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  • 159. Sans tête mais avec mains et jambes

    159. Sans tête mais avec mains et jambes

    Ce parcours commence par une petite mésaventure liée aux vents violents de la pampa argentine, qui ne nous empêchera heureusement pas de poursuivre notre voyage. Nous découvrirons des mains de 15 000 ans, la silhouette d’une montagne qui a inspiré un logo célèbre, un glacier qui avance alors que tous les autres reculent, un navire civil servant de cible aux avions de chasse et un lac mal nommé.

    Sans tête mais avec mains et jambes
    Le parcours décrit dans cet article, en version zoomable ici

    À ciel ouvert

    Panneau cocotier soufflé par le vent
    Les cocotiers sont plutôt rares dans le coin mais semblent un bon exemple pour démontrer la force du vent !

    Le vent est un problème en Patagonie. Ça souffle plus que de raison, presque en permanence, et Roberto est souvent bousculé par les rafales. Aux arrêts, nous devons nous garer précautionneusement face au vent pour en subir le moins d’influence, ou alors à couvert, notamment pour la nuit. Aujourd’hui, nous sommes en vigilance jaune pour vent fort, avec des pointes annoncées à 65 km/h. Après une longue série de lignes droites en plein désert, nous décidons de nous arrêter sur un petit décrochement de la route pour la pause déjeûner. Le vent souffle mais raisonnablement. Des nuages gris sombre approchent néanmoins de nous. Pour avoir un peu d’Internet dans cette zone plus blanche que blanche, je sors l’antenne Starlink sur le toit, par le lanterneau, et referme celui-ci au plus petit cran, pour ne pas avoir de prise au vent. L’antenne elle-même semble assez lourde pour ne pas pouvoir s’envoler. Mais lorsque le nuage est au-dessus de nous, le vent forcit brusquement, s’engouffre par la fine ouverture du lanterneau et libère le cran qui le maintenait en position basse. Nous n’avons rien vu venir. Un grand crac et … plus de lanterneau ! Claudie part à sa recherche et le retrouve 30 mètres plus loin. La paroi interne est partiellement cassée, la charnière aussi, mais l’extérieur semble intact. Ce qui nous permet de nous abriter temporairement de la pluie qui commence à tomber, un malheur ne venant jamais seul. Mais il faut maintenir le lanterneau à la main, ce qui n’est pas une solution pour rouler. Une fois l’averse passée, je prends plus d’une heure pour refaire une fixation temporaire en perçant des petits trous dans la paroi intérieure afin d’y passer une ficelle et solidariser le tout avec le socle du lanterneau. Avec un peu de chance, ça tiendra trois mois, le temps de revenir de notre prochain séjour en France avec la pièce de rechange, introuvable ici. La réparation n’aurait pas été possible, nous aurions du faire fabriquer une couverture provisoire par un artisan local, comme c’est arrivé à d’autres voyageurs que nous avons croisés. D’ici là, le lanterneau est condamné. S’il nous donne encore de la lumière et peut s’occulter la nuit, il ne peut plus s’ouvrir. On fera avec. Ou plutôt sans. Et puis nous avons trouvé une solution pour notre antenne Starlink : à condition de se garer face au Nord, elle fournit un signal tout à fait correct en la plaçant derrière le pare-brise.

    Les dégâts, après remise en place et fixation sommaire : pourvu que ça tienne !

    Haut les mains

    C’est dans les années 1960 qu’ont été découvertes sous des surplombs rocheux granitiques des centaines d’empreintes de mains réalisées il y a 15 000 à 11 500 ans par des tribus nomades de cette région isolée d’Argentine. La technique utilisée aux Cuevas de los Manos, projetant à la bouche ou avec une paille un mélange de pigments minéraux et d’eau sur une main posée sur la paroi, alliée au climat très sec de la région et à son isolement, ont permis une conservation exceptionnelle des œuvres malgré ces millénaires d’exposition au soleil. On retrouve également des scènes de chasse au guanaco, une sorte de lama sauvage, la proie favorite de ces tribus. Enfin quelques rares humains ou animaux stylisés complètent le tableau. Le site en lui-même est d’une grande beauté, avec d’impressionnantes parois rocheuses encadrant une véritable coulée verte au fond d’un canyon où coule la « Rivière Peinte ». Pour ceux qui voudraient faire un parallèle avec nos grottes Chauvet ou de Lascaux, l’art rupestre de ces dernières est encore plus ancien (-15 à -30 000 ans), mais comporte davantage de figures animales qu’humaines. En plus – j’avoue en pas y être allé – je suis à peu près certain qu’il n’y figure aucun guanaco.


    Le logo Patagonia en vrai

    La silhouette caractéristique du Mont Fitz Roy et le logo qui s’en est inspiré

    Nous voici arrivés à El Chaltén, la capitale argentine de la randonnée. Cette petite ville isolée au fond d’une vallée de 90 km de profondeur a tout d’abord été créée pour « occuper le terrain » en raison de la proximité avec la frontière chilienne. Mais, située aux pied d’une splendide chaîne de montagnes dont l’emblématique Mont Fitz Roy, elle a rapidement connu un succès touristique, au point d’accueillir chaque année 40 000 visiteurs alors qu’elle ne compte que 2 500 habitants. Et ce succès a été renforcé par la création par l’alpiniste français Yvon Chouinard de la marque Patagonia dont le logo représente le Fitz Roy. Ne croyez surtout pas d’ailleurs que la firme soit argentine ou chilienne. Elle est tout aussi américaine que Neutrogéna, dont les produits ont pourtant longtemps affiché une formule et un drapeau norvégiens. Sinon une fois là-bas nous avons fait comme tout le monde : de la randonnée. 4 heures de marche jusqu’au Lac Capri, dont le nom avait attiré Claudie mais qui ne s’est pas révélé à la hauteur. Partis sous un grand soleil, nous y sommes arrivés sous des rafales de pluie. Avant de retrouver le soleil à la descente. Il parait que c’est comme ça à El Chalten : on peut avoir les 4 saisons dans une même journée !

    Anecdote : Robert Fitz Roy était le capitaine du HMS Beagle lors du célèbre voyage scientifique qui a emmené Charles Darwin autour du monde entre 1831 et 1836. Il était lui-même un scientifique et a participé à cartographier la Patagonie. Pour autant, il n’a jamais vu la montagne qui a été baptisée en son honneur, 12 ans après sa mort, par l’explorateur argentin Francisco (Perito) Moreno. Ce dernier, bien qu’également cartographe renommé de la Patagonie, n’aurait jamais vu le glacier qui a été baptisé en son honneur et de son vivant… Ce qui nous amène au sujet suivant


    Le glacier qui continuait de grandir

    S’il n’y avait qu’un glacier à voir dans toute sa vie, ce serait le Perito Moreno, affirme le panneau d’informations au Glaciarium, le musée dédié aux glaciers à El Calafate, base logistique de la visite. C’est vrai que nous l’avions sur notre to do list (je préfère cette expression à l’inquiétante « à voir avant de mourir »…). Il a d’abord cette caractéristique exceptionnelle de continuer à grandir, alors que la grande majorité des glaciers de la planète reculent. Il peut avancer jusqu’à 2 mètres par jour lorsqu’il est en pleine forme. Cette avancée finit le plus souvent par l’effondrement spectaculaire de séracs dans la mer, mais parfois le glacier avance jusqu’à toucher la péninsule en face, formant alors un barrage naturel pour les rivières qui l’entourent, avec la montée des eaux qui va avec. Les dimensions nous laissent rêveurs, nous les ex-voisins de la Mer de Glace : 30 km de long, 5 km de large, 60 mètres au-dessus du niveau de l’eau et … encore une centaine de mètres au-dessous ! Nous avons été étonnés par ailleurs par la facilité d’accès : une route bien entretenue mène, en longeant une rivière qui charrie de gros blocs de glace bleutés, à un réseau de passerelles qui permettent d’approcher davantage le glacier que les bateaux qui circulent à distance raisonnable, craignant l’éventuel tsunami déclenché par une chute de sérac. Et de bien entendre les craquements et les chutes de glace qui ponctuent régulièrement le silence du lieu, du moins quand les touristes se comportent respectueusement comme cela a été le cas pendant notre visite.


    Le Glaciobar

    Au sous-sol de l’intéressant musée de la glace dont on vient de parler se niche un endroit très spécial : le Glaciobar. Dans une véritable chambre froide où l’on accède munis d’une cape à capuche fourrée et de gants, où l’on ne reste pas plus de 20 minutes parce qu’il y fait -18°C se trouve un véritable bar dont l’ensemble du mobilier est en glace véritable, avec un igloo, une sculpture de rapace et tout ce qu’il faut pour servir des cocktails dans des verres … en glace aussi. Pas besoin de glaçons, donc. Certes, le concept n’est pas unique, mais ici, c’est le seul bar de ce type au monde ou la glace provient d’un glacier. Facile, il n’y a pas besoin d’aller chercher très loin !


    Ne m’appelez plus jamais Marjory Glenn

    Ce navire écossais construit en 1892 était très moderne pour l’époque et pourrait l’être encore aujourd’hui : avec une solide structure en métal, il ne disposait d’aucun moteur et se déplaçait à la voile. Une merveille sur le plan écologique. Paradoxalement, c’est une cargaison de charbon qu’il transportait en 1911 de Newcastle à Rio Gallegos en Argentine. Et c’est cela qui l’a perdu. Le charbon a pris feu, l’incendie n’a pu être maîtrisé et l’équipage a du faire échouer le bateau pas loin du port d’arrivée avant d’être secouru. Rouillant tranquillement sur la plage, le Marjory Glenn a connu un second choc inattendu en 1982 au moment de la guerre des Malouines : il a servi de cible d’entraînement aux avions de chasse de l’armée argentine avant d’aller se confronter aux Anglais. Ses flancs portent encore aujourd’hui les impacts de ces tirs effectués en rase-motte (les avions volaient à 5 mètres au-dessus du niveau de la mer pour échapper aux radars). Une drôle de vie pour ce bateau, ce qui ne nous aura pas empêché de dormir à ses côtés.


    Argentine insolite

    Je vous livre trois petites vidéos sur des situations insolites rencontrées sur notre parcours. Bon visionnage !


    Le lac de couleur

    Tout près de la frontière chilienne, une petite route mène à un massif volcanique qui héberge dans son cratère un lac renommé pour sa couleur bleue, à tel point qu’il a été baptisé Lago Azul (lac bleu, donc). Nous nous garons au centre des visiteurs en cours de construction, ce qu’il faut traduire par « bientôt ce sera payant », et empruntons le sentier qui mène à la crête du volcan. La caldera se découvre peu à peu et là, surprise, le lac bleu a disparu ! Enfin à la place c’est un lac d’un beau vert émeraude qui ne reflète ni le ciel, ni les parois basaltiques, ni la végétation rase et plutôt grise du cratère. Bon, j’imagine que c’est le même lac, qu’on n’a quand même pas remplacé toute l’eau juste pour faire une farce. Il est plutôt joli ce lac, mais je m’estime trompé sur la couleur. Et vu que nous n’avons rien payé, je ne peux même pas demander à être remboursé !


    Nous déjeunons sur place, histoire de consommer nos derniers aliments frais, car à la frontière chilienne que nous allons franchir tout à l’heure, la viande, les laitages, les fruits et légumes ne sont pas autorisés à l’importation. Et puis nous préparons tous les papiers nécessaires pour l’immigration, la douane, et le bureau de la circulation pour Roberto. Nous vous raconterons ça très bientôt, promis !

  • 158. Baleines, pingouins, etc.

    158. Baleines, pingouins, etc.

    Comme prévu, nous nous dirigeons de nouveau vers la côte, car nous ne voulions pas manquer les parcs naturels de la Péninsule de Valdés et de la Pointe Tombo, propices à l’observation de nombreux animaux marins dont ceux cités dans le titre. Cela valait-il la boucle de 1000 km aller-retour pour retrouver ensuite la route 40 un peu plus bas. La réponse suit…

    Le parcours correspondant à cet article, en version zoomable ici

    Traversée du désert

    C’est une très longue route que nous empruntons, traversant cette région aride et minérale qu’est la steppe patagonienne, qui n’est ni plus ni moins que le 7ème désert de la planète. Avec des vents forts permanents et la faible pluviosité, la végétation rentre la tête dans les épaules : on trouve davantage d’herbes rases ou en touffes, de buissons piquants à feuilles minuscules et d’arbustes que partout ailleurs. Par endroits, ce sont de multiples et immenses falaises multicolores qui dominent le paysage. Les cours d’eau sont rares mais sont l’occasion alors d’une traînée verte digne des oasis sahariennes. De l’ouest à l’est, il nous aura fallu parcourir plus de 500 km. Autant dire que les podcasts ont bien défilé sur le système multimédia de Roberto pendant les longs moments où il n’y avait pas grand-chose à voir.

    A peu près aux trois quarts de la traversée, nous avons fait une halte au niveau du barrage Florentino Ameghino (c’est le nom d’un naturaliste argentin), dont la visite nous a été recommandée par Gabriel, notre gardien de Roberto pendant notre mois en France. Un environnement impressionnant de montagnes rouges striées de blanc encadre un superbe lac de retenue de 65 km². Après avoir traversé la digue et traversé plusieurs tunnels, Roberto nous amène au petit village en aval du barrage. 200 habitants seulement – on peut comprendre qu’il y a un certain niveau de risque à vivre là – mais beaucoup de touristes en saison. Pour l’heure nous sommes très peu, et nous allons trouver un joli coin paisible au bord de l’eau où un cheval tacheté comme un dalmatien viendra nous saluer. Nuit tranquille assurément. Et le barrage a tenu !


