50. Anne ma soeur Anne

Anne, ce pourrait être notre ami néerlandais Kilian, idéalement logé dans un hôtel avec vue sur le port, et chargé par nous en conséquent de nous prévenir dès que notre navire tant attendu est en vue, cet évènement étant annoncé par la compagnie le jour même.

En ce début de matinée, à l’instar de la sœur de l’héroïne du conte de Perrault, il ne voit rien que le soleil qui poudroie (et encore assez peu car le ciel grisoie aussi pas mal) et l’herbe qui verdoie. Enfin pas trop non plus, car ça pousse assez mal sur la mer, laquelle grisoie autant que le ciel ce jour-là, mais vous l’avez compris, il ne voit rien venir. Alors nous partons tranquillement prendre notre petit déjeuner. Entre deux tartines, Anne-Kilian nous informe apercevoir au loin un navire dont la forme est compatible avec un transporteur de véhicules, c’est à dire une sorte de grosse boîte flottante bien carrée.

Un peu plus tard, il nous envoie une première photo, celle d’un transporteur de véhicules quittant son quai, laissant donc une place libre pour le nôtre, une bonne nouvelle en soi. Notre guetteur pense que le navire à l’approche pourrait entrer dans le port dans le quart d’heure qui vient. Mais à peine cinq minutes plus tard, une nouvelle photo arrive et Kilian nous invite cette fois à carrément venir accueillir le Yokohama

Anne ma soeur Anne ne vois tu rien venir ?

Nous finissons notre petit déjeuner à la hâte, réglons le serveur et fonçons vers le quai le plus proche de l’entrée du port. Le transporteur de véhicules, flanqué de ses bateaux pilotes, avance majestueusement sous nos yeux émerveillés. Les appareils photos crépitent. Je filme aussi l’évènement, suggérant d’envoyer la vidéo en direct à l’amie de Kilian restée à Cancun. Nous échangeons, admiratifs, sur la ponctualité de la compagnie maritime devant cette arrivée presque à l’heure exacte après plus de trois semaines de voyage. Nous arrivons même à trouver presque belle cette grosse boîte de sardines flottante qui franchit maintenant les phares rouge et vert marquant l’entrée du chenal. Quelques minutes passent encore avant que le navire devienne suffisamment proche pour que nous puissions lire les inscriptions sur la coque. Nous y regardons à deux fois, comparons avec les photos en notre possession, et devons nous rendre à l’évidence. Ô cruelle déception : il ne s’agit pas du Yokohama !


Aqua bon

Nous quittons le port de dépit en suivant le Malecón, nous disant qu’en longeant la mer, nous aurions une chance d’apercevoir notre navire s’il daignait s’approcher. Après une rencontre sympa avec un pélican, nos pas nous amènent devant l’aquarium de la ville, réputé pour être le plus grand d’Amérique latine, ce qui nous incite à une petite visite. Quitte à noyer notre chagrin dans quelque chose, immergeons-nous avec les poissons ! Bon, l’aquarium n’est pas si grand, il est plutôt bruyant, la faune est assez dense dans les bassins, mais globalement tout semble bien entretenu. Le point d’orgue est un grand aquarium en forme d’anneau, au centre duquel on peut se placer pour observer requins, raies, barracudas et autres espèces capables de côtoyer les premières sans se faire croquer ou électrocuter circuler majestueusement en montrant l’exemple d’une parfaite mixité sociale. Les méduses illuminées de couleurs ultraviolettes changeantes ne sont pas mal non plus et c’est la première fois que nous observions une tortue-alligator.


