104. Costa Rica quatrième décade

Voici la dernière série de notre périple au Costa Rica. Des zones peu visitées du centre-est aux plages touristiques de la côte Caraïbe. Comme pour les épisodes précédents, c’est la nature qui revient en leitmotiv. Pas de problème, nous sommes loin de la saturation !

Orosi ou le tourisme discret

Il faut à la fois sortir de la route panaméricaine et s’engager dans une route secondaire en cul-de-sac pour parvenir à Orosi et sa vallée entourée de montagnes embrumées. Du coup les touristes s’y font rares. On trouve pourtant dans cette petite ville paisible de 10 000 habitants la plus ancienne église du pays, dénommée San José d’Orosi, construite en 1743 et ayant résisté à de nombreux tremblements de terre grâce à sa structure en bois et en adobe. Il en ressort un certain cachet, autant pour l’extérieur que pour l’intérieur, comme en témoignent les photos. La ville serait réputée pour ses plantations de café mais nous n’en avons curieusement vu aucune. Elle possède aussi plusieurs sources thermales, toutes privées. Nous sommes allés jeter un œil au Balneario de Aguas Termales, mais l’aménagement en piscines ordinaires ne nous a pas donné envie de nous y baigner. Les possibilités de stationnement sont réduites dans la vallée. Nous tentons le diable en nous garant pour la nuit en plein centre-ville, juste entre le stade de foot et l’église. Un samedi soir… Pas gagné d’avance !

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Mural en centre-ville sur les productions locales principales : café et bananes
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La vallée d’Orosi, vue du mirador, un parc gratuit aménagé pour le pique-nique et la détente
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L’attraction d’Orosi : son église, la plus ancienne du pays
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Intérieur en bois, sol en terre cuite, la classe ! Le lieu est très prisé pour les mariages
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Orosi est aussi connue pour ses sources thermales. Mais en piscine classique avec musique, non merci !

Un jardin botanique universitaire

Le Jardin Botanique Lankester, près de Paraiso, est en effet un centre de recherches de l’Université du Costa Rica, ayant pour mission l’étude des orchidées et des plantes épiphytes dans un but de conservation de la biodiversité de la planète. Il publie d’ailleurs une revue de référence dans le domaine, appelée Lankesteriana (site en lien) et anime le réseau mondial d’informations sur les orchidées Epidendra (site en lien). Si les plantes épiphytes ont la part belle dans le jardin, elles n’occupent qu’une petite partie de ses 21 hectares. Nous allons nous émerveiller tour à tour devant les broméliacées, les zingibérales (héliconias, oiseaux de paradis, bananiers, arbres du voyageur et gingembre), les fougères arborescentes, les palmiers, les cactus, tous bien mis en valeurs et parfaitement entretenus. Le jardin japonais est loin d’être le plus beau qu’on ait vu, mais le jardinier du crû qui l’a créé est peut-être reparti au pays du soleil levant, distant d’à peine 13 300 km. On lui pardonnera.

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L’entrée du jardin botanique, déjà gage de qualité
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C’est aussi le paradis des broméliacées, plantes caractérisées par leur structure en rosettes
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Des forêts de bambous encadrent le jardin japonais, un peu moins bien réussi que le reste
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Bien entendu, on trouve des fleurs partout

La cité abandonnée

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De l’autre côté de la vallée, la ville d’Ujarras autrefois florissante n’est plus qu’un hameau. Elle a en effet été abandonnée pour cause d’inondations dévastatrices à répétition, déplacée dans un secteur plus sûr et renommée Paraiso. La vieille église est maintenue debout tant bien que mal et un petit parc a été aménagé autour pour qu’on lui rende encore visite. Si la nature est belle au Costa Rica, il y a parfois un prix à payer.

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La maison du rêveur

Au détour d’un virage près de la petite ville de Cachi apparait soudain une petite maison de bois paraissant délabrée. Mais en s’approchant de près, on remarque vite que ce n’est pas une maison ordinaire. Ses murs et ses fenêtres sont en bambou ou en bois de caféier partiellement ébranché. La façade et le côté exposé à la route sont ornés de multiples sculptures, représentant la vie rurale et des éléments religieux typiques à la culture du café. On y trouve même une représentation de la Cène de Léonard de VInci. Tout cela est l’œuvre du célèbre sculpteur costaricien Macedonio Quesada (1932-1994), relayé un temps par ses fils. Bien que Google annonce une ouverture quotidienne de 9h à 17h, les locaux sont manifestement fermés de longue date, l’atelier et l’exposition ne se visitent plus. Dommage, nous aurions bien rêvé un peu…

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La Maison du Rêveur, à peine visible dans un virage
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Une route spectaculaire

Nous poursuivons notre exploration des régions montagneuses du pays, profitant de paysages verdoyants, entre forêts imposantes, plantations de caféiers et cultures en espalier qui épousent les reliefs irréguliers et permettent d’exploiter les sols très caillouteux. Nous traversons de petits villages aux maisons quelconques mais plutôt bien entretenues et généreusement fleuries. Question entretien, la route par contre laisse à désirer, comme souvent sur les routes secondaires. On peut passer d’un instant à l’autre d’une belle route toute neuve à un chemin de terre très orniéré, de deux larges voies à une étroite voie unique, notamment au passage des ponts. On trouve parfois de véritables marches, créées par l’effondrement du sous-sol instable ou encore des zones ondulées pour les mêmes raisons, prévenues ou pas par des panneaux explicites. Conduire ici demande beaucoup de vigilance, et nécessite d’accepter qu’à tout moment « ça ne passera pas » et qu’il faudra faire demi-tour. En contrepartie, le paysage est à la hauteur et la circulation (heureusement !) réduite.

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Des routes plutôt jolies, entre plantations de café et maisons fleuries
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Cultures en espalier : saurez-vous reconnaître ce qui pousse ici ? (réponse au bas du chapitre)

Allez, on vous emmène faire un peu de route avec nous. Imaginez-vous au volant de Roberto…

Un passage de pont un peu étroit… Il restait encore 3 ou 4 cm de chaque côté des rétroviseurs !