    Pas au Connemara

    Si Michel Sardou évoque à plusieurs reprises la présence des Gallois au Connemara, il ne faut pas aller là-bas pour en trouver, ils n’y ont jamais mis les pieds. Par contre, 153 d’entre eux ont bien débarqué en Argentine en 1865, fuyant l’oppression de l’Angleterre qui les étranglait économiquement et leur interdisait même de pratiquer leur langue. Quelques années après, ils sont venus s’installer dans la petite ville de Gaiman qui leur offrait des terres à occuper et cultiver. Aujourd’hui, 50 à 70 000 de leurs descendants occuperaient encore la région, bien que quelques milliers seulement parlent encore la langue. Et, alors que nous faisons une petite pause logistique et déjeûner à Gaiman, nous retrouvons rapidement des stigmates de cette colonisation : nombreux dragons rouges sur les enseignes ou les drapeaux de la ville, et surtout multiples salons de thé servant des pâtisseries galloises comme le pain noir tacheté (de raisins secs imbibés de thé), les « welsh cakes » ressemblant aux scones anglais, ou encore les gâteaux au miel. Nous aurions bien goûté à tout ça, mais il aurait fallu attendre le tea time (17h) et surtout qu’une table se libère car tout était affiché complet pour le premier service : les touristes argentins adorent manifestement les coutumes galloises ! Ce sera pour une autre fois.


    Des baleines, des pingouins, des orques etc.

    Roberto à son poste d'observation de Puerto Madryn
    Roberto à son poste d’observation de Puerto Madryn

    Ayant rejoint la côte à Puerto Madryn, nous nous garons pour la nuit sur une falaise près du port. Et déjà, dans la baie sous nos yeux, de nombreux souffles de baleines apparaissent régulièrement. Plus d’une douzaine manifestement s’y promènent en ce moment. C’est actuellement la saison de reproduction des baleines franches australes, qui ont migré pour cela depuis un mois ou deux dans la région. Nous restons un bon moment scotchés à nos jumelles qui, à cette distance, restent le seul moyen d’apercevoir les cétacés émerger de l’eau. Pas de photo donc, ou juste un petit souffle au loin, mais nous devrions pouvoir faire mieux demain en nous rendant dans le parc naturel de la péninsule voisine,

    Au matin, nous empruntons la route en terre qui longe la côte et faisons 2 ou 3 arrêts à des « points d’observation des baleines » mentionnés sur notre carte. Et à un endroit, une plage de galets ou un certain nombre de touristes se sont rassemblés, c’est le choc : un vrai défilé de baleines se fait sous nos yeux, à 20 mètres de la plage seulement. Jamais nous n’avons été aussi près. Ce qui est amusant, c’est la banalité apparente pour les locaux, dont certains ont sorti leur table pour déjeûner devant ce spectacle, tandis que les enfants jouent en jetant des cailloux dans l’eau, semblant ignorer l’énorme tête qui émerge de l’eau comme pour les observer à 15 ou 20 mètres d’eux !

    Puis nous nous engageons plus franchement dans la réserve. Presque toutes les routes de la Péninsule de Valdés sont en gravier et sur de longues distances : près de 100 km pour aller d’un point de vue à un autre par exemple. Rouler là-dessus n’est pas une expérience agréable : outre les nuages de poussière soulevés par les autres véhicules, heureusement peu nombreux, il faut subir les vibrations du sol irrégulier, le pire étant les passages en « tôle ondulée ». Le soir au parking, la pause commence par un gros dépoussiérage de l’intérieur de Roberto et un resserrage de nombreuses vis dans les placards. Mais au final ces contraintes valaient le coup. Nous avons pu ainsi observer plusieurs colonies de lions de mer, se prélassant sur le littoral, une pinguïnera, lieu préservé où vivent des pingouins, plus précisément des manchots de Magellan, adorables oiseaux qui ne semblent nullement effrayés par notre présence et que l’on peut donc voir de tout près, sans toutefois pouvoir entrer sur leur territoire, délimité par une petite clôture. Et puis nous avons eu la chance d’observer des orques. Nous avons su après coup que c’était loin d’être systématique, mais sur le moment, en voyant arriver les premiers, nous pensions que comme pour les baleines ça allait être un défilé. Mais non, seulement un petit groupe de 4 est passé devant nous, dont l’un longeant le rivage cherchant manifestement un bébé lion de mer un peu isolé à dévorer. Nous nous sommes laissés surprendre et avons à peine eu le temps de sortir nos appareils photos avant que le groupe ne disparaisse. Plus tard, sur la route du retour, nous rencontrerons régulièrement des guanacos, mais ça en Patagonie, c’est vingt fois par jour ! De superbes rencontres animalières en tout cas, en pleine nature, ce qui est une expérience totalement différente de celle des zoos. Rien que ça justifiait parfaitement nos centaines de kilomètres parcourus pour rejoindre cet endroit.