Le marchand de sable est passé (avec ses copains)

En sortant, nous avons une petite faim, pas forcément de poisson d’ailleurs, aussi nous arrêtons-nous manger un morceau dans un petit restaurant de plage où l’on déjeune les pieds dans l’eau. Ah ça n’est pas le Nikki Beach, c’est sûr, c’en est même très loin. La toile cirée des tables est déchirée et poussiéreuse, la peinture des chaises ternie et écaillée, les parasols défraichis. Quant au sable et à la mer, ils se confondent dans une même teinte gris sale. Mais l’ambiance est là. La musique latino donne le rythme, les consommateurs sont joyeux, les gens se baignent tout habillés, parfois avec d’énormes bouées-canards. Assis à notre table, nous observons amusés le balai incessant des vendeurs ambulants qui, circulant aussi bien à vélo dans l’eau qu’à pied entre les parasols, nous proposant à tout bout de champ des babioles invraisemblables ainsi que des plats à ajouter à notre menu (plateaux d’huîtres, tacos, desserts) sans sembler gêner le restaurateur. En fait ce n’est en rien spécifique au lieu, c’est partout comme ça au Mexique ! Nous prolongeons la balade comme pour nous épuiser volontairement, et c’est avec plus d’une dizaine de kilomètres dans les jambes que nous regagnons notre hôtel. Aucune difficulté le soir pour nous endormir, nous n’aurons pas besoin de l’autre marchand de sable.


Histoire vraie

D’après les informations sur Internet, le Yokohama est toujours en attente au large et risque d’y rester toute la journée en raison d’un vent assez violent (rafales à 95 km/h). Nous jetons notre dévolu sur le musée de la ville de Veracruz. Au moins nous serons à l’abri. Bien qu’à peine évoqué dans les guides, il mérite tout à fait la visite qui nous prendra trois heures. Toute l’histoire de la ville est expliquée depuis les premiers Olmèques, 1800 avant JC, jusqu’à l’arrivée ratée du Yokohama hier matin. Non je blague, mais je n’arrive pas à chasser ça de mon esprit. Plus sérieusement, la ville serait née le jour où les Espagnols y ont débarqué la première fois, le 22 avril 1519, un vendredi saint, soit le jour de la vraie croix, de la crucifixion de Jésus Christ. Vraie croix, vera cruz, vous l’avez ? Initialement limitée à quelques pâtés de maisons en bois la « ville des planches » a pu se développer grâce à une île en face qui pouvait servir de refuge aux bateaux de passage. Le succès commercial attirant les pirates et les puissances ennemies, la ville et son île se sont fortifiées, devenant « la ville des remparts. Et puis vous connaissez le reste : la machine à vapeur, l’électricité, le train et l’avion sont arrivés. L’Espagne a été virée. La France et les USA qui tentaient leur chance aussi. Mais ces derniers, malins, ont réussi à implanter une usine Coca-Cola. Le ver était dans le fruit. Le pays était contaminé à jamais.




Encore (pire) raté !

Nous sommes maintenant lundi, le vent s’est calmé et le soleil est de retour. Des conditions qui devraient être favorables à notre transporteur de véhicules, que nous allons finir par appeler Godot en désespoir de cause. Toujours ce point fixe dans la rade sur le site de tracking. Et très peu d’activité dans le port. Les quais censés accueillir le Yokohama sont de toutes façons occupés par d’autres bateaux. Nous repartons flâner dans les rues commerçantes en attendant que ça se libère. Pas une heure sans que je jette un œil sur mon téléphone.

Vers 15 h une mauvaise et une bonne nouvelle arrivent de Kilian. C’est la même en fait : « Maybe we missed the vessel ». La bonne nouvelle, c’est que le Yokohama est enfin arrivé dans le port de Veracruz. La mauvaise, c’est que nous avons de nouveau raté son entrée. Mais on se contentera de la première ! Allez, les choses avancent.

Une nouvelle phase démarre où nous allons devoir attendre le déchargement des véhicules, le rendez-vous pour l’inspection des douanes puis le rendez-vous pour sortir Roberto du port. On tient le bon bout, mais qu’est-ce que c’est long !

2 réflexions sur « 50. Anne ma soeur Anne »

  1. De retour de mon petit périple à Lanzarote, je lis le votre toujours avec plaisir. J’espère que Roberto est enfin entre vos mains, sur les routes vers le nord du Mexique. Profitez bien de ce nouveau départ et surtout bonnes routes.

    1. Tu as bien raison de voyager ! A ce jour nous n’avons toujours pas récupéré Roberto. La sortie du port est prévue autour des 21-22 février, soit une bonne semaine après l’arrivée du bateau et presque 6 semaines après la dépose à Anvers.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *