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  • 158. Baleines, pingouins, etc.

    158. Baleines, pingouins, etc.

    Comme prévu, nous nous dirigeons de nouveau vers la côte, car nous ne voulions pas manquer les parcs naturels de la Péninsule de Valdés et de la Pointe Tombo, propices à l’observation de nombreux animaux marins dont ceux cités dans le titre. Cela valait-il la boucle de 1000 km aller-retour pour retrouver ensuite la route 40 un peu plus bas. La réponse suit…

    Le parcours correspondant à cet article, en version zoomable ici

    Traversée du désert

    C’est une très longue route que nous empruntons, traversant cette région aride et minérale qu’est la steppe patagonienne, qui n’est ni plus ni moins que le 7ème désert de la planète. Avec des vents forts permanents et la faible pluviosité, la végétation rentre la tête dans les épaules : on trouve davantage d’herbes rases ou en touffes, de buissons piquants à feuilles minuscules et d’arbustes que partout ailleurs. Par endroits, ce sont de multiples et immenses falaises multicolores qui dominent le paysage. Les cours d’eau sont rares mais sont l’occasion alors d’une traînée verte digne des oasis sahariennes. De l’ouest à l’est, il nous aura fallu parcourir plus de 500 km. Autant dire que les podcasts ont bien défilé sur le système multimédia de Roberto pendant les longs moments où il n’y avait pas grand-chose à voir.

    A peu près aux trois quarts de la traversée, nous avons fait une halte au niveau du barrage Florentino Ameghino (c’est le nom d’un naturaliste argentin), dont la visite nous a été recommandée par Gabriel, notre gardien de Roberto pendant notre mois en France. Un environnement impressionnant de montagnes rouges striées de blanc encadre un superbe lac de retenue de 65 km². Après avoir traversé la digue et traversé plusieurs tunnels, Roberto nous amène au petit village en aval du barrage. 200 habitants seulement – on peut comprendre qu’il y a un certain niveau de risque à vivre là – mais beaucoup de touristes en saison. Pour l’heure nous sommes très peu, et nous allons trouver un joli coin paisible au bord de l’eau où un cheval tacheté comme un dalmatien viendra nous saluer. Nuit tranquille assurément. Et le barrage a tenu !


    Pas au Connemara

    Si Michel Sardou évoque à plusieurs reprises la présence des Gallois au Connemara, il ne faut pas aller là-bas pour en trouver, ils n’y ont jamais mis les pieds. Par contre, 153 d’entre eux ont bien débarqué en Argentine en 1865, fuyant l’oppression de l’Angleterre qui les étranglait économiquement et leur interdisait même de pratiquer leur langue. Quelques années après, ils sont venus s’installer dans la petite ville de Gaiman qui leur offrait des terres à occuper et cultiver. Aujourd’hui, 50 à 70 000 de leurs descendants occuperaient encore la région, bien que quelques milliers seulement parlent encore la langue. Et, alors que nous faisons une petite pause logistique et déjeûner à Gaiman, nous retrouvons rapidement des stigmates de cette colonisation : nombreux dragons rouges sur les enseignes ou les drapeaux de la ville, et surtout multiples salons de thé servant des pâtisseries galloises comme le pain noir tacheté (de raisins secs imbibés de thé), les « welsh cakes » ressemblant aux scones anglais, ou encore les gâteaux au miel. Nous aurions bien goûté à tout ça, mais il aurait fallu attendre le tea time (17h) et surtout qu’une table se libère car tout était affiché complet pour le premier service : les touristes argentins adorent manifestement les coutumes galloises ! Ce sera pour une autre fois.


    Des baleines, des pingouins, des orques etc.

    Roberto à son poste d'observation de Puerto Madryn
    Roberto à son poste d’observation de Puerto Madryn

    Ayant rejoint la côte à Puerto Madryn, nous nous garons pour la nuit sur une falaise près du port. Et déjà, dans la baie sous nos yeux, de nombreux souffles de baleines apparaissent régulièrement. Plus d’une douzaine manifestement s’y promènent en ce moment. C’est actuellement la saison de reproduction des baleines franches australes, qui ont migré pour cela depuis un mois ou deux dans la région. Nous restons un bon moment scotchés à nos jumelles qui, à cette distance, restent le seul moyen d’apercevoir les cétacés émerger de l’eau. Pas de photo donc, ou juste un petit souffle au loin, mais nous devrions pouvoir faire mieux demain en nous rendant dans le parc naturel de la péninsule voisine,

