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  • 154. De Salta à Fiambalá

    154. De Salta à Fiambalá

    Depuis Salta, nous longeons vers le Sud les contreforts de la Cordillère des Andes avant de nous y engager plus franchement jusqu’à apercevoir les sommets enneigés des plus hautes montagnes d’Amérique. Un superbe parcours à découvrir avec nous

    De Salta à Fiambala
Carte du parcours
    Parcours décrit dans cet article, zoomable en cliquant ici

    La ruée vers le rail

    De Salta, nous prenons une route Sud qui va se faufiler parfois dans des ravins, parfois dans des vallées plus larges, entre des montagnes où l’ocre et le rouge dominent. Notre premier arrêt est pour Alemanía, une ville presque fantôme qui a connu un destin proche des baraquements proches des mines d’or dans le Far West. Mais ici, ce n’est pas l’or qui a attiré les néo-habitants, c’est le chemin de fer qui venait de relier cet endroit perdu au reste de l’Argentine, voire du monde, via la ville de Salta. Le projet initial étant d’aller jusqu’à la région de Cafayate, productrice de vins et de chèvres, puis au Chili pour renforcer les échanges commerciaux. Sur une ligne pareille, il y avait forcément matière à ouvrir des commerces, et dans un premier temps à compléter la liaison ferroviaire. Plus de 1000 personnes seraient arrivées là entre 1916 et 1920, restées à Alemanía pendant quelques décennies tant que la gare était en activité, transitant les biens amenés de Cafayate en charrette. Mais la gare resta le terminus de la ligne qui ne se termina jamais, en raison des difficultés économiques liées aux différentes guerres et surtout en raison de l’arrivée d’une vraie route depuis Cafayate. Le vin et les chèvres transitèrent désormais par camion et l’activité de la gare cessa brusquement, entraînant le départ de presque tous les habitants. Ville et gare fantômes un temps, Alemanía voit revenir quelques familles venues profiter des touristes qui, comme nous, parcourent cette belle vallée.


    Le ravin des coquillages

    Ce nom sonnant bizarrement est pourtant celui de la route qui va d’Alemania jusqu’à Cafayate, la Quebrada de las Conchas en Espagnol. Cela est dû au fait que l’on retrouve dans les montagnes beaucoup de  coquillages, déposés au fond de la mer qui existait là au Crétacé. Le plissement montagneux qui s’est formé ensuite a ascensionné ces couches sédimentaires que l’érosion a alors rendu apparentes et formant de jolis feuilletages rocheux multicolores, dessinant parfois des amphithéâtres, ou encore des animaux, des obélisques, etc. La route est jalonnée de ces curiosités naturelles, tandis que les montagnes rouges en arrière-plan, très riches en oxyde de fer, constituent un décor fabuleux. Une fois de plus, nous nous sommes régalés de ce cadeau géologique de la nature.


    Cafayate, vin sur vin

    La route arrivant à Cafayate traversant des vignobles à perte de vue, il est facile d’imaginer l’activité dominante de la ville. Ce qui ne l’empêche pas de recevoir de nombreux touristes, venus profiter non seulement de la route des vins mais aussi des magnifiques massifs montagneux environnants. Heureusement pour nous, la saison touristique est actuellement au ralenti, nous nous en rendrons compte en visitant la ville le lendemain matin de notre arrivée : les rues du centre-ville sont paisibles, les magasins n’attendent que vous. Nous prenons le pouls de la place centrale qui rassemble comme d’habitude les bâtiments historiques de la ville, et notamment une belle église dont la façade jaune ressort sur le plafond grisâtre qui cache encore un peu les montagnes. La particularité de l’édifice est d’avoir 5 nefs, ce qui n’est pas si fréquent et qui doit tout de même gêner les fidèles assis sur les rangées latérales pendant les messes, ne voyant pas l’autel. Dans la petite chapelle, les exvotos représentant des parties du corps sont nombreux dans l’armoire placée devant la Vierge Marie témoignant d’un taux de réussite élevé aux prières lui ayant été adressées. Quelques rues plus loin, une maison étrange affichant des animaux andins géants en façade attire l’œil. Nous n’avons guère trouvé d’explications sur les motivations de son propriétaire. Nous visiterons le musée du vin juste en face, donnant pas mal d’explications sur les facteurs climatiques qui expliquent pourquoi les vins de la région sont (bien sûr) exceptionnels : altitude de 1600 m, faible nébulosité, faible pluviosité et larges écarts de température entre le jour et la nuit (une vingtaine de degrés toute l’année) sans quasiment jamais subir de gel. On regrettera l’absence de dégustation, qui sera largement compensée dans la journée, comme vous le verrez.