Là, c’est une route « normale » qui finit, comme on dit, en eau de boudin…

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Bon, nous sommes passés ! Roberto prend un repos mérité au milieu des champs, entre un hangar à vaches et un cimetière. Ça a été calme des deux côtés. Notez le carrelage sur les tombes, c’est courant ici.
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P.S. Réponse à la question plus haut : des christophines


Exit les Mayas, vive les Huetares !

Voilà plusieurs semaines que nous n’entendons plus parler des Mayas, et c’est normal car ils ne sont jamais parvenus jusqu’au Costa Rica. Ici, les civilisations précolombiennes s’appellent les Chorotegas ou les Huetares, et le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’étaient pas de grands bâtisseurs. Les seuls restes visibles sont à Guayabo, et nous sommes allés les voir. Point de pyramides ici, mais de grandes structures circulaires qui servaient de base aux maisons, un beau réseau d’aqueducs et des chaussées pavées. On apprend peu de choses sur place à propos des tribus qui vivaient là de -1000 à 1400 et l’on reste un peu sur sa faim. Heureusement, la forêt tropicale qui englobe le site, luxuriante, sonore à souhait et parcourue de toucans et de morphos bleus rattrape le coup.

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Roberto garé juste devant le site archéologique
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De véritables chaussées pavées entrent et sortent du village. Elles reliaient sans doute les villages voisins.
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Lacrymal circus

C’est exactement à cette chanson de Renan Luce que m’a fait penser cette visite du Sanctuaire des paresseux près de Cahuita, sur la côte caraïbe. Nous en avions un souvenir émouvant lors de notre première visite en 2009, découvrant ces paisibles mammifères pour la première fois avec nos enfants dans un lieu créé 37 ans auparavant par un couple de passionnés, avec pour but louable de soigner tous les animaux qu’on leur rapportait et d’en remettre un maximum dans la nature, au pire de les garder dans l’espace naturel protégé autour de leur établissement. La visite comportait alors un tour en canoë dans ce sanctuaire avec un guide naturaliste aussi prompt à donner des explications que doué à dénicher les paresseux perchés dans les arbres. S’en suivait un inoubliable passage à la pouponnière, où nous avions pu observer des bébés prendre leur repas, les plus jeunes au biberon et les autres en croquant des bâtonnets de légumes cuits. La visite se terminait par la rencontre avec Buttercup, la mascotte du lieu, l’un des premiers bébés sauvés par le couple fondateur, trônant dans son siège suspendu en osier quand elle n’était pas dans les bras de la patronne.

Mais ça, c’était le passé.

Ce matin de mai 2023, nous étions les seuls à visiter, ce qui pour un établissement supposé exceptionnel était déjà révélateur. Un guide à la voix monocorde nous a emmené voir une dizaine de paresseux enfermés dans des cages jusqu’à la fin de leurs jours, nous expliquant qu’étant donné leurs infirmités, ils ne survivraient pas longtemps dans la nature, même dans l’espace protégé. La visite s’est poursuivie par une autre salle avec d’autres paresseux atteints d’autres infirmités … et puis c’est tout ! Pas de bébé à voir, les rares présents étant apparemment tous en incubateur. Pas de tour en canoë (à l’antifouling peut-être ?). Pas de rencontre avec Buttercup, la mascotte ayant rendu l’âme (cette fois nous acceptons l’excuse, compatible avec la trentaine d’années que vivent en moyenne les paresseux)

Nous avons juste été vivement encouragés à laisser un don à l’association qui n’aurait pas d’autre moyen de financement. Mais franchement, nous avons manqué de motivation, tellement déçus de ne pas revivre notre première expérience. En résumé, le sanctuaire des paresseux est « has been », n’y allez pas !

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Nous avons maintenant rejoint la côte Caraïbe. A nous les plages …et les 38°C à l’ombre ! Mais quand même de jolis levers de soleil
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Après ce premier spot nocturne balnéaire, notre premier arrêt est pour le Sanctuaire des Paresseux

Épilogue : Heureuse consolation de cette visite décevante : le soir même l’un de ces animaux passait sur la ligne électrique juste au-dessus de nos têtes pendant que nous étions à l’apéro avec des amis.


Fauna Rica

En écho à l’article intitulé Flora Rica de la publication précédente, voici, en vidéo s’il vous plaît, quelques exemples de la faune riche rencontrée au fil des jours.

ci-dessus : coati et agouti ; ci-dessous : bourdon et colibri

ci-dessus : autoroute de fourmis coupe-feuilles ; ci-dessous : bernard-l’ermite et grenouille dendrobate

sauterelle pourpre géante à ailes rouges (ne se voient que quand elle vole, comme sur la vidéo de droite : c’est un moyen d’effrayer les prédateurs)


Cahuita, la nature version Caraïbes

Comme beaucoup des villages côtiers le long de la Mer des Caraïbes, à l’Est du Costa Rica donc, Cahuita est peuplée en grande partie d’afro-caribéens venus de Jamaïque leur culture sous le bras. Mais de plus en plus d’étrangers s’installent ici, souvent après avoir découvert la région en tant que touristes, en raison de l’ambiance aussi tranquille en journée qu’animée le soir et bien sûr en raison des plages. Les plus belles sont dans le parc national, ce qui permet heureusement de les préserver et d’en limiter la fréquentation. Pour les découvrir, il suffit de suivre l’un des sentiers longeant le littoral. En tendant bien l’oreille et en restant attentif, on découvre encore ici, outre ces paysages de cartes postales avec la triade sable blanc/mer turquoise/cocotier qui penche, une faune et une flore abondante. Une mention spéciale pour les singes capucins peu farouches, qui viennent volontiers extraire les pique-niques des touristes de leur sac à dos à la moindre inattention, et aux bernard-l’ermite qui jouent à 1-2-3-soleil sur le sentier, s’immobilisant à l’approche de nos pas.

