120. Hongrois ce convoi

Roberto notre fidèle fourgon aménagé nous a promenés sur les routes de la Hongrie, un beau parcours d’environ 500 km autour du Lac Balaton. Nous nous réservons la partie Est du pays et la visite de la capitale pour dans quelques mois.


Hongrois être parfait

Suite à la dernière publication, un fidèle lecteur francilo-normand m’adresse la remarque suivante :

« Une petite remarque normande insignifiante : lorsque vous parlez de Grandville, parlez-vous de Granville en Normandie car je n’ai pas trouvé le jumelage dont vous parlez ? (Serait-ce une) coquille ? Si oui, attention la « Pléiade » risque de vous refuser la publication ».

Maniaque de l’orthographe comme je suis, je vérifie et ne peux que constater ma lamentable erreur. Je lui ai bien entendu répondu en privé, mais au cas où d’autres esprits vifs se seraient posé la même question, je publie ci-dessous ma réponse (sans les formules de politesse et amicales) :

Oui nous parlons bien de Granville la normande, initiatrice du douzelage comme on peut le lire ici.

Dans ma grande générosité, j’ai hélas rajouté ce « d » inopportun, qui fut tout de même utilisé dans le passé. Je hais la simplification de l’orthographe !

Cela dit, j’ai lu que le port de Granville était le premier en France en matière de coquilles… Il me pardonnera certainement.


Hongrois que c’est un château

Notre première étape hongroise est la ville de Keszthely, sur la rive Ouest du Lac Balaton. Hors saison, ça n’est pas une grande ville touristique, mais elle recèle quelques curiosités dont ce palais qui ressemble à un château, propriété des Festetics, une famille de notables croates depuis 1739.

Au fil des générations, ils ont accumulé comme vous et moi tout un tas de bricoles, mais eux en avaient tellement qu’ils ont fini par les exposer au public, moyennant finances bien sûr. Ce qui est amusant, c’est qu’il y a un peu de tout, réparti dans plusieurs dépendances du palais.

La collection consacrée à la chasse, au rez-de-chaussée de l’un de ces « musées » effraie tout d’abord les visiteurs contemporains en raison de la multitude de trophées exhibés, des cornes couvrant les murs aux peaux de bêtes étalées sur le sol. En réalité, la collection initiale ayant été perdue au cours de la guerre, tous ces objets seraient des dons de chasseurs de la région, notamment de l’un des créateurs du musée qui se montre en photo souriant jusqu’aux oreilles le pied posé sur un tigre du Bengale ou un éléphant d’Afrique. Beurk.

À l’étage heureusement, l’exposition devient didactique, des diaporamas très bien faits montrant des animaux de chaque continent dans leur environnement reconstitué.


En franchissant le palier, on tombe sans transition aucune sur l’un des plus grands réseaux de modélisme ferroviaire d’Europe. 75 trains orchestrés par un système informatique circulent sur 2700 m de voies ferrées dans des paysages autrichiens ou hongrois, dans des gares fidèlement reproduites à l’échelle, dans diverses saisons, traversant des viaducs, s’arrêtant (comme) pour prendre des passagers dans de petites villes aux personnages parfois hétéroclites comme cette scène de rue clin d’œil à la Guerre des Étoiles.


Dans le bâtiment suivant, nous trouverons une collection sur le thème du transport, avec des calèches de tout poil précédant les premières automobiles du XIXème siècle, principalement d’origine américaine. Avant chacun des 3 modèles exposés ci-dessous figurent en gros plan des bouchons de radiateurs, rétroviseurs ou autres accessoires. Saurez-vous retrouver la marque correspondante ? (réponses dans l’ordre après la dernière photo).

C’était quasiment le seul modèle hongrois exposé parmi les automobiles, les autres étant plutôt américains. L’occasion de vous proposer un petit jeu : saurez-vous reconnaître, pour chacun des 3 modèles ci-dessous, la marque que suggèrent les 2 gros plans qui les précèdent (bouchons de radiateurs, rétroviseurs, éléments de roues, etc.). La réponse est après la dernière photo.




