68. Cap plein Ouest

Après ce point extrême-oriental de la Gaspésie, nous amorçons un virage à 180° pour débuter une longue traversée du Canada qui devrait nous amener dans la région de Vancouver fin-août début-septembre. Notre GPS nous indique à vue de nez 5 500 km et 58 heures de route, mais ce sera forcément davantage compte-tenu de notre malin plaisir à prendre le chemin des écoliers.

Un trou pas du tout perdu

La petite ville de Percé, à l’Est de la Gaspésie, ne compte guère qu’un peu plus de 3 000 habitants, mais elle accueille 20 fois plus de touristes en saison, tous venus voir en priorité le trou dans la falaise qui lui donne son nom. La falaise est maintenant séparée du continent, mais ça n’a pas toujours été le cas. Lorsque Jacques Cartier est passé dans le coin en 1534, il a décrit une seule avancée et trois trous. Les assauts de la mer combinés aux alternances gel/dégel en hiver arrachent chaque année 300 tonnes de roches à la falaise et rendent ses abords dangereux. Nous nous sommes contentés de l’observer de loin, en prolongeant même le plaisir une nuit entière grâce au camping situé pile en face. Cerise sur le gâteau, nous avons observé le matin aux jumelles moult baleines venues prendre leur petit déjeuner dans la baie.


L’anti Robin des bois

Tout près du joli port de pêche de l’Anse à Beaufils, au sud de Percé, se trouve le Magasin Général de la compagnie Robin. Ce Robin-là était un immigré de Jersey et de ce fait parlait très bien l’Anglais et le Français. Il a ainsi pu embobiner les francophones du Québec alors sous domination anglaise en les enrôlant dans la pêche à la morue. M. Robin possédait les bateaux et revendait la morue. Il rémunérait ses pêcheurs en avoirs, utilisables seulement dans les « magasins généraux » …appartenant bien entendu au magnat jersiais. Inutile de dire que M. Robin faisait aussi crédit, entraînant ses ouvriers dans des spirales infernales où l’aîné de la famille devait aller pêcher à son tour pour éponger les dettes du père. Après le moratoire sur la fin de la surpêche à la morue, ces boutiques ont périclité. Mais pour l’histoire, celle-ci a été remise sur pied et aménagée comme autrefois. Pour les touristes, les vendeurs en habits d’époque font l’article de leurs produits, mais heureusement, plus rien n’est à vendre sinon ce baratin.


Retour en Acadie

Quelques mois après la Louisiane, nous retrouvons les Acadiens à Bonaventure, au Sud de la Gaspésie, une de leurs premières destinations après qu’ils aient été chassés de leur Acadie primitive par les Anglais. On se souvient que ces émigrants du centre-ouest de la France avaient fondé une colonie en Nouvelle-France au début du XVIIème siècle, dans un territoire transféré ensuite à l’Angleterre puis reconquis par le Canada. Grâce à une forte résilience et une forte natalité aussi (jusqu’à 25 enfants par famille !) ils ont su se reconstruire et reconquérir peu à peu leurs territoires perdus. 80% des habitants de Bonaventure sont Acadiens. Le drapeau bleu-blanc-rouge orné d’une étoile jaune (représentant la vierge Marie) qui flotte dans la ville aux côtés du drapeau Québécois en témoigne.


Tous à couvert !

Non, ce n’est pas une mauvaise blague sur ce qu’endurent les Ukrainiens, c’est juste l’histoire de quelques ponts couverts croisés sur notre route. Au Québec, il s’en est construit plus de 1 500 au cours du XIXème siècle, principalement pour décupler leur longévité par rapport aux ponts classiques en raison de la sévérité du climat. On dit aussi qu’ils étaient idéaux pour dissimuler les amoureux… Ils étaient dotés d’une construction robuste, de type ferme pour la charpente et de madriers entrecroisés pour les parois. Quelques 90 de ces ponts sont encore présents et pour beaucoup en service. Nous en avons d’ailleurs traversé un, à la fois pour le fun et pour aller régler quelques cartes postales peintes par l’épouse d’un gentil monsieur qui nous a raconté l’histoire du petit village où il habite, de l’autre côté du pont.


Ventes de garages à gogo

Le marché de l’automobile se porte mal, pourrait-on penser à voir fleurir ainsi ces multiples pancartes au bord des routes. Mais ce n’est pas ce que l’on croit. La cause est un phénomène de société au Québec appelé « Le grand déménagement ». Curieusement, la plupart des baux d’habitation expirant au 30 juin, la grande majorité des Québécois qui déménagent le font le 1er juillet. Cela vient d’une loi de 1750 qui imposait alors pour les premiers baux une échéance au 1er mai. Bien plus tard, le 1er mai est devenu le 1er juillet pour ne pas perturber l’année scolaire des enfants. Plus aucune loi n’impose quelque date que ce soit aujourd’hui, mais les habitudes ont la dent dure. Mais alors, pourquoi vend-t-on tous ces garages fin juin ? Eh bien parce qu’une « vente de garage » en québécois est l’équivalent de nos « vide-greniers ».


Apparences trompeuses

Le forfait mobile Free est très prisé des voyageurs qui se rendent en Amérique du Nord, car il offre, outre la gratuité des communications et textos depuis ce sous-continent, 25 Go de données cellulaires en mobilité, ce qui est tout à fait compétitif par rapport à d’autres forfaits européens voire locaux. Mais comme les autres opérateurs français, Free ne possède pas d’antennes en Amérique et doit donc sous-traiter avec des opérateurs locaux. Et nous avons eu la mauvaise surprise de constater qu’en Gaspésie, pourtant une région francophone et très touristique du Canada, la couverture de l’opérateur partenaire de Free, Rogers, est quasi inexistante. Vous pourrez constater cela sur les cartes ci-dessous, répertoriant les antennes des 4 opérateurs historiques canadiens.

Bien sûr on peut trouver des antennes Wi-Fi çà et là, dans les restaurants ou les musées, mais ce n’est pas pareil. Pour nos visites touristiques par exemple, nous avons besoin d’avoir un peu d’internet pour trouver quelques informations actualisées par rapport à nos guides papier, notamment en termes d’heures d’ouvertures. Nous avons dû acheter un forfait local, chez l’opérateur Telus, bien plus présent en Gaspésie. Cela dit, pour le triple de notre forfait Free, nous avons obtenu trois fois moins de données cellulaires. Mais nous avons pu nous connecter, c’était le principal. En tout cas, mieux vaut toujours se renseigner lorsque l’on part dans un pays censé être couvert par son opérateur sur la réalité de la couverture de son relais local.


De mon point de vue…

celui du Mont St Joseph, à Carleton, méritait le déplacement. Surtout pour son panorama sur la Baie des Chaleurs et son barachois, une sorte de lagune fermée par deux bandes de sable, l’une hébergeant le plus beau camping de Gaspésie, l’autre une colonie de hérons. On trouve aussi au sommet une petite chapelle au toit tout bleu surmonté d’une Sainte-Vierge curieusement emprisonnée dans un grillage.


Faire de la pluie un évènement positif

Au cours de ces 2 semaines en Gaspésie, nous aurons profité de 4 ou 5 jours de beau temps, pas plus. En raison de la pluie torrentielle, nous avions décidé de remettre à plus tard la visite des réputés Jardins de Métis, sachant que nous les croiserions de nouveau à la fin de notre boucle. Mais le moment venu, la pluie est toujours présente. A croire qu’elle n’a pas quitté les lieux depuis notre passage. Heureusement, la météo annonce une petite accalmie vers les 15h, alors que le parc ferme à 17. Nous attendons patiemment toute la matinée, et nous précipitons vers l’entrée dès le premier rayon de soleil réapparu. Les Jardins de Métis ont été aménagés par Mme Elsie Reford, une bourgeoise montréalaise venue se mettre au vert chaque été sur un campement de pêche. Associant les fermiers et guides de pêche de la région pour les transformer en jardiniers, surmontant des conditions climatiques extrêmes (et je ne parle pas de la pluie bien sûr), elle parvient à planter plus de 3000 espèces dans un environnement initialement forestier, nous offrant de beaux jardins à l’anglaise. Nous y avons trouvé des fleurs magnifiques et surtout sublimées par cette récente pluie. Les photos parlent d’elles-mêmes. Admirez les gouttelettes qui perlent partout, les superbes pavots bleus de l’Himalaya, les pivoines aux couleurs éclatantes et le jardin sauvage d’épilobes avec leur camaïeu de pourpre.


C’est une maison blanche… accrochée à la ravine

Rien à voir avec sa consœur bleue, celle-ci a une tout autre histoire. Nous sommes rendus à Chicoutimi, de nouveau sur la rive Nord du fleuve St Laurent, et même plus précisément sur la rive Sud de son affluent la rivière Saguenay. En 1996, des pluies exceptionnelles dans la région ont provoqué un débordement de tous les barrages hydro-électriques, et des torrents monstrueux ont envahi les villes en aval. Ainsi à Chicoutimi, toutes les maisons du centre ont petit à petit été emportées par les eaux. Toutes sauf une restée fièrement debout au milieu du déluge. Tout simplement parce que sa propriétaire de 79 ans avait, avant d’être évacuée, déposé une rose sur la statue de Ste Anne qui trônait dans son salon. Mais pourquoi (diable) les autres n’y avaient-ils pas pensé ?!


Pas lol du tout

Ces inondations de 1996, auxquelles la petite maison blanche a survécu, ont fait beaucoup de victimes, générant dans la foulée quelques monuments commémoratifs. Cette « Pyramide des Ha! Ha! » est l’un d’entre eux. Elle est faite d’un intéressant assemblage de 3000 panneaux routiers d’alerte, dont le pouvoir réfléchissant nocturne doit rendre un bel effet lorsque les phares des véhicules l’éclairent. Nous y étions le matin, nous n’avons pas pu vérifier. Ha! Ha! est le nom de la rivière qui a débordé ici. L’étymologie n’est pas claire mais n’a rien à voir avec l’onomatopée liée au rire. Heureusement, car il n’y avait pas de quoi !


Lol par contre

Suite logique aux panneaux d’avertissements, je vous en livre deux autres, photographiés à peu d’intervalle, l’un dans les toilettes d’un magasin de bricolage, l’autre près d’un barrage. Je me demande si le second ne répond pas à la question mystérieuse que semble soulever le premier. Vous en pensez quoi ?


Le village-fantôme de Val Jalbert

C’était la grande époque des pulperies, ces usines de pâte à papier du tout début du XXème siècle. Dans ce site idéal cumulant une forêt abondante pour la matière première, un torrent pour transporter les troncs et une cascade pour fournir l’énergie nécessaire, une usine performante a été installée en moins de 18 mois. Afin d’attirer les ouvriers, un village a été construit avec des facilités rares à l’époque : eau courante et électricité. 25 ans plus tard, 80 maisons abritaient 950 personnes. L’année d’avant la crise économique de 1929, la demande s’était déjà affaiblie et l’usine dut fermer. Les familles partirent les unes après les autres et le site resta abandonné pendant près d’un siècle avant que l’on ne lui redécouvre une valeur historique. Certaines maisons ont été restaurées, ouvertes à la visite avec leur mobilier d’époque, pour certaines transformées en chambres d’hôtes, tandis que d’autres s’effondrent tranquillement, envahies par la nature. Il en résulte un certain charme et nous avons adoré cette balade dans ce site magnifique.


Nous sommes dans la région du lac St Jean, encore calme malgré la saison touristique en cours. Mais les deux jours qui viennent vont être encore plus tranquilles. Nous allons rejoindre le Val d’Or par une route en pleine nature où les stations-services – si cela peut être un repère – sont espacées de plusieurs centaines de kilomètres. A bientôt si nous ne nous perdons pas !

67. La route du bout du monde

Après une dernière étape sur la rive gauche du Saint-Laurent, effectuée sur un zodiac à la recherche des baleines, nous avons embarqué avec Roberto sur un ferry pour rejoindre l’autre rive et gagner la Gaspésie, une région peu peuplée mais très nature du Québec. Et là, nous sommes véritablement allés jusqu’au bout du monde !

Aileron aileron petit patapon

Nous attendions un peu plus de cette sortie à la rencontre des baleines aux Escoumins, à côté de Tadoussac. Nous avions misé sur une navigation en zodiac, avec un nombre limité de personnes, au lieu du gros bateau chargé de centaines de touristes. Nous avions le temps pour nous : un grand soleil après une journée de pluie et de brume. Nous étions au bon endroit, là où la concentration des cétacés est la plus forte. Notre seul point faible était la saison, qui débutait seulement, avec un pic en nombre et en variété de mammifères marins survenant seulement deux mois plus tard. Est-ce pour cette seule raison, mais le bilan après 2 heures de navigation était plutôt mitigé : 3 têtes de phoques et une trentaine de nageoires dorsales de petits rorquals aperçues, surgissant à la fois lentement et furtivement hors de l’eau avant d’y replonger. Et sans grand spectacle puisque cette espèce ne saute pas et n’expose pas sa nageoire caudale en plongeant. Serions-nous devenus difficiles ?
P.S. Sauriez-vous dire à quel adverbe de ce texte correspond le mot « patapon » du titre ?