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La Playa Blanca du Parc National de Cahuita
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C’est par ces beaux paysages de cartes postales que se termine notre périple au Costa Rica. Nous retiendrons de ce pays la richesse exceptionnelle de la nature mais – est-ce à cause d’elle ? – une indifférence générale des habitants, ce qui nous change profondément des pays précédents, Guatemala en tête. Aussi curieux que cela puisse paraître, nous sommes pressés de passer au Panama pour aller rejoindre la fraîcheur des montagnes centrales. Les côtes et les plaines, en cette fin de saison sèche, sont vraiment torrides et la chaleur nocturne (toujours pas de clim dans Roberto… ça n’est pas impossible, mais il faudrait être branché tout le temps) ne permet pas au sommeil d’être réparateur. Donc on se revoit très bientôt au Panama ?

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Parcours relatif à cet article, en version zoomable ici

60. Du Kentucky à l’Illinois

Depuis Nashville qui clôturait notre visite du Tennessee, nous avons fait un bout de chemin puisque nous sommes maintenant à Chicago. A vol d’oiseau, la distance séparant les 2 villes est de 640 km, mais le compteur de Roberto en a compté 1300. Il est vrai qu’à défaut de 4X4 tout terrain nous évitons la ligne droite, qui pourrait d’ailleurs être intéressante, prenant plutôt le temps de faire des détours, au gré des renseignements fournis par notre guide papier et quelques sites Internet. Voici donc les étapes qui nous ont marqué au fil de ce trajet, état par état.


KENTUCKY



1°) Le Mammoth Cave National Park

C’est une grande forêt de feuillus de 400 km2 parcourue de multiples chemins de randonnées mais qui est surtout connue pour son immense réseau de galeries souterraines, le plus grand du monde parait-il avec près de 700 km répertoriés à ce jour. Une partie se visite, mais seulement avec guide et réservation obligatoire. Le parking du Visitor Center bien rempli nous a confirmé nos craintes : en cette période de vacances scolaires américaines, tout était complet pour les jours qui viennent. Nous nous sommes donc contentés de l’exposition pour la partie intellectuelle et des chemins de randonnée pour la détente.

Une disparition inquiétante et l’autre pas

Les centres d’accueil des parcs nationaux sont en général riches de renseignements et proposent généralement des expositions dignes d’un musée d’histoire naturelle sur la flore et la faune du parc. Nous n’y trouverons pas de mammouth puisque comme chacun sait ils ont disparu depuis longtemps. Le nom du parc est en fait lié à la forme particulière de l’une des salles souterraines. Mais la faune ce sont aussi des êtres vivants beaucoup plus petits, comme les araignées. Un microscope braqué sur un porte-lame était d’ailleurs censé nous en montrer un exemplaire, mais le champ de vision restait vierge et un petit message au-dessous nous donnait cette explication étonnante et inquiétante à la fois : « Nous regrettons que l’araignée ait disparu ». Mais où diable était-elle donc passée ?


Le cimetière de Miles Davis

Puisque nous voilà décidés pour une randonnée, Claudie me propose une boucle de 12 km dont le point ultime est le cimetière de Miles Davis. Ah, on va chercher des trompettes de la mort, lui réponds-je malicieusement. Après avoir pris une petite route et même un bac (Roberto a adoré) pour rejoindre le point de départ de la randonnée, nous voilà partis par un temps de soleil voilé et plutôt frais sur un chemin s’enfonçant dans une forêt d’arbres très hauts dont on devine tout juste le feuillage vert tendre naissant au niveau de la canopée. Un calme absolu règne, aucun chant d’oiseau ne vient troubler le silence, aucun écureuil ne vient nous saluer. Même les insectes sont absents. Nous avançons péniblement, ayant fréquemment à contourner des zones boueuses placées comme un fait exprès juste sur notre chemin. Après environ 7 km, nous arrivons enfin à notre cimetière, une zone perdue en plein cœur de la forêt mais tout de même délimitée sur les 4 côtés par un grillage rouillé. J’aperçois une vingtaine de pierres tombales, cherche en vain du regard celle qui dominerait les autres, avec peut-être une statue du célèbre jazzman ou une trompette fleurie. Mais je ne trouve que de vieilles pierres moussues de tailles diverses, visiblement non entretenues. L’épitaphe la plus récente date de 1915. Devant ma perplexité, Claudie comprend ma méprise et m’explique qu’il ne s’agit là que du cimetière de 2 familles, les Miles et les Davis, qui ont vécu dans ce coin perdu de la forêt pendant quelques décennies. A lire les inscriptions gravées, on imagine des conditions de vie difficiles. Ainsi ce couple Georges et Sarah dont la petite Mary est morte en 1892 le jour de sa naissance. C’est sûr, pas de service de néonatalogie au milieu de la forêt. La tragédie familiale se confirme en observant les stèles les plus récentes, près de l’entrée, de plus en plus petites et bancales. Le dernier des Miles-Davis n’aurait-il pas eu d’autre choix que de s’enterrer tout seul ? 😥




2°) Louisville et les Bourbon

Nous avons fait un stop dans la ville la plus peuplée du Kentucky non pas pour compter ses habitants mais pour y découvrir quelques curiosités. Le musée consacré à Mohamed Ali (le célèbre boxeur étant originaire d’ici) étant malheureusement fermé, nous effectuerons à la place un petit parcours urbain où nous découvrirons quelques surprises. La journée du lendemain sera consacrée à la visite d’une distillerie de bourbon.   


Ils ont re-décapité Louis XVI !