    Rencontre du 3ème type

    En 2011, un particulier de la région de Trelew découvre dans son champ des « fossiles » et prévient les autorités locales qui lui envoient des archéologues. Un déplacement pas inutile pour un sou puisque les scientifiques dégagent une sacrée bestiole : un dinosaure haut comme un immeuble de 7 étages, le plus haut connu en fait. Qui plus est presque complet avec 70 à 80% du squelette retrouvé. 90 millions d’années après son décès, le titanosaure est remis sur pied au musée de paléontologie de la ville de Trelew, laquelle expose en outre fièrement à son entrée principale une reconstitution 3D de la bête complète, extrapolée par un laboratoire allemand à partir des os retrouvés. Le transport n’a pas dû être simple !


    Encore des pingouins

    Descendant la côte vers le Sud, nous nous arrêtons voir une autre « pinguïnera« , celle de Punta Tombo. Immense cette fois et offrant une expérience différente de la précédente. Ce sont ici des milliers de manchots de Magellan qui viennent là pour la saison de la ponte. On peut les observer en traversant leur territoire sur des passerelles en bois, qu’ils peuvent traverser eux-mêmes d’ailleurs, et en ayant la priorité comme le mentionnent les panneaux de signalisation. La plupart de ces oiseaux sont en couple à cette époque de l’année et préservent un terrier qu’ils ont décidé d’occuper. La femelle est à l’intérieur et finalise en disposant quelques brindilles le nid douillet qui va accueillir son œuf, tandis que le mâle est debout devant l’entrée, faisant le guet ou assurant simplement une présence pour montrer que le terrier est occupé. D’autres manchots cherchent encore leur partenaire, émettant une sorte de plainte hoqueteuse à intervalles réguliers. D’autres encore sont rassemblés sur la plage en petits groupes, attendant peut-être de partir en masse (c’est mieux contre les prédateurs) pour se nourrir. Enfin, c’est sur les chemins des retours de plage que nous pouvons observer les plus mobiles, remontant vers leur terrier avec cette démarche dandinante adorable et si caractéristique.


    Intermède culinaire

    Tout d’abord cette découverte dans un rayon de supermarché : un fromage gros comme un baril de lessive, vendu aussi en tranches pour les appétits modestes. Et puis connaissiez-vous le point commun en Argentine entre les factures et les demi-lunes ? Dans les 2 cas il s’agit de nos bons vieux croissants. Sur la photo, un combo café-croissant (café + factura, donc) qui m’a été offert … avec le plein de carburant de Roberto !


    La Fiesta Nacional de la Esquila

    Nous sommes repartis vers les montagnes et faisons étape à Rio Mayo, une petite ville qui se revendique la capitale de la esquila. Mais qu’est-ce donc cette esquila ? Une bière locale ? Un chant polyphonique gaucho ? Un rodéo avec des moutons ?

    Festival Nacional de la Esquila : qu’est-ce ?

    Rien de tout cela en fait. Si les jeunes gauchos se mettent de plus en plus à la bière (la Patagonia est réputée) alors que leurs aînés ne jurent que par le maté, s’ils s’adonnent effectivement à la payada, une sorte de joute poétique chantée où ils communiquent par vers improvisés en s’accompagnant à la guitare (rien de polyphonique toutefois) et s’ils font volontiers des rodéos avec leurs chevaux pour encercler des bœufs, les moutons ne font jamais l’objet de telles pratiques. Mais ce sont bien ces derniers qui sont concernés, car la esquila, c’est la tonte. Et le festival est un concours du meilleur tondeur. Le jugement se fait non seulement sur la qualité de la tonte (un seul tenant, épaisseur régulière, etc.) mais aussi sur l’absence de stress de l’animal qui doit ressortir calme et … sans blessure !). Le festival n’a hélas lieu qu’en janvier, nous le manquerons. Mais pourquoi ne pas tenter de vivre ça en direct en demandant à une intelligence artificielle de nous décrire la scène ? J’ai demandé à Chat GPT et voici le récit proposé, distillant les petites notes d’humour que j’ai demandées. Impressionnant, non ?