Les chemins de traverse

Ça nous rappelle le bon temps de la Norvège : depuis que nous longeons le fleuve Saint-Laurent, nous sommes amenés régulièrement à prendre le ferry, soit pour traverser le fleuve lui-même, avec un parcours d’autant plus long que l’on s’approche de son embouchure, soit pour traverser des affluents. Le Québecois, hostile par nature aux anglicismes, déteste le mot ferry-boat et préfère parler de traversier, voire de traverse ou à la rigueur de bac. Les petits traversiers sont fréquents et souvent gratuits, l’occasion de réaliser des mini-croisières pour pas cher. Dès que le trajet s’allonge, la fréquence se ralentit, la réservation devient nécessaire et le type de véhicules transportables varie. C’est ce que nous venons en tout cas de découvrir au retour de notre sortie baleines. Nous souhaitons maintenant gagner la Gaspésie, de l’autre côté du Saint-Laurent. Et là, pas question comme jusqu’ici de se présenter simplement à l’embarcadère. Il nous faut réserver. Nous cherchons d’abord sur le site de la compagnie locale (nous sommes aux Escoumins) qui nous apprend que le seul traversier du jour est déjà parti. Deux départs sont prévus demain mais il faut créer un compte pour réserver en ligne. Nous cherchons alors si le port suivant, à une quarantaine de kilomètres, aurait des départs pour ce soir. Mais là, fin de non-recevoir, leur traversier n’accepte pas de véhicule de plus de 2,40m de hauteur et nous faisons 2,55m. Même en dégonflant les pneus, ça ne passera pas. Nous revenons donc sur le premier site et créons notre compte, validons notre mail pour être autorisés enfin à réserver en ligne. Mais notre catégorie de véhicule n’apparait pas dans la liste et le site nous renvoie à une réservation classique par messagerie. Heureusement, après une trentaine de minutes et quelques échanges de mails et de documents, nous sommes confirmés pour le départ du lendemain à 13h. Ouf ! Sinon la traversée a été plutôt tranquille. Nous avons juste craint à l’embarquement que le nombre impressionnant de véhicules qui attendaient sur le quai ne rentreraient pas tous dans cet assez petit bateau, mais ça s’est bien passé. Le personnel a dû être sélectionné à l’embauche sur son habilité au jeu de Tetris.



Le canyon de la descente aux enfers

Pour une fois, je n’ai pas trafiqué le titre, c’est bien comme ça que s’appelle ce canyon. Avec tel nom, difficile de résister à la tentation d’aller jeter un œil. J’ai tout de même pris la précaution de vérifier que la balade ne commençait pas avec un gros élastique attaché autour des chevilles, on ne sait jamais. J’ai aussi consulté la météo, car, il faut bien le dire, le temps nous joue des tours au Québec, nous faisant jongler entre des jours ensoleillés très chauds et des jours de pluie froide et continue. Nous adaptons dans la mesure du possible nos trajets à ces conditions, privilégiant les activités abritées les jours de pluie, comme le roulage, les courses, les musées, et les sorties en extérieur les jours secs. Et là, après une grosse journée et demi pluvieuse, on nous annonçait une après-midi ensoleillée. Alors nous avons rejoint ce canyon en empruntant des routes assez limites, soit asphaltées mais défoncées, soit en terre mais à la surface plus régulière. L’impression d’aller au bout du monde. Après, ce fut une belle balade en forêt, bien aménagée avec de nombreuses passerelles et des centaines de marches, longeant d’abord le fameux canyon sur un parcours en balcon magnifique, avant de le traverser sur une passerelle suspendue 60 mètres au-dessus du torrent, pour redescendre au niveau de celui-ci par un escalier de 300 marches qui longe de près un torrent tumultueux. Nous aurions mis 5 étoiles à la balade s’il n’y avait pas eu la malchance des 51% et les maringouins. Je m’explique. La météo avait prévu un temps relativement sec, avec juste un risque de pluie estimé à 51% entre 14 et 15h. L’incertitude s’est faite en notre défaveur et nous avons dû sortir nos parapluies tout le long du chemin du retour. Quant aux maringouins, nom local pour les moustiques, c’est la plaie estivale du Canada. Nous n’en avons encore que rarement souffert car l’été n’est pas encore vraiment commencé mais nous craignons que le phénomène ne s’amplifie au cours des mois qui viennent. Mais nous redoutons encore davantage les « frappe d’abord », des insectes genre mouches noires agressives qui vous tombent brutalement dessus et repartent après vous avoir arraché un bout de chair. Paraît-il. Nous vous dirons plus tard s’il existe une autre descente aux enfers que celle du canyon !


Criss quels sacres !

Au Québec on ne jure pas, on sacre. Les deux termes viennent d’ailleurs de la religion, comme une grande partie de ces sacres. Cela vient de l’époque où la religion était un peu trop présente et sacrer était une occasion de contourner cette domination. C’est totalement différent des jurons anglo-saxons et à moindre degré européens qui eux tapent presque tout au-dessous de la ceinture. Pratiquement tous peuvent s’utiliser comme interjection, adjectif, verbe ou même remplacer une personne. Ils expriment généralement la colère, le mécontentement, l’indignation ou la surprise. Ils peuvent aussi renforcer le mot ou la phrase en cours, voire être cumulés pour décupler leurs effets. Voici quelques-unes de ces expressions dont la plupart sont encore en cours aujourd’hui, avec leur origine et un exemple d’emploi.

– baptême (de la cérémonie) ; Baptême, où sont encore passées mes clefs !
– câlisse (de calice) ; Câlisse que c’est laid ! Es-tu sérieux câlisse ?
– calvaire (de calvaire) ; Y’était beau en calvaire ! (Il était fâché)
– crisse (de Christ) ; Crisse que j’suis content d’être là !
– ostie (de hostie) ; Y’a du monde en ostie au départ de c’traversier !
– maudit (de maudit) ; Maudit démon, le gaz a encore augmenté ! (gaz = essence au Québec)
– sacrament (de sacrement) ; Fous-moi la paix sacrament !
– tabarnak (de tabernacle) ; Il pleut en tabarnak ! Ta-bar-nak, j’en reviens pas !
– viarge (de vierge) ; Bout’ viarge ! (Putain, j’en ai assez !)

On peut aussi cumuler les mots pour renforcer leurs effets. Par exemple, « Crisse de câlisse d’ostie de tabarnak ! » équivaudrait à notre « Putain de bordel de merde ! ». J’ai même trouvé un site qui vous compose un sacre aléatoire de la longueur de votre choix au cas où vous seriez en mal d’inspiration après vous être cogné brutalement votre petit orteil dans un meuble ou après avoir découvert que votre taux de prélèvement à la source venait de doubler.


L’homme qui aimait les vans

Entre les habitants d’une région touristique et les véhicules de loisirs, les relations sont généralement tendues. Les premiers accusent les seconds de saccager leur paysage, tandis que les second accusent les premiers de cracher dans la soupe, de mépriser cette manne touristique qui les fait vivre. De fait, les habitants irrités font pression sur leur mairie pour pondre des arrêtés interdisant le stationnement des camping-cars dans la ville et installent de multiples panneaux ad-hoc. Il faut savoir qu’en France ces panneaux sont illégaux, on ne peut en effet stigmatiser un type particulier de véhicule. Mais les maires le savent bien, et comptent sur le fait que les éventuels verbalisés ne porteront pas plainte. Dans ce cas, après quelques années prévisibles de procédure, l’arrêté municipal correspondant serait annulé …et il suffirait d’en faire voter un autre au contenu légèrement différent pour relancer le cycle infernal.

Mais on ne peut généraliser. Il y a aussi des habitants de zones touristiques qui aiment les véhicules de loisirs. Nous venons d’en rencontrer un. Nous venions de passer devant chez lui pour rejoindre au bout de sa rue en cul-de-sac un parking tranquille figurant dans l’application iOverlander. Constatant que le stationnement était désormais interdit à notre catégorie de véhicules, nous rebroussons chemin. C’est là que notre résident nous arrête gentiment, et nous demande si nous cherchons un stationnement nocturne, parce que si c’est le cas il nous propose la zone gazonnée située entre la route et le fleuve, juste devant sa maison. Adorable, non ? Normand nous explique qu’il a enseigné plusieurs années en France et qu’il a parcouru quelques pays d’Europe en camping-car. Nous lui faisons part en contrepartie de notre parcours. Il nous aide pour nous garer, propose même de déplacer une lourde table de pique-nique et nous demande juste de laisser un peu de place pour un autre véhicule récréatif qui se présenterait. Nous étions comme des rois. Sympas les Québécois !


Il coule son transatlantique pour sa première prise de fonctions

Pas de chance pour ce jeune officier promu commandant du navire Empress of Ireland à l’âge de 40 ans. Un navire réputé plus sûr que le Titanic, équipé contrairement à ce dernier d’un sonar capable de repérer les icebergs et de plus de canots de sauvetage qu’il n’en faut pour embarquer tous les passagers. L’Empress of Ireland avait 192 traversées à son actif et venait de franchir ce 28 Mai 1914 la partie la plus difficile du fleuve St Laurent entre Québec et Pointe-au-Père, celle où l’assistance d’un pilote local est obligatoire. Il s’élançait tranquillement dans la nuit vers la large embouchure qui le menait à l’Océan Atlantique quand le brouillard s’est levé. Malgré les signaux sonores, un cargo charbonnier moitié moins gros que lui est venu percuter notre navire de croisière sur son flanc, créant une brèche de 11 mètres sur 8. Tout aussi réputé insubmersible que le Titanic, l’Empress of Ireland coula en seulement 14 minutes, emportant avec lui 1012 de ses passagers tout en épargnant 465 personnes. Les statistiques sur le taux de survie en fonction de la classe sont édifiantes : 3% seulement des 138 enfants ont survécu, 18% des 717 passagers de 3ème classe, 19% des 253 passagers de 2ème classe, 41% des passagers de 1ère classe …et 59% des 420 membres de l’équipage dont le commandant. Les femmes et les enfants d’abord ? Mon œil !

Le musée qui retrace ce naufrage et tout ce qui l’entoure évoque aussi la recherche de l’épave bien des années après, le pillage en règle dont elle a été victime avant qu’elle ne soit enfin protégée par la loi et l’évolution technologique des moyens de recherche sous-marine.

: Images obtenue par sonars à balayage latéral en 2000 et 2012 (ci-dessus) et par échosondeur multifaisceaux en 2012 et 2013 (ci-dessous), impossibles à obtenir par photographie dans les eaux noires et opaques du fleuve à 60 m de profondeur.)


Quelques objets remontés du fond


Et quelques autres qu’il vous faut retrouver (quiz du jour !). Les résultats sont à la fin du chapitre suivant.


La vengeance du saumon fumé.

Juste avant la ville de Matane, située au confluent d’une rivière à saumons et du fleuve St Laurent, nous nous arrêtons faire quelques emplettes dans une fumerie artisanale réputée de la région. Nous achetons du saumon et du turbot fumés à chaud le jour même. Il vous faudra attendre la dégustation pour avoir notre avis, parce que là c’était plutôt l’heure du thé… Nous poursuivons jusqu’au centre-ville avec l’intention de visiter un centre d’observation du saumon. Nous avions déjà vu ce type d’installation en Norvège, où l’on profite de l’installation d’échelles à saumons, permettant à ceux-ci de contourner un barrage hydro-électrique qui les aurait empêchés de remonter la rivière, pour les observer dans une zone transparente. Mais rien n’est jamais pareil, chaque pays a ses habitudes et nous étions de passage dans la ville au moment des heures d’ouverture. Enfin selon les dires de notre guide car les lieux étaient bien fermés. Les saumons se seraient-ils vengés ?

Résultats du quiz : 1C 2A 3C


Le grand rassemblement

Dans la famille Gagnon ils sont tous artistes. C’est le père, Marcel, qui a commencé à sculpter ces figurines longilignes et à les installer en petits groupes au bord de la plage puis en colonne perpendiculairement à celle-ci, formant une étrange procession qui apparait puis disparait au fil des marées. Son œuvre ne se limite bien sûr pas là, mais l’attraction a attiré pas mal de curieux et a permis à l’artiste puis à sa famille de se faire connaître. La décoration de leur maison vaut également le détour.


Ne tournez plus manège

Le temps gris et pluvieux se poursuit. Il paraît que les Québécois n’ont pas vu de printemps aussi arrosé depuis longtemps, c’est bien notre chance ! Mais nous n’allons pas rester immobiles pour autant. Nous continuons d’aller jeter un œil aux curiosités qui se présentent le long de notre route. Aujourd’hui ce sera une éolienne, mais pas n’importe laquelle, juste l’éolienne à axe vertical la plus haute du monde. La performance est amoindrie par le fait que cette technologie n’a jamais supplanté les éoliennes classiques à 3 pales et axe horizontal. Mais celle que nous visitons était justement un modèle expérimental. Inaugurée en 1987, elle a fonctionné avec efficacité pendant 6 ans avant de tomber en panne. Un truc tout bête, un roulement à la base. Mais dont le remplacement aurait nécessité le démontage total de l’éolienne, avec un coût supérieur à l’installation d’une version classique. Du coup l’installation a été revendue à une société privée pour en faire une attraction touristique. On peut même, en alignant à peu près autant de dollars canadiens que de marches à gravir, grimper le long de son mât presque jusqu’au sommet. Mais elle ne tourne plus et c’est bien triste car c’est un bel objet. Pour finir par une note positive, sachez que c’est un Français, Ernest-Sylvain Bollée, qui a utilisé pour la première fois le mot « éolienne » au lieu de l’horrible expression « pompe à vent » utilisée jusque-là. Et que c’est encore un Français, Georges Darrieus qui a inventé l’éolienne à axe vertical. Bon, d’accord, ça n’a pas super marché, mais quand même !


Un digne repas de fête des pères

C’est dimanche et c’est la fête des pères. Ma chérie m’invite au restaurant. Plus précisément dans une poissonnerie-restaurant car elle sait que je rêve de manger du poisson bien frais à force de côtoyer tous les jours des bateaux de pêche. Je prends une « table d’hôte », c’est comme ça que l’on appelle ici le menu du jour, composé d’une soupe de poissons (avec de gros morceaux dedans, une des meilleures de ma vie), d’un plat de turbot poché (super frais, un régal), d’un café (oui, il est bien arrivé avant le dessert…) et d’une tarte meringuée au citron (pas terrible hélas – eh les pâtissiers français, il y a plein de boulot ici !). J’avais préféré une semaine plus tôt le « pudding chômeur », une spécialité québécoise celle-là. Je vous le mets aussi en photo pour mémoire. Bon, à part le dessert, c’était quand même une bonne expérience, et mes enfants même loin m’ayant témoigné leur amour, j’étais comblé.


Après la grande ourse, l’étoile polaire

L’opérateur-relais de notre forfait Free n’étant pas implanté sur cette côte Nord de la Gaspésie, nous n’avons plus de réseau depuis 1 jour et demi. Le temps d’une soirée, ça arrive assez régulièrement lors de nos nuits en spots nature, mais ce n’est pas gênant si le lendemain on peut se reconnecter pour échanger des nouvelles ou préparer la suite de notre voyage. Mais là ça n’est pas qu’une question d’éloignement, même dans les villes nous n’avons pas de réseau. Etonnant pour une région très touristique. En fait, les antennes sont bien là, mais ce ne sont pas celles de notre opérateur. A défaut d’acquérir une carte SIM locale, il nous faut trouver des spots Wi-Fi pour continuer à communiquer. Aujourd’hui ce Musée Exploramer à Ste Anne des Monts tombe à pic. D’abord pour aller l’explorer et apprendre, malgré notre grand âge, encore plein de choses passionnantes, notamment sur la flore et la faune du St Laurent. Et découvrir notamment l’existence de cette étoile de mer dite « polaire » munie de 6 branches et non pas de 5 comme la plupart de ses consœurs. Et, toujours plus fort, on nous a montré sa rare voisine de bassin, une étoile « solaire » cette fois comptant pas moins de 14 bras, tous capables de se régénérer en cas de perte accidentelle ou volontaire. L’animateur nous compte d’ailleurs l’histoire de ce pêcheur qui, lassé de voir ses casiers envahis d’étoiles de mer, décida un jour de systématiquement les couper en deux avant de les rejeter à la mer. La population doubla en un rien de temps…

Bonus (uniquement pour ceux qui ne la connaissent pas) : M. et Mme Létoile-Polaire ont une fille, comment s’appelle-t-elle ? La solution est à l’envers pour que vous preniez le temps de réfléchir : ! rûs neib eronoélE


Je l’ai rêvé, ils l’ont fait !

Au cours de ma vie professionnelle, il m’arrivait, fatigué par des enfants déchaînés qui exploraient véritablement mon bureau pendant la consultation sans que les parents n’interviennent, de rêver à l’installation d’une sorte de clôture électrique préservant ma zone de travail… Je ne l’ai jamais fait bien sûr. Mais le même musée dont je viens de parler n’a pas hésité à franchir le pas, sous couverture de l’expérience scientifique cette fois. Sous un panneau décrivant les décharges électriques puissantes que peut déclencher le contact avec certaines raies, on propose d’expérimenter la sensation en touchant un anneau métallique. Bizarrement, pas un gamin turbulent à proximité ce jour là 😉


Le phare voyageur

Une belle histoire que celle du phare de la Pointe-à-la-Renommée, installé loin de tout à l’embouchure du St Laurent pour en sécuriser l’accès en 1880. On nous raconte d’abord la vie très repliée du gardien et des quelques familles qui s’étaient installées là, devant quasiment tout faire en autonomie, ne pouvant compter que sur un unique ravitaillement annuel. Ce phare implanté en un lieu stratégique a de plus été le premier site d’implantation de la TSF en Amérique du Nord, en 1904, par son inventeur en personne, Guglielmo Marconi. Que ce soit par ses signaux lumineux, sonores ou radio, il a permis de sauver de nombreuses vies, soit en prévenant les abordages soit en facilitant grandement les secours. Sans les échanges TSF entre les techniciens Marconi embarqués à bord du Titanic et ceux de la station de la Pointe-à-Renommée, les survivants du transatlantique n’auraient probablement pas été secourus. Les installations ont joué également un rôle capital pendant les 2 guerres mondiales.

Après 95 ans de bons et loyaux services, le phare a été désaffecté. Et puis démonté et transporté à Québec pour soi-disant le protéger, au désespoir des habitants du petit village pour qui c’était le centre de leur vie quotidienne. Ils allaient même lui rendre visite à la capitale provinciale, c’était un comble ! Un groupe de 3 femmes a bataillé dur auprès des autorités et réussi à faire rapatrier le phare en 1997 dans le cadre d’une réhabilitation de tout le site pour sa valeur historique, et nous permettant d’en profiter aujourd’hui. Des phares qui se déplacent de 1300 km aller et retour, on en compte assez peu!


Le bout du monde

Alors que nous approchons de l’extrémité Est de la Gaspésie, la pluie qui nous avait accompagnés ces derniers jours s’assèche et l’horizon commence à réapparaître. De grandes falaises surplombent la belle route côtière. Je suis surpris d’apprendre qu’il s’agit de la chaîne des Appalaches. N’avions-nous pas déjà côtoyé ces montagnes quelques mois plus tôt en Géorgie, tout près de la Floride ? Eh bien oui, les Appalaches longent toute la côte Est de l’Amérique du Nord, jusqu’au Canada et terminent leur vie en s’enfonçant dans la mer en Gaspésie, dans un site protégé appelé parc Forillon. Une protection qui ne s’est pas faite sans heurts d’ailleurs car bon nombre d’habitants ont dû être délogés lors de la création de cet espace naturel, un souvenir douloureux si l’on en juge par le nombre de mémoriaux qui leur sont dédiés. Mais a posteriori un mal nécessaire pour les générations futures. Nous y parcourons de superbes sentiers longeant une végétation boréale d’un côté et les échancrures du golfe du St Laurent de l’autre, observant au passage de nombreuses baleines. Si l’on y prête attention, il ne se passe guère plus de dix minutes avant d’apercevoir un souffle ou deux. Il ne reste plus qu’à sortir les jumelles et d’observer les cétacés venir respirer trois ou quatre fois à la surface en exposant leur nageoire dorsale avant de plonger la queue en l’air vers les profondeurs. Du grand spectacle. Le plus long des sentiers nous a amenés rien de moins que jusqu’au « bout du monde », le surnom donné au Cap Gaspé, la pointe la plus orientale de la Gaspésie, là où les Appalaches sont englouties par la mer. Et d’ailleurs, savez-vous d’où vient le nom « Gaspésie » ? Du mot « gespeg » en MicMac (le peuple indien autochtone présent avant les français) qui signifie « fin des terres », bout du monde quoi !