    Au matin, nous empruntons la route en terre qui longe la côte et faisons 2 ou 3 arrêts à des « points d’observation des baleines » mentionnés sur notre carte. Et à un endroit, une plage de galets ou un certain nombre de touristes se sont rassemblés, c’est le choc : un vrai défilé de baleines se fait sous nos yeux, à 20 mètres de la plage seulement. Jamais nous n’avons été aussi près. Ce qui est amusant, c’est la banalité apparente pour les locaux, dont certains ont sorti leur table pour déjeûner devant ce spectacle, tandis que les enfants jouent en jetant des cailloux dans l’eau, semblant ignorer l’énorme tête qui émerge de l’eau comme pour les observer à 15 ou 20 mètres d’eux !

    Puis nous nous engageons plus franchement dans la réserve. Presque toutes les routes de la Péninsule de Valdés sont en gravier et sur de longues distances : près de 100 km pour aller d’un point de vue à un autre par exemple. Rouler là-dessus n’est pas une expérience agréable : outre les nuages de poussière soulevés par les autres véhicules, heureusement peu nombreux, il faut subir les vibrations du sol irrégulier, le pire étant les passages en « tôle ondulée ». Le soir au parking, la pause commence par un gros dépoussiérage de l’intérieur de Roberto et un resserrage de nombreuses vis dans les placards. Mais au final ces contraintes valaient le coup. Nous avons pu ainsi observer plusieurs colonies de lions de mer, se prélassant sur le littoral, une pinguïnera, lieu préservé où vivent des pingouins, plus précisément des manchots de Magellan, adorables oiseaux qui ne semblent nullement effrayés par notre présence et que l’on peut donc voir de tout près, sans toutefois pouvoir entrer sur leur territoire, délimité par une petite clôture. Et puis nous avons eu la chance d’observer des orques. Nous avons su après coup que c’était loin d’être systématique, mais sur le moment, en voyant arriver les premiers, nous pensions que comme pour les baleines ça allait être un défilé. Mais non, seulement un petit groupe de 4 est passé devant nous, dont l’un longeant le rivage cherchant manifestement un bébé lion de mer un peu isolé à dévorer. Nous nous sommes laissés surprendre et avons à peine eu le temps de sortir nos appareils photos avant que le groupe ne disparaisse. Plus tard, sur la route du retour, nous rencontrerons régulièrement des guanacos, mais ça en Patagonie, c’est vingt fois par jour ! De superbes rencontres animalières en tout cas, en pleine nature, ce qui est une expérience totalement différente de celle des zoos. Rien que ça justifiait parfaitement nos centaines de kilomètres parcourus pour rejoindre cet endroit.




    Rencontre du 3ème type

    En 2011, un particulier de la région de Trelew découvre dans son champ des « fossiles » et prévient les autorités locales qui lui envoient des archéologues. Un déplacement pas inutile pour un sou puisque les scientifiques dégagent une sacrée bestiole : un dinosaure haut comme un immeuble de 7 étages, le plus haut connu en fait. Qui plus est presque complet avec 70 à 80% du squelette retrouvé. 90 millions d’années après son décès, le titanosaure est remis sur pied au musée de paléontologie de la ville de Trelew, laquelle expose en outre fièrement à son entrée principale une reconstitution 3D de la bête complète, extrapolée par un laboratoire allemand à partir des os retrouvés. Le transport n’a pas dû être simple !


    Encore des pingouins

    Descendant la côte vers le Sud, nous nous arrêtons voir une autre « pinguïnera« , celle de Punta Tombo. Immense cette fois et offrant une expérience différente de la précédente. Ce sont ici des milliers de manchots de Magellan qui viennent là pour la saison de la ponte. On peut les observer en traversant leur territoire sur des passerelles en bois, qu’ils peuvent traverser eux-mêmes d’ailleurs, et en ayant la priorité comme le mentionnent les panneaux de signalisation. La plupart de ces oiseaux sont en couple à cette époque de l’année et préservent un terrier qu’ils ont décidé d’occuper. La femelle est à l’intérieur et finalise en disposant quelques brindilles le nid douillet qui va accueillir son œuf, tandis que le mâle est debout devant l’entrée, faisant le guet ou assurant simplement une présence pour montrer que le terrier est occupé. D’autres manchots cherchent encore leur partenaire, émettant une sorte de plainte hoqueteuse à intervalles réguliers. D’autres encore sont rassemblés sur la plage en petits groupes, attendant peut-être de partir en masse (c’est mieux contre les prédateurs) pour se nourrir. Enfin, c’est sur les chemins des retours de plage que nous pouvons observer les plus mobiles, remontant vers leur terrier avec cette démarche dandinante adorable et si caractéristique.


