137. Roumanie

Tout comme pour la Bulgarie, nous n’avons que quelques clichés en tête avant de découvrir ce pays : austérité liée au passé communiste, dictature de Ceausescu, insécurité, roms, faible niveau économique, manque d’intérêt touristique. Eh bien tout ça va tomber en flèche : nous avons découvert un pays contrasté, avec des villes modernes et des campagnes rustiques, une population accueillante et serviable, quelques pépites touristiques malgré la basse saison et le climat froid qui nous a accompagnés tout du long et provoqué quelques frayeurs avec Roberto.

Parcours en Roumanie
Notre parcours en Roumanie, zoomable ici

On attaque fort d’emblée

Hasard de la route, la première ville roumaine d’importance sur notre parcours se trouve être la capitale, Bucarest. La température est aussi basse et le ciel est aussi gris qu’en Bulgarie, mais au moins il ne pleut plus. La ville est très encombrée, les voitures stationnent volontiers en double ou triple file et même sur les trottoirs. La circulation se fait au pas et à coups de klaxon. Nous arrivons à nous faufiler jusqu’à un parking en plein centre, bien situé donc, et où nous pourrons passer la nuit. Parfait ! Depuis Roberto, nous avons vue sur une belle église orthodoxe, par laquelle nous allons commencer notre visite. Richement décorée comme toutes les églises orthodoxes. Alors nous partons voir si la synagogue voisine – c’est assez rare de pouvoir en visiter – tient la comparaison. Eh bien finalement oui, jugez-en sur les photos. Bucarest a été appelée autrefois le petit Paris, pour ses grands boulevards bordés d’immeubles de style néoclassique, ses multiples statues et son arc de triomphe. Nous trouvons en effet pas mal de bâtiments haussmanniens, mais bon nombre sont décrépits, leur piteuse mine étant encore aggravée par le ciel assombri.


Le palais du parlement le plus lourd au monde

En construction depuis 1984, sous le régime communiste dictatorial de Ceausescu, ce palais initialement baptisé palais du peuple a été rebaptisé palais du parlement, ce qui est plus juste car pendant que des milliards de dollars étaient dépensés pour le bâtiment, le pauvre peuple subissait des pénuries de nourriture, d’électricité et de gaz tandis que 9000 de leurs maisons ont été démolies. Avec 9 étages au-dessus ET au-dessous du sol, 1100 pièces, des milliers de places dans des bunkers au sous-sol, c’est actuellement le bâtiment le plus lourd de la planète. Ces tristes records ne nous ont pas incités à nous lancer dans une visite, qui aurait été très encadrée bien sûr.


Camping artistique

Deux musées étaient au programme avant de quitter la capitale et n’ont pas pu être visités : le premier parce qu’ouvrant beaucoup plus tard que prévu et le second parce qu’après avoir tourné ¾ d’heure dans son quartier, nous n’avons pas trouvé une seule place de stationnement. Dommage pour la ville et dommage pour nous. Alors nous filons au nord et décidons de nous arrêter dans un camping pour recharger la batterie cellule qui n’aime pas trop quand nous stationnons trop longtemps au même endroit. Nous jetons notre dévolu sur un petit camping en rase campagne, que nous trouvons portes closes. J’ai mis le pluriel parce que des portes, il y en a partout, insérées dans la clôture et joliment colorées. Le temps que nous prenions quelques photos, le gérant sort d’un restaurant 200m plus loin et nous rejoint. Pas de problème, il nous ouvre le portail et nous fait la visite des lieux. L’endroit est parsemé d’œuvres d’art, relativement simples mais de bon goût. Nous apprécions. Nous serons les seuls, mais rien d’étonnant pour un mois de novembre. Enfin pas tout seuls, car une gentille chienne toute frisée et aux beaux yeux bleus reste à nos côtés. Nous pensions que c’était pour nous tenir compagnie, mais nous saurons un peu plus tard qu’elle restait là pour s’occuper de sa récente portée, de moins d’une semaine manifestement. La nuit est évidemment très tranquille au milieu de nulle part et nous repartons le lendemain, les pleins d’eau et d’énergie faits.


Bonne mine

Nous faisons étape à Slanic, une ville de Moldavie connue pour sa mine de sel, apparemment la plus belle de Roumanie. A l’approche du lieu, nous passons devant le chevalement caractéristique et embarquons dans un minibus qui va nous conduire dans des boyaux étroits à 210 mètres de profondeur. Le reste de la visite se parcourt à pied, d’abord en longeant un couloir tout de sel vêtu, puis en pénétrant dans une salle incroyable dont les parois parfaitement lisses montent jusqu’à 70 mètres de hauteur. Les strates de sel y dessinent de jolies arabesques. Des escaliers au milieu des murs ne rejoignent ni le sol ni le plafond, témoignant des niveaux successifs de l’exploitation depuis 1943. Une nappe d’eau entoure une sorte de cascade formée de stalactites de sel que rejoint un petit pont, procurant un reflet photogénique. Comme dans la mine que nous avions visitée en Turquie, des tables de pique-nique sont disposées un peut partout. Mais là, l’espace est tellement généreux que l’on trouve aussi une église, un minigolf, un planétarium, des tables de ping-pong et des espaces de jeux avec châteaux gonflables pour les enfants. Nous nous contentons de déambuler dans cet espace immense et impressionnant, avant de reprendre le chemin du retour. A la surface nous attendent bien entendu des vendeurs de sel sous toutes ses formes et les habituels stands de souvenirs et de nourriture.


Le Château de Peles

Entre 1881 et 1947, la Roumanie connut une période de monarchie. Parmi ses dirigeants, le roi Carol 1er décida de se faire construire une résidence d’été près de la station de montagne Sinaia. Ayant goût pour le luxe et apparemment les moyens, il fit ériger un château parmi les plus modernes de l’époque. Il fut le premier château d’Europe à bénéficier de l’eau courante et de l’électricité. Avec un architecte allemand, les extérieurs sont de style germanique, mais cachés le jour de notre passage par des échafaudages. Quant à la décoration intérieure, elle est bien évidemment somptueuse et les visiteurs se pressent pour l’admirer. Pas de chance là encore, nous étions là un dimanche, le jour le plus chargé de la semaine, et il fallait jouer des coudes pour déambuler parmi les nombreuses pièces du château. Tout en ne prenant pas trop de temps pour les admirer afin que les suivants puissent en profiter. Heureusement, il nous reste les photos pour revoir ça en mode débriefing.


Ah oui quand même !


Le fils du dragon

Ne cherchez pas trop loin, c’est comme ça que se traduit Dracula du Roumain au Français. Car oui, nous sommes en Transylvanie, région qu’il est difficile de traverser sans voir le moindre portrait ou la moindre allusion au personnage maléfique de l’auteur irlandais Bram Stoker qui lui-même n’a jamais mis les pieds en Roumanie. L’écrivain s’est inspiré pour son roman à la fois d’un prince local de triste réputation, appelé Vlad III dit l’empaleur et de légendes du folklore local évoquant des vampires. Le premier, fils de Vlad II dit le dragon, avait la triste réputation d’infliger le supplice du pal à ses prisonniers de guerre, voire d’en boire le sang, ce qui faisait parfaitement le lien avec les secondes. La Roumanie exploite à fond le mythe, des gadgets chinois jusqu’aux portraits sur les T-shirts en passant par les enseignes des boutiques et surtout le château de Bran. Celui-là a pour comble de n’avoir jamais reçu ni la visite de Vlad l’empaleur ni bien sûr celle de l’auteur irlandais tout en recevant chaque année plusieurs centaines de milliers de visiteurs sur la base d’une simple ressemblance avec la demeure du comte Dracula décrite dans le livre. Nous nous sommes contentés d’une photo.


En Roumanie il faut des RON


Brasov

Comme un certain nombre de villes que nous allons voir en Roumanie, Brasov possède un centre médiéval bien conservé possédant l’architecture des Saxons qui l’occupaient à cette époque. Outre les remparts et les classiques rues pavées, la richesse des habitants d’alors permit de construire de somptueuses maisons aux tons pastel et des églises luxueusement décorées. Parmi celles-ci, l’Église Noire doit son nom à l’incendie qui a assombri ses murs en 1869. L’extérieur a manifestement été nettoyé depuis. Difficile de savoir pour l’intérieur qui était inhabituellement fermé lors de notre passage. Le cœur de la ville est la place du Conseil, centrée par la maison éponyme qui ressemble à une église avec sa tour de 48 mètres, mais qui abritait autrefois les réunions du conseil, une assemblée de 100 citoyens qui dirigeait la cité.


Le Roumain, une langue latine ?

Déroutés par les caractères cyrilliques utilisés en Bulgarie, nous découvrons avec plaisir que les Roumains utilisent l’alphabet latin, avec quelques cédilles ou accents supplémentaires par rapport au nôtre. Cela vient de l’époque ou l’empire romain a occupé les rives du Danube au 1er siècle ap. J.-C. Mais tandis que les autres pays conquis dans cette région ont récupéré leur langue slave après le départ des Romains, la Roumanie a gardé cette langue. Avec pas mal de termes communs, elle est parait-il assez facile à apprendre par les Français. Quand nous entendons les Roumains nous dire merci ou pardon, ce n’est pas parce qu’ils font l’effort de nous parler Français, mais juste parce que les mots sont les mêmes dans les 2 langues !


L’église fortifiée de Prejmer

Voilà un concept nouveau pour nous : l’église fortifiée, ces deux termes ne nous semblant pas aller de pair au premier abord. Nous apprenons que cette région de Transylvanie a dû au XIIIe siècle se protéger des invasions régulières ottomanes et tatares. Tandis que les grandes villes pouvaient s’entourer de remparts, les plus petites n’avaient d’autres moyens que de protéger leur église par des murs épais aménagés de multiples pièces pour que la population puisse vivre en autonomie jusqu’à la fin de la menace. On y trouve ainsi des habitations, des ateliers d’artisans, des écoles, des greniers à provision, etc. L’église fortifiée de Prejmer serait la plus belle de la région qui en compte plus d’une dizaine.


Point of (no) view


Les plats-pays

Oui je suis vraiment une brèle pour vous proposer un jeu de mots pareil. Vous l’avez compris, nous allons évoquer la cuisine roumaine. Comme souvent dans les pays d’Europe centrale, les plats reflètent l’influence des multiples envahisseurs qui se sont succédé. Le nom change mais le gras mélange de viande hachée turque se retrouve dans des boulettes ou des saucisses, le yaourt et le fromage sont aussi utilisés que chez les Grecs, les légumes servis en entrée ou dans une soupe généreuse comme en Turquie, tandis que les desserts fourrés aux pommes viennent de chez les Austro-Hongrois. Nous n’avons fréquenté que 2 ou 3 restaurants au cours de nos 2 semaines dans le pays, retrouvant avec plaisir une cuisine de qualité sans pour autant être exceptionnelle.


Sighişoara et le chemin des écoliers

Cette ville transylvanienne de 28 000 habitants est encore un bel exemple de cité médiévale bien conservée. Elle est inscrite pour cela au patrimoine mondial de l’Unesco. Nous nous régalons encore une fois de ces ruelles pavées bordées de maisons multicolores très stylées, nous grimpons comme les étudiants jusqu’au lycée situé en haut de la colline, juste pour tester le superbe escalier couvert qui y amène. Depuis 1642, les lycéens grimpent et redescendent les 175 marches de l’ouvrage, pour le plus grand bonheur des profs d’EPS de l’établissement.


Point de fuite

Ce n’est pourtant pas la première fois qu’il fait 6 degrés au-dessous de zéro alors que nous sommes dans Roberto. Nous avons, comme en pareil cas, simplement laissé ouvert le tuyau d’évacuation des eaux grises, contenues dans le seul réservoir qui pourrait geler parce que situé sous le véhicule. Mais en pleine nuit, Claudie est réveillée par le bruit continu de la pompe à eau. Réveillé à mon tour, j’éteins la pompe afin qu’elle ne grille pas, puis teste les robinets et réservoirs, constatant malheureusement que plus rien ne coule. Nous pensons qu’à un endroit de la glace a du se former et décidons d’attendre la journée du lendemain, prévue avec des températures positives. En attendant, nous faisons quelques réserves d’eau dans des poches souples pour nos besoins quotidiens. Mais le soir, alors que je relance la pompe, Claudie me dit qu’une grosse fuite apparaît sous Roberto, en regard de l’un des deux réservoirs, bizarrement pas celui qui est en service. Je ne comprends plus rien et nous décidons de nous rendre le lendemain chez un réparateur de véhicules de loisirs idéalement situé sur notre route à 1h30 de là, craignant qu’il faille refaire toute la tuyauterie gelée. Après quelques investigations, le gars très compétent trouve l’origine de la panne : le levier de la vidange antigel, dont j’ignorais totalement l’existence, s’est mis tout seul en position d’urgence. La « fuite » que nous constations sous Roberto, accentuée par l’enclenchement de la pompe, correspondait tout simplement aux réservoirs qui se vidaient. Donc zéro panne, point de fuite, moral remonté en flèche et, cerise sur le gâteau, zéro frais de réparation. Le technicien n’a rien voulu nous facturer, préférant en retour un commentaire positif sur Google. Ce que nous avons fait bien sûr. Moralité : même 3 ans et demi après, nous en apprenons encore sur le fonctionnement de Roberto.


Encore un monastère (Romanii de Jos, près d’Horezu)

Il est difficile de se lasser de ces monastères, toujours situés dans des endroits reculés, possédant toujours une ou plusieurs églises recouvertes de fresques à l’extérieur comme à l’intérieur, et toujours en activité. Même en dehors des heures de messe, les fidèles défilent toute la journée pour prier quelques instants devant les autels. Celui de Romanii de Jos, l’un des plus grands de la région, est entouré de belles montagnes aux couleurs automnales et les peintures sont magnifiques, restaurées grâce à l’intégration au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 1995. Ce sont toujours des scènes religieuses assez expressives, particulièrement celles du Jugement dernier à l’entrée de l’église centrale. Il faut dire qu’autrefois, on se servait beaucoup de ces fresques pour l’éducation religieuse de la population rurale souvent illettrée. Autant qu’elles soient expressives !


Les arbres peints

Au hasard de la route, nous rencontrons ce petit bois ne figurant sur aucun guide, dont tous les arbres ont le tronc peint de couleurs vives. Sous le soleil rasant automnal, l’effet est saisissant.


Târgu Jiu et l’élève de Rodin

Nous avons fait une brève halte dans cette ville sans grand intérêt touristique mais qui est connue des roumains pour avoir hérité de nombreuses œuvres du sculpteur Constantin Brâncusi, né dans un village voisin. Nous parcourons le parc où plusieurs de ses œuvres sont exposées, notamment la Porte du Baiser et la Table du Silence, censées rendre hommage aux morts de la Première Guerre Mondiale. Peu sensibles au style de l’artiste, nous cherchons à en savoir davantage. Nous découvrons qu’il a passé une bonne partie de sa vie en France, au point d’en acquérir la nationalité. Qu’il a produit quelques œuvres « sulfureuses » comme la sculpture appelée « Princesse X » censée être un portrait en buste de la princesse Marie Bonaparte, petite nièce de Napoléon, et retirée juste avant le passage du ministre au Salon des indépendants de 1920, vous comprendrez pourquoi en voyant la photo. Nous apprenons aussi que l’artiste une fois en France a fait un stage chez Auguste Rodin, dont il est reparti au bout d’un mois. A voir ses œuvres, rien d’étonnant. Nous sommes fiers d’avoir Rodin !


Les portes de fer

Sur 135 km, le Danube se rétrécit, emprisonné – d’où le nom – entre deux falaises appartenant au massif des Carpates roumaines au Nord et à celui des Balkans serbes au Sud. C’est le plus long défilé d’un fleuve en Europe et nous allons suivre ses moindres méandres en empruntant la route qui le longe. Le temps n’est pas trop de la partie et ne nous permettra pas de profiter au mieux du paysage et des couleurs de l’automne. Nous aurons tout de même le plaisir de faire une halte devant le gigantesque portrait du roi Décébale, aussi célèbre en Roumanie que l’est pour nous Vercingétorix (ils sont contemporains), taillé dans la roche à la manière des présidents du Mont Rushmore. Et puis une autre devant la forteresse de Golubac, côté Serbe, une ancienne centrale électrique fortifiée qui a résisté à plusieurs guerres mais pas aux ingénieurs serbes qui ont construit une route traversant l’édifice de part en part et un barrage sur le Danube qui fait que la forteresse a maintenant les pieds dans l’eau. La patrie n’est pas très reconnaissante !