Au cours de notre balade, nous remarquons sur notre carte Osmand (notre appli GPS) la mention d’une statue de Louis XVI juste devant la mairie de la ville. Nous ne sommes pas loin et décidons d’y faire un tour, par curiosité. Mais déception, après avoir cherché et bien cherché, nous ne trouvons qu’un carré de bitume au sol. Mais qu’a-t-il bien pu se passer et pourquoi y avait-il une statue de Louis XVI à cet endroit ? Et y aurait-il un lien avec le nom de la ville ? Internet, en ressource inépuisable, nous apprend déjà que la Louisville a été baptisée ainsi en hommage au soutien de Louis XVI pendant la guerre d’indépendance américaine. C’est sans doute pour les mêmes raisons que nous ne sommes qu’à quelques dizaines de kilomètres de Versailles ou encore mieux Paris. On nous dit par ailleurs que c’est la ville de Montpellier qui a généreusement offert à sa jumelle américaine cette imposante statue en marbre de Carrare. En fait, la cité languedocienne se serait plutôt débarrassée d’une statue encombrante qui traînait dans ses réserves depuis longtemps. Commandée en 1815, en plein rétablissement de la monarchie en France, elle ne resta exposée que 23 mois à Montpellier après les émeutes parisiennes conduisant à la monarchie de Juillet. Après une période de calme sur son nouveau territoire, la statue redevient l’objet de l’hostilité des foules : on lui casse un bras, puis on la tague : le maire de Louisville craignant davantage la déboulonne et la met en réserve. Il lui reste maintenant à déterminer à qui va-t-il refiler la patate chaude 😉


Au palais, bourbon !

Nous parlons ici de la boisson reine du Kentucky et non pas du bâtiment qui héberge l’Assemblée Nationale. Mais il y a tout de même un petit lien entre les deux puisque la boisson américaine tient son nom du Comté de Bourbon, lui-même baptisé ainsi en hommage aux héritiers de Louis-Philippe qui, chassés de France, se sont engagés aux côtés de l’Union pendant la Guerre de Sécession. Le siège du Comté de Bourbon est la petite ville de Paris, 8 500 habitants. Oui, je sais c’est compliqué. Mais revenons à notre bourbon. Nous n’avons pas laissé s’échapper l’occasion de visiter la distillerie Buffalo Trace, l’une des 4 (sur 183) qui a survécu à la prohibition. Une visite comme on aime, gratuite qui plus est, dans une usine superbe et en activité, merveilleusement odorante et toutes cheminées fumantes, où l’on apprend tout sur le processus de fabrication de ce whisky américain. Contrairement au scotch (le whisky écossais), la purée de céréales mise en fermentation comporte au moins 51% de maïs et le vieillissement se fait toujours en fûts de chêne neufs (ils sont ensuite revendus aux Écossais). La visite se termine bien entendu par une dégustation de 5 de leurs spécialités. Pas les mêmes d’un jour à l’autre, c’est incitatif à revenir, ça !


Churchill Downs

C’est l’hippodrome le plus célèbre des États-Unis, où se déroule chaque année en mai depuis 1875, sans avoir jamais failli à la règle, y compris pendant les guerres, le Derby du Kentucky, une course qui attire plus de 170 000 personnes. Une autre course a lieu à l’automne, le Kentucky Oaks, réservée aux pouliches, tandis que la première concerne les poulains et hongres (chevaux castrés), dans tous les cas âgés de 3 ans. Le restant de l’année, on s’y entraîne et les bâtiments sont ouverts à la visite. Nous en avons profité pour recueillir quelques connaissances sur ce milieu qui nous est peu familier. A noter que la région est depuis longtemps vouée à l’élevage des chevaux, que l’on envoyait volontiers depuis l’Europe pour paître dans la blue grass, une herbe épaisse et longue appelée ainsi pour la teinte qu’elle prend au printemps. La route entre Louisville et Lexington est d’ailleurs particulièrement pittoresque, bordée de grands champs entourés de multiples barrières en bois, parfois doublées ou triplées, ou encore formant des cercles autour des arbres.


Batte-man

On peut appeler ainsi M. Hillerich qui confectionna la première* batte de base-ball en bois en 1884 et continue avec sa société à en fabriquer aujourd’hui à Louisville. Les locaux et un petit musée se visitent, annoncés depuis la rue par une batte géante qui dépasse le toit de l’immeuble.
* à regarder de près le gourdin tenu par les hommes préhistoriques lorsqu’on les représente, je me demande si l’invention n’est pas antérieure…


3°) Lexington

Encore une ville axée sur le cheval et le bourbon. Si l’envie de visiter une autre distillerie de bourbon nous a effleurés, nous avons préféré voir une petite exposition artistique, de la Lexington Art League, située dans une demeure de style néogothique américain au charme certain. Les lieux étaient quasi-déserts, nous avons attendu un peu dans l’entrée avant qu’une dame vienne nous accueillir, nous dire qu’ils étaient normalement fermés aujourd’hui mais que puisque nous étions là nous pouvions jeter un œil. Une exposition assez éclectique mais avec de jolies trouvailles, comme vous verrez sur les photos.


OHIO



1°) Cincinnati

C’est notre première ville dans cet état. On y accède depuis Covington au Kentucky en franchissant le Roebling suspension bridge, construit en 1867, précurseur du pont de Brooklyn du même architecte. Sa chaussée très particulière faite d’une grille métallique le rend très sonore, faisant « chanter » les voitures. D’un côté, une jolie frise historique raconte l’histoire de la région et de la construction du pont. De l’autre, le National Underground Railroad Freedom Center relate la période des années 1830 à 1860 ou la population s’érigeant en passeurs bénévoles permit à environ 100 000 esclaves de rejoindre la liberté de l’autre côté de la rivière. Les états du Nord avaient aboli l’esclavage en 1833. Les pays du Sud y rechignaient et c’est l’une des raisons principales de la Guerre de Sécession.




2°) Dayton : 1 musée, 2 frères, 3 axes

A Dayton dans l’Ohio se trouve le Musée National de l’US Air Force. Sous 4 hangars géants sont exposés plus de 300 avions, des missiles, des fusées et même une navette spatiale. L’entrée est gratuite, le vétéran du Vietnam qui nous a donné le plan de visite à l’entrée nous a même présenté une bonne vingtaine des avions que nous allions trouver sur notre parcours. Nous n’avons pas tout compris mais nous l’avons remercié chaleureusement. Allez, parlons du premier avion présenté, celui des frères Wright, le tout premier à voler muni d’un moteur en 1902. Toutefois, l’appareil devant être propulsé sur un rail au décollage, les 2 frères n’ont pas eu la primauté de l’invention qui fut attribuée au français Clément Ader pour avoir fait décoller du sol de façon autonome 3 engins volants motorisés entre 1895 et 1897, même si c’était sur des distances limitées (300m pour le dernier). Le mérite des frères Wright reste d’avoir été les premiers à contrôler le vol dans ses 3 axes (tangage, roulis et lacet). Pour les 299 avions qui restent, je vous laisse voir quelques photos et prendre votre billet pour les États-Unis.



