon de parler. Mais moins d’une heure plus tard, l’eau a monté et s’est bien approchée de nous. Nous décidons d’accélérer notre départ, constatant d’ailleurs que nos voisins camping-caristes ont levé le camp bien avant nous. Nous avançons prudemment sur le sol de la clairière qui accroche bien, avant de nous engager sur l’allée principale du balneario, couverte de quelques centimètres d’eau qui n’handicapent pas notre progression, la surface bien qu’en terre étant bien tassée. Mais à la sortie du campement, qui se fait par un petit pont, la route en terre de 3 km qui rejoint la ville, parfaitement sèche et carrossable la veille, s’est transformée en torrent. Il ne semble pas très raisonnable de s’y aventurer. Nous apercevons au loin un tracteur sur la route qui vient dans notre direction. Nous décidons d’attendre qu’il s’approche de nous pour évaluer mieux l’état de la route. Qui se confirme catastrophique. Le tracteur nous fait des signes pour que nous reculions. Nous pensons qu’il souhaite que nous lui laissions la place pour traverser le pont, mais sous une pluie battante, le chauffeur et deux autres hommes viennent vers nous. Après une courte discussion, nous découvrons avec stupéfaction qu’ils sont venus à notre secours ! C’est sans doute le gardien d’hier qui a donné l’alerte. Ils accrochent des sangles au crochet de traction de Roberto et nous voilà partis sur le chemin boueux, remorqué par le tracteur. La rapidité de la prise en charge et le caractère sympathique voire hilare de nos sauveteurs font que nous n’avons pas eu le temps de nous sentir en danger. Épatants ces Argentins ! Un quart d’heure et des tonnes de boue soulevées plus tard, nous sommes déposés au début de la route goudronnée. Nous avons aperçu sur une route transversale le camping-car de la veille fortement penché sur un bas-côté. Les hommes du tracteur nous annoncent qu’ils vont aller le sortir de ce mauvais pas également. Merci en tout cas à la ville de Villaguay pour avoir été aussi proactifs. Nous ne sommes peut-être pas les premiers à qui ça arrive !
Après la pluie le beau temps
Après avoir roulé toute une journée sous la pluie au milieu de champs inondés, puis passé la nuit sous la pluie sur un parking en centre-ville d’une localité sans grand intérêt, nous repartons sous un soleil radieux qui pourrait nous faire oublier les récents désagréments. Mais la réalité nous rattrape vite : dès l’entrée de la ville de San Antonio de Areco, la route que nous devions emprunter pour accéder à notre lieu de stationnement est recouverte d’eau. Et tout le parc qui borde la rivière Areco. Nous devons trouver une alternative, mais heureusement, le reste de la ville est accessible normalement.
San Antonio de Areco
A un peu plus d’une centaine de kilomètres de Buenos Aires, San Antonio de Areco serait le sanctuaire de la culture gaucho. Nous n’en avons pas trouvé trace dans les rues et le musée dédié au phénomène Gaucho était inaccessible pour cause de débordement de la rivière Areco. Mais la ville a d’autres atouts, comme d’avoir un centre historique où l’architecture coloniale espagnole est bien conservée, un artisanat de l’argent en vogue et un peu d’art dans la rue. J’y ai ajouté un lien artificiel avec une viennoiserie qui divise la France, regardez bien le carrousel de photos jusqu’au bout !
Quiz avec un E
Sans lien avec une quelconque série télévisée, voici un petit quiz inspiré par un panneau urbain inconnu chez nous
Le coup de la panne
A l’approche de Buenos Aires, nous faisons une dernière halte à Luján, une ville devenue au fil des siècles le plus haut lieu argentin du catholicisme. Plus d’un million de pèlerins s’y donnent rendez-vous chaque année au début du mois d’octobre, effectuant pour beaucoup le trajet à pied depuis la capitale, une soixantaine de kilomètres. Rien d’unique dans le monde, mais tout de même, l’histoire est croustillante. Tout débuta en 1630, avant la création de la ville, lorsqu’un convoi transportant des statues religieuses s’arrêta pour une pause près de la rivière Luján. Et fut incapable d’en repartir le lendemain matin, ce qui fut attribué à la volonté de l’une des statues, une effigie en terre cuite de la vierge Marie. Ce que femme veut… Dieu le veut : une ville fut érigée là, puis une église, puis une cathédrale lorsque Notre-Dame de Luján fut déclarée en 1930 sainte-patronne de l’Argentine. Tout ça pour une panne de chariot. On retient tout de même que la cathédrale a été bâtie par un Français, avec du marbre de Carrare, des portes en bronze, des flèches en cuivre. Une bâtisse imposante qui domine la région de ses 106m de hauteur.
Fantaisie policio-royale
L’étape était longue, nous allons faire une petite pause d’un mois en France pour revoir la famille et les amis. Voilà pourquoi nous nous sommes rapprochés de Buenos Aires. Nous avons trouvé par nos réseaux un particulier qui hébergera Roberto dans sa ferme, située à un quart d’heure de l’aéroport, et qui nous y conduira. Alors à bientôt, dans deux mois peut-être, pour la reprise du voyage. Et encore merci de nous suivre.
































































































































































































































































































































































































































































































