Nous sommes donc allés au bout du monde, notre rêve s’est réalisé, notre voyage est donc terminé. Nous sommes très heureux d’avoir pu vivre ces moments intenses et d’avoir pu en partager une partie avec vous. Nous avons vu tellement de choses magnifi… Attendez, Claudie me dit quelque chose. Comment ? Il n’y a pas qu’UN bout ? Ah bon ? Ah mais alors ça ne s’arrête pas là ! Ouf ! Bon eh bien nous repartons pour de nouvelles aventures vers un des autres bouts de ce monde décidément immense, et vous disons à bientôt.

66. De Québec à Charlevoix

Nous poursuivons notre lente remontée de la rive Nord du fleuve Saint-Laurent et découvrons le cœur de la province du Québec : sa capitale du même nom. Nous traversons ensuite la région de Charlevoix, beaucoup plus sauvage. Voici nos trouvailles, parfois originales, volontiers affublées de titres tarabiscotés comme je les aime.

Indien vaut mieux que deux tu l’auras

Pour la première fois au Québec, les panneaux stop n’affichent plus simplement « arrêt » mais également le mot « steten ». C’est que nous ne sommes plus tout à fait dans la province canadienne mais sur le territoire des Hurons-Wendat, un peuple d’amérindiens qui était là bien avant que Jacques Cartier n’ait fini de téter sa mère. Décimés pas les colonisateurs français puis anglais et toutes les cochonneries qu’ils leurs ont apportés, des fusils à la vérole, ils ont fini par relever la tête et recréer une « nation » avec un drapeau et un « conseil de bande » pour gérer les affaires courantes. Mais les pouvoirs restent très limités et sous la coupe du gouvernement canadien. On est loin de l’indépendance. Nous avons visité l’un de leurs 2 villages, dont les maisons ne se distinguent en rien de celles des quartiers avoisinants. Seules les plaques des rues portant des noms de chefs indiens donnent le change. Le Site traditionnel Huron-Wendat rend tout de même hommage à leur mode de vie antérieur, raconté dans une sorte de musée et mis en scène dans une maison typique reconstituée appelée « maison longue »


Un détroit, soleil !

Le nom de la ville de Québec vient du mot micmac (un peuple amérindien) « Kepe:K » qui signifie « rétrécissement d’un cours d’eau », et qui correspond effectivement à la morphologie du fleuve Saint Laurent en regard de la ville. Notre première approche de la capitale de la province du Québec s’est faite sous une pluie continue et, après avoir parcouru quelques rues et avoir failli noyer nos parapluies, nous avons fini par nous réfugier dans une brasserie puis, une fois restaurés et un brin séchés, dans l’excellent Musée des Civilisations où nous avons passé un bon moment.

Ce n’est que le lendemain, avec le retour du soleil, que nous avons vraiment apprécié la ville. Je parle de la vieille ville, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, parce que le reste est immense. Le Vieux-Québec est disposé sur deux niveaux, que l’on rejoint par des escaliers raides, comme le bien nommé escalier casse-cou, ou par un funiculaire. Sur les hauteurs, l’hôtel-château Frontenac domine la ville dont il est l’emblème. On le découvre aussi bien des terrasses qui le surplombent que de la promenade qui le borde ou encore du traversier qui joint les 2 rives du fleuve. Autour, ce sont d’étroites rues pavées et piétonnes, bordées de bâtiments où la pierre et les couleurs vives des ouvertures dominent tandis que les toits argentés aux reliefs complexes étincèlent sous le soleil. Au fil des carrefours, on découvre de jolies petites places, des églises aux toits verts, de grandes fresques murales, et toutes les boutiques qu’il faut pour capter les touristes finalement au rendez-vous. Après une journée de marche, nous étions contents de nous réfugier dans Roberto, que nous avions garé à deux pas du centre dans un parking au coût modeste (14€/j).


Corned Bear

Non ! Ils ont osé ! fut ma première réflexion en voyant ces conserves de viande d’ours sur les rayonnages de ce magasin. Bon, même si quelques confiseries étaient proposées, l’orientation générale du magasin, qui s’appelait d’ailleurs « Magasin général » – les anciens bazars du pays, vers les objets fantaisistes ou d’antan aurait dû m’orienter. En y regardant de plus près, le contenu n’avait rien à voir avec ces gros nounours que je n’ai aucune envie de consommer, mais consistait en de gentilles et inoffensives peluches. Ouf !


Aller plus haut, toujours plus haut

Difficile de dire si c’est la chanson de Tina Arena qui nous a inspirés ou bien si c’est le simple hasard qui nous a conduits là, toujours est-t-il que moins d’un mois après avoir rendu visite aux chutes du Niagara, nous sommes allés voir les chutes de Montmorency, à 15 km de Québec en longeant le fleuve St Laurent vers l’Est. D’une hauteur de 83 mètres, elles dépassent les précédentes d’une bonne trentaine de mètres. Certes rien d’équivalent en largeur ni en notoriété (Marylin Monroe n’y aurait jamais tourné), mais elles peuvent être traversées à l’aide de passerelles situées juste au-dessus, ce qui est particulièrement impressionnant pour la chute principale appelée le Grand Sault. Les amateurs de sensations fortes, sans doute peu impressionnés par les 487 marches qui mènent au sommet, pourront tenter la tyrolienne ou la via ferrata, en attendant que l’on installe un saut à l’élastique ou, qui sait, une descente en kayak.


Ça m’embauche un coin

Cette annonce géante sur le toit de la gare du téléphérique qui mène aux chutes de Montmorency, comme toutes celles plus petites qui inondent les vitrines des magasins dans les villes, rappelle un problème préoccupant au Québec, et probablement dans tout le Canada : on manque cruellement de main d’œuvre. L’immigration a beau être favorisée par le gouvernement, elle reste assez sélective. Un des moyens de combler le manque est malheureusement d’employer des mineurs. C’est un ami (merci Jean-Marie) qui a attiré mon attention là-dessus, en me communiquant un article de presse …français. Curieusement, il a fallu qu’une parlementaire questionne le ministre des transports à ce sujet pour qu’il soit évoqué dans les médias locaux. Tout aussi curieusement, la loi est très permissive et l’employeur peut se contenter de l’accord des parents pour faire travailler 18h par semaine un enfant de 12 ans ! Et la population suit puisque 51% des mineurs ont une « job », comme ils disent.