INDIANA



1°) Indianapolis

N’étant pas trop fan des grandes villes, nous ne sommes pas restés très longtemps dans la capitale de l’état d’Indiana, juste le temps de visiter 2 attractions : le Museum of Art, centré sur l’art européen, africain et asiatique, et l’incontournable Motor Speedway, circuit culte des 500 miles d’Indianapolis, avec toute l’histoire et les voitures de la course automobile qui a lieu chaque année depuis 1911.






2°) Fairmount

Cette petite ville d’à peine 2800 habitants s’enorgueillit d’être le lieu de naissance de deux héros : James Dean et Jim Davis. Si vous connaissez forcément le premier, l’acteur prometteur de la Fureur de Vivre décédé prématurément à l’âge de 24 ans dans un accident de voiture, le second vous parle sûrement moins. Mais le chat qu’il dessine, Garfield, est plus connu aux États-Unis que celui de Geluck. Nous avons (re)découvert leur vie dans un petit musée et roulé dans un cimetière avec Roberto (oui, là bas c’est comme ça qu’on fait !) jusqu’à la tombe de James Dean, toujours maculée parait-il de rouge à lèvres.



ILLINOIS



A la découverte de Chicago

Ce sera notre seule étape dans l’Illinois, mais Chicago, n’est rien moins que la 3ème ville des États-Unis. Le centre-ville a la particularité d’être délimité par une vieille ligne de métro aérienne formant une boucle et appelée pour cette raison le « loop ». Ce métro et les vieilles arches métalliques qui le supportent tranchent par leur charme désuet avec les gratte-ciels qui l’entourent. Beaucoup. La ville en compte presque autant que New York. Elle a même eu le plus haut du continent américain jusqu’en 1998, la Willis Tower, 442 m sans l’antenne, et quelques originalités comme ces immeubles jumeaux de l’entreprise Wrigleys (vous savez, les chewing-gums) aux contours polyédriques et reliés par une élégante passerelle. Ou encore ce bâtiment construit pour les 75 ans du journal Chicago Tribune à la base duquel ont été incluses des pierres rapportées du monde entier (Pearl Harbor, Fort Alamo, mais aussi Antarctique, Taj Mahal ou cathédrale de Reims. Curieuses aussi sont ces deux tours en forme d’épis de maïs. Vive la biodiversité urbaine !

Les halls d’entrée de ces beaux immeubles sont parfois accessibles à la visite et réservent des trésors. Les oeuvres d’art sont tout aussi fabuleuses à l’extérieur, dans les parcs ou au coin des rues, comme cette sculpture de Picasso qui n’a pas réussi à trouver de nom, cette mosaïque géante de Chagall représentant les 4 saisons avec parait-il un nombre de nuances de couleurs inégalé pour une telle oeuvre, ou encore la « porte des nuages » d’Anish Kapor, une structure réfléchissante en forme de haricot qui reflète aussi bien la skyline de Chicago que les visiteurs qui la contemplent et s’y prennent en photo.

Enfin, Chicago est aussi une cité portuaire, bordant l’immense Lac Michigan. Bien qu’il ne s’agisse que d’une mer fermée, les mouettes, les phares et les navires de plaisance sont là pour donner l’ambiance. On imagine les foules rassemblées sur les jetées et le ballet incessant des bateaux pendant la saison estivale. Mais rien de tout cela lors de notre visite. A moins de 10°C dehors, personne en maillot de bain !


Remettre les pendules à l’heure

L’expression fait sens ici car depuis notre arrivée aux États-Unis, nous avons changé d’heure 7 fois. 6 fois en raison de la traversée de la ligne de séparation entre les zones horaires du centre et de l’est du pays, 1 fois en raison du passage à l’heure d’été. Et nous le découvrons le plus souvent par surprise, devant un coucher de soleil plus précoce ou plus tardif que d’habitude. Car rien n’est simple. Les États-Unis comportent 9 fuseaux horaires, dont 3 concernent la vaste étendue continentale. La démarcation pourrait se faire sur les frontières entre les états, mais si c’est souvent le cas, c’est loin d’être la règle. Notamment, parmi les 11 états que nous avons traversés, 3 sont coupés en 2 par cette ligne, que nous avons dû franchir à plusieurs reprises en raison de nos trajets zig-zaguants. Pour que vous vous rendiez mieux compte, la carte de notre trajet inclut pour cet article au moins les fuseaux horaires.

Mais tout ceci ne serait rien s’il n’y avait en plus le problème du passage à l’heure d’été. Certes cela n’arrive que deux fois par an, mais, si le gouvernement fédéral conseille l’adoption de l’heure d’été, il laisse le soin à chaque état d’en décider. Et bien entendu, les nations indiennes font ce qu’elles veulent. L’exemple le plus significatif est celui de l’état de l’Arizona, qui a décidé contrairement à ses voisins de ne pas adopter l’heure d’été. Mais dans le coin Nord-Ouest de l’Arizona se trouve le territoire indien Navajo qui, lui, choisit de l’appliquer. Mais au sein du territoire Navajo se trouve le territoire indien Hopi qui ne veut pas entendre parler de l’heure d’été. Vous suivez ? Ah, j’oubliais un truc, les jours de changement ne sont évidemment pas les mêmes qu’en Europe et ont été modifiés à deux reprises dans les 20 dernières années. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Heure appliquée dans les différents comtés de l’Indiana. En jaune, UTC -5h. En rouge, UTC -6h.
En vieux rose, les parties de l’Arizona refusant le changement d’heure, en jaune celles qui l’appliquent. Les états autour l’appliquent tous, mais avec un décalage horaire d’une heure pour les états en bleu (Nevada et Californie)

Désolé d’avoir été si long, mais la séquence anniversaire m’a fichu dedans. Le prochain article devrait être plus restreint territorialement parlant. A très bientôt !

50. Anne ma soeur Anne

Anne, ce pourrait être notre ami néerlandais Kilian, idéalement logé dans un hôtel avec vue sur le port, et chargé par nous en conséquent de nous prévenir dès que notre navire tant attendu est en vue, cet évènement étant annoncé par la compagnie le jour même.

En ce début de matinée, à l’instar de la sœur de l’héroïne du conte de Perrault, il ne voit rien que le soleil qui poudroie (et encore assez peu car le ciel grisoie aussi pas mal) et l’herbe qui verdoie. Enfin pas trop non plus, car ça pousse assez mal sur la mer, laquelle grisoie autant que le ciel ce jour-là, mais vous l’avez compris, il ne voit rien venir. Alors nous partons tranquillement prendre notre petit déjeuner. Entre deux tartines, Anne-Kilian nous informe apercevoir au loin un navire dont la forme est compatible avec un transporteur de véhicules, c’est à dire une sorte de grosse boîte flottante bien carrée.

Un peu plus tard, il nous envoie une première photo, celle d’un transporteur de véhicules quittant son quai, laissant donc une place libre pour le nôtre, une bonne nouvelle en soi. Notre guetteur pense que le navire à l’approche pourrait entrer dans le port dans le quart d’heure qui vient. Mais à peine cinq minutes plus tard, une nouvelle photo arrive et Kilian nous invite cette fois à carrément venir accueillir le Yokohama

Anne ma soeur Anne ne vois tu rien venir ?

Nous finissons notre petit déjeuner à la hâte, réglons le serveur et fonçons vers le quai le plus proche de l’entrée du port. Le transporteur de véhicules, flanqué de ses bateaux pilotes, avance majestueusement sous nos yeux émerveillés. Les appareils photos crépitent. Je filme aussi l’évènement, suggérant d’envoyer la vidéo en direct à l’amie de Kilian restée à Cancun. Nous échangeons, admiratifs, sur la ponctualité de la compagnie maritime devant cette arrivée presque à l’heure exacte après plus de trois semaines de voyage. Nous arrivons même à trouver presque belle cette grosse boîte de sardines flottante qui franchit maintenant les phares rouge et vert marquant l’entrée du chenal. Quelques minutes passent encore avant que le navire devienne suffisamment proche pour que nous puissions lire les inscriptions sur la coque. Nous y regardons à deux fois, comparons avec les photos en notre possession, et devons nous rendre à l’évidence. Ô cruelle déception : il ne s’agit pas du Yokohama !


Aqua bon

Nous quittons le port de dépit en suivant le Malecón, nous disant qu’en longeant la mer, nous aurions une chance d’apercevoir notre navire s’il daignait s’approcher. Après une rencontre sympa avec un pélican, nos pas nous amènent devant l’aquarium de la ville, réputé pour être le plus grand d’Amérique latine, ce qui nous incite à une petite visite. Quitte à noyer notre chagrin dans quelque chose, immergeons-nous avec les poissons ! Bon, l’aquarium n’est pas si grand, il est plutôt bruyant, la faune est assez dense dans les bassins, mais globalement tout semble bien entretenu. Le point d’orgue est un grand aquarium en forme d’anneau, au centre duquel on peut se placer pour observer requins, raies, barracudas et autres espèces capables de côtoyer les premières sans se faire croquer ou électrocuter circuler majestueusement en montrant l’exemple d’une parfaite mixité sociale. Les méduses illuminées de couleurs ultraviolettes changeantes ne sont pas mal non plus et c’est la première fois que nous observions une tortue-alligator.


Le marchand de sable est passé (avec ses copains)

En sortant, nous avons une petite faim, pas forcément de poisson d’ailleurs, aussi nous arrêtons-nous manger un morceau dans un petit restaurant de plage où l’on déjeune les pieds dans l’eau. Ah ça n’est pas le Nikki Beach, c’est sûr, c’en est même très loin. La toile cirée des tables est déchirée et poussiéreuse, la peinture des chaises ternie et écaillée, les parasols défraichis. Quant au sable et à la mer, ils se confondent dans une même teinte gris sale. Mais l’ambiance est là. La musique latino donne le rythme, les consommateurs sont joyeux, les gens se baignent tout habillés, parfois avec d’énormes bouées-canards. Assis à notre table, nous observons amusés le balai incessant des vendeurs ambulants qui, circulant aussi bien à vélo dans l’eau qu’à pied entre les parasols, nous proposant à tout bout de champ des babioles invraisemblables ainsi que des plats à ajouter à notre menu (plateaux d’huîtres, tacos, desserts) sans sembler gêner le restaurateur. En fait ce n’est en rien spécifique au lieu, c’est partout comme ça au Mexique ! Nous prolongeons la balade comme pour nous épuiser volontairement, et c’est avec plus d’une dizaine de kilomètres dans les jambes que nous regagnons notre hôtel. Aucune difficulté le soir pour nous endormir, nous n’aurons pas besoin de l’autre marchand de sable.


Histoire vraie

D’après les informations sur Internet, le Yokohama est toujours en attente au large et risque d’y rester toute la journée en raison d’un vent assez violent (rafales à 95 km/h). Nous jetons notre dévolu sur le musée de la ville de Veracruz. Au moins nous serons à l’abri. Bien qu’à peine évoqué dans les guides, il mérite tout à fait la visite qui nous prendra trois heures. Toute l’histoire de la ville est expliquée depuis les premiers Olmèques, 1800 avant JC, jusqu’à l’arrivée ratée du Yokohama hier matin. Non je blague, mais je n’arrive pas à chasser ça de mon esprit. Plus sérieusement, la ville serait née le jour où les Espagnols y ont débarqué la première fois, le 22 avril 1519, un vendredi saint, soit le jour de la vraie croix, de la crucifixion de Jésus Christ. Vraie croix, vera cruz, vous l’avez ? Initialement limitée à quelques pâtés de maisons en bois la « ville des planches » a pu se développer grâce à une île en face qui pouvait servir de refuge aux bateaux de passage. Le succès commercial attirant les pirates et les puissances ennemies, la ville et son île se sont fortifiées, devenant « la ville des remparts. Et puis vous connaissez le reste : la machine à vapeur, l’électricité, le train et l’avion sont arrivés. L’Espagne a été virée. La France et les USA qui tentaient leur chance aussi. Mais ces derniers, malins, ont réussi à implanter une usine Coca-Cola. Le ver était dans le fruit. Le pays était contaminé à jamais.




Encore (pire) raté !

Nous sommes maintenant lundi, le vent s’est calmé et le soleil est de retour. Des conditions qui devraient être favorables à notre transporteur de véhicules, que nous allons finir par appeler Godot en désespoir de cause. Toujours ce point fixe dans la rade sur le site de tracking. Et très peu d’activité dans le port. Les quais censés accueillir le Yokohama sont de toutes façons occupés par d’autres bateaux. Nous repartons flâner dans les rues commerçantes en attendant que ça se libère. Pas une heure sans que je jette un œil sur mon téléphone.

Vers 15 h une mauvaise et une bonne nouvelle arrivent de Kilian. C’est la même en fait : « Maybe we missed the vessel ». La bonne nouvelle, c’est que le Yokohama est enfin arrivé dans le port de Veracruz. La mauvaise, c’est que nous avons de nouveau raté son entrée. Mais on se contentera de la première ! Allez, les choses avancent.

Une nouvelle phase démarre où nous allons devoir attendre le déchargement des véhicules, le rendez-vous pour l’inspection des douanes puis le rendez-vous pour sortir Roberto du port. On tient le bon bout, mais qu’est-ce que c’est long !

30. Arrivée en Suède

Bivouac de rêve entre 2 lacs. Calme absolu.

The Bridge, en vrai

Nous voici depuis quelques jours en Suède. Pour ce faire, nous avons pris le pont-tunnel de l’Øresund qui en 14 Km relie Copenhague à Malmö. Depuis le Danemark, on commence par descendre dans un tunnel et parcourir près de 4 Km sous la mer, avant de faire surface sur une île artificielle. Vient ensuite le pont, un magnifique pont à haubans de 8 Km de long, puis le péage, un peu plus de 60 € tout de même, ça fait cher du kilomètre. Nous nous consolons en apprenant qu’à 1 cm près (Roberto fait 5,99m de long) nous aurions payé le double !

Nous avons préparé cette traversée en regardant la série suédo-danoise The Bridge, dont l’intrigue policière se déroule autour du pont. Du coup la traversée avait une toute autre saveur. Côté Malmö, nous avons aussi admiré la célèbre tour torsadée devant laquelle loge l’actrice principale pendant la série.

Le tunnel côté danois
Le pont côté suédois
Vue aérienne un jour sans pluie…


Des plages blanches de monde

Quand c’est noir de monde, vous voyez bien ce que c’est. Eh bien là c’est tout simplement l’inverse. La météo n’est pas particulièrement clémente depuis notre arrivée en Suède, le ciel est gris les ¾ du temps, le crachin est régulièrement entrecoupé d’averses, et les températures tournent autour de 15°C, paraissant bien moins sous le vent soutenu. Du coup les plages sont désertes et d’apparence très sauvages, les nombreux petits parkings dans la forêt proche du littoral ne sont guère plus fréquentés. Il faut dire aussi que, malgré des campings semblant bien remplis le long de notre route, les vacances d’été sont quasiment terminées pour les suédois. Tant mieux pour nous !


Mégalithes méga-mystérieux

Les 59 menhirs du site d’Ale, tout au sud du pays, installées lors de la période Viking mais découvertes plus tard interrogent encore les archéologues. Disposées en losange, comme autour des tombes vikings, elles pouvaient être interprétées comme sépultures, mais aucun reste de ce type n’a été retrouvé. Monument en l’honneur d’un roi, lieu de rassemblement, tentative de communication avec l’au-delà ou encore calendrier solaire géant, tout est possible. Encore du boulot pour les futurs Indiana Jones, tout n’a pas encore été découvert, loin de là.


Absolue était mon ignorance

En terme de vodka en tout cas, car je pensais initialement que cette boisson alcoolisée était exclusivement russe. La case manquante de mon cerveau est à présent comblée depuis que nous sommes passés devant la maison-mère de la Vodka Absolut, produite à Ǻhus en Suède depuis 1879. Nous sommes arrivés trop tard pour la dégust.. euh la visite, qui de toutes façons faute d’attendre 3 jours aurait été en suédois, et c’est bien dommage car cette vodka se différencie apparemment des autres par un certain nombre de critères de qualité. Pour en savoir plus, notamment ce qui est gardé pour les hommes et ce qui est jeté aux cochons, lire ici.


Les moulins de Öland de Suède

De la ville de Kalmar qui échappera aujourd’hui à tout jeu de mots, nous avons rejoint par un pont pas trop loin l’île de Öland, dans le sud-est suédois. Son climat censé cumuler douceur et soleil attire parait-il les foules, mais nous n’avons vu ni les uns ni les autres. Pas même la famille royale qui y vient en villégiature l’été. Par contre nous avons aimé nous perdre au milieu des champs bordés de murets de pierres sèches bien taillées parsemés de moulins à vent. 350 pour une île de 1300 Km², c’est mieux que les Pays-Bas.