    La suite au restaurant…


    Attendez l’autre suite …


    Le musée de la Pachamama

    C’est devant une forteresse de pierres que nous garons Roberto dans cette petite ville de 2000 habitants qu’est Amaichá. Ce Musée de la Pachamama est l’œuvre d’un seul homme, Héctor Cruz, un artiste d’origine amérindienne comme la majorité de la ville. Il a voulu créer ici à la fois un lieu de mémoire pour la religion de ses concitoyens et un territoire symbolique qui leur est réservé, très au-dessous bien entendu de l’étendue des territoires volés que la population amérindienne tente, sans beaucoup de succès, de se voir restituer. Un bâtiment est réservé à l’archéologie, un autre à l’ethnologie (le mode de vie des populations autochtones est restitué sous forme d’affiches informatives, de vitrines d’objets du quotidien et de dioramas) et les deux derniers aux peintures et tapis aux motifs ethniques réalisés par Héctor Cruz. Tout le reste, une multitude d’escaliers, de terrasses, de niches, de portes, de sculptures et de motifs au sol en hommage à la religion des Incas, Pachamama et dieux du soleil et de la lune inclus, a été réalisé par l’artiste lui-même, sans l’assistance d’un architecte. C’est un univers étrange et fabuleux, tout en ayant un sens tout à fait louable, dans lequel nous nous sommes promenés avec délectation. Sous le soleil bien sûr, qui brillerait ici entre 340 et 365 jours par an selon les sources.


    La fête du poncho

    Ou bien c’est le temps gris, ou bien c’est la ville elle-même, mais nous n’avons pas trouvé grand intérêt à la capitale régionale San Miguel de Tucuman. Si ce n’est l’intérêt historique d’avoir été l’endroit où l’indépendance du pays a été signée le 9 juillet 1816. La salle où a eu lieu cette signature est d’ailleurs la seule du bâtiment – une grande maison individuelle – qui a été préservée. Après destruction du reste des locaux, quelqu’un a fini par soulever l’idée qu’il avait peut-être un peu d’importance, et tout a été reconstruit selon les plans d’origine, autour de la fameuse salle. Nommé maintenant « maison de l’indépendance », le lieu est ouvert aux visiteurs qui se pressent nombreux à l’ouverture, groupes scolaires en premier, pour le visiter. C’est d’ailleurs gratuit. Quittant ce centre-ville peu clinquant, nous ne trouvons guère mieux dans la ville suivante San Fernando del Valle. Heureusement, nous tombons sur une affiche promouvant la « Fête du Poncho », l’évènement principal de la vie municipale après le jour de l’indépendance et le carnaval. Notre guide en parlait d’ailleurs, comme une fête folklorique à ne pas rater. Heureux d’être là le bon week-end, nous nous y rendons. C’est en périphérie de la ville. Les parkings improvisés (le moindre bord de route stationnable est privatisé et taxé par des gardiens en gilet fluo dont on ne sait pas s’ils sont légaux). Dès le début de la visite, c’est la déception. Ni folklore ni poncho dans ce qui est assimilable plutôt à une foire-exposition avec ses stands automobiles, ses food-trucks, ses vendeurs ambulants, ses stands d’artisanat et d’alimentation, sa fête foraine. Nous flânons dans les allées, achetons quelques friandises et repartons une vingtaine de kilomètres plus loin nous garer dans un coin tranquille, loin des foules et du bruit.