L’îlet des nôtres

L’île d’Orléans, située au beau milieu du fleuve Saint-Laurent un peu en aval de Québec, fut l’une des premières régions habitées par des Français en Nouvelle France vers 1650, peut-être séduits par le grand nombre de vignes sauvages qui y poussaient. Cent ans plus tard, alors qu’ils avaient tout défriché et bâti des maisons, les Anglais ont tout incendié et tout pillé, contraignant les habitants à l’exode. Mais ceux-ci sont revenus une fois la situation stabilisée et la Nouvelle France cédée à la Grande Bretagne et leurs descendants sont toujours là sur cette terre devenue canadienne entre-temps. Une œuvre d’art rend hommage à cette population résiliente. Roberto et nous avons fait le tour de cette île de 33 x 8 km en suivant la route Royale, bordée de belles maisons tout du long dont beaucoup, en pierres, ont gardé leur cachet d’origine.


Le plus cher un point c’est tout

Près du village de St Pierre, sur l’Île d’Orléans, au bord de la route, une arche sculptée auréole une statue assise de dos en arrière-plan. Il faut évidemment se garer et s’approcher à pied pour en savoir davantage. Le slogan ci-dessus, malicieusement détourné à partir du vrai slogan d’une chaîne d’hypermarchés français, devrait vous mettre sur la piste.

Vous avez reconnu le chansonnier et poète Félix Leclerc, le résident le plus cher et le plus célèbre de l’île dans laquelle il a vécu 20 ans avant d’y mourir. Cette sculpture géante, faite d’extraits en lettres d’acier de son œuvre, le représente assis dans un champ, poussant sans doute une chansonnette en s’accompagnant à la guitare. Dans le cimetière voisin, il n’est pas trop difficile de retrouver sa tombe : elle est recouverte de chaussures. Il faut connaître son répertoire pour en connaître la raison. Ci-dessous deux liens musicaux en rapport avec le sujet.

https://www.youtube.com/watch?v=BEpC34NyXA8

SAQ à vin !

Au Canada, la vente d’alcool est strictement encadrée, au point que la plupart des supermarchés n’en vendent pas. Même le vinaigre est difficile à y trouver. Et quand on tombe sur des bouteilles de vin, elles sont dénuées de tout degré alcoolique. Un grand nombre de restaurants ne dispose pas de carte des vins, mais propose en contrepartie d’apporter sa bouteille, achetée dans un lieu autorisé. Au Québec, ces lieux de débauche sont les magasins de la SAQ (Société des Alcools du Québec). L’interdiction de la vente aux mineurs y semble stricte. La SAQ ne disposant que d’un peu plus de 800 points de vente au Québec, une dérogation pour l’interdiction de vente est accordée à bon nombre de « dépanneurs », ces épiceries à horaires étendus et aux boissons faiblement alcoolisées comme le cidre et la bière. Je ne sais pas si c’est grâce à cela ou par simple habitude culturelle que les canadiens consomment moins d’alcool que les français. Pour plus de précisions à ce sujet je vous mets les chiffres OMS 2016 pour ces deux pays et pour les extrêmes

Consommation d’alcool pur en litre/an/habitant de plus de 15 ans :
Hommes          Femmes          Ensemble
Yemen             0,1                   0,0                  0,1
Canada           14,6                  3,4                   8,9
France            20,3                 5,4                   12,6
Moldavie         25,2                 6,1                   15,2


Il a assuré drave !

Nous avons fait la rencontre de Robert, un joyeux octogénaire et ancien draveur. Il ne doit plus rester beaucoup de membres de cette profession qui a pris fin en 1987. Pour ceux qui ne le savent pas, cela consistait, au siècle dernier, à convoyer le long d’une rivière des milliers de troncs d’arbres depuis leur lieu d’abattage dans l’arrière-pays jusqu’aux menuiseries ou usines à papier plusieurs centaines de kilomètres plus bas. Un métier rude et dangereux où l’on se faisait embaucher non pas grâce à un curriculum vitae mais en fonction de la taille de son poignet. La force n’était pas tout car il fallait aussi une bonne dose d’agilité pour se déplacer sur les arbres qui roulent et braver les rapides sans tomber à l’eau, ce qui était souvent dramatique. Robert nous parle de cette époque où il devait passer 6 à 8 mois par an loin de sa famille et vivre dans des conditions rustiques sous des climats extrêmes, tout en travaillant 8 à 10 heures par jour 7 jours sur 7. Mais tout ça sans regret aucun car il parle de son métier avec passion et nous montre tous les outils qu’il utilisait, les vêtements qu’il portait, et d’une manière générale tous les équipements de son « campement ».

Accumulant d’abord tout ce qui a trait à son métier, il s’est découvert une âme de collectionneur et a réuni dans plusieurs pièces d’une grange une si incroyable quantité d’objets anciens que la place commence à lui manquer. Une sorte de caverne d’Ali Baba où chaque objet a son histoire. Ce pourrait être une riche boutique d’antiquités, mais Robert a préféré en faire un modeste musée dont il est l’unique guide et dont le droit d’entrée est libre. Tout à son honneur. Une visite d’exception, authentique comme on les aime, totalement recommandable.


Des plats d’ours bien léchés

Les ours noirs abondent parait-il dans l’arrière-pays canadien, mais les rencontres se font plutôt par hasard. Alors nous avons voulu forcer ce hasard en nous rendant au Domaine de Pic-Bois, spécialisé dans l’observation de ces mammifères. De la cabane d’accueil, après avoir acquitté le droit d’entrée, nous suivons Jean-Claude qui sera notre oursologue du jour et l’un des grands fils des propriétaires du domaine. Après 15 mn de marche sur un chemin large dans la forêt, nous bifurquons sur un sentier plus étroit. Jean-Claude nous fait mettre en file indienne, nous recommande de ne pas laisser entre nous d’espace suffisant pour qu’un ours puisse passer et nous intime de ne pas prendre de photo si l’un d’entre eux se présente. Et nous voilà partis, le grand fils devant nous et lui derrière pour assurer la sécurité. Je pensais, amusé, que c’était une belle mise en scène, mais à peine une minute après le début de notre marche, voilà qu’un ours se présente sur le sentier ! On nous fait signe d’avancer calmement, et l’ours effectivement, impressionné par le nombre, s’éloigne dans la forêt.

Quelques minutes plus tard, nous arrivons à une sorte de mirador où, en sécurité à 3 mètres du sol nous allons pouvoir observer une petite clairière juste devant. Il n’y a pas de secret, pour que les ours soient au rendez-vous, il faut les nourrir un peu. Pas trop pour ne pas les rendre dépendants des humains bien sûr. Jean-Claude nous explique que ce qu’il va servir représente seulement 10% de leur nourriture quotidienne. Puis il part muni de seaux avec son homme de main pour faire un vrai service à table. Un menu 3 plats comportant os de porc, gâteaux broyés et une espèce de pâte semi-liquide ressemblant un peu au Nutella, qu’il va répartir sur les souches d’arbres creusées en soucoupes. Deux jeunes ours qui devaient avoir faim se présentent et s’empressent de lécher la cuiller. C’est d’ailleurs par le « Nutella » qu’ils vont commencer, en léchant la pâte avec délectation. Les gâteaux viendront ensuite et les os en dernier.