    « Fiesta de la tonte – ou quand les ciseaux chauffent plus que le soleil

    Le soleil tape dru sur la plaine, quelque part entre Trelew et le bout du monde. Le vent soulève des nuages de poussière, les chiens aboient, et une sono grésille en annonçant d’une voix exaltée :
    – ¡A la pista el número cuatro, Don Mario Gómez, de Paso del Sapo!
    Les applaudissements éclatent. Quatre tondeurs se tiennent debout, tendus comme des archers avant la bataille. Chacun a sa tondeuse électrique, son tablier de cuir, et ce petit air de mec qui sait qu’il va se battre contre un mouton… et contre le chrono. Les bêtes attendent, résignées, l’œil mi-fermé — elles savent que ce n’est pas un combat, juste une humiliation passagère. Le juge lève la main, compte :
    – Tres… dos… uno… ¡ya!

    Et là, c’est la chorégraphie. Les tondeuses vrombissent, les bras s’agitent, la laine vole comme de la neige sous amphétamine. On entend des “¡vamos Mario!” et des “¡mirá ese corte, qué prolijo!”. En moins d’une minute, un mouton ressort tout nu, rose pâle et surpris, l’air de se demander s’il ne vient pas de perdre un pari. Le tondeur lui, enchaîne le suivant, en se déhanchant avec une grâce presque dansante. Certains bossent à genoux, d’autres à demi penchés, le câble de la tondeuse enroulé autour du bras comme un lasso électrique. Autour, l’odeur du gras chaud et de la sueur se mêle à celle du feu de bois : un asado géant fume dans un coin, où les spectateurs se réfugient entre deux tours de tonte. Des gamins courent avec des bouts de laine, des chevaux piaffent attachés à l’ombre d’un pick-up, et les matés circulent sans fin. Quand tout s’arrête, les juges inspectent les toisons, tirent dessus, les palpent comme des sommeliers du textile. Les moutons, eux, sont déjà repartis, plus légers, frissonnant de surprise. Le gagnant du jour soulève sa tondeuse comme un trophée olympique. Il gagne une somme modeste, un tonnelet de bière et surtout, l’estime éternelle du public. Dans le coin, un vieux gaucho murmure fièrement :
    – Ese sabe esquilar, che. No cortó ni un cuero.” (“Celui-là, il sait tondre. Pas une seule coupure.”)

    La musique criolla reprend, les guitares vibrent, et la fête continue jusqu’à la nuit. »


    Il est temps de retrouver ma propre prose, notre route 40 et dans la foulée les belles cimes enneigées de la Cordillère des Andes. La montagne, ça nous gagne, mais il va falloir attendre le prochain épisode. Alors à bientôt !

  • 156. La pampa humide

    156. La pampa humide

    C’est comme cela que se décrit cet immense territoire de plaines de basse altitude s’étendant sur tout le centre-est de l’Argentine. La pampa humide est particulièrement propice aux cultures des céréales et du maïs, ainsi qu’à l’élevage bovin ou ovin dont les gigantesques troupeaux éparpillés à perte de vue broutent volontiers les pieds dans l’eau. On peut imaginer que les moustiques sont rois dans la région, mais, et peut-être parce que l’on sort de l’hiver austral, nous n’en avons guère subi les conséquences. De Buenos Aires où nous avons récupéré Roberto après notre parenthèse française, nous rejoignons la côte Est à Mar del Plata, via de petites villes intéressantes comme San Miguel del Monte, notre première étape, ou surtout Tandil.

    Le parcours correspondant à cet article, en version zoomable ici

    San Miguel del Monte

    Notre première journée ayant été consacrée à la remise en service de Roberto (déballage des sacs-valises, remise en service de la batterie et de tout ce qui y est relié, remplissage du frigo, nettoyage intérieur et extérieur), nous permettant ainsi de reconstituer notre cocon bien-aimé, nous ne ferons qu’une cinquantaine de kilomètres sous un soleil radieux pour arriver à cette jolie petite ville. Nous nous installons au bord du lac, faisons une courte balade autour de notre bivouac, prévoyant la visite du centre pour le lendemain. Mais dès le milieu de la nuit, la pluie se met à tomber. Nous ne le savons pas encore, mais elle ne nous lâchera pas pendant 24 heures. Alors au petit matin (nous sommes prêts dès 8h grâce au décalage horaire !), nous décidons de shunter cette visite et prenons la route vers Tandil, à 260 km de là. Nous y resterons jusqu’au soir scotchés sur un grand parking, là aussi au bord d’un lac.