    La boisson mythique

    C’est en marge de cette Fête du Poncho que les stands de boisson me rappellent qu’il faut vous parler de cette boisson assez typique de l’Argentine alors qu’elle n’en est pas originaire : le Fernet-Branca. C’est tout de même la 3ème boisson alcoolisée la plus bue dans le pays après le vin et la bière, moins originaux. Elle a été introduite dans le pays « sous le manteau » par les immigrés italiens dans les années 1870 à 1920. Il s’agissait de se remémorer le pays d’origine ou bien de soigner quelques maux en raison des herbes médicinales incluses. Mais la demande a été telle que la maison-mère du côté de Milan décida d’ouvrir une usine de fabrication en Argentine. Avec raison car 70 à 75% de la production mondiale du Fernet-Branca est consommée dans ce pays, avec un effet de mode actuellement chez les jeunes adultes. La teneur en alcool étant assez élevée (39-40°) on dilue volontiers la boisson avec du soda (Fernet con Coca sur les menus) ou du vermouth. Personnellement, j’avais découvert l’existence du Fernet-Branca dans les années 80 non pas en en consommant mais en lisant l’excellente revue Fluide Glacial qui a accompagné mes années de fac. On y trouvait notamment la série de BD « Carmen Cru » dont l’auteur J.M. Lelong est malheureusement décédé en 2004. Il y est décrit le quotidien savoureux, dessiné en noir et blanc, d’une petite vieille acariâtre, consommatrice de Fernet-Branca, infâme avec son entourage mais pour qui paradoxalement on finit par avoir un peu de compassion. Je vous en recommande vivement la lecture.


    Chumbicha

    Inconnue de tous les guides touristiques, cette petite ville l’est presque aussi de Google Chrome qui ne propose aucune suggestion concordante lorsque l’on tape son nom dans la barre de recherche. C’est plutôt rare. Après validation, on tombe sur cette description de Wikipedia qui, comme on dit, vaut le jus : « Chumbicha est une localité argentine située dans la province de Catamarca et dans le département de Capayán, en Argentine. Le nom Chumbicha a ses racines dans la langue quichua où son nom signifie, « faire chumpi, la gaine ou la corde« . Aaah, « faire chumpi », tout un programme ! Nous avons choisi de nous y arrêter pour profiter du parking tranquille de sa gare routière toute neuve qui tranche avec les terrains vagues et les maisons décaties alentour. Il n’y passe pas plus de quelques bus par jour, nous n’avons pas vraiment été dérangés. Et puis une petite balade de voisinage nous a amenés à découvrir quelques trucs intéressants.


    La route de l’adobe

    Sur une cinquantaine de kilomètres, précisément de Tinogasta à Fiambalá, nous suivons la route de l’adobe, nommée ainsi pour son inhabituelle concentration en édifices bâtis sur ce mode. La terre rouge abondante de la région en est probablement la raison. Il suffit de la malaxer avec un peu d’eau et de paille pour en faire des briques qui sècheront simplement au soleil. Et le mélange servira encore à lier ces briques une fois assemblées en murs, et même à les recouvrir d’enduit. C’est encore l’adobe qui fera l’étanchéité des toits de paille disposée sur des traverses en bois d’eucalyptus ou de cactus. Le seul hic, c’est qu’il faut entretenir tout ça régulièrement, sinon tout tombe vite en ruines. Nous voyons ainsi beaucoup de constructions délabrées, mais aussi beaucoup qui semblent presque neuves et de belles églises construites sur ce principe (voir les photos).


    Rose de chez rose !

    L'église rose de Copacabana en Argentine (itinéraire de Salta à Fiambalá)

    L’une des églises sur la route, dans le petit village de Copacabana, attire le regard de loin de par sa couleur rose vif. Nous nous arrêtons y jeter un œil et découvrons étonnamment que l’intérieur est tout aussi rose bonbon que la façade. Avec quelques nuances de bleu du plus bel effet !


    Fiambalá, sa dune et ses thermes

    Petite ville au bout d’un long désert, Fiambalá n’a pas un charme fou. Après un rapide tour du centre-ville, nous gagnons la périphérie pour nous garer au pied d’une petite dune appelée La Baleine. Surtout nous sommes dans un environnement grandiose de montagnes à plus de 2500 m d’altitude. Que nous allons gagner dès le lendemain par une route pittoresque grimpant à 1750m au pied des Thermes de Fiambalá. Il y coule dans une sorte de ravin en pente une source bien chaude qui arrive par un ruisseau  au sommet et s’écoule dans 14 bassins étagés, où la température perd environ 1°C à chaque fois. On passe ainsi de 45°C pour le bassin supérieur à 30°C pour le plus bas situé. Chacun peut choisir ainsi de barboter dans le milieu qui lui convient le mieux, ou bien de suivre la progression recommandée d’aller du moins chaud au plus chaud. C’est la dernière solution que nous avons choisie, Claudie s’arrêtant vers 41°C tandis que je tente le bassin de 45°, en ressortant rouge comme un homard malgré le peu de temps passé dedans. Nous prendrons notre temps de relaxation dans le bassin à 40°C, tout à fait tenable et agréable dans la durée. Pour les plus intéressés par la chimie de l’eau, pas d’indication sur place mais on trouve sur Internet que ces eaux sont sulfatées, siliceuses, bicarbonatées alcalines et faiblement chlorées. Pas d’odeur de soufre en tout cas. Dommage, j’aime bien !