Nous finirons par la visite du palais lui-même, au cours d’une visite guidée obligatoire en Hongrois. Si nous n’avons pas compris grand-chose aux commentaires, nous avons tout de même pu apprécier sur de nombreuses salles le mode de vie des aristocrates aux XVIIIè et XIXè siècle, juste avant qu’ils ne se fassent piquer le palais au moment de la 2nde Guerre Mondiale. On leur a tout de même laissé leur magnifique bibliothèque en chêne hébergeant 80 000 ouvrages. J’imagine par contre que tout le pinard est parti. A la guerre comme à la guerre !


Hongroise personne

Keszthely est l’une des plus anciennes villes du pays et ça se voit. L’architecture est austère, de notre point de vue du moins (mais où sont les belles couleurs du Mexique ?!) et les rues sont désertes lors de notre départ en balade alors qu’il est presque 10h, certes un dimanche. Les magasins fermés renforcent la notion de solitude. Mais quelques passants finissent par arriver, on doit se lever tard ici les jours fériés.


Quelques musées finiront par ouvrir, mais nous n’en visiterons qu’un, celui dédié à l’œuvre d’une vie, celle de l’honorable Ilona Miskei qui a assemblé pendant 14 ans plus de 4,5 millions de coquilles d’escargots fossiles recueillis dans les mines voisines pour reproduire le Parlement de Budapest à l’échelle 1:33. L’ouvrage fait tout de même 7 m de long sur 2,5 m de large et 2 m de haut. Lorsque l’auteure en a fait don au musée, Il a fallu une semaine pour transporter l’œuvre depuis chez elle. Une allure d’escargot, tout naturellement.


Spécialités hongroises



Hongrois être au Népal

Ciel bleu et air frais ce matin-là, un dimanche. Traversant une forêt, grimpant au sommet d’une colline accompagnés d’autres randonneurs, nous traversons bientôt un torana, apercevons des ribambelles de drapeaux de prières accrochés aux arbres et flottant au vent tout en entendant de petites clochettes et en humant des effluves d’encens qui nous rappellent notre séjour à Katmandou.

Et bientôt le grand stupa tout blanc apparaît. Pas besoin de nous pincer, nous savons que nous ne sommes qu’à une quinzaine de kilomètres du Lac Balaton. Eh oui, il existe bien une petite communauté bouddhiste dans ce pays à majorité catholique. Moins d’un Hongrois sur 1000. Mais ils sont très influents. La capitale ne s’appelle-t-elle pas Bouddhapest ?


Hongrois être en été

Alors que le Lac Balaton n’attire pas vraiment les nageurs en hiver, son voisin d’Heviz en voit s’ébattre toute l’année. C’est que sa température oscille entre 22 et 35°C selon les saisons, grâce aux sources chaudes qui l’alimentent. Certes on s’y baigne dans une ambiance soufrée qui pourra déplaire à quelques-uns, mais avec l’avantage de pouvoir soigner ou préserver ses articulations. Une expérience inoubliable que de se baigner en hiver avec 10°C dans l’air mais 24°C dans l’eau, dans une petite brume pas désagréable générée par la différence de température.


Hongrois que c’est du champagne


Hongrois entendre Jonasz

« Même quand les dieux vous abandonnent, lac Balaton / Le sable est doux comme une pomme, lac Balaton ». C’est avec ces paroles de Michel Jonasz (d’ascendance hongroise) que j’avais entendu parler de ce lac, le situant vaguement en Europe Centrale, avant de le découvrir au cœur de la Hongrie. C’est tout l’intérêt du voyage que de situer un monument, une histoire, un nom qui n’avaient pas jusqu’ici de localisation bien précise dans mon esprit. Avec ses 67 km de long, le plus vaste lac d’Europe centrale ne devait pourtant pas passer inaperçu sur mes cartes de géographie !

Nous nous sommes approchés au plus près du lac Balaton via la péninsule de Tihany. La route qui longe d’abord la côte, sa végétation lacustre et ses pêcheurs, s’élève ensuite 80 m au-dessus du niveau de l’eau. Là, une abbatiale bénédictine de 1754 héberge quelques jolis autels, tandis que l’hôtel juste à côté héberge une jolie terrasse surplombant le lac. Devant un tel spectacle, les petites tables décorées de bouquets de lavande séchée – une production locale – étaient irrésistibles. Avec un petit café et une pâtisserie locale, ce fut un moment magique.


Hongrois pas si bien dire (de la poésie)

Le poète et homme de lettres Rabindranath Tagore, premier lauréat non européen du prix Nobel de littérature en 1913, n’aurait peut-être pas pu terminer l’œuvre qui l’a rendu célèbre s’il n’avait pas bénéficié de cures thermales à Balatonfüred. La station balnéaire huppée du lac Balaton lui a édifié un buste et nommé un grand parc en son honneur.

D’autres visiteurs célèbres sont honorés sur les murs du Panthéon de Balaton, juste en face de l’hôpital cardiologique de la ville, mais à vrai dire nous n’en connaissions pas un seul… D’autres statues nous ont davantage parlé – si l’on peut dire – comme ce pêcheur et ce capitaine de ferry qui gardent l’entrée du port, ce réalisateur hongrois immortalisé sur son dériveur, ou encore cette main qui sort tragiquement d’une colonne de béton en hommage aux victimes d’un naufrage de ferry en 1954 (voir ci-dessous).

Les 3 vies du Pajtas

Navire à vapeur construit en 1918 à Budapest pour transporter des passagers sur le Danube, le Pajtas y heurta malheureusement une mine au cours de la Seconde Guerre Mondiale et coula.

Renfloué après la guerre, il fut reconverti en ferry sur le lac Balaton, avec une capacité en passagers augmentée de 150 à 200 personnes sans aucun test préalable. Ce devait être excessif car le 30 mai 1954, après plusieurs mouvements de balancier, il coula de nouveau, faisant plusieurs dizaines de victimes, en souvenir desquelles ce monument a été érigé.

De nouveau renfloué, il reprit du service sur le Danube muni cette fois d’un moteur diesel et termina sa carrière en 1987 sur une rive du Danube. Pour couler des jours paisibles.


Hongrois que c’est fermé et puis non

Nous n’hésitons pas à nous éloigner du lac d’une quarantaine de kilomètres pour nous rendre à Herend, capitale de la porcelaine hongroise. Le temps est splendide, la manufacture est là devant nous, toute bâtie de briques comme une usine et toute décorée de porcelaines comme une manufacture de porcelaine. Nous entrons dans le hall d’accueil, très classe, ça s’annonce bien. Mais nous retombons de haut – sans rien casser – en apprenant que les visites sont interrompues et ne reprendront qu’au mois d’août prochain c’est-à-dire, euh, dans 5 mois ! Nous sortons dépités, dégoûtés de Google qui annonçait l’établissement ouvert, ce qui était malgré tout le cas puisque seules les visites étaient fermées.

Nous traînons le pas sur la petite place juste en face, dont le seul occupant est un superbe lion en céramique.

Nous nous approchons d’une vitrine où quelques belles pièces de vaisselle sont exposée, cherchant tant bien que mal à prendre des photos pour nous consoler, en collant les appareils à la vitre pour éviter les reflets. Claudie, déjà deux vitrines plus loin, me lançe : « Viens, c’est ouvert ! ».

Nous entrons alors dans une véritable caverne d’Ali Baba, avec des pièces plus merveilleuses, plus fines, plus délicates les unes que les autres. Nous passerons presque une heure dans cette grande boutique et repartirons avec deux petits animaux (oui parce que le service 12 couverts en porcelaine à stocker dans Roberto ç’aurait été plutôt osé) totalement consolés.


Hongrois être revenu à l’époque soviétique.

Amateurs d’urbex ou d’airsoft, voici un endroit incontournable à explorer : une ville fantôme complète avec barres d’immeubles, boutiques, bars, etc. Tout ça envahi à souhait par la végétation, s’effondrant peu à peu, encore accessible par des rues parsemées de nids-de-poules et partiellement couvertes d’herbes folles.

Il s’agit d’une ancienne base militaire soviétique construite dans les années 60 pour héberger les militaires et leurs familles. Tout ce petit monde est gentiment rentré chez lui après l’effondrement de l’URSS en 1980. Maintenant ce sont les bâtiments qui s’effondrent, c’est ce qu’on appelle la double peine.