    Tandil

    Malgré ses 130 000 habitants, cette ville parait à taille humaine grâce à ses nombreux espaces verts, ses multiples excursions possibles sur les petites montagnes situées juste en périphérie. Difficile de tout raconter cette journée placée cette fois sous le signe du beau temps. Voici juste quelques points qui nous ont marqués.

    Les statues de Don Quichotte et Sancho Pança devant un moulin. Elles ne sont que l’un des multiples hommages de la ville à l’écrivain Cervantès qui pourtant n’y a jamais mis les pieds (ni même ailleurs en Amérique). La raison serait à chercher dans la proximité (150 km quand même) de la ville d’Azul, référente de la culture « cervantine » en Argentine grâce à un passionné local.


    L’établissement « La saison du fromage » est un petit bijou. Une famille locale a racheté en 1990 cette maison de 1850 qui a été tour à tour bureau de poste, magasin général et taverne avant de devenir boutique de fromages, charcuteries et épicerie fine avec un restaurant attenant bourré d’antiquités. La boutique en elle-même vaut le détour, rien que pour ses murs couverts d’étagères à fromages et autres délices, mais aussi pour son service à l’ancienne particulièrement attentionné. On répond à toutes vos demandes d’explications sur les différents fromages et charcuteries proposés tout en vous les faisant déguster. Une fois vos achats faits (ou pas) on vous invite à visiter les multiples salles intérieures et extérieures du restaurant, un vrai musée en soi. Dommage qu’il n’était pas l’heure de déjeuner ! Car oui, j’ai oublié de dire le principal : tout ce que nous avons goûté était délicieux, ce qui transforme totalement notre opinion sur les fromages et la charcuterie en Argentine. Quand on veut, on peut !

    Pour des photos appétissantes et une description plus précise du lieu, n’hésitez pas à consulter leur site internet https://epocadequesos.com/ en mettant l’option de traduction sur votre navigateur si besoin.


    Les rochers instables : la géologie du lieu y est sans doute pour quelque chose, les nombreuses roches en granit se morcellent avec le temps et forment parfois des édifices instables. Il en est ainsi du rocher le plus emblématique de la ville, le « rocher mouvant », qui était sa fierté jusqu’en 1912, année où l’équilibre se rompit dans des conditions mystérieuses, le rocher allant se fracasser en deux au pied de la falaise où il trompait jusqu’alors la gravité. La ville en fut si triste qu’elle fit installer une réplique en 2007, en résine et fibres recouvrant une structure métallique, fixée cette fois sur la falaise avec 12 boulons « si solides que la pierre ne retombera pas, que ce soit par la force de Dieu ou celle des hommes » comme l’affirme un panneau explicatif sur le parcours. Il me semble qu’on disait un truc semblable sur le Titanic…


    L’horoscope celtique : une curiosité dans le parc de la Sentinelle, que l’on ne s’attend pas trop à voir en Amérique du Sud. Peut-être apporté par un immigrant breton ou gallois. Les Celtes misaient apparemment tout sur les arbres. Vous allez voir ça dans cette petite série photos.


    Mar del Plata

    La principale station balnéaire des Argentins n’est pas si différente de ses homologues françaises : larges plages entourées de buildings d’un style parfois évolué parfois douteux, casinos et établissements de bains, alignements de parasols à perte de vue, etc. Nous sommes hors saison et tout est très tranquille, ni la plage ni la mer ne donnent envie, seuls les pêcheurs sont nombreux sur les jetées, aussi peu sensibles aux embruns qu’aux promeneurs. Hors le bord de mer, la ville est tout à fait quelconque. Seul le port de pêche vaut le déplacement, pour son alignement de bateaux tous peints en orange, pour ses poissonneries bien achalandées et surtout pour sa colonie de lions de mer qui se prélasse sur les quais à quelques mètres des promeneurs qui pourraient même descendre les caresser. A leurs risques et périls !