Le Chocolat Dubai

Nous avions été intrigués en Turquie par toutes ces affichettes dans les vitrines des pâtisseries ou chocolateries, disant en gros « ici chocolat Dubai », termes parfois griffonnés à la hâte sur un bout de papier. Et puis en Bulgarie pareil. Et en Roumanie aussi. Alors nous avons fini par craquer pour ce chocolat au lait généreusement fourré à la pistache agrémentée de feuilletine pour un effet croustillant. Effectivement inventé par une pâtissière de Dubai, il a surtout été promu sur le réseau social Tik Tok par une influenceuse. Sa vidéo aurait été vue plus de 100 millions de fois depuis sa mise en ligne il y a un peu plus d’un an et depuis, tout le monde se l’arrache à des prix parfois démentiels (100 € la tablette sur Internet). C’est dingue le pouvoir multiplicateur des réseaux sociaux ! Alors victimes nous aussi du buzz, nous avons testé. C’est bon mais pas exceptionnel. Ça ne vaut pas à mon avis un bon baklava turc. Mais ce n’est que mon avis.


Timişoara et la révolution

Pour le coup, le nom de cette ville nous parlait. Nous nous rappelons précisément où nous étions au moment de la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989. Cet évènement a sonné le glas des régimes communistes en Europe, suscitant rébellions et évolution vers l’indépendance des ex républiques soviétiques. Pour la Roumanie, c’est à Timişoara que ça a commencé, le 16 décembre 1989, peu de temps après une réélection truquée du dictateur Nicolae Ceausescu. Ce dernier n’a pas hésité à ordonner à son armée de tirer dans les foules de manifestants. Cela n’a fait qu’attiser le mouvement de revendication qui s’est rapidement étendu à tout le pays. Alors que Timişoara se déclarait la première ville libérée, Ceausescu et son épouse prenaient la fuite à Bucarest le 22 décembre. Le 25, après un procès expéditif, ils étaient fusillés. Forcément, la ville n’est pas peu fière d’avoir été le berceau de cette révolution pour l’indépendance. Elle a aménagé un musée pour que les évènements ne sombrent pas dans l’oubli. Nous l’avons bien sûr visité.


Mais Timisoara est aussi une ville touristique que nous avons adoré parcourir. Parfois appelée « la petite Vienne », elle possède de nombreux bâtiments de la période austro-hongroise, mais cumule en fait de nombreux styles architecturaux aussi différents qu’exubérants. Nous avons apprécié aussi la grande cathédrale orthodoxe toute en briques, les grandes places bordées de maisons pastel, quelques œuvres d’art dans les rues et un intéressant petit musée gratuit du « consommateur communiste » accumulant dans quelques pièces nombre d’objets insolites que l’on est invités à manipuler tout comme à ouvrir les tiroirs des meubles pour explorer leur contenu.



Oradea, pour finir en beauté

C’est notre dernière étape en Roumanie. Nous sommes accueillis dès le parking par les « Nymphes d’Oradea », une méga peinture murale de 700 m² dans le style Art Nouveau / Mucha et représentant les 4 saisons. Une première approche artistique qui ne va faire que se confirmer au cours de notre visite de la ville qui aurait pour certains le titre de « plus belle ville de Roumanie ». De fait, c’est ici que nous avons rencontré la plus forte concentration de bâtiments de style, mêlant éclectisme, néoclassicisme et art nouveau de la sécession hongroise.

Il a juste manqué un peu de soleil pour rendre plus éclatantes les couleurs de ces édifices dans la vieille ville, mais lorsque l’astre est reparu alors que nous longions la rivière qui traverse la ville, des reflets fantastiques sont apparus dans l’eau. Si je n’avais pas mis mon photophone en mode silencieux, il en aurait crépité de bonheur.

Miroir ô miroir, dis-moi qui est la plus belle ?

Vous pouvez voter en saisissant un commentaire ci-dessous. Si vous êtes nombreux à participer, je mettrai le résultat du vote dans le prochain article qui concernera la Hongrie. A très bientôt !

136. Bulgarie

A part le yaourt, ce pays ne nous évoque pas grand-chose a priori. Bien qu’appartenant à l’Europe des 27, la Bulgarie ne fait pas trop parler d’elle. : pas de dirigeant encombrant comme ses voisins hongrois ou turc, pas de conflit politique ou religieux majeur. Le pays est d’ailleurs l’un des pays les plus sûrs d’Europe en terme de criminalité. Malgré tout, l’intégration n’est pas parfaite : la Bulgarie n’utilise pas l’euro et l’entrée dans l’espace Schengen ne s’est faite que le 30 décembre 2023, ne concernant pour l’instant que les frontières maritimes et aériennes. Nous avons hâte de découvrir à quoi ressemble ce pays si discret.

Parcours Bulgarie
Notre parcours en Bulgarie, en version zoomable ici

Passage de frontière

L’entrée dans le pays se fait plutôt rapidement, l’absence pour l’instant d’inclusion dans l’espace Schengen expliquant sans doute cela. A peine le temps de montrer nos passeports et la carte grise de Roberto, et nous voilà sur l’autoroute qui s’engage dans le pays. Plutôt en bon état et avec une limite de vitesse à 140 km/h, wouah ! Nous la quittons néanmoins assez rapidement pour la première petite ville, car nous avons besoin de retirer quelques « lev » dans un distributeur. Pas de commission, ça nous change des 8% prélevés par les banques turques ! Lev c’est la traduction de lion en bulgare, et c’est en rapport avec le lion qui figure sur le blason du drapeau national. Nous achetons aussi sur Internet une e-vignette nécessaire pour l’autoroute et, curieusement aussi, pour beaucoup de routes secondaires. Pour moins de 3,5 T (la longueur n’est pas prise en compte contrairement à la France) c’est 13 leva pour une semaine, 27 pour 1 mois et 91 pour 1 an. Si vous voulez convertir en euros c’est tout simple, il suffit de diviser par 2. Ça nous change de la division par 35 des lires turques ! Bon, nous prenons 1 semaine, ça suffira peut-être, le pays ne fait qu’un cinquième de la France.


Les points noirs et les yaourts

Nous sommes d’emblée déconcertés par l’écriture du Bulgare en cyrillique. Si ça n’est pas un gros problème sur les panneaux routiers puisque nous avons le GPS, c’est plus délicat pour les panneaux d’avertissement que nous n’avons pas le temps de faire traduire par nos téléphones. Et pour les enseignes des magasins, les noms des bâtiments, les produits des supermarchés et les menus des restaurants, je ne vous dis pas ! Nous rencontrons aussi quelques panneaux inhabituels, comme ce point noir sur un triangle à fond jaune apparaissant fréquemment. Un petit tour dans une supérette nous rassure d’emblée : retour du porc, des boissons alcoolisées et plus grande diversité des produits. Et puis au rayon des yaourts c’est l’évidence : ils sont tous bulgares !


Première visite

Le premier site touristique sur notre route est un monastère orthodoxe, celui de Batchkovo, le 2ème plus grand du pays. Après 3 mois de mosquées, ça change ! En outre, celui-ci est d’une beauté saisissante, avec son cadre bucolique, ses plaqueminiers*, ses multiples fresques couvrant la presque-totalité des murs et des plafonds des 2 églises, bien mises en valeur. Un schéma valant mieux qu’un long discours, regardez vite les photos ci-dessous.

* le plaqueminier est l’arbre qui porte les kakis, dont se servent les moines pour parfumer leur rakiya (eau de vie de raisin)


Plovdiv

Notre route nous amène ensuite à Plovdiv, la seconde ville de la Bulgarie après Sofia, mais plus touristique que la capitale parce que beaucoup plus ancienne. Avec ses 6000 ans, elle recèle de nombreux trésors dans son centre-ville aux rues étroites et irrégulièrement pavées enlaçant une colline. On y trouve des vestiges romains dont un bel amphithéâtre, des maisons bien conservées/restaurées datant de la période ottomane et de jolies demeures aux tons pastels construites au décours de l’indépendance du pays en 1908.

Plusieurs de ces maisons de la période ottomane se visitent, nous irons voir celle de la famille d’un riche marchand arménien, Stepan Hindliyan, magnifiquement conservée extérieurement comme intérieurement avec du mobilier d’époque.

Nous passerons aussi devant la maison Lamartine, baptisée en l’honneur de notre écrivain national qui pourtant n’y séjourna que 3 jours en 1833. Elle reçut également la visite de François Mitterrand en 1989, juste avant la chute du communisme. Sans cause à effet bien entendu !

Nous aurons l’occasion de découvrir l’artisanat bulgare, dominé par les produits dérivés de la rose, la poterie, la peinture et la dentelle.

Nous terminerons en beauté par la basilique épiscopale de Philippopolis, dont il ne reste plus que le sous-sol, mais quel sous-sol ! En fouillant le sol de cette vieille église du IVe siècle, on y a découvert en une quarantaine d’années 2000 m² de mosaïques remarquablement bien conservées, et tout aussi bien mises en valeur aujourd’hui. Aux côtés de classiques motifs géométriques, on trouve une centaine de représentations d’oiseaux, représentant 12 espèces différentes. Les artisans de l’époque devaient avoir de solides connaissances naturalistes !


Encore un monastère !

Après avoir vu le 2ème plus grand de la Bulgarie, il nous fallait impérativement rendre visite au n°1, le monastère de Rilla, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Datant du Xe siècle, à l’époque de la christianisation de la Bulgarie, maintes fois pillé et reconstruit, il est à la fois un haut-lieu de la spiritualité du pays, mais aussi un symbole de la résistance contre les Turcs, ayant hébergé de nombreux contestataires. Plus grand que celui de Batchkovo, il est aussi beaucoup plus visité, ce qui nuit à l’ambiance théoriquement recueillie de ce genre d’endroits. Et les fresques qui couvrent autant ses églises que celles de son petit frère sont bien moins mises en valeur à l’intérieur, l’éclairage faisant défaut. Vous l’aurez compris, nous avons préféré le premier monastère visité, mais celui-ci vaut quand même largement le déplacement, à prévoir en semaine peut-être.


Mignonne allons voir…

Autour de ce monastère très visité, les magasins de souvenirs abondent, ce qui permet de donner une idée de ce que produit la Bulgarie en matière d’artisanat. La rose est vraiment LA spécialité du pays, qui est le premier exportateur mondial d’huile de rose. Naturellement, l’industrie du tourisme exploite à fond le filon, avec boutiques roses présentant des cosmétiques, des savons, des huiles essentielles, des parfums, des flacons de pétales, des confitures, des tissus brodés, etc. le tout à base de roses ou sur ce thème.


Le monument aux cloches

A l’approche de Sofia, nous nous arrêtons pour la nuit près d’un monument un peu spécial. Lorsque l’ONU déclara que 1979 serait l’année de l’enfant, la fille d’un ancien chef d’état communiste souhaita ériger dans sa ville un monument en l’honneur de ces chérubins. En 30 jours, quatre colonnes de béton armé furent dressées (le style « brutaliste » de l’Est) et ornées de 7 cloches, une par continent. Et puis on invita chaque pays à fournir une cloche qui serait apposée sur les murs semi-circulaires à la base du monument, ainsi qu’un enfant pour former un parlement international. Dans les photos qui suivent, vous ne verrez pas les enfants qui ont sans doute bien grandi, mais plusieurs des cloches fournies par différents pays. Ce qui vous permettre d’apprécier l’importance qu’ils ont attribuée à l’évènement. Bien évidemment, c’est la Bulgarie qui a la pus grosse (cloche) pesant tout de même 1300 kg. Au total ce sont 133 cloches qui ont été fournies, régulièrement actionnées lors de certains concerts sur place, ce qui fait du monument le plus gros instrument à percussion du monde !


Oh l’escargot !

Toujours dans la banlieue de Sofia, nous allons jeter un œil à une maison très originale, construite sans aucun mur ni coin ni bord droit. C’est parce que son architecte a voulu lui donner une forme d’escargot. Et le résultat est aussi étonnant que réaliste. La maison serait en outre faite de matériaux légers et écologiques. Chaque détail anatomique du gastéropode a sa fonction : les cornes servent de cheminées, la ventilation interne s’évacue par les paupières et les yeux qui tournent sur eux-mêmes, la porte a été peinte pour représenter une bouche et à l’intérieur (qu’on ne peut malheureusement pas visiter) les radiateurs auraient la forme de grenouilles, coccinelles ou citrouilles. Sympa, non ?


Art socialiste

A l’approche du centre de la capitale se trouve un curieux musée, dont la description qu’en fait notre guide nous titille. Et sur place, les nombreuses statues dispersées dans le jardin de tous ces héros du socialisme confirment qu’il ne fallait pas rater cet endroit : il y a bien un « style socialiste ». À l’intérieur du bâtiment c’est autre chose : nous n’y trouvons qu’une petite exposition de peintures, représentant cette fois des ouvriers dans leurs différentes tâches. Nous restons sur notre faim. Nous avons vu mieux en termes d’expositions sur cette époque si particulière.


Une capitale assez terne

Nous n’avons consacré qu’une seule journée à la visite de Sofia, il n’en faut pas plus pour se rendre compte de l’ambiance assez terne qui y règne. Les immeubles datant de la période communiste sont tristes, les bâtiments publics sont massifs, les vitrines peu attrayantes. Seule la cathédrale orthodoxe Alexandre Nevski émerge un peu du lot avec ses belles coupoles dorées et son intérieur richement décoré. Sa voisine, l’église Ste Sophie, dont la ville a pourtant tiré son nom, parait bien pauvre avec ses murs de briques et son intérieur sobre.


Koprivchtitsa

Ce gros village de montagne, dont il est difficile de prononcer le nom correctement du premier coup, a eu l’honneur d’héberger ceux qui sont devenus des héros de l’insurrection contre les Turcs. Outre la libération et l’indépendance du pays, cela a eu pour conséquence la conservation de leurs maisons, de celles de leurs voisins et finalement de tout le village. Vieilles rues pavées, jolies maisons aux teintes vives et aux façades décorées, murs de pierre, charrettes hippomobiles : tout cela est visuellement agréable, même en cette basse saison où beaucoup de boutiques touristiques et de musées-maisons sont fermées. Charmant.


Necrologs

Voici une coutume qui étonne tous les occidentaux de passage en Bulgarie : sur de nombreuses portes de maisons et sur les murs publics sont placardées des affichettes qui ressemblent à nos avis mortuaires. A la différence près que l’on trouve ici des avis de décès remontant parfois à plusieurs années, ou encore des anniversaires de disparition. Tout cela volontiers accompagné d’un commentaire élogieux sur la vie des défunts. La coutume serait empruntée …aux occidentaux, qui s’en servaient autrefois pour annoncer publiquement la survenue d’un décès dans leur famille. Maintenant en occident, tout passe par la poste, le téléphone ou le courrier électronique. Mais les Bulgares ont décidé de poursuivre l’expérience, trouvant que la mémoire des défunts était mieux préservée ainsi. In memoriam bulgarorum.


Suivre les Thraces

Ce peuple de féroces guerriers vivait dans les Balkans entre le Ve et le Ier siècle av. J.-C. Souvent engagés comme mercenaires, à l’image de Spartacus, ils vivaient de façon très rustique. La délicatesse n’était pas leur tasse de thé. Et pourtant ils ont laissé quelques tombeaux finement décorés, comme ceux retrouvés autour de la ville de Kazanlak. Nous visitons l’un deux, en fait une copie du vrai qui est bien protégé à 20 mètres de là, les touristes étant ce qu’ils sont. Après être entrés par un petit couloir rocheux, nous pénétrons dans la chambre funéraire dont la coupole et à moindre degré les murs sont décorés d’une belle fresque. Qui représente d’après les experts la cérémonie funéraire où beaucoup de personnages s’activent autour du futur défunt et de son épouse. Est-ce que les autres tombes sont comme ça ? Avons-nous eu tort de zapper les autres tombes du coin qui n’étaient pas du tout sur notre chemin ? Allez savoir…


Conjuguée au mauvais temps

Le temps était gris et pluvieux lorsque nous avons visité Veliko Tarnovo, c’est pourquoi la « reine des villes », comme on la surnomme, ne s’est pas montrée à nous sous son plus beau jour. Construite sur des falaises qui surplombent les 7 méandres d’une rivière, l’ancienne ville semble bien entretenue par ses habitants. Rien que le fleurissement des balcons n’est pourtant pas la règle chez les Bulgares. Le charme de ses vieilles rues, de ses boutiques d’artisanat et de ses petits restaurants attire manifestement les touristes en saison. Mais il est bien difficile aujourd’hui de s’extasier devant des monuments fermés ou des paysages masqués par la brume. Il faudra que nous revenions, ne serait-ce que pour mettre un peu de couleur sur les photos ci-dessous.