    Intermède culinaire

    Tout d’abord cette découverte dans un rayon de supermarché : un fromage gros comme un baril de lessive, vendu aussi en tranches pour les appétits modestes. Et puis connaissiez-vous le point commun en Argentine entre les factures et les demi-lunes ? Dans les 2 cas il s’agit de nos bons vieux croissants. Sur la photo, un combo café-croissant (café + factura, donc) qui m’a été offert … avec le plein de carburant de Roberto !


    La Fiesta Nacional de la Esquila

    Nous sommes repartis vers les montagnes et faisons étape à Rio Mayo, une petite ville qui se revendique la capitale de la esquila. Mais qu’est-ce donc cette esquila ? Une bière locale ? Un chant polyphonique gaucho ? Un rodéo avec des moutons ?

    Festival Nacional de la Esquila : qu’est-ce ?

    Rien de tout cela en fait. Si les jeunes gauchos se mettent de plus en plus à la bière (la Patagonia est réputée) alors que leurs aînés ne jurent que par le maté, s’ils s’adonnent effectivement à la payada, une sorte de joute poétique chantée où ils communiquent par vers improvisés en s’accompagnant à la guitare (rien de polyphonique toutefois) et s’ils font volontiers des rodéos avec leurs chevaux pour encercler des bœufs, les moutons ne font jamais l’objet de telles pratiques. Mais ce sont bien ces derniers qui sont concernés, car la esquila, c’est la tonte. Et le festival est un concours du meilleur tondeur. Le jugement se fait non seulement sur la qualité de la tonte (un seul tenant, épaisseur régulière, etc.) mais aussi sur l’absence de stress de l’animal qui doit ressortir calme et … sans blessure !). Le festival n’a hélas lieu qu’en janvier, nous le manquerons. Mais pourquoi ne pas tenter de vivre ça en direct en demandant à une intelligence artificielle de nous décrire la scène ? J’ai demandé à Chat GPT et voici le récit proposé, distillant les petites notes d’humour que j’ai demandées. Impressionnant, non ?

    « Fiesta de la tonte – ou quand les ciseaux chauffent plus que le soleil

    Le soleil tape dru sur la plaine, quelque part entre Trelew et le bout du monde. Le vent soulève des nuages de poussière, les chiens aboient, et une sono grésille en annonçant d’une voix exaltée :
    – ¡A la pista el número cuatro, Don Mario Gómez, de Paso del Sapo!
    Les applaudissements éclatent. Quatre tondeurs se tiennent debout, tendus comme des archers avant la bataille. Chacun a sa tondeuse électrique, son tablier de cuir, et ce petit air de mec qui sait qu’il va se battre contre un mouton… et contre le chrono. Les bêtes attendent, résignées, l’œil mi-fermé — elles savent que ce n’est pas un combat, juste une humiliation passagère. Le juge lève la main, compte :
    – Tres… dos… uno… ¡ya!

    Et là, c’est la chorégraphie. Les tondeuses vrombissent, les bras s’agitent, la laine vole comme de la neige sous amphétamine. On entend des “¡vamos Mario!” et des “¡mirá ese corte, qué prolijo!”. En moins d’une minute, un mouton ressort tout nu, rose pâle et surpris, l’air de se demander s’il ne vient pas de perdre un pari. Le tondeur lui, enchaîne le suivant, en se déhanchant avec une grâce presque dansante. Certains bossent à genoux, d’autres à demi penchés, le câble de la tondeuse enroulé autour du bras comme un lasso électrique. Autour, l’odeur du gras chaud et de la sueur se mêle à celle du feu de bois : un asado géant fume dans un coin, où les spectateurs se réfugient entre deux tours de tonte. Des gamins courent avec des bouts de laine, des chevaux piaffent attachés à l’ombre d’un pick-up, et les matés circulent sans fin. Quand tout s’arrête, les juges inspectent les toisons, tirent dessus, les palpent comme des sommeliers du textile. Les moutons, eux, sont déjà repartis, plus légers, frissonnant de surprise. Le gagnant du jour soulève sa tondeuse comme un trophée olympique. Il gagne une somme modeste, un tonnelet de bière et surtout, l’estime éternelle du public. Dans le coin, un vieux gaucho murmure fièrement :
    – Ese sabe esquilar, che. No cortó ni un cuero.” (“Celui-là, il sait tondre. Pas une seule coupure.”)