L’endroit est facile à trouver, il suffit de taper sans vous tromper Szentkirályszabadja sur votre application GPS favorite. Si vous utilisez la dictée vocale ça va être un peu plus compliqué 😉


Hongroise personne ici non plus

A 15 km de là, une aventure similaire est arrivée à un bâtiment unique qui pourrait ressembler à un palais ou un château, mais qui est en fait une ancienne caserne destinée à un régiment d’artillerie. C’est un peu comme maintenant, il fallait mettre le paquet pour attirer les jeunes…

Pendant la 2ème Guerre Mondiale, les jeunes nazis sont venus goûter à la vie de château, remplacés par les jeunes soviétiques après la guerre. Et quand l’URSS s’est disloquée, ce sont les jeunes du quartier qui sont venus prendre le relais. Mais la caserne-château n’a plus sa superbe d’autrefois, loin de là.


Hongrois ce qu’on voit …et on a tort

Pecs serait la seconde ville de Hongrie à visiter après Budapest, mais nous a laissés d’abord dubitatifs sur son intérêt. Ce n’était peut-être pas une très bonne idée de nous garer pour la nuit près de la gare car nous avons dû traverser quelques quartiers affreux pour nous rendre au centre-ville, heureusement de meilleure facture, notamment les bâtiments autour de sa grande place principale.


Nous avons cru avoir la berlue en apercevant au sommet du toit de l’Église de la paroisse du centre-ville à la fois une croix chrétienne et un croissant de lune musulman. Et la confusion s’amplifie en pénétrant dans l’édifice, avec des fresques, des écritures, des éléments architecturaux et des symboles appartenant aux deux religions. On comprend bien que ce lieu de culte est passé de main en main au fil des siècles, passant d’église gothique à mosquée puis de nouveau église catholique. Lors de la dernière restauration, on a décidé de conserver une grande partie de son histoire et de ne pas faire table rase sur le passé comme à l’habitude. Intelligent et tolérant.


Nous avons cru voir non pas double mais quadruple en arrivant devant la façade de la cathédrale du 11ème siècle, qui laisse dépasser 4 tours. La nef, la crypte, les sols, tout a été merveilleusement décoré au fil des années. On peut monter dans la seule tour qui fait office de clocher pour apprécier le panorama sur la ville. Mieux vaut éviter de rester en haut lors de la sonnerie biquotidienne de la plus grosse cloche, véritablement assourdissante. L’accès est d’ailleurs fermé à ce moment-là, attention de ne pas se faire piéger !


Nous avons dû écarquiller les yeux devant les tableaux du maître de l’art abstrait géométrique Victor Vasarely, enfant du pays, joliment présentés dans un musée qui lui est dédié, ainsi qu’aux autres artistes de sa famille.


Nous avons du ravaler notre impression d’en avoir trop vu en visitant une nouvelle exposition sur la porcelaine. Mais à Pecs, on ne jure que par la manufacture Zsolnay, crée en 1853, la plus importante de l’empire austro-hongrois en 1914. Elle fut aussi à la pointe de l’art et du design européen, fournissant des carreaux de faïence pour orner les monuments dans tout le pays, influençant le mouvement art nouveau (notamment avec ses pièces de verrerie décorées à l’éosine). Elle connut malgré tout un déclin rapide, en seulement quelques années, en raison de l’occupation serbe et de l’introduction du socialisme. Une petite production persiste, se visite même, mais là encore, ce n’était pas le bon moment. Nous nous sommes néanmoins régalés dans le musée.


Hongrois que c’est fini, mais non !

Nous quittons provisoirement la Hongrie, mais nous y reviendrons dans quelques mois, sur le retour de notre circuit européen. Il nous reste encore beaucoup de choses à apprendre sur le pays et bien sûr visiter sa mythique capitale. J’espère que mes petits jeux de mots répétitifs ne vous auront pas trop agacés. Mais avouez que les possibilités étaient limitées. A bientôt !

Ci-dessous notre parcours en Hongrie, zoomable en cliquant ici.

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