Le beau Danube gris

Cette grisaille humide ne nous incite pas à rester sur place. Après un déjeûner au bord du Danube, qui est loin d’être aussi bleu que dans la valse la plus célèbre du monde, nous décidons d’emprunter le pont qui franchit cette frontière naturelle pour aller voir de l’autre côté si le climat roumain nous est plus favorable.

En attendant le prochain article sur la Roumanie, sauriez-vous donner le nom du film tout aussi célèbre qui a pour musique Le Beau Danube Bleu de Johan Strauss ?

A bientôt en Roumanie !

135. Istanbul

Notre grand tour de la Turquie touche à sa fin. Nous avons gardé la plus grande ville pour la fin essentiellement dans l’intention de partager la visite avec notre amie Françoise venue nous rejoindre depuis la métropole. Allons-nous retrouver dans la ville la plus occidentalisée du pays la Turquie que nous avons connue jusqu’ici ? Vous n’allez pas tarder à le savoir… La carte de ce parcours sera très simple puisque le dernier jour nous rejoindrons directement la frontière turco-bulgare.

Carte Istanbul - frontière turco-bulgare
Carte du dernier parcours en Turquie, en version zoomable ici

En route vers Roberto

Après avoir fait le plein d’amour et d’amitié lors de ce séjour hexagonal de 5 semaines, nous reprenons la direction de la Turquie à bord d’un avion de la Turkish Airlines, compagnie tout à fait recommandable. Ponctualité, bon service à bord, repas copieux pour un vol de 3h et 2244 km, couverts en métal et bouteille de vin en verre, vraiment rien à redire.

Un taxi nous fait traverser tout Istanbul dans une circulation très dense (la ville a été qualifiée comme la plus embouteillée du monde en 2021…) ce qui nous donne le temps d’apprécier le paysage, surtout à l’approche du quartier historique où les multiples mosquées se parent des belles couleurs de l’éclairage nocturne. Mieux vaut regarder à l’extérieur d’ailleurs plutôt que le chauffeur qui passe beaucoup de temps sur son téléphone portable tout en roulant. Malgré la précision de la géolocalisation, il n’arrive pas à trouver l’adresse de notre Airbnb et c’est notre hôte qui, prévenu de la situation, viendra à notre rescousse.

Oui, nous sommes en Airbnb pour une semaine, car notre amie Françoise vient nous rejoindre pour la visite d’Istanbul. C’est avec grand plaisir que nous partagerons avec elle nos découvertes.


La récupération de Roberto

Dès le lendemain de notre arrivée, nous partons récupérer Roberto à la douane. Nous pensions que l’affaire serait plus simple que pour la dépose (voir l’article précédent), mais ça a pris au contraire davantage de temps. Non seulement il a fallu reconstituer tout le dossier, avec les photocopies, les coups de tampons dans les différents bureaux des fonctionnaires qui sirotaient leur thé et grignotaient leur baklava. Et puis quelques compléments inédits où j’ai été mis à contribution : alors que j’étais au bureau 12, on m’a demandé d’aller dire au chef du bureau 1 un truc comme « Araaaatchiquitchi » en roulant bien le « r ». Étonnamment, ça a eu l’air de marcher puisque l’homme du bureau 1 a acquiescé, tout en esquissant un sourire. A se demander s’ils ne se sont pas fichus de moi, du genre demander à un Turc à l’ambassade de France d’aller dire au gardien « Pouet pouet camembert ». Un peu plus tard, on m’a demandé d’emmener la liasse de papiers à Monsieur (nom imprononçable) du bureau du fond. Je dois avoir un bon sens du mimétisme oral car ça a marché aussi. Quand enfin, après 75mn de formalités, on nous a remis les clefs de Roberto, j’ai cru que c’était fini. Mais non, impossible de sortir Roberto du parking, une grosse Mercedes garée devant lui bloque le passage. A ma grande stupéfaction, l’agent de sécurité du parking me demande de photographier le numéro de dossier figurant sur le pare-brise de la Mercedes, puis d’aller récupérer moi-même sa clef au « bureau du fond ». Opération faite en deux temps car la feuille portant le fameux numéro avait glissé à moitié sous le tableau de bord et le numéro ne correspondait pas initialement. A mon encore plus grande stupéfaction, on me demande de déplacer moi-même la Mercédès !!! Je n’aurais pas trop aimé que n’importe qui en fasse de même avec Roberto ! Finalement, c’est un employé qui s’y colle et je sors enfin du parking de la douane au volant de notre compagnon à 4 roues. Ouf !


La visite d’Istanbul

Pendant 4 jours, nous allons arpenter avec Françoise les rues de la ville, parcourant 10 à 15 km par jour tout en empruntant régulièrement les transports en commun, des minibus au métro en passant par les bus classiques et les ferries. Une carte rechargeable unique valable sur presque tous les transports urbains, bateaux compris, facilite bien la tâche. Car oui, la ville est très étendue. Même si les principales attractions sont dans le quartier historique où nous logeons, de nombreux points d’intérêts se trouvent dans d’autres quartiers, voire dans un autre continent… En effet, Istanbul s’est développée de part et d’autre du Bosphore, ce bras de mer qui sépare l’Europe de l’Asie. Prendre un ferry pour passer d’un continent à l’autre en une dizaine de minutes est une expérience intéressante, tout en permettant d’observer le ballet incessant des navires de toutes tailles qui se croisent sur la frontière.

La ville elle-même est assez différente de celles que nous avions pu visiter en Turquie jusqu’ici. Par son animation et sa circulation dense, par le nombre important de ses points d’intérêt, par la modernité de certains quartiers. Mais l’esprit de la Turquie est bien là, comme le remarque davantage que nous notre amie Françoise qui vient ici pour la première fois : l’islam est très présent avec les multiples mosquées, les appels à la prière qui se répondent en écho 5 fois par jour, une partie des femmes voilées, le croissant sur les drapeaux rouges qui flottent partout. Côté boutiques, difficile de ne pas passer à côté d’un kebab, d’un vendeur de simit (sortes de bretzels en forme de donut…), d’une pâtisserie orientale, d’un restaurant aux coussins colorés, d’une vitrine de bijoutier débordante de colliers ou bracelets en or très jaune, d’un presseur de jus d’orange ou de grenade, d’un marchand de tapis ou de souvenirs parmi lesquels le bon œil turc bleu et blanc, celui qui protège contre le mauvais, est rarement absent.

Istanbul étant la seule ville de l’Europe est-orientale à être « envahie » par les petits motifs céramiques de l’artiste Invader (dont j’ai déjà parlé dans le blog), et Françoise en étant une passionnée – c’est elle qui nous en a parlé la première fois – nous décidons de faire de cette recherche notre fil rouge pour visiter une partie de la ville. Munis de la carte qui localise avec une précision toute relative les œuvres, nous empruntons des rues moins connues des touristes et faisons des découvertes intéressantes. Onze petits « Invaders » correctement localisés déclencheront le jingle caractéristique et le bonus de points sur les téléphones de Claudie et Françoise.

Les quelques carrousels de photos glissés entre les paragraphes vous permettront d’avoir une petite idée de la variété de nos découvertes et peut-être de glaner quelques informations ça et là en vue d’un prochain séjour.


Clap de fin

Tandis que Françoise reprend son avion pour la France, nous rejoignons rapidement la frontière turco-bulgare. Nous avons en effet dépassé de 2 jours la période de 90 jours autorisée pour Roberto, ce qui entraîne généralement l’octroi d’une amende. Celle-ci devrait rester raisonnable pour ce modeste dépassement, mais à plus d’un mois, on peut vous réclamer 20 à 25% de la valeur de votre véhicule ! C’est aussi généralement à la douane de sortie du pays que l’on vous fait payer les éventuelles contraventions pour excès de vitesse ou stationnement irrégulier. C’est donc un rien inquiets que nous nous présentons à la douane, mais au final, bonne surprise, rien ne nous sera demandé. Peut-être que le séjour en « fourrière » aura été décompté de la période de validité ? Peut-être que les multiples caméras contrôlant la vitesse moyenne sur des dizaines de kilomètres sont plus tolérantes que je ne le pensais ?

Quoi qu’il en soit, nous quittons blancs comme neige la Turquie, ce beau pays qui nous aura conquis par bien des aspects, notamment par l’accueil chaleureux de ses habitants, la diversité et l’exotisme de ses paysages, la facilité de garer Roberto un peu partout.

A bientôt en Bulgarie !

134. Izmir-Istanbul

Notre parcours turc se termine par le Nord-Ouest, où nous allons refranchir la frontière Asie-Europe en traversant le Bosphore. Nous avons gardé la visite d’Istanbul pour la fin, à la fois pour se synchroniser avec l’arrivée de notre amie Françoise qui partagera nos découvertes, mais aussi pour faire un sas de décompression, la ville étant réputée comme la plus européenne des villes de Turquie. Mais n’allons pas trop vite, il nous reste un peu de chemin à parcourir et aussi une petite escapade en France avant d’aller explorer la vie stambouliote.

Parcours Izmir-Istanbul
Notre parcours d’Izmir à Istanbul, en version zoomable ici

Izmir ou le début de l’automne

Voilà plusieurs semaines voire plusieurs mois que nous bénéficiions d’un soleil continu, jugé parfois trop généreux même, et le temps grisâtre du jour nous rappelle que les meilleures choses ont une fin, que l’automne se rapproche. Ce qui va d’autant plus s’accélérer que nous avons repris une route globalement nord-ouest pour revenir vers la France en début d’année prochaine. Alors les photos s’en ressentent, le contraste chute, la Mer Méditerranée pourrait être rebaptisée la Mer Noire.

Izmir n’a rien d’exceptionnel, ou alors c’est nous qui commençons à saturer de la Turquie. Le bazar nous semble assez banal, l’architecture aussi. La ville aurait été reconstruite après un gros incendie sur les plans de 2 architectes français, les frères Danger (j’ai d’ailleurs failli intituler ce chapitre « La ville de tous les Danger ») mais la patte francophone n’est pas flagrante. Après une grosse demi-journée sur place, nous filons vers la cité phocéenne turque, Foça.


Foça

Les phoques qui ont donné leur nom à la ville (autrefois Phocée) sont en voie d’extinction, seule l’histoire de cette ville fondée par des Grecs entre le Xe et le VIIIe siècle av. J.-C. persiste. Ce peuple possesseur d’un tout petit territoire a fondé des colonies dans toute la Méditerranée orientale, cherchant à exploiter des richesses naturelles ou stratégiques. C’est ainsi qu’ils ont fondé Marseille en 600 av. J.-C. Le vieux port de Foça a  moins de charme que son homologue marseillais, mais la jolie baie et le retour du soleil nous en ont donné une impression agréable. 


La presqu’île d’Erdek

Totalement oubliée de notre guide et presque autant des touristes, la presqu’île d’Erdek située au sud de la Mer de Marmara est pourtant un petit joyau. Couverte d’une forêt manifestement recomposée après un incendie (espèces variées alternées régulièrement), elle se parcourt en empruntant une route côtière qui en épouse tous ses contours, découvrant au détour d’un virage de larges baies habitées comme d’intimes petites plages sauvages. C’est sur l’une d’elle que nous passerons la nuit. Et c’est purement par faute de temps que nous n’avons pas pu prolonger l’expérience. En effet, nous avons un avion à prendre à Istanbul dans quelques jours.


Question de culture


Première autoroute

La circulation dans la banlieue d’Istanbul est réputée difficile et c’est peut-être le seul endroit de Turquie où les autoroutes – qui ne sont pas dans nos habitudes, notre GPS étant même réglé pour les éviter – sont particulièrement conseillée. Seulement voilà, on lit partout qu’à de rares exceptions près, aucun poste de péage n’accepte autre chose que le télépéage, et qu’il faut donc se munir d’une carte magnétique rechargeable qui sera débitée à chaque passage. La carte s’achète, ne riez pas, dans les bureaux de poste. Nous tentons notre chance à Bandirma, juste après notre presqu’île de rêve. Nous avons beaucoup de mal à nous faire comprendre de l’employé qui ne parle pas plus Anglais que nous Turc. Heureusement, un jeune guinéen a reconnu notre accent et s’est proposé de nous aider. Nous obtiendrons finalement la précieuse carte, chargée d’environ 20€ (on nous a dit que c’était suffisant pour les 250 km qui nous séparent d’Istanbul) et partons de suite la tester.

Au premier poste de péage, le feu passe au vert : parfait. Au suivant, même succès, l’écran affiche en outre le montant débité (environ 5 €). Nous imaginons que le poste précédent n’était que l’enregistrement du point d’entrée. Nous continuons. Mais au péage suivant, juste avant un grand pont, le feu reste au rouge et la barrière baissée. Nous sommes sur l’une des files les plus à gauche de ce péage qui comporte une dizaine de postes. Ça klaxonne derrière nous. Un employé nous fait comprendre que nous n’avons pas assez sur notre carte, et qu’il nous faut reculer et passer par le poste 1, le plus à droite. Vous imaginez la manœuvre, reculant puis traversant la quasi-totalité des files de voitures se précipitant sur nous, peu fair-play comme la majorité des Turcs d’ailleurs. Nous apprenons que le prix de passage du pont, environ 34 €, est effectivement bien supérieur au solde de notre carte, mais que nous pouvons payer cette somme en espèces comme en carte. Ce qui va nous donner l’occasion de découvrir que dans tous les péages suivants, la file de droite donne cette possibilité. « On » nous a raconté n’importe quoi, comme d’habitude.


À l’approche d’Istanbul

Nous trouvons un bivouac pour la nuit dans un endroit tranquille et nature, à quelques dizaines de kilomètres de l’aéroport Havalimani, l’un des trois d’Istanbul, situé au nord de la ville. Un peu de repos nous fera du bien, car demain, c’est journée administrative : il va nous falloir trouver un parking pour laisser Roberto pendant nos 5 semaines françaises et faire ce qu’il faut pour être en règle avec l’administration douanière. Et ça ne va pas se passer du tout comme prévu !


Interdiction d’abandonner son véhicule de compagnie

(ou le dernier roman de l’été)

Ce n’est pas la première fois que nous nous interrompons temporairement notre voyage pour faire un petit saut familial en France. A chaque fois nous avons pu trouver sans difficulté un lieu sécurisé pour laisser Roberto pendant ce laps de temps. Mais pour Istanbul, ça s’avère un peu plus compliqué. Les quelques parkings que nous avons trouvés ne répondent pas à nos mails. Claudie lance alors un appel sur un groupe Facebook de francophones en Turquie et recueille des avis très contradictoires. Mais parmi ceux-ci, plusieurs nous mettent en garde sur le risque d’amende importante (25% de la valeur vénale !) si l’on quitte le pays sans son véhicule en négligeant la déclaration aux douanes. On nous parle même de devoir laisser Roberto directement à la douane, dans une sorte de fourrière. Mais qui croire ?

De passage à Antalya, nous nous arrêtons à la douane de l’aéroport pour leur poser la question. Pas de problème, nous disent-ils, faites la déclaration aux douaniers le jour de votre départ. Même à 6h du matin ?, nous inquiétons-nous. Oui, pas de problème, le service fonctionne jour et nuit, assurent-t-ils.

Sur la route de l’aéroport nord d’Istanbul, celui prévu pour notre départ dans un peu plus de 48 heures, nous nous arrêtons à l’un des parkings longue durée que nous avions repérés. Aucun problème, ils peuvent nous prendre pour environ 2 € par jour. C’est déjà ça. Reste à confirmer que les douanes acceptent.

Nous poursuivons jusqu’à la douane de l’aéroport. Nous expliquons notre situation à grands renforts de Google Traduction (l’Anglais des douaniers est très limité, mais c’est tout sauf un reproche), et ils nous renvoient à la douane de l’aéroport Atatürk, tout au sud d’Istanbul, à 56 km de là… Ok…

Une heure et un déjeuner plus tard, nous entrons dans notre 3ème douane depuis Antalya. Après que nous ayons de nouveau expliqué notre situation, on nous confirme qu’il faut bien laisser notre véhicule chez eux et qu’il faut remplir une attestation sur l’honneur certifiant, entre autres, que personne ne conduira Roberto en notre absence. Nous demandons un modèle, on nous envoie vers le service de photocopies …qui nous photocopie effectivement l’imprimé à remplir. Évidemment, tout est en Turc, mais avec l’application de Google nous nous en sortons à peu près. Nous revoyons l’employé des photocopies car il faut joindre des copies du passeport, de la carte grise et de l’assurance de Roberto. Nous lui demandons au passage de vérifier notre attestation. Il nous corrige une date et nous indique dans un anglais approximatif que nous devons faire tamponner tout ça au bureau 15, puis au bureau 12, puis au bureau 14 avant de revenir lui faire photocopier les documents une fois tamponnés.

Un peu plus d’une heure plus tard, nos documents sont validés, on nous envoie vers un dernier bureau, sans numéro celui-là. L’ambiance est joyeuse. Les employés se taquinent pour savoir à qui incomberait de traiter notre dossier. L’un d’eux nous prend finalement en charge, tape deux ou trois trucs sur son ordi. Et nous demande les clefs de Roberto. Claudie et moi nous regardons interloqués. Nous sortons vite le traducteur pour expliquer que nous voulions juste faire les papiers, mais que nous ne déposerons notre véhicule que le surlendemain, juste avant de prendre notre avion. L’employé nous ramène alors au premier bureau qui nous avait renseigné. L’homme prend la liasse avec tous les tampons dûment récoltés, écrit une petite phrase en bas et me demande de signer… Le traducteur confirme hélas nos craintes : il nous faut annuler la procédure, elle ne peut se faire que le jour du dépôt effectif du véhicule. Je n’ai pas d’autre choix que de signer, faute d’être à la rue pendant 2 jours, la précieuse liasse qui disparaît à tout jamais de notre vue.

Et donc deux jours après, nous revoilà dans cette fameuse douane. Cette fois nous filons directement au service de photocopie, enchaînant les bureaux 15 et 12, puis directement à celui sans numéro, sans passer par le 14, ça s’améliore on dirait. En 15 mn, nous avons fait le même parcours que l’avant-veille en une heure. Nous sommes presque heureux de donner la clef de Roberto quand on nous la demande, pensant être tout près de la fin. Mais non, l’employé nous rend la clef après y avoir collé une petite étiquette avec un numéro et nous tend une feuille de papier. Il nous mime qu’il nous faut apposer la feuille derrière le pare-brise et conduire notre véhicule à l’intérieur de l’enceinte de la douane. Nous nous exécutons, j’abandonne Claudie près du portail avec les bagages et je poursuis seul les démarches. Je conduis Roberto dans une zone clôturée où il est le dernier à entrer. Chaque véhicule qui voudra sortir nécessitera que le nôtre soit déplacé. Un état des lieux est rempli, comme pour une location et puis j’abandonne avec sa clef notre compagnon à 4 roues, batterie cellule débranchée, frigo vidé et tous bien précieux soit pris avec nous soit laissés au coffre.

Mais ça n’est pas encore fini. La liasse s’est enrichie de l’état des lieux, et il faut donc tout refaire tamponner aux bureaux 14 et 8, tout faire rephotocopier, tout faire valider au bureau sans numéro qui nous renvoie vers le bureau 12. Là, on me tend comme seule preuve de mon dépôt la 3ème copie toute pâle et toute mince de l’état des lieux, me disant que c’est ça qu’il faudra que je présente lors de la récupération de mon véhicule. Pris dans le vertige des numéros, je demande à quel bureau il faudra que je m’adresse. Et là, je n’oublierai pas le sourire ironique et la réponse qui tue de l’employé, balayant d’un bras tout le couloir : « A n’importe quel numéro ! »


Mariage à la turque

Nous avons passé notre dernière nuit avant de déposer Roberto sur le parking d’une salle de mariage. Ces établissements sont en grand nombre dans les périphéries des villes, laissant augurer soit une fréquence particulièrement élevée du mariage en Turquie, soit des cérémonies d’envergure systématiques à cette occasion. Renseignement pris, les deux hypothèses sont valables et se rejoignent. 2/3 des Turcs de plus de 15 ans sont mariés – c’est le chiffre le plus élevé de l’OCDE – contre 47,5% des Français par exemple. Ce qui correspond à environ 9 mariages par an pour 1000 habitants.

La première étape d’un mariage turc est la demande en mariage, faite au père de la jeune fille soit par le prétendant, soit par la personne la plus âgée de sa famille. En cas d’acceptation, la future épouse va servir un bon café à ses invités, mais une version surprise, plus ou moins salée ou poivrée à son futur conjoint. S’il le boit sans sourciller, témoignant ainsi de son total dévouement, s’en suivront des fiançailles avec échanges d’anneaux, signature d’un accord financier et bien sûr festivités.

Le mariage lui-même, financé par les 2 familles, va durer 3 jours (contre 40 jours autrefois, la crise économique est passée par là…), précédés par la cérémonie du henné déposé avec une pièce de monnaie porte-bonheur au creux des mains de la future mariée vêtue d’une robe rouge. Malgré l’importance des traditions en Turquie, le mariage religieux reste facultatif.


La révolution de l’écriture

Lors de notre parcours grec, nous avons eu beaucoup de mal à déchiffrer les menus ou les panneaux routiers en raison des caractères non latins. Nous nous attendions à pire en arrivant en Turquie, mais ça a été exactement l’inverse. En 1928, sous l’impulsion réformatrice d’Atatürk, le pays a troqué en quelques mois seulement ses caractères arabes pour des caractères latins. Imaginez un instant la situation inverse, voir disparaître du jour au lendemain tous les caractères latins de notre langue française transcrits phonétiquement en caractères arabes, devoir les  lire de droite à gauche, et vous comprendrez la difficulté engendrée pour les Turcs. Le caractère autoritaire de la réforme n’a pas permis beaucoup de protestations, mais beaucoup considèrent aujourd’hui que cela a permis une véritable ouverture à l’extérieur pour le pays et Atatürk est encore très vénéré aujourd’hui, bien davantage que le président actuel.


Cuisine turque pour affamés


Blagounette à deu Troie balles

Réparons ici un petit oubli lors du récit de notre visite de la cité antique de Troie, qui est bien en Turquie alors que son histoire a été écrite par le Grec Homère dans l’Iliade. On y trouve notamment le héros Achille, tué d’une flèche dans le talon par Pâris et Apollon, tout cela décrit par la plume d’Homère. 2 ou 3 photos prises dans la boutique ou le musée m’ont inspiré cette petite blagounette à deu euh Troie balles.


Le père des Turcs

Mustafa Kemal est entré de bonne heure dans l’armée Ottomane après ses études en école militaire. Il s’est illustré dans plusieurs conflits au cours de la première guerre mondiale. Après l’armistice et la dislocation de l’empire ottoman, il a senti que son pays ne tenait plus à grand-chose et a tout fait pour le rendre indépendant et moderne. Il en a été le premier président et a œuvré pendant ses 15 ans de règne pour que le pays s’occidentalise socialement, culturellement, économiquement et politiquement. Considérant les religions comme un frein, et notamment l’islam largement majoritaire, il a laïcisé la Turquie, interdisant toute pratique religieuse, fermant les lieux de culte et permettant aux femmes de ne plus se voiler et de porter des vêtements occidentaux. Il a même donné le droit de vote à celles-ci 14 ans avant la France. Sa réforme la plus significative a été le remplacement de l’écriture arabe par des caractères latins. Dans le même esprit, Mustafa Kemal a imposé les patronymes, qui avaient disparu au temps de la période ottomane, montrant l’exemple en se faisant appeler Atatürk, ce qui signifie père de la nation. On n’est jamais si bien servi que par soi-même. Si toutes ces réformes ont transformé positivement la Turquie, en faisant un état à part parmi ses voisins, et en lui donnant une possible porte d’entrée dans l’Union Européenne, l’aspect dictatorial du gouvernement est moins reluisant, et la chasse des populations de religion différente l’est encore moins. Mais à voir les portraits de l’ancien président partout dans les rues, la reconnaissance des Turcs parait définitivement acquise.


Quelque part en Turquie

Sont regroupées ici toutes ces petites choses photographiées ça et là, ne méritant pas un paragraphe à elles-seules mais néanmoins représentatives de la vie locale. Une occasion aussi d’occuper le terrain pendant notre parenthèse française.















En route vers Roberto

Voilà, le temps de ces petits sujets, nous avons passé quelques semaines en France et fait le plein d’amour et d’amitié. Nous retrouvons le chemin de l’aéroport et bientôt celui de la Turquie. Avec bien sûr les retrouvailles avec Roberto.


A bientôt d’Istanbul !

133. Turquie du Sud-Ouest

Après l’Est peu fréquenté et donc authentique, nous nous rapprochons des grands sites touristiques du centre et du Sud-Ouest, comme la Cappadoce, la Riviera turque et Pamukkale. Ces endroits plus visités seront-ils à la hauteur de nos attentes ?

Turquie du Sud-Ouest
Et pourquoi pas la carte du parcours en début d’article ? Toujours en version zoomable ici

Traversée vers la Cappadoce

Il nous faudra deux bonnes journées pour rejoindre la région de la Cappadoce, avec de beaux paysages et de tranquilles spots nature pour seules attractions touristiques. Il est toujours assez difficile de photographier des paysages en roulant, alors que cela représente somme toute une partie importante de notre voyage. A part quelques clichés glanés aux arrêts, le reste restera fixé uniquement dans nos yeux. Il faut bien garder un peu d’intimité ! Nous ferons une halte nocturne intéressante pour la suite devant le Mont Erciyes. C’est l’éruption de ce volcan aujourd’hui endormi qui a permis de former les paysages de la Cappadoce, recouvrant toute la région de diverses couches dont certaines vont donner de la couleur, et d’autres comme le tuf du relief. Cet agglomérat volcanique tendre va permettre à la nature de créer de jolis paysages (canyons, falaises, cheminées de fées, etc.) et aux humains de creuser à peu près n’importe où des abris, des églises voire des villes souterraines complètes pour se protéger des assaillants.


Kayseri

Kayseri est la grande ville la plus proche de la Cappadoce. Nous trouvons la ville plutôt agréable et étonnamment propre comparé au reste du pays. C’est un sujet dont j’ai peu parlé, mais, alors que nous trouvons en Turquie le plus grand nombre de poubelles à disposition de tout notre voyage (en ville c’est quelquefois une tous les cinquante mètres), le pays est jonché de détritus, lingettes canettes et bouteilles de verre loin devant le reste. On ne sait pas si le secret des espaces publics assez nets tient à une politique municipale ou bien à une éducation particulière dans les écoles, mais la preuve est là : quand on veut on peut ! Cette parenthèse mise à part, nous dénichons quelques curiosités dans la ville, comme un mausolée tournant (c’est sa construction en spirale qui donne cet effet mais rien à voir avec le restaurant panoramique de la Tour Montparnasse) dédié à une princesse, la reproduction au milieu d’un rond-point d’une tablette en argile écrite en cunéiforme reprenant le texte d’une lettre de commerce Assyrienne, un bazar animé sans le moindre touriste occidental, pas mal de magasins de tapis (la ville est la capitale turque du tapis) et quelques magasins intéressants de par leur contenu. Nous avons fait aussi un petit stop dans une concession Fiat (présent partout en Turquie) pour faire changer des balais d’essuie-glaces et compléter le niveau du liquide de refroidissement qui baissait, tout ça en quelques minutes sans rendez-vous, à peine le temps de boire le thé offert.


Ozkonak

Le sous-sol de la Cappadoce est un vrai gruyère. La nature y est pour une part, mais l’homme a largement profité de la tendreté du tuff volcanique pour creuser des villes souterraines afin de se protéger de ses agresseurs, et cela a commencé plusieurs siècles avant notre ère. Environ 200 villes sont présentes dans la région, nous avons choisi celle-ci, la première sur notre route. On y trouve diverses cavités correspondant à des habitations, mais aussi des écoles, des églises, des cuisines communes, reliées entre elles par de tout petits couloirs où il faut marcher courbé. Des portes à roue isolent les passages stratégiques. 4 niveaux sont visitables sur les 10 que comporte la ville, et c’est déjà pas mal. Difficile tout de même d’imaginer vivre longtemps là-dedans. A quelques kilomètres de là, le Monastère de Belha (Ve siècle) est totalement creusé dans la roche, sur le même principe. Il comporte même une chambre secrète source d’énergie positive (ce serait la raison de l’installation de moines ici) que nous avons rejointe en nous faufilant dans un couloir à l’obscurité totale. A la lueur près de nos smartphones. Un petit air d’Indiana Jones…


Avanos

A l’entrée nord de la Cappadoce, cette petite ville est renommée pour ses potiers (le fleuve qui la traverse serait riche en argile à certaines saisons) dont la production est affichée à tous les coins de rues et même aux intersections, ainsi que pour son vin (elle est jumelée avec Nuits-Saint-Georges). Nous n’avons acheté ni grande jarre émaillée ni caisse de rouge pour raison de place dans Roberto, nous contentant de flâner dans la ville.


La Vallée de l’Amour

Les cheminées des fées sont légion en Cappadoce. Parmi les plus visitées on trouve celles de la Vallée de l’Amour, dont vous trouverez aisément la signification en regardant les photos. Les fées étaient bien gâtées… En arrière-plan de cette belle randonnée, on aperçoit de grandes falaises aux couleurs roses, blanches ou rouges, qui donnent leur nom à autant de belles balades, nécessitant parfois la journée.


Göreme

C’est le cœur de la zone touristique. Tout ce dont ont besoin (ou pas) les visiteurs y est concentré : distributeurs de billets, marchands de glaces, cireurs de chaussures, pour commencer par les plus indispensables, et bien sûr bars, restaurants et magasins de souvenirs. La particularité, c’est que tout a été intégré dans une zone hérissée de formations plus ou moins coniques. Il a suffi d’y creuser directement les hôtels et les boutiques. Les touristes en redemandent, mais nous avons préféré la nature autour. Il est vrai que nous avons notre maison avec nous et que nous pouvons la déplacer presque partout.


Boycott raté

Difficile d’imaginer la Cappadoce sans montgolfières. L’aspect trop prégnant de l’invasion humaine de ce décor naturel et le paradoxe de photographier d’autres personnes qui photographient ce que vous êtes venus voir me gênait suffisamment pour que je décide a priori de ne pendre aucun cliché de montgolfière. Et puis le matin quand nous nous sommes réveillés avec une multitude de ces engins volant juste au-dessus de Roberto, j’ai craqué. J’ai tout de même réussi au cours de ce bref séjour à éviter toute intrusion de quad dans le champ de mon objectif. Ce qui est un exploit, car à l’approche de l’aube et du crépuscule, de longues files de ces engins bruyants et générateurs de poussière se forment partout. On n’ose à peine imaginer l’ambiance sur les lieux où ils se rejoignent tous. Et encore moins le nombre incalculable de selfies publiés au même moment sur les réseaux sociaux. Oui je sais, moi aussi je publie. Mais pas trop de selfies, hein ?


Concentré de troglodytisme

Dès les 1ers siècles de notre ère, les chrétiens arrivent nombreux dans la région et fondent monastères et églises. Pour le bâti c’est facile, il suffit de creuser dans le tuf qui est en surabondance ici. C’est ainsi que sont concentrées près de Göreme une dizaine de ces lieux de culte, protégés dans ce qui est appelé un « musée à ciel ouvert ». Les portes souvent étroites et parfois au sommet d’escaliers raides et sans rambarde ouvrent sur des salles parfois étonnamment grandes et structurées comme chez nous (nef, autel, chapelles, etc.). Les murs sont volontiers couverts de fresques dont l’état de conservation est variable mais parfois excellent. Dans plusieurs cas, les yeux de tous les personnages ont disparu. On pourrait croire à un vandalisme de la part des Ottomans qui sont arrivés plus tard, mais ce sont en fait les Grecs qui sont responsables de ces énucléations, croyant à un pouvoir miraculeux de la peinture des yeux diluée dans une boisson. Les photos étant interdites à l’intérieur des bâtiments, toutes les fresques que vous verrez ont été « empruntées » sur le net.

Dans la même journée, nous avons gravi le rocher central de la ville d’Uçhisar, tout autant gruyèrisé que les églises précédentes. La différence est dans la laïcité, ce piton ayant abrité une grande partie de la population jusqu’à il y a peu, avant d’être livré à la foule et et à la manne touristique.

Et pour terminer en beauté, nous sommes allés visiter 40 km plus loin la vallée de Soganli, un melting pot d’habitations et d’édifices religieux creusés dans des falaises et des reliefs rocheux. Là encore, nous jouons aux explorateurs dans des lieux abandonnés, aussi bien les habitations initiales évacuées suite au tremblement de terre de 1998 que les maisons construites par le gouvernement pour reloger les habitants qui n’en ont pas voulu. Les lieux sont aussi beaux que peu visités, l’équation étant plutôt rare.


Le caravansérail du sultan

C’est exactement comme cela que se traduit le nom de la ville de Sultanhani, qui comporte pourtant bien d’autres bâtiments. Mais celui-là est d’exception. D’abord parce qu’il est le plus grand caravansérail de Turquie. Dans ce pays, tout au long de la route de la soie, on en trouve un tous les 30 à 40 km, ce qui correspond à une journée de marche. Après quoi, il fallait bien que les caravaniers se reposent et pratiquent leur commerce. Ils étaient, comme leurs animaux de transport, reçus ici gratuitement, nourris et logés, et disposaient même de la mosquée au centre. Du all inclusive en quelque sorte. Aujourd’hui, les touristes sont moins bien traités, puisqu’il leur faut s’acquitter d’un droit d’entrée et payer leurs consommations au bar. Néanmoins, l’architecture vaut le coup d’œil, tout comme les femmes qui se relaient pour tisser un immense tapis, et l’exposition de tapis anciens très bien mise en scène.


Konya, la ville sainte

Cette grande ville de 2 millions d’habitants est à la fois l’un des plus grands centres religieux du pays, respectant les valeurs traditionnelles de l’islam via ses 3000 mosquées, et le lieu de naissance du fondateur d’un ordre dérivé de l’islam, les derviches tourneurs. Nous visiterons en premier le mausolée qui leur est dédié, mais raterons de peu la démonstration hebdomadaire de la fameuse danse au centre culturel. Mais vous n’aurez aucun mal à trouver une vidéo sur le net. Naturellement, nous visiterons quelques mosquées, découvrant au passage les magnifiques céramiques bleu turquoise* seldjoukides (une dynastie turco-persane qui domina l’empire musulman d’Orient du Xie au XIIIe siècle) et finirons par le musée ethnographique, centré sur l’artisanat ottoman. La pause restaurant n’aura pas été exceptionnelle quant aux entrées et plats de résistance dont nous commençons à nous lasser, mais nous aura encore appris 2 ou 3 choses sur les desserts.

* Turquoise signifie « pierre de Turquie ». J’avoue que je n’avais pas fait le rapprochement jusqu’ici !



Au musée ethnographique, en autres, cette arme hydride associant pistolet et hache (deux précautions valent mieux qu’une !) et ce joli set en bois pour la préparation du café turc.


Alanya : les affres du tourisme de masse

Nous rejoignons la Méditerranée à Alanya, en pleine « Riviera turque ». Nous n’avions pas vu la mer depuis que nous avons quitté les rivages de la Mer Noire. Eh bien ça n’est pas folichon. D’Antalya à Antioche, ce sont près de 800 km de littoral qui ont été bétonisés et livrés au tourisme de masse, principalement des Russes et des Allemands en plus des nationaux. Hotels, piscines, plages couvertes de parasols et clubs de loisirs se succèdent sans fin autour d’une 2 fois 2 voies où l’on roule à 110 km/h en pilant tous les 500m à cause des feux rouges. Nous grimpons au sommet d’une péninsule qui domine la ville et gaspillons 12 euros chacun à visiter une citadelle qui ne comporte que des murs. Nous étions sans étonnement les seuls, même les Turcs qui ne paient pourtant que dix fois moins semblaient avoir eu vent de l’arnaque. S’il fallait trouver un point positif, gardons le panorama. Revenus sur les quais en bas, nous longeons une armada de bateaux de pirates amarrés côte à côte, que tentent de remplir les vendeurs en hélant le chaland. Pourquoi des pirates ? Peut-être parce que les sirènes et leurs seins nus sont plutôt mal vues ici ?  


Aspendos : un bel amphithéâtre mais pas que

Nous nous éloignons de la côte de quelques kilomètres, c’est fou comme on retrouve du beau rapidement : nous sommes sur le site archéologique d’Aspendos. La majorité des visiteurs se limitent au théâtre, l’un des mieux conservés d’Asie mineure, au point d’être couramment utilisé aujourd’hui pour des représentations, dont un festival d’opéra et de ballet. 20 000 places seraient disponibles. Nous étions très peu le jour de notre passage à grimper le petit chemin qui mène à la ville haute, avec de beaux vestiges d’une agora, d’un marché couvert, d’une basilique, d’une fontaine monumentale, d’un aqueduc. Dommage.


Antalya : les affres bis

On se demande ce que trouvent à cette ville les 10 millions de visiteurs annuels. Certes le petit port est mignon, la vieille ville pourrait être charmante si toutes ses maisons anciennes n’étaient pas reconverties en boutiques qui vendent toutes les mêmes souvenirs. Mais le reste n’est qu’un alignement de voitures devant un alignement d’hôtels all-inclusive devant un alignement de parasols sur une longue plage de 18 km au sable douteux. Le pire c’est que beaucoup de ces touristes n’iront pas plus loin que ce séjour balnéaire artificiel et n’auront que cette image de la Turquie.

Nous quittons rapidement cette ville étouffante à bien des égards pour gravir de jolies montagnes, traverser des prairies aux belles couleurs, laisser passer des troupeaux de chèvres. Ça change des moutons de la ville !


Pamukkale : une merveille de la nature

On pourrait se croire en haute montagne, proche d’un domaine skiable, en voyant surgir devant notre pare-brise ces collines d’un blanc éclatant qui tranchent sur celles plus vertes alentour. Mais la vallée dans laquelle nous roulons n’est qu’à 250 m d’altitude et les fameuses collines ne dépassent pas 600, il ne peut donc s’agir de neige à cette saison, d’autant plus qu’en ce milieu d’après-midi, la température ambiante avoisine les 32°C. Nous sommes en fait face à un extraordinaire phénomène naturel : des sources saturées en bicarbonate de calcium déposent depuis plusieurs milliers d’année du calcaire sur le sol. Petit à petit se forment de petits barrages, les travertins, qui retiennent l’eau dans de jolies piscines aux teintes bleu vert. L’afflux non contrôlé des touristes a failli dégrader totalement le site, mais les autorités ont mis un peu d’ordre dans tout ça : interdiction de se baigner (des bassins artificiels ont été créés pour les irréductibles et les selfimaniaques), interdiction de marcher en chaussures, interdiction de gravir les travertins. Une gestion complexe de l’eau est aussi nécessaire pour entretenir la belle couleur blanche et éviter les algues à certaines saisons.

Comme pour la Cappadoce, des montgolfières survolent le site (et Roberto) le matin de bonne heure. Ce n’était pas spécialement anticipé, et cette fois nous étions les seuls à cet endroit.


La visite est couplée avec celle de la station thermale antique de Hiérapolis, perchée juste au-dessus, qui exploitait les fameuses sources entre le IIe siècle av. J-C. et le IVe siècle ap. J.-C., pendant la période gréco-romaine. Encore un joli théâtre, un musée archéologique dans les anciens thermes, la mystérieuse porte de Pluton d’où sort un gaz mortel qui tue les oiseaux et les taureaux mais curieusement pas les prêtres eunuques, et une nécropole qui rassemble les tombes de tous ceux qui espéraient repartir guéris après avoir « pris les eaux ». Au final c’est plutôt la station qui leur a pris les os.

La visite s’est terminée par les Bains de Cléopâtre, une piscine thermale à 36°C d’où s’échappent quelques bulles. La photo aux jolis reflets verts masque une réalité moins reluisante. D’abord rien ne prouve que Cléopâtre soit venue se baigner là. Ensuite une horrible zone commerciale a été construite autour de la piscine, où déambule une foule de touristes occidentaux dont certains en maillots de bain échancrés ou strings assez mal venus dans un pays musulman même tolérant. Les prix y sont exorbitants, le simple thé turc y coûte par exemple 6 fois plus cher que dans la ville à côté, tout en étant servi dans un gobelet en carton au lieu du joli verre tulipe habituel. Bien que plutôt fans des piscines d’eau thermale, nous avons rapidement fui cet endroit pour nous dérangeant.


Boycott réussi !

Le site d’Éphèse avait l’apparence d’un énième site archéologique sur notre route. Les commentaires du guide et les photos ne nous ont pas convaincus, notamment la foule qui traîne dans l’allée principale. Et puis s’est rajouté le ras-le-bol de la taxation des touristes-étrangers-vaches-à-lait. Certes l’inflation galopante que connaît le pays depuis 2022 (ça tourne à environ 50% par an avec des pics dépassant les 80% !) justifiait l’instauration d’un prix en euros qui assurerait la stabilité, mais on observe au contraire une encore plus forte inflation sur les prix en euros : de 11 € en 2022, le prix d’entrée est passé à 23 € en 2023 et 40 € en 2024, hors suppléments ! Alors que les Turcs paieront moins de 2 €. Alors que le gouvernement turc refuse l’inscription d’élèves turcs aux lycées français du pays, prétextant la non réciprocité (refus de la France d’ouvrir des écoles turques pour élèves français) j’aimerais bien voir cette réciprocité appliquée aux musées français exigeant des touristes turcs un droit d’entrée 20 fois supérieur. Agacés par tout ça, nous avons boycotté et pris le chemin de la plage…


La plage

Les plages ne sont pas si attirantes que ne le laissent supposer les guides, principalement en raison de la présence d’innombrables déchets, du moins pour les plages publiques ou sauvages. Il est à espérer que celles quadrillées de parasols à n’en plus finir sont un minimum entretenues, mais ce n’est pas le genre d’endroit que nous avons envie de fréquenter. Nous nous trouvons tout de même une grande plage pas trop abimée, dont le sable à l’arrière est suffisamment tassé pour que Roberto puisse rouler dessus. Une bonne brise compense l’absence d’ombre, et l’eau à peu près claire encourage à la baignade. Nous allons finalement rester deux jours ici, une sorte de week-end de vacances dans notre voyage. Nous en avons besoin régulièrement. Nous observons au passage un joyeux pêle-mêle d’occupants, des pêcheurs assis toute la journée devant leur ligne aux familles entières se baignant en burqa en passant par les couples venant faire faire leurs photos de mariage devant le coucher du soleil. Les chiens sont nombreux sur les plages, comme dans tout le pays d’ailleurs, mais absolument pas agressifs.


Après une nouvelle pause baignade dans un autre port, nous arrivons à Izmir, la ville de tous les Danger. Le plus difficile, c’est qu’il va vous falloir attendre le prochain article pour savoir pourquoi je l’ai appelée comme ça. À bientôt !

132. Noisette – Pistache

Ce titre ambigu évoquant les saveurs combinées d’une crème glacée n’est en fait que le résumé en deux mots de notre second parcours en Turquie. Des plantations de noisetiers des rives sud-est de la Mer Noire à la ville emblème de la pistache, nous aurons encore parcouru plusieurs milliers de kilomètres dans l’Est de la Turquie, frôlant tour à tour les frontières géorgienne, arménienne, azerbaïdjanaise, syrienne, irakienne puis iranienne. Des pays dans lesquels nous aurions bien fait quelques incursions s’ils n’étaient pas déconseillés pour la plupart par les autorités françaises. Mais nous avons eu largement de quoi nous occuper à l’intérieur de la frontière turque.

La saison de la noisette

Lorsque nous arrivons dans la région d’Ordu, toujours sur les rives de la Mer Noire, nous constatons un changement dans le paysage : tous les versants des montagnes sont occupés par une seule espèce d’arbre dont il n’est pas trop difficile de connaître l’origine. Car nos sommes en plein dans la période de récolte, et le moindre espace plat devant les maisons, au bord des routes ou même sur les ronds-points est occupé par les noisettes fraîchement récoltées et mises là à sécher. La plupart du temps gardées par une personne âgée ou au contraire un enfant. Le long des routes, de petits tracteurs sont disposés ça et là. Dans les fossés, des sacs probablement pleins de noisettes attendent le ramassage. En levant les yeux, on voit les arbres bouger et parfois de petites taches colorées mobiles que l’on entend par ailleurs discuter. Manifestement, la cueillette ici est une affaire familiale.

Nous apprenons que la Turquie est le premier producteur mondial de noisettes décortiquées, et loin devant les autres avec une part de marché de 80%. Encore plus surprenant, en fait pas tant que ça finalement, c’est un groupe industriel italien qui achète 80% de leur récolte : l’entreprise Ferrero. Pas besoin de vous donner le nom de leur pâte à tartiner, constituée, il faut le savoir, de plus de 70% de sucre et d’huile de palme.


Il y avait longtemps

Il n’est pas dans l’habitude des musulmans d’aller construire des mosquées au beau milieu de falaises inaccessibles. Aménager ainsi un lieu de culte, c’est plutôt le truc des moines orthodoxes, qui cherchent ainsi à s’isoler pour mieux méditer. Nous voilà donc à explorer au beau milieu de la Turquie, un monastère orthodoxe partiellement troglodyte datant du IVe siècle. Des moines grecs auraient reçu dans leur sommeil un message de la Vierge Marie leur demandant d’aller chercher dans une grotte une icône la représentant. 17 siècles plus tard, c’est dans un photomaton qu’on leur aurait demandé de récupérer la photo perdue, mais la grotte offre davantage de mystère. Toujours est-il qu’ils l’ont trouvée et ont bâti l’édifice que l’on voit aujourd’hui. Fortement remanié par des outrages de la nature et surtout des occupants successifs. Si les constructions paraissent nettement retapées, il reste néanmoins de belles fresques sur les murs extérieurs et intérieurs de l’église initiale. Une foule très majoritairement locale se presse pour admirer tout ça. Après tout ce Monastère de Sumela est une partie l’histoire de la Turquie.


Thé où ?

Certes cela dépend des sources, mais les Turcs seraient les plus gros consommateurs de thé au monde, avec une moyenne annuelle de 3,16 kg par habitant, qui peut passer à 4 kg dans la grosse région productrice que sont les rives sud-est de la Mer Noire. Le climat plus humide est bien adapté à la croissance des arbustes à thé. Nous avons d’ailleurs constaté par nous-mêmes que depuis que nous sommes dans ce secteur, le ciel se couvre constamment les après-midis, ce qui n’était pas le cas précédemment. Dans les montagnes autour de Rize, les plantations de thé sont partout, formant une sorte de tapis ondulé verdoyant quand il ne s’agit pas de reproduire les courbes de niveau de notre carte topographique. Les autres pays gros consommateurs sont l’Irlande, le Royaume-Uni, le Pakistan et l’Iran (respectivement 2,19 ; 1,94 ; 1,50 et 1,50 kg/an/hab. en 2020). Concernant la production, la Chine occupe 40% du marché mondial, suivie par l’Inde (25%), le Kenya (10%), le Sri Lanka (8%) et la Turquie (6%). Mais les Turcs sont les seuls à consommer plus de la moitié du thé qu’ils produisent.


Le rite du thé

Si le thé est connu en Turquie depuis le XIXe siècle, grâce à la position du pays sur la route de la soie, il n’y a été cultivé qu’après la 1ère guerre mondiale, laquelle avait fait grimper le prix du café. Le premier président du pays, Mustafa Kemal Atatürk, a favorisé l’importation de plants venant de la Géorgie voisine afin de favoriser l’autonomie de la Turquie. Depuis, la boisson a largement supplanté le café dans les rites sociaux, qu’ils soient amicaux, familiaux ou professionnels. La pause thé biquotidienne est même obligatoire dans les conventions collectives.

Le thé turc ne se prépare pas de la même manière que le thé occidental. Les feuilles infusent dans le compartiment supérieur d’une théière qui en comporte deux. L’eau bouillante du compartiment inférieur est versée quelques minutes après la fin de son ébullition sur les feuilles de thé, puis remise à chauffer une dizaine de minutes pour maintenir constante la température d’infusion. Le thé, alors assez fort, est versé au tiers d’un petit verre en forme de tulipe, et complété par l’eau du compartiment inférieur. A l’inverse du thé anglais, le thé turc se boit a priori noir et non sucré. A la limite on peut y mettre un peu de sucre, mais ajouter du lait serait mal vu…


A 20 km de la Géorgie

Nous avons quitté les rives de la Mer Noire pour nous diriger vers la région montagneuse du nord-est de la Turquie, longeant la frontière avec la Géorgie à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau. Nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de faire un détour pour visiter ce pays qui paraît intéressant et assez sûr, voire d’enchaîner avec l’Arménie qui n’est pas accessible depuis la Turquie, mais nous risquerions d’être limites en temps pour rejoindre Istanbul vers le 20 septembre, une rare contrainte dans notre voyage. Donc pas de Géorgie, mais de superbes paysages faits de grandes vallées contenant des lacs de barrages et surplombées de montagnes dépassant fréquemment les 2000 m d’altitude. Par moments, la végétation est assez pauvre, mais à d’autres, nous retrouvons des forêts de sapins, de grands pâturages et de jolis petits lacs. Il n’y a que l’embarras du choix pour trouver des sites où passer des nuits tranquilles avec une jolie vue.


Complique le gouvernement (7 lettres)

De Gaulle disait de la France qu’elle était impossible à gouverner en raison de ses 246 sortes de fromages. On comprend alors les difficultés de la Turquie qui en compte 200. C’est en tout cas ce que nous avons appris en visitant le musée du fromage de Kars, une ville perchée sur des hauts plateaux à 1800 m d’altitude et entourée d’alpages où broutent en semi-liberté vaches, brebis et chèvre. Fournissant donc la matière première à de nombreux fromages locaux. Le plus célèbre est le gruyère de Kars, élaboré avec l’aide des Suisses donc très proche du fromage helvétique. Mais de nombreuses autres sortes existent, proches de la feta grecque comme le beyaz peynir ou du gouda comme le kasar, se présentant inhabituellement de façon effilochée ou tressée comme le çeçil ou encore affinées dans des panses de brebis comme le tulum.

Nous avons été étonnés de la qualité et de la modernité de ce musée totalement oublié du Petit Futé qui n’a pas l’air de connaître non plus la ville de Kars. Nous l’avons trouvé par hasard sur Google Maps. Comme quoi il faut toujours diversifier ses sources.


Ani ou le moyen-âge arménien

Habitée dès l’âge de bronze, la ville d’Ani connut son apogée vers le Xe siècle sous le règne arménien, hébergeant alors plus de 100 000 habitants et devenue capitale du pays. On dit qu’elle rivalisait avec Constantinople, Bagdad ou encore Le Caire. Et puis elle est tombée aux mains d’une succession d’envahisseurs, victime alors d’une lente descente aux enfers en cumulant massacres, vandalisme et dégradations liées au temps et à l’absence d’entretien. Quelques tremblements de terre ont fait le reste et « la ville aux mille et une églises » n’est plus que ruines. Les édifices religieux et de défense, les plus solides, sont les seuls à être encore debout, et encore. Ils ont le mérite d’offrir au visiteur une bonne idée de l’architecture arménienne à l’époque médiévale : structures massives pour résister aux séismes, utilisation large de pierres locales en mélangeant les couleurs, coupoles octogonales, croix de basalte, motifs géométriques, floraux ou figuratifs.

Nous avons eu la chance de pouvoir dormir la veille de notre visite sur le parking du site, habituellement interdit la nuit pour des raisons de sécurité (l’Arménie est juste de l’autre côté du ravin). Le réveil a été magique, avec les belles couleurs de l’aube sur les remparts et le passage de toutes sortes d’animaux menés aux champs. Nous aurons malgré tout dû attendre l’ouverture du site à 8h pour pouvoir y pénétrer, soit presque 3h après le lever du soleil !


Mine de rien, mine de sel

C’est le hasard qui nous a fait visiter cette attraction, trouvée par hasard sur notre route. Pourtant ces montagnes blanchâtres et luisantes fournissent du sel à toute la Turquie depuis le moyen-âge. Si l’activité se continue en profondeur, le rez-de-chaussée a été ouvert au public il y a quelques années seulement. On y découvre une succession de salles voûtées éclairées de bleu et d’orange, dont les parois sont recouvertes de cristaux de sels. Fait étrange et typique de la Turquie, des tables de pique-nique sont disposées ça et là, et plusieurs étaient d’ailleurs occupées. Les Turcs adorent pique-niquer !


Bis repetita

C’est encore le hasard qui nous a conduit devant ces collines arc-en-ciel. Nous avions choisi de faire une pause déjeuner au bord d’une petite rivière bordée de falaises déjà un peu colorées, sur un site référencé par l’application Park4night. L’un des commentaires disait que les « vraies » collines arc-en-ciel étaient un peu plus loin. Mais introuvables directement sur Google Maps. C’est en traduisant l’expression en Turc puis en la collant sur Maps que nous avons fini par trouver un départ de randonnée portant ce nom. Mais à l’endroit donné, rien de tel. Un peu avant, nous avions pourtant trouvé quelques montagnes multicolores, sans pouvoir nous y arrêter pour cause de route en travaux. Heureusement, nous avons déniché un peu plus loin un paysage similaire, que nous avons rejoint en quittant la route principale. Magnifique et pourtant référencé nulle part. Les Américains en auraient sûrement fait un parc national et protégé l’accès, mais là non, nous aurions même pu sans doute nous promener dessus. J’en ai fait ma première contribution d’ajout de site sur Google Maps !


Nuit sous le sommet

Un nouveau bivouac sauvage, on ne les compte plus, mais cette fois sous le sommet du célèbre Mont Ararat, celui qui aurait vu débarquer l’Arche de Noé. Selon certaines versions. Ce qui est indiscutable, c’est qu’avec ses 5137 mètres, ce volcan âgé d’1,5 millions d’années est le point culminant de la Turquie, au grand dam des Arméniens qui l’avaient autrefois sur leur territoire et qui aimeraient bien le récupérer. Tout comme leur ancienne capitale Ani d’ailleurs. Pour diverses raisons historiques et politiques, la frontière turco-arménienne est fermée depuis de nombreuses années.


Un palais délicat

Construit sur plus d’un siècle par la famille Pacha pendant la période ottomane, ce palais perché sur une falaise pas très loin de la frontière iranienne en a gardé une certaine influence, des décors parait-il plus sobre que le vrai style ottoman. Bah nous on ne les a pas trouvés si sobres ces décors et surtout nous avons trouvé le lieu particulièrement bien intégré au paysage. Visite en photos.


Et à propos de palais…

Comme régulièrement, nous nous offrons un petit repas en ville, pour le plaisir bien sûr, pour l’immersion ensuite et pour approfondir nos connaissances sur la cuisine turque. Le restaurant s’appelle Keravansaray et a été aménagé comme son nom l’indique dans l’un de ces établissements où l’on recevait les commerçants de passage, nombreux sur cette route de la soie. On commence par nous amener des entrées (mezze) bien que nous n’en ayons pas commandé – c’est manifestement inclus avec les plats : salade de crudités, pâte d’aubergines, sauce relevée, pain pita et petit gâteau de semoule pour adoucir tout cela. Pour boisson ce sera de l’ayran, une sorte de lassi salé et mousseux. C’est l’autre boisson nationale avec le thé et le raki. Et puis bien sûr un peu d’eau, de marque (bi)Binpinar, dans ce pays musulman ça ne s’invente pas. Viennent ensuite nos plats de résistance, assortiment de viandes grillées au feu de bois pour Claudie, brochettes de légumes et de viande pour moi. Avant l’addition (très douce, une dizaine d’euros par personne pour tout ça), on nous offrira le thé. Là aussi, c’est une tradition, et pas seulement au restaurant. N’hésitez pas à mettre le son pour la vidéo, vous verrez que l’ambiance sonore était aussi typique que le repas.


La Van life

On pourrait la croire paradis des voyageurs nomades, mais il n’en est rien. A l’Ouest du lac éponyme, le plus grand de Turquie avec ses 3700 km², la ville de Van nous a semblé assez banale. Un centre-ville très encombré, une citadelle vide, un littoral marécageux et des températures élevées. Les habitants d’ailleurs vont se réfugier sur les bords du lac là où c’est possible, hors de la ville, pour prendre le frais. Une file continue de voitures en stationnant le long de la route côtière en témoigne. A certains endroits, l’eau est presque blanche (y aurait-on déversé du sable de carrière pour créer une plage artificielle ?), à d’autres d’un joli bleu. Bref, la Van life ne nous a pas séduits, un énorme paradoxe !


Et si l’on se refaisait un petit monastère ?

Celui de Mor Gabriel, au milieu de grandes collines arides parsemées d’arbres rabougris, nous a tendu les bras. Fondé en 397, après J.-C. forcément, il est l’un des monastères chrétiens les plus vieux au monde (le plus ancien, en Bulgarie, date de 344). Et pourtant, il est toujours en activité, occupé par des moines de l’Église syriaque orthodoxe, des religieuses et des séminaristes. Ce qui fait que l’on n’en visite qu’une partie et accompagnés d’un guide. Alors que l’on s’attend, du fait du grand âge, à voir des murs croulants et des voûtes étayées, on observe au contraire des structures fortement rénovées, un peu trop peut-être. L’harmonie de couleurs du bâti et l’architecture respectent apparemment celles d’origine (nous n’avons pas vérifié…). Des mosaïques datant du Vie siècle ont pu être conservées. Le Dôme de Théodora, construit à l’initiative de la reine byzantine éponyme impressionne. La pierre monolithique qui trône en son centre et que nous prenons d’emblée pour la tombe de l’intéressée n’est en fait que la table de pétrissage de la pâte du monastère, d’après ce qui est écrit dessus en Syriaque. Mais Google Traduction ignorant le Syriaque (mais pas le Ndau ni le Tok Pisin qui comptent pourtant moins de locuteurs) nous ne pouvons que croire notre guide. Dans la même pièce, nous trouvons aussi une reproduction du monastère en allumettes. Mais le plus impressionnant est la Maison des Saints, une pièce où sont enterrés (debout) les saints créateurs du monastère et d’autre personnes valeureuses, dans tous les sens du terme. Ce ne serait qu’anecdotique si la terre dans laquelle reposent ces personnages n’avait acquis, aux yeux des chrétiens syriaques, des propriétés de guérison. Et de fait, nous en avons vu, au cours de la visite, plonger la main dans une ouverture faite dans la tombe et en ressortir une poignée de la précieuse terre immédiatement enveloppée dans un mouchoir en papier. Ne me demandez pas ce qu’ils en font après. J’espère juste qu’ils ne la mangent pas…


Mardin et la jandarmerie

Nous avons trouvé refuge pour la nuit sur une petite colline arborée au-dessus de la ville de Mardin, prévue pour la visite le lendemain. Après une heure ou deux sur place, une voiture marquée « JANDARMA » vient se garer à côté de nous, gyrophare allumé. Nous ne sommes pas inquiets, ce n’est que le 4ème contrôle aujourd’hui. Il est vrai que nous sommes proches de la Syrie et les militaires déjà bien présents dans le pays le sont encore plus ici, difficile de leur reprocher. Le contact est très amical avec les trois policiers, qui s’intéressent de près à Roberto, à notre parcours, nous demandent si nous sommes mariés, quel âge nous avons, nos métiers. Quand je dis que je suis dermatologue retraité, l’un deux me montre des photos de son frère qui présente plusieurs plaques sur la peau que j’identifie. A la demande du policier, je propose un traitement… Ils parlent aussi peu Anglais que nous Turc, mais les échanges via Google Traduction se font finalement de façon assez fluide. Admirant notre parcours passé et prévu sur la carte de Turquie que leur déploie Claudie, ils nous situent leurs villes de naissance respectives et nous conseillent sur certains lieux que nous n’avons pas surligné. Nous leur parlons de la zone frontalière avec la Syrie fortement déconseillée par les Affaires étrangères françaises, ils nous disent que tout est parfaitement sûr. Ils rajoutent qu’ils vont repasser dans la nuit et veiller à notre sécurité, que nous pouvons les appeler à tout moment sur le 112 et qu’ils viendront de suite. Ils vont jusqu’à nous proposer d’aller nous chercher quelque chose à manger si nous avions besoin de quoi que ce soit ! Puis finissent par s’en aller en nous saluant vigoureusement de la main et en donnant un petit coup de sirène pour le fun… Sympas les jandarmas turcs !

Mon sens du respect m’a empêché de leur demander un selfie. Il ne vous restera que la photo nocturne de Roberto dans ce bel endroit où nous avons dormi en toute quiétude.


Mardin à part ça

Nous avons adoré visiter cette ancienne ville assyrienne, essentiellement peuplée de kurdes, construite toute en hauteur – du moins pour la vieille ville – sur une colline dominant l’immense plaine de la Mésopotamie, où circulent le Tigre (proche d’ici) et l’Euphrate (que nous verrons un peu plus loin), deux fleuves bien connus sans lesquels vous et moi ne serions peut-être pas nés puisqu’ils sont le berceau de la civilisation indo-européenne. La ville, classée par l’Unesco pour son histoire et ses nombreux monuments, lieux de cultes très diversifiés compris, possède une architecture d’influence arabe, que nous avions encore peu vue en Turquie. Nous avons aimé nous perdre dans les ruelles tordues et se terminant volontiers en cul-de-sac. Mais un peu moins grimper sous une forte chaleur les multiples escaliers reliant les rues. Globalement, l’ambiance et le style l’ont tout de même emporté. Nous y avons trouvé des gens sont adorables, comme partout en Turquie Et une fois de plus dans cette région, nous avons eu l’impression d’être les seuls touristes occidentaux. Nous avons terminé la visite en auto-récompensant de nos efforts par une boisson chaude prise sur une terrasse panoramique : un çay pour Claudie, et un café syrien pour moi, accompagnés d’un excellent yaourt servi dans un bol.


De l’énergie pour deux

La ville précédente visitée à la fraîche, nous avons pu la quitter en fin de matinée et finalement nous arrêter assez tôt à la suivante, reboostés en énergie grâce à la climatisation de Roberto lorsque l’on roule. C’est ainsi que nous avons parcouru l’après-midi de la même journée la ville de Diyarbakir. Outre un nom plus difficilement prononçable, elle s’est distinguée de la précédente par une animation plus grande. L’heure y était possiblement pour quelque chose, les Turcs nous semblant sortir davantage l’après-midi et le soir que le matin. Nous avons visité tour à tour une grande mosquée pleine de vie, une vieille église syriaque orthodoxe, un bazar à l’agitation extrême, aussi bien que des petites rues très tranquilles dès que nous éloignions un peu du centre. A noter que la ville a été durement touchée par le tremblement de terre de février 2023. Nous en trouvons encore de nombreux stigmates.


La belle vallée de l’Euphrate

Après avoir franchi le Tigre entre les deux villes précédentes, c’est maintenant l’Euphrate que nous traversons puis surplombons. Ces deux fleuves bien connus, notamment pour leur rôle dans l’apparition de l’espèce humaine, sont aussi une source – si j’ose dire – importante de conflit pour les pays situés sur leur parcours. Issus des montagnes turques, le Tigre et l’Euphrate ont leur lit majoritairement sur les territoires syrien et irakien. Comme souvent dans ces cas-là, c’est le pays situé en amont qui fait la loi. La Turquie construit barrage sur barrage pour irriguer ses terres, ne laissant qu’un maigre débit aux pays en aval qui ont tout autant besoin de la ressource. C’est la loi du plus fort, mais le risque existe de déclencher des conflits armés, d’autant que les relations ethniques et politiques du secteurs ne sont pas des plus sereines.


Le mausolée du roi perché

En 64 av. J.-C. l’empire romain contrôlait toute l’Asie Mineure … sauf la région appelée la Commagène. Ça ne vous rappelle pas une autre histoire ? Mais le chef de la Commagène, le roi Antioche 1er, était bien plus orgueilleux que notre Abraracourcix, et se fit construire un mausolée géant au sommet d’une montagne, le Mont Nemrut, qu’il fit même surélever de 150m pour qu’il dépasse en hauteur les cimes voisines. Autour de ce sommet, des terrasses sculptées dans la pierre , ornées pour deux d’entre elles de statues monumentales en position assise de divinités grecques et perses, ainsi que d’aigles et de lions. Toutes les têtes sont tombées après un intense tremblement de terre en 1923, mais offrent, redressées sur le sol en regard de leur buste initial, un spectacle étonnant. Que nous observons seuls à 2150 m d’altitude, ce qui augmentant d’autant l’étrangeté du lieu.