    La musique criolla reprend, les guitares vibrent, et la fête continue jusqu’à la nuit. »


    Il est temps de retrouver ma propre prose, notre route 40 et dans la foulée les belles cimes enneigées de la Cordillère des Andes. La montagne, ça nous gagne, mais il va falloir attendre le prochain épisode. Alors à bientôt !

  • 157. La route 40

    157. La route 40

    La route 40, au kilomètre 1960. Le kilomètre zéro est tout au sud, au Cap Virgenes
    La route 40, au kilomètre 1960. Le kilomètre zéro est tout au sud, au Cap Virgenes

    Avec ses 5000 km, c’est la plus longue et la plus célèbre route d’Argentine. Un symbole, même. Elle longe la Cordillère des Andes du sud de la Patagonie jusqu’à la Bolivie tout au nord, traversant des paysages extraordinaires et variés. C’est le trajet privilégié des road-trippeurs de la panaméricaine, ceux qui vont d’Anchorage en Alaska à Ushuaia, mais pour notre part nous n’avons emprunté jusqu’ici que quelques tronçons, itinérant davantage en zigzags qu’en lignes droites. La partie incluse dans cet article part de la Rinconada, un peu avant Junin de los Andes, jusqu’à Tecka, avant de retraverser vers l’Est, fait tout de même 552 km. Par chance, c’est une partie asphaltée (50% de la route 40 ne l’est pas…), même si les nids-de-poule sont nombreux. A noter que c’est seulement depuis 2004 que le kilomètre zéro est au sud. C’est assez pratique pour nous : les bornes kilométriques nous donnent une idée de ce qu’il nous reste à parcourir jusqu’à Ushuaia, même si la route 40 n’y passe pas. Depuis notre photo du kilomètre 4040 dans le nord de l’Argentine, nous nous sommes un peu rapprochés !

    Parcours correspondant à cet article
    Le parcours correspondant à cet article, en version zoomable ici

    A la trace

    Commençons par El Chocon, une petite ville au bord d’un grand lac de barrage, où suite à la découverte par des promeneurs de restes fossiles confirmés appartenir à des dinosaures, une activité de recherche paléontologique a débuté en 1980. Couronnée de succès 13 ans plus tard puisqu’un squelette de Giganotosaurus carolinii, un dinosaure théropode carnivore de 14 m de long, daté de 100 millions d’années, a été découvert. D’une morphologie proche du T. rex mais plus grand que lui. Comme souvent en pareil cas, un musée a été érigé à l’occasion, intégrant un laboratoire de recherche pour les pros et une réplique grandeur nature pour le public. Mais l’exceptionnel se situe à quelques kilomètres de là, sur les rives du lac. Nous découvrons pour la première fois de notre vie des empreintes d’iguanodons, vous savez, ces paisibles dinosaures herbivores au long cou qui jouent le rôle des gentils dans le film ou le livre « Le Monde Perdu ». Il y a 100 à 120 millions d’années, ils ont marché sur un sol un peu mou qui s’est rapidement recouverts de sédiments protégeant les traces jusqu’à ce que l’érosion des sols ne les redécouvre que maintenant. Ce sont plusieurs séries de pas bien visibles sur une des rives du lac, protégées par un enclos et des passerelles d’observation. Merci aux « empreintologues » préhistoriques qui ont su déterminer de quelles bêtes il s’agissait.


    Dans la ville suivante, Junin de los Andes, c’est une toute autre trace que nous allons suivre : des motifs des indiens Mapuches incrustés sur les marches d’un chemin très particulier. Un chemin de croix en vérité, dont parlait vaguement notre guide, appelé Via Christi, et que nous avions décidé de gravir plutôt pour nous dégourdir les jambes et avoir un joli panorama sur la ville. Mais nous tombons par hasard sur une œuvre exceptionnelle, le fruit de 7 décennies de travail à l’initiative d’un sculpteur local, Alejandro Santana. Une première ascension d’1h30 permet de parcourir les 23 stations de ce chemin de croix avec 55 œuvres d’art retraçant les moments clés de la vie de Jésus Christ, mais aussi des éléments de la culture Mapuche, de l’histoire locale et même mondiale. Les visages des personnages ont des traits hispaniques, mapuches et métissés, tandis que certaines stations intègrent des figures historiques comme Gandhi, Martin Luther King, Mère Teresa. L’objectif, comme le dit le site, est de « créer un dialogue entre la tradition chrétienne et la cosmovision mapuche, offrant une relecture interculturelle de la vie du Christ ». Tout est dit ? Non ! Le clou du spectacle – si j’ose l’expression dans ce contexte intégrant une crucifixion – est encore à 30 mn d’une grimpette assez raide sur un sentier en zig-zag au-dessus de la station 23. On parvient ainsi jusqu’au sommet de la Montagne de la Croix d’où semble émerger un Christ ressuscité de 57 mètres de haut et 47 mètres de large. Seuls dépassent du sol sa tête, ses mains et ses jambes, en une structure polygonale de métal et de verre. On peut d’ailleurs, à l’instar de la Statue de la Liberté, entrer dans la tête. Et en ressortir par le cou. Aussi inattendu qu’exceptionnel !