    Le Canyon de l’Indien

    Nous voici partis vers le Nord, sur la route dite « des 6000 », appelée ainsi car elle est surplombée (au loin) d’une série de sommets de plus de 6000 m d’altitude appartenant à la Cordillère des Andes. Cette route rejoint le Chili, avec une frontière qui n’ouvre que les mercredis, mais nous n’avons pas l’intention d’aller jusque là pour le moment. Une vingtaine de km après Fiambalá, nous nous arrêtons sur un parking improvisé en bord de route pour aller faire une petite randonnée de 2 kilomètres dans le Canyon de l’Indien. Une gorge creusée dans une immense coulée de lave par un torrent qui semble à sec depuis un bon moment. Les parois autour de nous, d’une vingtaine de mètres de hauteur, sont impressionnantes et offrent une multitude de formes. Le sentier se resserre peu à peu, nous devons franchir quelques éboulis et nous faufiler dans des passages parfois étroits, avant d’arriver devant une formation géologique qui a donné son nom au lieu : le visage d’un indien dessiné par la nature dans la roche, face à un autre visage juste en face, qui serait celui de sa compagne. Une légende raconte en effet qu’un village amérindien fut menacé un jour par les conquistadores. Deux de ses habitants entraînèrent toute la population vers une montagne proche pour échapper à leurs agresseurs, mais se retrouvèrent devant une paroi infranchissable. Le couple meneur invoqua les dieux, qui ouvrirent une tranchée dans la montagne, par laquelle les villageois purent s’échapper. Le couple fut ensuite immortalisé dans la pierre afin de continuer à surveiller le passage. Qui pour l’instant ne voit plus passer grand conquistador.


    La route des 6000

    On traverse ici des paysages multiples et grandioses loin, très loin de toute civilisation. Pour tout dire, arrivés à notre point de demi-tour – en poursuivant nous serions allés au Chili – après plus de 2h de route en ne rencontrant comme construction qu’un unique hôtel-restaurant au milieu du parcours, je ne me suis jamais senti autant isolé et distant du monde civilisé. La route, magnifique, serpente au travers de gorges escarpées bordées de montagnes toutes rouges avant de s’élever continuellement vers les larges et hautes plaines bordant la Cordillère. Si la végétation est toujours rase, quand elle n’est pas absente, le sol change sans cesse de couleur au fil des kilomètres. Une zone de marais héberge quelques canards sur une eau partiellement gelée, plus loin nous avons aperçu des vigognes sauvages et souhaitant le rester : elles fuient assez vite devant l’objectif du smartphone. Au loin, on finit par apercevoir les sommets enneigés des fameux 6000, dont le fameux Ojos del Salado, le plus haut volcan du monde et second sommet d’Amérique avec ses 6893 m. Nous interrompons notre grimpette au niveau d’un refuge placé dans un endroit où le vent souffle en fortes rafales. L’intérieur est accueillant avec de quoi faire un feu et préparer un repas. Il y a même la wifi grâce à un équipement Starlink. Inutile de dire qu’aucun réseau mobile n’a été perceptible tout au long de la route. Il ne nous restait plus qu’à redescendre. 2 bonnes heures de nouveau pour rejoindre notre dune baleinière à Fiambalá.


    À partir de là, nous allons tout doucettement prendre la direction de Mendoza, où nous espérons retrouver des amis de longue date qui tiennent un refuge là-bas. Cela fait presque une vingtaine d’années que nous ne nous sommes pas vus. Un moment qui s’annonce exceptionnel, vous en saurez davantage dans le prochain article !

  • 153. Argentine, une première pour Roberto

    153. Argentine, une première pour Roberto

    Si Claudie et moi pénétrons en Argentine pour la seconde fois, après notre séjour à Buenos Aires, c’est une première pour Roberto. Il va donc nous falloir trouver un sticker pour le 42ème pays de son périple. D’autres premières sont à suivre, comme des records d’altitude ou de circulation sur des routes non asphaltées.