La ville de la pistache

Gaziantep est la 6ème ville de Turquie, mais pas plus encombrée que cela quand on y circule. Elle est la capitale de la pistache turque et produit une variété d’excellente qualité, l’Antep. La Turquie est le 3ème producteur mondial de cette graine oléagineuse, derrière l’Iran et les USA (Californie principalement). Et puis avec la pistache, les pâtissiers de Gaziantep vont fabriquer une version unique de baklava, fourrée et/ou couverte de produit écrasé du plus joli vert. La ville est d’ailleurs réputée pour sa gastronomie. Vous verrez ci-dessous le résultat de nos tests. Nous y avons trouvé aussi un curieux café bi-ton (2 forces de café différentes qui ne se mélangent pas…).


Nous sommes retombés un instant en enfance en visitant le musée du jouet, exposant des spécimens remontant à la fin du XIXe siècle, mais d’origine bien plus souvent allemande que turque. Avec un droit d’entrée de 0,40€ on ne peut pas trop se plaindre.


Le musée suivant nous aura coûté trente fois plus mais s’est révélé exceptionnel : il s’agit tout simplement du plus grand musée de mosaïques au monde. Il est né d’une mission franco-turque de sauvetage des trésors de la cité antique de Zeugma située sur les rives de l’Euphrate, près de la frontière syrienne. Érigée en 300 av. J.-C. par un général d’Alexandre le Grand, elle connut un déclin brutal 6 siècles plus tard suite à l’attaque des Perses qui l’incendièrent. Un archéologue turc qui travaillait sur les ruines apprit en 1990 qu’un barrage allait être construit tout près de là et engloutir la cité antique. Il fit appel à la communauté internationale, et c’est ainsi qu’une équipe franco-turque fouilla les ruines en urgence pendant que la construction du barrage se poursuivait inexorablement. Pendant plusieurs années, ils mirent au jour nombre de bâtiments, mais quelques mois seulement avant le début de la mise en eau, ils découvrirent ces mosaïques extraordinairement bien conservées sous les cendres de l’incendie des Perses. Les riches habitants de cette cité marchande en habillaient les sols et les murs de leurs maisons, quand il ne s’agissait pas de fresques. Malheureusement, tout n’a pas pu être préservé, la montée de l’eau enfouissant à jamais le site dans l’oubli. Toutes ces œuvres sont présentées aujourd’hui dans le récent Musée de Zeugma, inauguré en 2011. Sur deux bâtiments et trois niveaux pour chacun, nous avons pu observer de multiples et superbes mosaïques, présentées dans leur pièce d’origine reconstituée.

Le clou de l’exposition, la « Joconde de Turquie » est la mosaïque appelée « La Bohémienne » presque aussi bien protégée que notre Mona Lisa. Les hypothèses courent sur cette jeune femme mystérieuse. L’une d’entre elles, pas plus farfelue que les autres, soutient qu’il ne s’agirait du visage d’Alexandre le Grand, effectivement passé par là à un moment donné.


Gaziantep, la ville de la pistache, clôture donc cette deuxième section de notre parcours en Turquie. Vous en trouverez le plan ci-dessous. Nous nous dirigeons maintenant vers la Cappadoce, où nous risquons de ne pas être aussi seuls qu’actuellement. Nous le saurons bientôt.

131. Turquie

Premières impressions

Des formalités d’entrée relativement simples et rapides, de belles routes, de l’essence pas chère et même de l’AdBlue à la première pompe venue, des magasins modernes : tout porte à penser que, paradoxalement, la Turquie est économiquement plus développée que la Grèce. Cela va-t-il se confirmer dans la durée ?


Le Mémorial des Dardanelles

La bataille des Dardanelles a été un moment fort du début de la 1ère guerre mondiale. La France et la Grande Bretagne, alors alliés de la Russie, souhaitaient protéger son approvisionnement qui transitaient par le détroit des Dardanelles, entre la Mer Égée et la Mer Marmorata, contrôlé par l’Empire ottoman aidé des Allemands. Tout étant barré côté terrestre, ils organisèrent un débarquement, aidés aussi des Australiens et des Néozélandais. Mais, mal organisés, ils échouèrent et le conflit se termina au profit des Ottomans, chaque camp perdant au passage 56 000 soldats. Le succès permit tout de même à la Turquie de proclamer son indépendance, et en reconnaissance d’élever un grand mémorial en hommage aux victimes. Curieusement, le fait d’avoir participé rendit très fiers les Australiens et Néozélandais fraîchement libérés de l’emprise britannique. Le 25 avril, anniversaire du débarquement, est chez eux un jour férié et bien davantage célébré que le 11 novembre. Nous avons visité aussi l’un des cimetières français, mentionnant notamment la perte des 4 sous-marins et de leurs équipages qui avaient été engagés dans le conflit. Indispensable devoir de mémoire.



Un de Troie

Il nous aura fallu venir en Turquie, aussi bien Claudie que moi, pour apprendre que la ville de Troie était ici, sur la côte Ouest du pays. Et pas en Grèce comme nous le pensions. Et pas dans l’Aube non plus, je vous vois venir. Le site est presque aussi vieux que les pyramides d’Égypte, mais n’a été mis au jour qu’à partir de 1871. Il est bien sûr célèbre pour avoir été le théâtre de l’affrontement entre les rois grecs, dont Achille, venus récupérer la belle Hélène volée au roi de Sparte par le prince troyen Pâris. Après 10 ans de siège et une ruse chevaline que l’on connait tous, les Grecs ont fini par remporter et la guerre et l’épouse du roi.

Il ne s’agirait pas simplement de la légende rapportée par Homère dans l’Iliade, les fouilles archéologiques réalisées à Troie confirmeraient une partie du conflit. Nous avons trouvé sur les lieux un musée moderne mais cher (2 fois le prix du déjeuner que nous avons pris après la visite) et un site archéologique agréable à parcourir sur de petites passerelles en bois. Notre vraie déception a été que la réplique grandeur nature du Cheval de Troie était … en travaux. De quoi ruer dans les brancards.



Nulle autre qu’Assos…

Qu’Assos me fasse sourire n’étonne pas Claudie, habituée à mes jeux de mots vaseux. J’espère tout de même transmettre ce sourire par contagion à quelques lecteurs.

Pour le reste, le site que pourtant notre guide préférait largement à Troie nous a déçus. Accès mal indiqué, longue file de boutiques de souvenirs et de bars-restaurants avant de parvenir à l’entrée, édifices ressortant peu du paysage en raison d’une couleur similaire au sol, stigmates encore très présents du dernier incendie. Quant au « magnifique » temple d’Athéna perché sur sa colline au-dessus de la Mer Égée, il n’avait pas toute la superbe promise.

Dommage pour un site fondé au 1er millénaire av. J.-C. par des Lesbiens et des Lesbiennes. Les habitants de Lesbos, l’île grecque juste en face, vous pensiez quoi ?

Deux heures de route plus tard, nous trouvons un chouette endroit pour dormir. Une aire de pique-nique dans une petite forêt dont les arbres ont les pieds peints en blanc. L’ambiance tranquille à l’arrivée ne durera pas. Vers 19h les voitures ont commencé à défiler, haut-parleurs vrombissants et glacières pleines de bouteilles. Misère…

Nous avons vite laissé ce petit monde à leur soirée animée pour rejoindre un spot plus paisible jouxtant un cimetière. Las, à 21h, deux voitures sont arrivées et ont commencé à sortir les bouteilles et les chaises. Re-misère !

Mais la sono était discrète cette fois, au point que nous nous sommes endormis avant leur départ. À se demander le matin si nous n’avions pas rêvé. Mais les bouteilles et papiers gras étaient bien là sur le sol à l’emplacement des voitures…


Immersion

Parmi les choses que nous aimons le plus en voyage, il y a le fait de se retrouver au milieu d’une population qui ne nous ressemble pas et qui vit sa vie normalement, sans être pervertie par un quelconque attrait touristique, ni éventuellement par nous-mêmes. Cela ne nous était pas encore vraiment arrivés depuis notre arrivée en Turquie, jusqu’à ce que nous visitions Bursa, la 4ème ville du pays. Une journée de marche citadine qui nous aura conquis, nous menant des bazars très animés aux superbes mosquées et mausolées appelés ici turbë. Dans les deux cas nous avons eu l’impression d’être les seuls touristes du jour, du moins non turcs. Avec tous nous sens en éveil car très sollicités. La vision de cette architecture ottomane, d’un grand nombre de femmes voilées, des couleurs vives des boutiques de soie installées dans un ancien caravansérail. L’ambiance sonore des camelots, des klaxons et des appels à la prière mélangés. L’alternance des parfums d’encens, de savons ou encore de café. Alors que les lieux de cultes musulmans nous sont souvent refusés en Europe tout en étant par ailleurs assez austères dans leur décoration jusqu’ici, nous sommes entrés sans problème – du moment que le dress code était respecté – dans de grandes et magnifiques mosquées merveilleusement bien décorées. Une véritable immersion que nous attendions depuis un moment.

Nous prenons la route de la station de ski située au sud de Bursa, sans monter jusqu’au sommet (2545 m d’altitude) pour dormir au frais dans une petite forêt déserte trouvée par hasard à environ 1100 m. Nous décidons d’y rester 2 nuits. La Turquie s’avère aussi hospitalière que la Grèce pour les véhicules aménagés, et c’est une bonne nouvelle.


Cumalikizik

Ce petit village au nom rigolo est l’exemple typique des conséquences désastreuses de la surpopulation touristique. Bien conservé depuis le moyen-âge, il attire forcément les citadins lassés du béton de leurs façades et du bitume de leurs rues. Mais les citadins ça a besoin de manger, de boire et de faire pipi. Alors on leur construit des bars et restaurants. Et puis un ou deux parkings. Et puis pourquoi ne pas les appâter avec des babioles multicolores ou des sirops de fruits locaux ? Alors les boutiques poussent et cachent les façades moyenâgeuses, empiètent sur les rues pavées.

Par chance, le village est assez grand et en pente. Vers l’extérieur et les hauteurs, les chalands se font plus rares et les maisons redeviennent accessibles. Et les boutiques sont plus intimes, comme celle où nous avons pris notre premier thé turc. Une seule table au milieu d’une grande pièce en désordre, à laquelle sont déjà attablés la patronne et quelqu’un de la maison. Mais ils s’écartent un peu et nous rajoutent 2 chaises, nous invitant à leurs côtés. Nous avons échangé un peu et bu notre thé, servi noir et dans de tout petits verres. 35 centimes le çay, comme on l’appelle là-bas. L’expérience valait le jus, si on peut dire.


Ça rime

Oui, Iznik ça rime avec céramique. L’activité a été prédominante entre le XVIe et le XVIIe siècle, au point que l’on retrouve de jolies faïences créées dans la ville sur les plus grandes mosquées du pays. La demande est moindre maintenant, mais de nombreuses boutiques restent dédiées à l’activité, dont un pôle de créateurs dans une ancienne école coranique. Du très beau travail qu’on aimerait rapporter avec nous. Mais il faudrait atteler une remorque à Roberto.


Limite : 82 km/h

Impressionnés par la qualité du réseau routier au départ, nous révisons peu à peu notre opinion. Il est vrai que le large temps dont nous disposons et notre quête des bivouacs en altitude et en nature nous conduisent fréquemment à emprunter les axes secondaires. Et là force est de constater que le niveau d’entretien n’est pas extraordinaire et rejoint en bien des points, on pourrait même dire en bien des trous, celui des derniers pays traversés. L’absence de revêtement est par ailleurs fréquente sur ces routes, et Roberto est presque en permanence recouvert de poussière. Le côté amusant de ces petites routes, c’est le nombre d’animaux qui y circulent en liberté, vaches principalement, mais aussi moutons, chèvres, chiens et chats. Il faut être vigilant.

Sur les grands axes, nous empruntons habituellement la route à 2×2 voies qui longe l’autoroute – que par principe nous ne prenons pas, même si en Turquie le coût est modeste. La limite de vitesse y est extrêmement variable, passant de 110 km/h par défaut à 50 km/h au moindre croisement, les deux panneaux correspondants pouvant se suivre à quelques mètres seulement. Autant dire que personne ne respecte, d’autant plus que la fin du 50 n’est jamais annoncée. Le plus compliqué, c’est que la limite est variable selon les véhicules. Apparemment, c’est 100 pour les fourgons comme le nôtre ou 90 pour les camions. Quand la 2×2 voies traverse des villes, la limite descend à 82 km/h pour les voitures (il parait que c’est pour pouvoir flasher à 90…) et 50 à 60 km/h selon la ville et la taille du véhicule pour les autres.

Mais le pire, c’est la mise en place depuis quelques années du contrôle de la vitesse moyenne, qui peut se faire sur plusieurs dizaines de kilomètres avec aussi des sections plus restrictives. On trouve des portiques avec caméras un peu partout, difficile de savoir si elles sont juste pour le contrôle de sécurité ou pour celui de la vitesse. Nous n’avons pas perçu de flash pour le moment, il n’y en a peut-être pas d’ailleurs. Mais il parait que pour les étrangers, la note tombe à la frontière, au moment de quitter le pays…


La ville du safran

Difficile de cacher son passé quand on s’appelle Safranbolu. Cette ville a été un poste caravanier important entre l’Orient et l’Occident du XIIIe au XVIIIe siècle, où l’arrivée du chemin de fer a mis fin à ce type d’activité. Entre autres commerces, on y vendait du safran, la ville en étant le principal producteur en Turquie. De ce passé, Safranbolu garde une architecture ottomane remarquablement conservée, qui l’a faite inscrire au patrimoine mondial de l’Unesco.

Nous n’aurons pas le plaisir de voir les champs de crocus en fleur ni d’assister à la récolte, le tout se produisant à l’automne, mais nous pourrons déguster un « thé » au safran chez Mehmet, un commerçant réputé de la vieille ville. J’ai mis thé entre guillemets car de thé il n’y en a point : l’eau chaude est directement versée sur une pincée de pistils rouges de safran au fond d’un petit verre, le liquide prenant immédiatement une magnifique couleur jaune d’or.  En parlant d’or, le safran est l’épice la plus chère du marché, se vendant entre 30 et 45 000 € le kilo, soit à peine moins que le métal précieux (54 000 € le lingot)


Thé ou café ?


Le repos du gosier

Bien sûr, nous avons craqué pour un petit assortiment….


Noir c’est bleu

Nous voici arrivés sur le littoral de la Mer Noire, et vous savez quoi ? Eh bien elle est toute bleue, parfois même d’un joli turquoise dans les zones de hauts fonds ! Encore un mythe qui tombe… Certes, tard le soir ou même la nuit, une couleur sombre apparait, mais la nuit, toutes les mers sont grises, c’est bien connu. Le pire, c’est que l’origine du nom n’a pas été élucidée. Il se pourrait que « noire » désigne le « nord », cette mer se situant au nord de la Turquie, mais ça n’est qu’une hypothèse parmi d’autres. Ce qui est admis, c’est que cette mer était autrefois un lac d’eau douce, 150 m au-dessous du niveau actuel. L’élévation suite à une fonte glaciaire aurait fait monter le niveau de la Méditerranée, qui se serait déversée par le détroit des Dardanelles dans la Mer de Marmara, qui se serait déversée par le détroit du Bosphore dans la Mer Noire. En profondeur, c’est toujours ce qui se passe d’ailleurs : l’eau y est très salée alors que très peu en surface.

Nous avons longé la Mer Noire d’Ouest en Est sur plusieurs centaines de kilomètres. C’est parfois très sauvage avec une petite route tranquille qui se faufile entre une végétation abondante – favorisée par le microclimat – et de jolies petites criques, ou plus urbanisé avec des cités portuaires ou des stations balnéaires aux constructions quelconques, reliées par une route côtière à 2 x 2 voies souvent envahie de camions.


Sinop, en bref


Les mythes tombent comme des mouches

Après la Mer Noire toute bleue, nous découvrons la ville de Samsun, qu’on imaginait plutôt sud-coréenne que turque. D’accord, c’est juste pour rire, il manque quand même le g final. Mais dans un parc de la ville, en bord de mer, nous tombons sur la statue d’une jeune guerrière, arc à la main, jupe et mocassins en daim, et la mention « Amazone » en dessous. Mais les Amazones ne sont-elles pas originaires d’Amazonie ? Eh bien non, je me suis encore fait piéger. Un panneau explicatif nous apprend qu’un peuple de femmes guerrières aurait vécu ici entre 2000 et 1000 av. J.-C. ce que les historiens jugent peu probable selon d’autres sources, aucun vestige archéologique correspondant n’ayant été retrouvé. Par contre, des traces tangibles de femmes guerrières ont été retrouvées en Ukraine et en Russie. Autant dire que le conflit actuel remonte à loin. Ç’est quand même drôle de voir réunis ici Samsun et Amazon.