    Sur le chemin du retour, deux autres traces viennent compléter cette journée à thème (oui, nous avons vu tout ça dans la même journée !). Je vous laisse lire les légendes.


    Syncrétisme encore

    Toujours à Junin de los Andes, nous passons jeter un œil à une belle église qui nous en fait, éclatante au soleil et encore magnifiée par les superbes araucarias qui l’entourent. Là aussi, manifestement, la religion chrétienne et la culture mapuche sont intimement liées. Le bois omniprésent, les motifs textiles en laine de part et d’autre de la nef, les traits mapuches du Christ ressuscité, les vêtements de style autochtone de la Vierge, l’autel reposant sur 4 pierres, les motifs du carrelage, l’intégration de la pierre sur le bâti et les cènes de la vie quotidienne sur les vitraux en sont autant d’exemples. Cela était sans doute nécessaire à la conversion des autochtones au Christianisme. C’est comme pour la politique, il faut faire de compromis pour avancer !


    La Chamonix argentine

    La ville suivante, San Martin de los Andes, est bien différente. Elle a tout d’une station de sports d’hiver avec ses magasins de sport, ses boutiques de luxe, sa kyrielle de restaurants, ses chocolateries et ses touristes qui déambulent, pas trop nombreux puisque la saison vient de se terminer. Vous l’aurez compris, ce n’est pas le coup de cœur, surtout pour d’anciens résidents haut-savoyards.


    La Route des 7 Lacs

    Nous avions entendu parler (notre guide papier, toujours) de cette Route des 7 Lacs, joignant en 107 km San Martin de los Andes à Villa Angostura, comme d’un parcours paradisiaque : lacs bleus ou verts entourés de montagnes majestueuses habillées de sapins s’y reflétant, silence apaisant, ravitaillement d’empanadas gratuit à chaque étape, etc. Enfin pour le dernier critère, je ne suis plus bien sûr des termes exacts. Mais la météo a décidé de tirer un coup de gomme sur toutes ces promesses. Le ciel, d’un gris uniforme, s’était visiblement donné pour mission d’aplatir toute tentative de relief. Les montagnes avaient décidé de faire grève, se cachant derrière des rideaux de nuages – à défaut de gilets jaunes. Les lacs ? De grandes flaques, oui. Quant aux empanadas… ah c’est vrai je n’étais plus bien sûr…

    Le plus rageant venait des panneaux touristiques montrant devant chaque lac ce que nous aurions pu voir : des montagnes enneigées se reflétant en miroir dans une eau azur, des petites îles au milieu, quelques kayakistes tranquilles. Pour peu, je me serais contenté de vous mettre des photos de ces panneaux… Mais ç’aurait été travestir la réalité d’un voyage qui n’est pas fait que de jours de beau temps. Et puis finalement, je trouve un certain charme à certaines de ces photos. Pas vous ?


    On passe le bac d’abord

    Le soleil finissant par se réveiller, nous faisons un petit détour par le village de Villa Llanquin. Au bord d’une rivière d’un bleu-vert magnifique dont on a vu les méandres un peu plus haut, ce village, situé de l’autre côté du cours d’eau par rapport à la route, a la particularité de se rejoindre uniquement à l’aide d’un bac. Celui-ci, sommaire et gratuit, est mobilisé par 2 hommes et, grâce à un ingénieux système de poulies, par la force du courant. Qui est telle que les passagers doivent descendre et prendre la passerelle piétonne juste à côté, tandis que le conducteur doit lui-même se tenir à côté de son véhicule pendant la traversée, améliorant ainsi sans doute ses chances de survie en cas de chavirage intempestif. Une fois les émotions passées, après avoir visité cette petite bourgade paisible, nous avons passé une nuit super tranquille au bord de la rivière. Avant de retraverser le lendemain !