    Argentine une première pour Roberto
    Le parcours nord-argentin décrit dans cet article – en version zoomable ici

    Passage de frontière plutôt rapide

    Comme pour les autres frontières de notre voyage, tout apparaît quelque peu désorganisé, à l’encontre de ce que nous avions observé en Amérique centrale. Pour la sortie du Paraguay ça commençait pourtant de façon assez simple avec contrôle des passeports et apposition du visa de sortie sans même avoir besoin de descendre de Roberto. 5 voitures devant nous, 10 minutes d’attente, ça allait. Mais il nous fallait ensuite faire annuler le permis de circuler de Roberto. On nous fait alors garer près des douanes, un agent inspecte rapidement l’intérieur sans même faire ouvrir les portes arrière, puis on nous envoie tout à l’opposé du bâtiment, vers le circuit d’entrée au Paraguay pour annuler ce permis. Il nous faudra demander à plusieurs personnes avant de trouver l’Algeco dédié à cette tâche… Un employé nous met un coup de tampon, nous dit que c’est bon et garde le papier. Nous retraversons tout pour récupérer notre véhicule désormais autorisé à quitter le Paraguay et nous nous engageons sur le pont qui mène en Argentine. Circulation à double sens à vitesse limitée et dépassements interdits, mais tout le monde s’en donne à cœur joie… Pas trop d’attente non plus de l’autre côté mais là aussi, une fois les passeports visés (aucun tampon, c’est tout dans l’ordi), il nous faut donner à l’employée chargée des enregistrements de véhicules les bons renseignements qui lui permettront de compléter notre permis d’importation robertesque. Elle nous demande combien de temps nous souhaitons. Nous tentons un an. Elle nous donne 6 mois, ce qui n’est pas si mal (c’est le double de nos propres visas !). Et nous voilà libres de circuler sur les routes de l’Argentine. Le passage de frontière aura pris au total une cinquantaine de minutes. C’est plutôt honorable.


    Quelles routes !

    Notre première centaine de kilomètres se fera sur une route asphaltée en excellent état. Mais à la première bifurcation, une route en terre s’annonce, avec 158 km jusqu’à notre destination, un parc naturel. Et un peu moins pour rejoindre la première ville de l’autre côté de ce parc quelque peu isolé. Bah, c’est le prix à payer sans doute. Nous sommes plus rats des champs que rats des villes ! Nous faisons une première étape juste avant d’emprunter cette route. Histoire de mieux se préparer mentalement à l’affronter.

    La qualité de la route s’avère en fait très variable, de terre bien tassée mais très poussiéreuse à terre molle genre boue entrain de sécher avec des ornières profondes entre deux passages de roues. Lesquels, un rien tassés mais glissants, nous entraînant volontiers vers les ornières. Si nous glissons là-dedans, nous risquons de ne pas pouvoir en sortir … et de ne pas être secourus de suite. Nous n’avons croisé qu’une dizaine de véhicules sur les 158 km ! Il faut être particulièrement attentifs. Nous nous félicitons d’avoir des pneus tout neufs « spécial boue » sur les roues motrices de Roberto. En contrepartie de ces efforts, le paysage est relativement sauvage, la plupart du temps de grandes plaines où d’immenses troupeaux de bovins sont dispersés. Pas mal d’animaux semblent en liberté le long de la route ou la traversant : vaches, chevaux, cochons, moutons, oies, oiseaux de proie, nous aurons un peu de tout. Même une sorte d’autruche – sans doute un nandu – qui a couru un instant dans le champ à nos côtés avant de s’éloigner.

    Quatre heures après notre départ, mais pause déjeuner comprise, nous arrivons au camping du Parque Ibera. Après nous être installés, nous débarrassons l’arrière de Roberto, intérieur comme extérieur, de l’épaisse couche de poussière rouge qui s’est infiltrée. Il va vraiment falloir que nous améliorions l’étanchéité de nos joints de carrosserie sur les portes arrière. Nous nous renseignons sur les possibilités d’excursions. Ce sera un tour en bateau de 2 heures dans les marais de la réserve naturelle et plusieurs randonnées sur des petits sentiers aménagés. En attendant, nous profitons du camping et de son bel environnement lacustre, observant tour à tour des capybaras qui traînent près de Roberto, un magnifique ciel embrasé après le coucher du soleil, et la plupart de nos voisins argentins dînant au barbecue sur les tables extérieures, anorak fermé et capuche sur la tête parce que la température descend vers les 10°C. De notre côté, le chauffage tourne déjà !