Et un petit chez soi reconstitué. Admirez au passage l’intégration du déshumidificateur d’air ! Tout ça était un peu kitsch et sujet à controverse historiquement parlant, mais bon à 0,40 € l’entrée, on n’a pas demandé à être remboursés !


Ainsi s’achève cette première partie de la Turquie. Le pays est grand, prévoyez au moins 2 ou 3 autres articles sur le sujet. Alors à bientôt !

Le parcours correspondant à cet article, en version zoomable ici pour les passionnés et ci-dessous les boutons pour commenter, pour vous abonner ou pour nous retrouver sur les réseaux sociaux

130. Grèce, suite et fin

Après une pause-enfants de 3 semaines, nous retrouvons Roberto qui devait s’ennuyer un peu. Il faut être nomade pour comprendre avec quel plaisir nous retrouvons notre petite maison sur roues, toutes nos affaires à portée de main, un lit confortable et une mobilité sans égal. Nous reprenons de suite la route, appréciant au passage le poste de conduite en hauteur, idéal pour mieux apprécier le paysage tout en donnant une impression de sécurité.


À la recherche d’un peu de fraîcheur

Nous nous dirigeons d’emblée vers les montagnes afin d’échapper aux températures caniculaires qui nous accueillent. Après quelques hésitations pour trouver le combo idéal ombre + altitude + vent, nous trouvons notre bonheur dans une zone parsemée d’éoliennes, en gardant une distance raisonnable pour ne pas se trouver sur la trajectoire d’une pale qui se détacherait. Une chance pour un million, mais admettons … comme dirait Bigard. La nuit s’est confirmée aussi tranquille que la solidité des pales, ce qui nous a permis de récupérer notre jetlag (1 heure…)

Restant en altitude, nous suivons une jolie route bordée de sapins, traversant toutefois des secteurs incendiés quelques années auparavant. Ces troncs noirs tout tordus sont une vision assez triste, mais les petits buissons verts qui se reforment à leur base rassurent sur la résilience de la nature. Nous nous arrêtons pour la fin d’après-midi et la nuit sur une grande aire de pique-nique dans une clairière où quelques grands épicéas font de l’ombre. Malgré les 800 m d’altitude, il fait encore 35°C à 16h. Quelques chiens autour de nous viennent creuser un peu le sol pas loin de Roberto et s’y allonger dans la terre un peu moins chaude. Tout en semblant guetter d’un œil ou d’une oreille une éventuelle proposition de nourriture.


Le Monastère de Lucas le Bienheureux

Perché sur une colline au milieu des champs d’oliviers, ce monastère classé à l’Unesco est dédié à l’ermite grec Loukas venu vivre ici dès son adolescence. Très inspiré par les lieux, il a développé des pouvoirs de prophétie et de guérison qui ont apporté de la notoriété (et donc des fonds) au monastère, et la reconnaissance du pape qui a canonisé notre ermite. Nous découvrons un bel ensemble de bâtiments du XIIe siècle, avec cette architecture typique que nous rencontrons depuis un moment et que vous retrouverez sur les photos. Dans une jolie crypte aux voûtes couvertes de fresques, Loukas le Bienheureux accueille toujours les visiteurs. Enfin on espère qu’il y est toujours, on n’a pas soulevé le couvercle…


Arrêt Mont Parnasse

J’ai bien failli vous dire que cette station de ski, la plus grande de la Grèce, n’avait rien à voir avec le quartier parisien. Mais en fait si ! C’est fou comme tout vient du Grec. Le quartier de Paris aurait pris le nom de la montagne grecque à l’initiative d’étudiants facétieux du quartier latin qui lui trouvaient une certaine similitude avec un gros tas de gravats abandonné là. En cette période estivale, nous sommes seuls sur un très grand parking pour profiter d’une belle vue et des 24°C liés aux 1820m d’altitude, alors que les autres touristes rôtissent sur les plages à 38°C. Nous allons rester là un jour et demi pour nous reposer, rattraper quelques papiers en retard et observer un peu la nature.


Makrinitsa village de pierre

Nous découvrons là un adorable petit village exclusivement piéton entièrement construit en pierre, des rues pavées inégales aux toits de lauzes parfaitement taillées. Malgré la haute saison, la fréquentation touristique est modeste, peut-être freinée par la rareté des places de parking. De jolies boutiques de souvenirs et de belles terrasses de restaurants avec vue splendide sur la ville de Volos 700m plus bas sont pourtant bien accueillants.


Tout va à Volos

Encore une nuit tranquille et fraîche à 1200 m d’altitude, sur l’un des parkings de la station de ski du Mont Pelion (ça vient du Roi Pelée, père d’Achille dans la mythologie). Nous décidons de pousser 20 km plus loin jusqu’à une cascade renommée. Au lieu-dit, nous ne trouvons qu’un amoncellement de gros rochers et quelques bulldozers laissant à peine passer le flux d’un ruisseau. Déception. D’où le titre de ce chapitre.

Étudiant la carte pour reprendre notre route, nous nous apercevons que notre destination suivante nécessite de tout refaire en sens inverse : les 20 km jusqu’à notre station de ski, puis encore 30 jusqu’à la ville de Volos qui semble centraliser, à l’image de l’expression qui sied à Rome, toutes les routes de la région. D’où le titre de ce chapitre.

Volos est une grande ville portuaire sans grand intérêt touristique. Elle a tout de même l’intérêt, pour ceux qui s’intéressent à la mythologie grecque, d’être le point de départ de Jason et de ses Argonautes à la quête de la Toison d’Or. Deux maquettes de leur navire l’Argo sont exposées près des quais : l’une en métal sur un petit rond-point, et l’autre plus grande en bois que nous n’avons jamais trouvée. Décidément, ce n’est pas notre jour. D’où le titre de ce chapitre.

Nous terminons cette grande matinée peu fructueuse dans un tsipouradiko, un genre de restaurant typique de la ville où les locaux viennent depuis plus d’un siècle consommer un tsipouro accompagné de mezze. Le tsipouro est l’autre alcool typique de la Grèce. Contrairement à l’ouzo, il provient d’eau de vie de raisin. On nous le sert sous forme de mignonette, à verser sur des glaçons. Mais oh surprise, la boisson prend alors un aspect laiteux… La dégustation confirme le goût anisé. Nous aurait-on servi de l’ouzo ? Il est pourtant bien écrit Tsipouro sur la bouteille ! Renseignement pris, il y a deux tsipouros : le turc, anisé, et le grec, non anisé. C’est donc bien le premier qu’on nous a servi. Une déception de plus aujourd’hui. D’où le titre de ce chapitre.

Le menu tsipouro + 2 mezzé est à 5 €, ça va non ? Ci-dessus et ci-dessous les mezzé qu’on nous a servis

Nous n’en attendions pas tant… nous avons commandé aussi 2 plats principaux (moussaka et salade de poulpes) que nous avons eu un peu de mal à finir !


Dame nature


Un calme cholérique

Nous visitons ce matin de bonne heure le village de Palaios Panteleimonas, perché à 500m d’altitude sur les flancs du Mont Olympe et face à la Mer Égée. Il a été fondé au XIIIe siècle par des habitants de la ville côtière de Platamon juste au-dessous, qui souhaitaient échapper ainsi à l’épidémie de choléra en cours. Ils ont commencé par ériger une église dédiée à St Pantaléon, deux précautions valant mieux qu’une. Un peu isolé, le village est resté ainsi hors du temps et nous offre une bonne idée de l’architecture de cette époque. Le problème comme toujours est que l’arrivée massive des touristes a détourné les habitations de leur fonction initiale, les transformant peu à peu en cafés, restaurants, pensions et autres Airbnb. Seule une quarantaine d’habitants est recensée à l’année, finalement décimée par une épidémie … de touristes. L’expression choisir entre la peste et le choléra viendrait-elle de là ?

C’est sans vergogne que nous avons marché sur les pas de nos prédécesseurs et visité ce joli village, quasi désert avant 9h du matin. Le seul endroit qui comportait un peu d’animation était la place de l’église, dont les portes ouvertes laissaient diffuser les chants orthodoxes de la célébration en cours. Nous nous sommes assis pour prendre un petit café et observer la population arriver peu à peu dans cette ambiance inspirante et calme. Un joli moment comme on les aime. Au moment de repartir vers 10h, les petites rues avaient déjà changé. Boutiques ouvertes, tables des restaurants dressées, tout était prêt pour accueillir le flot de touristes qui commençait à arriver. L’avenir est à ceux qui se lèvent tôt, c’est sûr.


Vers le domaine des dieux olympiques

La ville de Litochoro est le point de départ pour les randonnées vers le Mont Olympe, la plus haute montagne de Grèce. Pour atteindre le point culminant du pays (Mont Mytikas, 2917m), il faut tout de même marcher 10h30 et une vingtaine de kilomètres en pente forte, un peu trop pour nos jambes soixantenaires. Nous nous contenterons de flâner dans la ville et d’une petite randonnée de quelques kilomètres autour du coin que nous nous sommes trouvés pour la nuit à 1000m d’altitude. Litochoro est évidemment assez touristique, mais pas bondée pour autant. Nous avons bien aimé sa ravissante église orthodoxe et ses vues sur le Mont Olympe.

À savoir : l’Olympe a été déclarée réserve de biosphère par l’Unesco en 1981 et réserve des dieux par Homère en -800.

A savoir (bis) : Dans la mythologie grecque, le ciel et la terre ont été créés par un couple de dieux olympiens (Gaia et Ouranos) : dès le début, la mixité était respectée. Très forts ces Grecs.


Randonnées à risque


En vrac


Querelles d’outre-tombe

On a longtemps cherché la tombe de Philippe II de Macédoine, qui fit de cette région une grande puissance régionale capable de grignoter peu à peu la Grèce, puis une partie de l’Asie grâce à l’action poursuivie par son fils Alexandre le Grand. En 1977, des archéologues ont découvert à Aigai (près de l’actuelle Vergina), la première capitale du royaume de Macédoine, une nécropole comportant 11 tombes « cachées » sous un grand tumulus. Parmi elles, 4 tombeaux monumentaux, dont 2 inviolés, et recelant, outre les fragments osseux de leurs occupants placés dans de petits coffres, de multiples trésors. Les diverses investigations de l’archéologue en chef grec ont conduit à déterminer que le tombeau numéro II était celui de Philippe II de Macédoine. L’ensemble de la nécropole a été laissé sur place, aménagé pour la conservation et l’exposition au public. Un faux tumulus a été reconstitué au-dessus, l’ensemble formant le Musée des Tombes Royales, passionnant à visiter. Depuis, une partie de la communauté scientifique remet en question l’identification de la tombe de Philippe II qui serait plutôt dans le tombeau I alors que le tombeau II serait plutôt celui de Philippe III. A y perdre son Latin. Euh, son Grec.

Pour en savoir plus sur la contestation, lisez cet article du magazine Pour la Science


A waterfall is a succession of waterfalls

S’il fallait une démonstration de la supériorité de la langue de Molière sur celle de Shakespeare, la voilà. Cette traduction en Anglais de la phrase « une cascade est une succession de chutes d’eau » est pour le moins ridicule. Tout autant que d’avoir dû attendre d’arriver à Edessa en Grèce du Nord pour s’en apercevoir. Car oui, à Edessa, il y a des chutes d’eau de toutes sortes, et même des cascades. Elles seraient les plus grandes des Balkans, et les seules en Europe à être situées en zone urbaine. La chute la plus spectaculaire affiche une hauteur de 70m et débite 5 à 10 m3 d’eau par seconde. Ce qui est bien, c’est qu’on peut aller se placer juste derrière, entre elle et le rocher, sans recevoir la moindre goutte d’eau, et faire quelques photos sympathiques.


Baignoires naturelles

Le domaine privé de Loutra Pozar, proche de la frontière bulgare, a été aménagé autour d’un torrent dans lequel se déversent quelques sources chaudes avoisinant les 37°C. Les repérer n’est pas très difficile, les zones d’émergence étant en général entourées d’une petite bordure de galets pour former des baignoires individuelles, et occupées aux heures les plus chargées par des corps qui trempent.

Si aucun de ces bassins naturels n’est disponible, ou si l’on aime le contact humain, il reste les piscines payantes (3€/30mn) repérables à leur alignement d’adultes jeunes (25-35 ans) accoudés côte à côte sur leur margelles.

Nous avons préféré la première solution, en bénéficiant grâce à une nuit sur place des heures creuses du matin. De fait, vers 9h, seul un autre couple partageait le torrent avec nous, à plus de 20m de distance. Allongés dans l’eau chaude sur un lit de graviers, éclairés par le soleil matinal filtré par de grands arbres, nous avons profité de notre petit spa naturel, nous faisant chatouiller par les grappes de bulles qui remontaient régulièrement à la surface. Tout en profitant du bruit blanc produit par le vent dans les arbres et du bruissement du cours d’eau. Un vrai bonheur. Une détente absolue.

Pour qui voudrait se rafraîchir, la cascade toute proche est à disposition. Avoisinant peut-être les 15°C. Mais nous n’avons pas tenté, pas plus joueurs que ça…

En prime, quelques sentiers de randonnée autour du site mènent à des grottes (la seule devant laquelle je me suis présenté était fermée…), des cascades ou tout simplement permettent de remonter la gorge du torrent et de profiter de ses belles couleurs bleu-vert tout en admirant l’arrière-plan montagneux.

En surprime, tout ça était gratuit. La nuit était censée coûter 7 €, mais nous n’avons trouvé aucun guichet et personne n’est venu nous réclamer quoi que ce soit…


Thessalonique, retour en ville

Nous consacrons une journée complète à la seconde ville du pays, nous attendant à souffrir de la chaleur au cours de cette longue marche citadine. Mais non, un ciel un peu voilé a retardé l’envolée des températures et la brise marine a fait le reste. Nous avons parcouru au total une douzaine de kilomètres et découvert une cité agréable, sans pour autant être exceptionnelle. Ci-dessous une sélection de photos commentées de la journée.

Les parapluies : œuvre emblématique de la ville depuis 1997, année où Thessalonique a été la capitale européenne de la culture

La statue équestre d’Alexandre le Grand, qui a beaucoup fait pour la Macédoine, mais rien pour Thessalonique qui ne fut créée qu’après sa mort. Regardez bien les oiseaux sur la statue. Un tel homme ne pouvait se contenter de simples pigeons !


La tour blanche : un autre symbole de Thessalonique. Elle a été construite au XVe siècle par Soliman le Magnifique, mais n’est pas si blanche que ça. D’abord parce qu’elle a perdu la couleur que lui aurait peint un prisonnier pour acheter sa liberté. Mais aussi pour son passé peu glorieux de prison et de lieu d’exécutions.

Le quartier Ladadika : un des plus anciens marchés de la ville reconverti en bars et restaurants. C’est plutôt joli et tranquille le jour, mais probablement plus animé la nuit.


La place Aristote : le cœur piéton de la ville, elle possède bien évidemment une statue du grand philosophe grec. Bizarrement, j’ai vu un gamin s’y faire photographier avec son ballon de foot. Y a plus de respect !


Le marché Kapani, dans lequel on trouve de tout, y compris du mastic de Chios, très utilisé parait-il par les Grecs, notamment pour ses propriétés médicinales. Il s’agit de la résine d’un pistachier endémique de l’île de Chios, vendue en « larmes » à mastiquer. Ce serait la première gomme à mâcher naturelle au monde. Elle réduirait les risques d’ulcère d’estomac et favoriserait l’hygiène de tout le tube digestif. Nous avons testé. L’impression est celle de remettre en bouche un vieux chewing-gum déjà mâché et oublié dans sa poche : aucun goût et gros efforts pour les mâchoires. Mais aucun ulcère d’estomac ne s’est développé depuis : c’est efficace !


Le quartier des antiquaires, dans lequel on trouve de tout, y compris un buste de Napoléon et des disques vinyles vendus en sacs à provisions


La basilique Saint-Dimitri : dédiée au saint patron de la ville, elle fait p