My name is Bond, Gunnar Bond

Bien que l’auteur de la saga 007 soit anglais, Gunnar Schäfer un suédois s’est passionné depuis le plus jeune âge pour l’œuvre de Ian Fleming et son célèbre héros. Pas par hasard, mais parce que comme lui son père était agent secret et a mystérieusement disparu alors que Gunnar n’avait que 2 ans. Après avoir vu son premier James Bond à l’âge de 8 ans, il commence très vite à collectionner tout ce qui touche à la saga et finit par ouvrir un muséum en lieu et place de son garage automobile. On y trouve outre les gadgets habituels un nombre impressionnant de véhicules, objets volants ou embarcations ayant servi aux différents tournages, bien mis en valeur avec à côté la projection de la scène de film correspondante. Le garage héberge tout de même quatre voitures de prestige (la Lotus de l’Espion qui m’aimait, l’Aston Martin de Casino Royale 2006, la Jaguar de Casino Royale 1967 et la BMW 1200 de Demain ne meurt jamais), la moto BMW de Demain ne meurt jamais, le long-tail-boat de L’homme au pistolet d’or, la célèbre gondole sur coussin d’air qui a traversé la place St Marc dans Moonraker, le scooter des neiges de Meurs un autre jour, le rickshaw d’Octopussy, l’autogyre de On ne vit que 2 fois, le Cessna 172 utilisé dans  Goldeneye et Permis de tuer, et enfin l’hydroglisseur de Vivre et laisser mourir que notre passionné a essayé dans son jardin le jour où il l’a reçu, vidéos à l’appui. Il ne manque guère que le téléphérique autrichien sur lequel s’accrochait Daniel Craig et peut-être encore la navette spatiale pilotée par Roger Moore, ce doit être juste par manque de place.

Le musée ne manque pas de rappeler que si aucun réalisateur ou aucun agent 007 n’a été suédois, 4 James Bond Girls sont originaires du pays. Leurs robes et bikinis sont bien sûr exposées. En fin de visite, on peut s’offrir un verre dans le bar du musée, champagne Bollinger ou Martini dry pour rester dans le ton bien sûr.

Gunnar Schäfer a poussé l’intégration jusqu’au bout, appelant Ian Fleming « Papa Fleming », réussissant à faire immatriculer ses voitures « JB 007 », « OO7 JB » etc. tout comme à obtenir des numéros de téléphone fixe ou portable se terminant par 007. Il a même en 2007 réussi à obtenir de la justice suédoise d’être renommé « James Bond Gunnar Schäfer ». Nous avons donc eu le plaisir de discuter avec James Bond, ça valait le déplacement.


C’est l’heure de se mettre au verre

Le Sjælland, cette région du sud-est de la Suède, est réputée de longue date pour son artisanat du verre. Nous avons visité la verrerie la plus ancienne du pays et toujours en activité depuis 1742, celle de Kosta Boda. Elle produit aussi bien des objets du quotidien (nombreuses boutiques très achalandées aux alentours) que des créations artistiques de toute beauté dont vous trouverez quelques échantillons ci-après.

Au fait c’est un suédois émigré aux Etats-Unis qui a créé le design de la célèbre bouteille en verre de Coca-Cola, gagnant ainsi un concours organisé par la firme en 1915. La Suède n’en est pas peu fière. Les critères étaient que, alors que la boisson était contenue dans des bouteilles banales, elle devienne typiquement reconnaissable, même les yeux fermés. Malgré l’ère du plastique, les bouteilles de Coca en verre restent bien présentes sur le marché, et viennent récemment d’être restylées (on ne sait pas si c’est par un Suédois). En Suède, toutes les bouteilles sont consignées, même celles en plastique. D’ailleurs les bouteilles de coca dans ce pays sont en plastique 100% recyclé depuis 2020.

De mon côté, j’ai participé dans le musée à un concours de design de mozaïque de verre. Je suis très confiant dans mes chances de gagner.


La petite ville aux allumettes

Le musée des allumettes de Jöngköping, premier bâtiment de la fabrique

La cité de Jöngköping est le centre du monde lorsque l’on parle d’allumettes. D’abord parce que c’est là qu’est née la première fabrique d’allumettes dites « de sûreté » en 1848. L’invention elle-même datait de 1805 mais n’avait pas été développée car il fallait pour allumer l’objet le tremper dans une solution d’amiante et d’acide sulfurique, autant dire que les gens ne trouvaient pas ça très pratique et même plutôt dangereux. Les premières allumettes inflammables par friction arrivèrent à partir de 1826, mais ne connurent pas non plus le succès tant les défauts étaient rédhibitoires : taille imprévisible de la flamme, tendance explosive, odeur forte, conservation en boîte hermétique, et surtout risque graves pour la santé des utilisateurs et surtout des fabricants (nécrose phosphorique souvent mortelle). En 1844, un suédois dénommé Gustaf Erik Pasch résolut le problème en inventant des allumettes qui ne s’enflammaient qu’au contact d’une bande située le long de la boîte et non plus sur une façade de mur ou dans une poche de pantalon. Et c’est en 1848 que ses copains les frères Lundström construisirent à Jöngköping leur première fabrique. Le bâtiment était tout en bois et la production fut vite déplacée dans un nouveau bâtiment en briques, moins inflammables. Quand on fabrique des allumettes, cela s’impose. Cela dit, la maison initiale est toujours là et sert aujourd’hui de musée, tandis que la fabrique, qui n’a cessé de se développer jusqu’à la fin du siècle suivant, n’a souffert d’aucun incendie mémorable. La maison mère assurait d’ailleurs le service d’incendie pour toute la ville. La production d’abord manuelle s’est peu à peu industrialisée, un magnat de la finance s’en est mêlé et la ville a été à un moment au cœur de la production de 70% du marché mondial d’allumettes. Mais après la seconde guerre mondiale la production a fait long feu, peut-être handicapée par l’arrivée du briquet de poche ou de l’allumage piezo-électrique. Il nous reste l’histoire, les méthodes de fabrication et les machines, bien exposés dans le musée.

Fabrication très rustique des premières allumettes par rabotage, réalisation de bouquets puis trempage manuel dans le combustible
Première mécanisation pour écorcer le frêne, le bois le plus adapté à la fabrication d’allumettes
Passage à l’ère industrielle. Cette machine pouvait produire 400 000 paquets par jour
Les toutes premières boîtes
… avant l’exportation mondiale

Tout ce mal pour ensuite couper les bouts des allumettes et en faire ensuite des châteaux !

Allez, c’est le moment de reprendre la route pour d’autres découvertes. A très bientôt !