    Sortie bateau : encore des espèces pour nous inconnues !

    Nous sommes une dizaine sur cette petite embarcation menée par un guide naturaliste. Au moteur pour les plus grands déplacements, ou à la perche lorsque nous approchons des animaux. Nous rencontrons d’abord un « cerf des marais » qui broute les pieds dans l’eau la végétation flottante. Puis un nombre impressionnant de caïmans, pas énormes sauf quand le bateau s’en approche de quelques dizaines de centimètres. Nous ne devrions pas nous inquiéter puisque de petits palmipèdes rougeâtres tout comme des capybaras leur passent sous le nez sans les faire broncher. Apparemment, ce sont de jeunes caïmans Yacaré qui ne se nourriraient que d’invertébrés et de petits poissons. À l’âge adulte, le régime alimentaire s’élargit aux vertébrés, dont j’ose vous rappeler que nous faisons partie. Plus loin, une sorte de gros dindon noir couve ses œufs, le regard inquiet quand l’embarcation se rapproche. Et encore des cerfs des marais. Et encore plus de caïmans. Une véritable infestation de crocodiles, pour reprendre la formule qui fait sens ici.


    Sortie pédestre : savoir persévérer

    Notre guide papier était très enthousiaste sur les randonnées qui démarrent à l’entrée du parc, nous annonçant des paysages exceptionnels et une multitude d’animaux venant prendre la pose devant nos smartphones (plus smart que phones d’ailleurs en l’absence quasi-totale de réseau mobile). La première randonnée était un parcours d’une vingtaine de minutes dans un sous-bois aux arbres étiquetés, dans le silence total de l’absence de toute faune. Une déception. Le second sentier qui comportait plusieurs variantes démarrait de la même façon, nous incitant dans un premier temps à suivre le trajet le plus court pour rentrer. Après réflexion et parce que nous avions envie de bouger, nous nous engageons dans la boucle longue. A peine 2 minutes plus tard, un cerf des marais apparait au bout du chemin. Nous nous immobilisons. Loin de s’enfuir, le cerf nous observe attentivement puis marche vers nous. Incroyable. Les cerfs européens sont bien plus craintifs que cela, avec raison sans doute. Mais le nôtre poursuit son approche, jusqu’à près de 5 mètres de nous, avant de s’engager lentement dans la végétation pour nous contourner. Nous verrons plus loin d’autres animaux de la même espèce, et puis aussi un capybara et quelques oiseaux. Finalement la persévérance a payé.


    Retour à la civilisation

    Où nous quittons notre parc naturel pour retrouver la ville … et encore des animaux ! C’est tout en images ci-dessous.


    La grande traversée

    La répartition des ressources touristiques ne répond à aucune règle, et notre prochaine zone d’intérêt se situe aux pieds de la Cordillère des Andes, à plus de 800 km de Corrientes. Nous allons traverser pendant une dizaine d’heures, et sur deux journées, les grandes plaines du centre de l’Argentine correspondant au bassin du fleuve Paraná, le second plus grand fleuve d’Amérique du Sud après l’Amazone. La vision porte à l’infini sur d’immenses pâturages où les vaches et moutons sont très dispersés, en alternance avec des champs de soja ou de canne à sucre. Quelques villages rompent la monotonie de la route, mais ils restent très espacés. Les lieux pour se poser la nuit ne sont pas si fréquents, limités souvent dans notre application aux parkings pour poids-lourds aménagés derrière les stations-service. Des lieux peu réjouissants auxquels nous préférons des espaces verts en bordure de village ou des parkings de cimetière, calmes la plupart du temps.


    Les couleurs arrivent !

    Le petit village de Purmamarca devant la montagne aux 7 couleurs

    Nous entrons dans cette région du Nord de l’Argentine classée au patrimoine mondial de l’UNESCO à la fois pour son importance historique (culture indigène bien préservée) et naturelle (montagnes colorées spectaculaires). Le premier site sur notre route s’appelle La Montagne aux 7 Couleurs, sur la commune de Purmamarca à 2000 m d’altitude. Je vous dirais volontiers que les photos parlent d’elles-mêmes, mais c’est par simplification excessive. Les 3 dimensions sont indispensables pour percevoir le côté grandiose du paysage, et les couleurs sur les photos ne reflètent qu’un instantané d’un éclairage qui change en permanence, en raison de la perturbation de ces derniers jours qui s’éloigne peu à peu. Le ciel des prochains jours est annoncé dégagé, tant mieux !