    San Carlos de Bariloche

    C’est une destination incontournable pour les touristes argentins et, il semble bien, internationaux. Ce serait la « perle de la Patagonie argentine ». On y vient apparemment pour son décor fabuleux fait d’une impressionnante chaîne de montagnes enneigées entourant un immense lac, pour ses randonnées en forêt, pour le ski en hiver, pour les sports nautiques en été, et pour le chocolat artisanal toute l’année.

    Si nous sommes d’accord pour le décor fabuleux, cela ne vaut qu’en dehors de la ville, car malheureusement, l’architecture de cette dernière n’est pas à la hauteur, comme partout en Argentine. On retrouve un assemblage de bâtiments aussi ordinaires qu’hétéroclites et de résidences au style alpin qui ont du mal à trouver leur place dans ce chaos.

    Et, à l’instar des rives du Léman ou du littoral méditerranéen, toute la vue depuis la route qui longe le lac est verrouillée par les résidences privées. Il nous faudra nous éloigner de plusieurs dizaines de kilomètres du centre-ville pour retrouver une nature accueillante et des panoramas fantastiques.


    Sale temps à El Bolsón

    a) Des truites invasives ?

    La région d’El Bolsón, toujours sur la route 40, est connue pour ses fermes d’élevage de truites, ce qui pourrait paraître assez ordinaire dans cette région montagneuse aux eaux vives. Mais vous allez voir qu’il y a aussi un côté polémique à cette activité. Alors qu’il pleut en continu depuis le début de la matinée, nous nous arrêtons pour visiter l’une de ces fermes, Granja Larix. Après tout, la pluie ne doit pas trop gêner les truites, déjà mouillées. Nous en observons un certain nombre, à des âges différents, dans les bassins extérieurs. Les panneaux indiquent que les espèces élevées ici sont des truites arc-en-ciel. Tout en n’indiquant pas, comme j’ai pu le lire sur Internet, que l’espèce n’étant pas native du coin, cela pourrait poser de graves problèmes à la biodiversité locale. On connait l’histoire pour les tortues de Floride importées en Europe. Presque convaincus de l’utilité d’un boycott, nous passons tout de même faire un tour à la boutique. A 7,50 € le filet de truite sous vide, nous avons été totalement convaincus !


    b) El Bolsón n’aime pas les camping-cars

    Toujours sous la pluie, nous faisons une courte pause au centre-ville un peu plus loin. Un peu partout, des panneaux annoncent que les camping-cars et les caravanes ne sont pas les bienvenus. En France c’est assez commun sur le littoral, mais ici ? Nous nous garons tout de même sur le parking devant la mairie et bravons le panneau. Prêts à arguer que nous ne ressemblons en rien au véhicule ou à la remorque dessinés sur le panneau. D’ailleurs, un peu plus loin, nous trouverons un fourgon aménagé argentin garé tout près d’un panneau similaire. De toutes façons, il n’y avait pas grand-chose d’intéressant dans cette ville. À part quelques sculptures colorées dans les arbres morts de la place centrale et une jolie mosaïque devant l’hôpital. Nous avons vite repris la route avant que l’on nous mette une multa. C’est le mot espagnol pour contravention.


    Ça se termine à Tecka

    Ce village de moins de 1000 habitants ne figurait pas, et à juste raison, sur notre guide. Il nous a juste paru opportunément situé pour une halte nocturne avant notre nouvelle traversée d’Ouest en Est de l’Argentine. Tout proche de l’embranchement avec la route 25 qui nous ramènera à la mer, possédant une station-service pour faire le plein avant de traverser un désert de plus de 500 km, il dispose aussi d’un endroit calme et en pleine nature recensé par les utilisateurs de l’application iOverlander pour passer une nuit tranquille. D’après ce que nous pouvons voir autour de nous, ce coin perdu vit surtout de l’agriculture et de l’élevage. J’ai eu l’occasion de parler à la fois avec un habitant qui promenait ses chiens, mais aussi avec un mouton venu expressément à ma rencontre. Pourquoi pas ?


    C’est ainsi que nous quittons la route 40 et les paysages montagneux pour rejoindre la Péninsule de Valdés, un vaste parc naturel où nous nous attendons à voir des baleines, des lions de mer, des pingouins et autres animaux marins. Un joli programme, non ? Rendez-vous au prochain épisode pour vous le raconter !