    Pause-déjeûner


    Une addition salée

    Le lac d’Epecuén, à 350 km au Sud-Ouest de Buenos Aires, est le dernier et le plus bas d’une série de lacs salés. S’il est alimenté par les autres, rien ne s’en déverse. En période de faible pluviosité, sa salinité augmente jusqu’à près de 400g/litre, soit 4 fois celle de l’eau de mer et davantage que les 275g/l de la Mer Morte. Comme pour cette dernière, on y attribue des propriétés thérapeutiques, et le thermalisme s’est fortement développé sur les rives du lac dès le XIXe siècle. Une ville thermale entière a même été construite pour l’occasion, connaissant son apogée vers les années 1980 avec près de 5000 chambres d’hôtel, environ 250 complexes hôteliers et commerciaux, et plusieurs dizaines d’établissements thermaux. Le problème, c’est que cet essor s’est produit dans une période inhabituelle de faible pluviosité et de stabilité du niveau du lac. Lorsque le climat est retourné à la normale, le niveau de l’eau a commencé à remonter dans la série de lacs et surtout dans celui d’Epecuén, le dernier de la chaîne. On a bien sûr installé des digues pour protéger la ville, mais un jour de forte tempête, en 1985, tout a explosé et l’eau s’est mise à envahir la ville. Avec un niveau de 2 mètres, il a fallu évacuer tout le monde en 1 semaine. La population pensait en avoir pour quelques semaines avant que l’eau ne redescende, mais ça a été le contraire. La forte pluviosité se maintenant, le niveau a grimpé pendant encore 8 ans, jusqu’à 10 mètres, engloutissant cette fois toute la ville. C’est seulement à partir de 2006, grâce à une période de relative sécheresse, que l’eau a commencé à se retirer, laissant les dégâts qu’on imagine après vingt années passées dans une eau hypersalée. C’est ce triste spectacle que l’on peu contempler aujourd’hui, un vrai paysage de guerre mais avec pour seul ennemi la nature. Dès l’entrée dans la ville en ruines par sa rue principale, un panneau en montre une photo en pleine et joyeuse activité un peu avant l’inondation. D’autres bâtiments sont présentés ça et là de façon similaire. Le thermalisme n’a pas disparu pour autant, l’activité a repris dans la ville d’où elle était partie, à quelques kilomètres de là.


    Fantôme mais gratuit

    Guanacos gambadant librement dans la pampa
    Guanacos gambadant librement dans la pampa

    Nous sommes partis pour une grande traversée de la pampa, des espaces immenses parfois cultivés mais le plus souvent simplement couverts de buissons ras. Les très longues lignes droites pourraient paraître monotones, notamment en l’absence de toute construction, les villes ou villages étant volontiers éloignés d’une centaine de kilomètre, mais la vigilance nécessaire pour la conduite, un profond nid-de-poule pouvant survenir à tout moment, fait que l’on ne s’ennuie pas. La circulation elle-même est rare, à tel point que plusieurs des quelques véhicules que nous avons croisés nous ont salué d’un petit appel de phares, à la manière de randonneurs qui se disent bonjour. Il nous est arrivés une ou deux fois de rencontrer des guanacos, sortes de lamas sauvages, d’éviter de justesse un volatile ou un tatou qui traversent la route, mais sinon la faune est plutôt rare. Nous choisissons de faire étape pour la nuit à l’entrée d’un parc national. Arrivés au centre des visiteurs, le parking est désert. Les locaux également. Un fléchage nous guide vers des formulaires d’auto-enregistrement à remplir et mettre dans l’urne, en indiquant éventuellement le sentier de randonnée que nous pourrions prendre le lendemain. Une affaire de sécurité principalement, encore que s’il n’y a personne… Un camping est disponible à côté, mais les sanitaires sont fermés et nous ne l’utiliserons pas. Au final tout ça est gratuit … mais pas utilisé ! Nous ne saurons pas si les sentiers du parc en valaient la peine, repartant dès le lendemain matin, mais nous aurons passé une nuit plus que tranquille. Sans voir âme qui vive.


    Neuquén et le mystère du chat noir

    Une fois de plus, nos guides auront péché par excès d’optimisme, confondant peut-être la ville avec la région qui l’entoure. Car Neuquén est principalement, pour nous en tout cas, la porte d’entrée en Patagonie, cette immense région du Sud de l’Argentine dont nous attendons beaucoup. Certes la ville est réputée riche en espaces verts, mais nous laisserons volontiers ces derniers aux citoyens heureux de se dégourdir les jambes une fois sortis de leur habitat en béton. Les boutiques n’ont rien de plus qu’ailleurs. Les musées que nous souhaitions voir n’ouvraient curieusement que de 18 à 21h. Nous replierons vite bagages (une façon de parler car tout est déjà dans Roberto) et reprendrons vite notre route après une courte visite en ville. Nous retiendrons tout de même cette histoire de l’Amphithéâtre du Chat Noir, que vous découvrirez dans le carrousel ci-dessous.


    Notre traversée de la pampa humide est terminée. Nous allons maintenant nous rapprocher de la Cordillère des Andes et explorer la Patagonie. En général, les montagnes nous vont plutôt bien. A confirmer au prochain épisode !