    La Pucará de Tilcara

    Tilcara, c’est la ville suivante de notre périple nord-argentin. Sans charme excessif, elle est surtout une base logistique pour les touristes venus visiter la région. Roberto assurant notre restauration, notre hébergement et nos déplacements, nous n’aurons pas besoin de stationner ici autrement que pour la visite de la Pucará, une ancienne forteresse préhispanique et même pré-Inca. Elle a en effet été bâtie par les indiens Omaguacas au Xe siècle, sur une colline de 60 m de haut assurant leur sécurité. Puis oubliée, comme pas mal de sites précolombiens, avant d’être redécouverte au début du XXe siècle et en partie restaurée. Il est clairement expliqué que les techniques de restauration ne reflètent pas celles d’origine, mais les plans dessinés par les archéologues sont respectés et nous permettent de découvrir l’organisation civile et religieuse de la forteresse. La visite vaut aussi – j’allais dire surtout – pour le décor en arrière plan des chaînes de montagnes de la Quebrada de Humahuaca, la fameuse zone protégée par l’UNESCO.


    C’est l’histoire d’un Mec

    Le Museo En los Cerros est un lieu à part. Géographiquement d’abord, car pour y accéder, il faut s’éloigner de la route principale de près de 5 km sur un chemin de terre et de cailloux. Artistiquement ensuite car ce musée s’est donné pour projet de montrer les œuvres de photographes argentins à l’endroit même où ils ont puisé leur imagination. Est-ce la difficulté d’accès ou bien le peu d’intérêt des touristes pour le sujet, mais nous étions les seuls à visiter les lieux. Les photos présentées sous verres un peu réfléchissants étaient peu …photographiables, mais si vous êtes intéressés par l’histoire de ce Mec, n’hésitez pas à visiter son site internet.


    Humahuaca, 3000m d’altitude

    Poursuivant notre progression dans la vallée qui monte lentement mais sûrement, nous atteignons Humahuaca, dont le nom signifie en Quechua « la tête du taureau ». Cela ne correspond en rien au dessin du village ou de ses limites, mais peut-être est-ce lié au fait que Humahuaca est le village principal de la région et le dernier jusqu’à la frontière avec la Bolivie. Les maisons en adobe de style colonial et les petites rues pavées (pour les principales), le grand escalier et la place principale toujours très animés, donnent beaucoup de charme à ce lieu même s’il est assez fréquenté par les touristes principalement argentins. C’est notre étape la plus au nord de notre parcours dans le pays. Nous prenons un peu de temps pour la visite, mais ce n’est pas pour le village que nous sommes venus ici, mais pour une toute autre raison. Soyez patients, je vais y venir…


    Escalade dans les couleurs

    Toujours à Humahuaca, comme si nous ne nous contentions pas de ses 3000 m d’altitude, de ses nuits fraîches (il a fait -3°C) et de ses jolies chaînes montagneuses en arrière-plan, nous nous lançons sur une piste de 25 kilomètres qui va grimper jusqu’à 4350 m d’altitude, record absolu pour Roberto qui n’a pas bronché (tout au plus j’ai passé en manuel la boîte automatique qui gérait mal les changements de vitesse, ne tenant sans doute pas compte de la moindre puissance du moteur avec l’altitude). Nous aurions pu faire le trajet en bus, mais nous avons privilégié notre liberté de mouvement aux contraintes horaires des transports en commun. Arrivés là-haut, nous voilà estomaqués devant la Serrania del Hornocal, plus couramment appelée la montagne aux 14 couleurs (7 de plus que sur notre site précédent, d’où le titre), vous comprendrez pourquoi sur les photos. Un lieu magique, un des plus beaux spectacles de la nature que nous ayons vus dans notre voyage.


    Escalade dans les couleurs (suite)

    Nous rejoignons par une route encore pittoresque les Salinas Grandes, une mer intérieure asséchée de 525 km² formée par le soulèvement de massifs montagneux de part et d’autre il y a 10 millions d’années. Elle s’est d’ailleurs soulevée en même temps puisque se situant à 3350 m au-dessus du niveau des océans actuels. Il en résulte une croûte de sel de 30 cm d’épaisseur sur laquelle on peut rouler, accompagnés d’un guide amérindien qui connaît parfaitement les lieux car à certains endroits la couche est plus mince et l’on peut se retrouver embourbés. Le blanc éclatant est presque aveuglant – les lunettes de soleil sont largement conseillées – et ressort merveilleusement bien sur le bleu du ciel et la ligne des montagnes lointaines. A distance des pluies de l’été, le sol se craquelle en dalles polygonales. Par endroits, quelques bassins naturels tranchent en couleur et en transparence avec le blanc dominant, tout comme les bassins segmentés rectangulaires utilisés pour la récolte du sel. De l’autre côté du secteur touristique, une usine est en fonctionnement, traitant le sel récolté et aussi le lithium, encore plus demandé depuis les années 2000, notamment par les voyageurs nomades comme nous pour les batteries-cellules de nos véhicules.

    Une excursion aux Salinas Grandes ne serait pas complète sans profiter des caractéristiques du lieu pour prendre quelques photographies humoristiques. Le large fond blanc permet de jouer sur la perspective, tandis que la lumière intense permet de fermer le diaphragme à fond et obtenir de grandes profondeurs de champ. Les guides accompagnant les visiteurs sont formés à exploiter ces deux propriétés, et réalisent les clichés avec votre smartphone ou votre appareil photo. Appréciez !


    En route vers Salta

    Comme dirait un commandant de bord, nous amorçons notre descente vers Ushuaia, à 4 400 km de là comme le dit un panneau sur la route 40 qui relie le Nord et le Sud de l’Argentine. Nous allons repasser par Purmamarca, là où se trouvait la montagne aux 7 couleurs, avec un ciel bien dégagé et une atmosphère matinale transparente nous incitant à nous arrêter pour reprendre quelques clichés. En voici deux pour l’exemple, c’est tellement beau !


    Bien avant Ushuaia, que nous espérons rejoindre vers le mois de Novembre, notre première étape sera Salta qui, comme le dit notre guide, a les attraits d’une grande ville et le charme d’une petite. Mais notre première préoccupation, arrivant peu après midi, est le déjeûner. Et comme nous n’avons pas envie de faire la cuisine aujourd’hui, nous nous cherchons un restaurant. Pas de problème, il y a le choix !


    Une fois restaurés, nous partons visiter la ville. D’emblée nous apprécions le caractère colonial assez bien conservé de son architecture et l’absence d’immeubles élevés dans le centre. La place centrale, appelée ici Place du 9 Juillet, le jour de l’indépendance obtenue en 1816, est comme toujours le centre de l’animation tout en offrant le maximum de bâtiments des siècles derniers. D’abord la cathédrale-basilique à la façade rose et blanche, très (trop ?) richement décorée à l’intérieur, puis le Cabildo (ancienne mairie, fermée aujourd’hui) et le musée archéologique de haute-montagne. Ce dernier est consacré à l’univers des Andes incas, avec des expositions sur la vie dans les montagnes et sur les figures emblématiques de la religion à l’époque, et tout un étage dédié à des momies d’enfants sacrifiés, dont 3 retrouvés au sommet d’un volcan à 6 739 m d’altitude, dont le gel a permis l’étude et la conservation. Nous ferons un tour et quelques emplettes dans la belle boutique du musée. Plus loin, nous verrons l’église San Francisco, superbe dans ses couleurs terre cuite et ivoire et détentrice du record de hauteur de toute l’Amérique du Sud pour son clocher de 64 m. On termine cette balade historique par le couvent de San Bernardo datant du XVIe siècle. Sans pouvoir y pénétrer, on apprécie pourtant sa façade si typique et sa belle porte en bois sculpté. Dans un parc, nous discuterons un moment avec un voyageur nomade argentin qui nous donnera quelques tuyaux sur notre futur parcours. Et puis nous finirons dans un petit marché où la droguerie « La Reine de la coca » nous a intrigués. L’achat et la détention de feuilles de coca, vendues ici, ne sont autorisés que dans le Nord de l’Argentine pour ses propriétés contre le mal des montagnes.


    Se termine ici cette première étape en Argentine qui nous a ravis, principalement par les paysages extraordinaires de cette région, mais aussi par la culture andine que nous avons eu plaisir à redécouvrir depuis notre voyage en Équateur et au Pérou il y a de cela euh 22 ans. Mais que le temps passe vite ! Le pays a sûrement encore beaucoup à nous apporter. Attendons la suite.