Quatre autres ours viendront les rejoindre, puis, grand moment, une mère avec 2 oursons. Jean-Claude, qui nous donne des explications tout du long, nous dit que nous avons beaucoup de chance, d’une part parce que nous ne sommes que tous les deux aujourd’hui (le mirador compte effectivement une vingtaine de places) et surtout parce que c’est la première sortie de l’ourse depuis sa sortie d’hivernage. Nous nous régalons de voir les oursons jouer, grimper très haut aux arbres, s’endormir là-haut sur les branches, puis redescendre quand leur mère les appelle. Difficile de vous résumer cette sortie qui a duré presque 3 heures, temps nécessaire car de petits évènements se produisent tout du long qui permettent d’élargir la discussion. Notre patience a été récompensée car, peu avant notre départ, nous avons pu voir une seconde ourse avec 3 oursons cette fois, pas trop rassurée car elle est repartie assez vite. Quoi qu’il en soit, nous ne serons plus maintenant « l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours » mais les observateurs directs.


Bye bye les ours, nous changeons de calibre et allons voir maintenant à quoi ressemblent les baleines du St Laurent.

A très bientôt !

65. Six expressions de parlure québécoise

Le langage québécois coloré, appelé ici parlure, participe au bonheur de nos découvertes. Nous vous présentons ici quelques-unes de ces merveilles en parallèle avec nos visites de Montréal à Trois-Rivières.

Salut, tu vas bien ?

A Montréal aussi les gens ont dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors. Nous sommes très bien accueillis partout avec des « Bon matin » dans la rue, des « Salut, tu vas bien ? » ou même des « Allo » (ça signifie aussi bonjour !) à l’entrée d’une boutique ou d’un restaurant ou encore des « Bienvenue » lorsque l’on remercie le serveur (l’expression est employée en fait pour « de rien ») venu nous réchauffer (resservir du café) ou nous apporter la facture (l’addition). Les Montréalais semblent détendus et souriants, presque joyeux parfois, en contraste avec le temps gris, frais, venteux et bruineux lors de notre arrivée. De quoi ressortir la petite laine et ternir un peu les photos de cette première journée dans la vieille ville. Les seuls clichés colorés sont ceux pris en intérieur.


Il pleut à boire debout

« D’la pleu toujours, d’la pleu tout l’temps, d’la pleu les troè quarts de l’année », poétisait mon grand-père dans son patois solognot. En France on dit maintenant qu’il pleut des cordes, aux USA des chats et des chiens, mais ce mercredi, icitte à Montréal, il pleuvait à boire debout. Il mouillait beaucoup en quelque sorte. Nous ne sommes pas pour autant restés assis sur nos steaks (à ne rien faire), préférant aller magasiner (faire les boutiques) munis de nos parapluies, avant de nous réfugier au Musée des beaux-arts. Un grand complexe de 5 bâtiments reliés entre eux par des souterrains, hiver oblige, hébergeant tellement de collections que nous avons dû faire des choix drastiques. Nous nous sommes limités à celle sur l’art Inuit, pas si commun, à l’exposition temporaire très colorée de Nicolas Party, artiste peintre Suisse qui a réalisé plusieurs œuvres directement sur les murs du musée, et au bâtiment dédié aux arts décoratifs et au design. Il est toujours intéressant de voir comment les créateurs revisitent nos objets du quotidien. Après les photos légendées, un petit quizz vous est proposé pour trouver à quoi peuvent bien servir les 2 dernières machines.



Arts décoratifs et design


Quiz du jour : saurez-vous retrouver l’utilité de ces deux objets ?

Objet a deviner
Objet 1
1A – Un dictaphone ?
1B – Un inhalateur de solutions soufrées ?
1C – Un épilateur
?
Objet a deviner
Objet 2
2A – Un pétrin de boulanger ?
2B – Une machine à fabriquer des préservatifs ?
2C – Un moteur de hors-bord ?

Résultats à la fin de l’article


Et on termine la partie artistique par un peu de street-art à l’extérieur du musée

Pour info, Les foufounes électriques est le nom d’un bar branché de Montréal axé sur la culture punk, gothique et alternative. En québécois, foufounes signifie fesses…


C’est tiguidou !

C’est tiguidou, on est revenus aux belles températures ! Ma blonde et moi on a embarqué dans not’ roulotte pour aller au Mont Royal. J’ai chauffé Roberto jusqu’à un stationnement, ça m’a coûté 13 piasses, c’était pas dispendieux. Pis on a mis nos espadrilles et on est partis prendre une marche. Y f’sait chaud, pas besoin d’s’abrier. D’ailleurs le monde movait plutôt en camisole et gougounes qu’en chandail. Nous avons dîné dans la van, mais on aurait pu aussi bien manger des sous-marins sur une des tables de pique-nique, en faisant attention de bien tout mettre après aux vidanges au risque de se prendre un ticket. C’est de même icitte !

Chouette, le beau temps est revenu ! Ma chérie et moi avons pris notre van pour aller au Mont Royal (le point culminant de Montréal qui a donné son nom à la ville). J’ai conduit Roberto jusqu’à un parking, ça m’a couté 13 dollars la journée ce n’était pas cher. Puis nous avons mis nos baskets et sommes partis en randonnée. Il faisait chaud, pas besoin de se couvrir. D’ailleurs, les gens portaient plutôt des débardeurs et des tongs que des pulls. Nous avons déjeuné dans le van, mais nous aurions pu tout aussi bien manger des sandwiches sur une des tables de pique-nique, en faisant attention de tout mettre après aux poubelles, au risque de se prendre une amende. C’est comme ça ici !

(Traduction de l’auteur, en l’absence de cette fonctionnalité sur Google et autres Reverso)

Sur les photos, vous verrez les vues panoramiques qu’offrent le belvédère et les sentiers au sommet du parc, un chanteur français qui passait par là, la grande croix visible à 80km à la ronde et le lac aux castors qui contrairement à ce que son nom indique héberge des poissons rouges.


Une belle fin de semaine

Ah oui ici on ne dit pas week-end. La plupart des mots anglais sont bannis. Pour cette fin de semaine, donc, nous sommes allés rendre visite à nos amis de St Barth, Véronique et Pierre, qui ont acheté ici un petit châlet au bord d’un lac dans la belle région des Laurentides au Nord de Montréal. Une maison toute bleue qui m’a donné envie de pasticher une chanson bien connue de Maxime Le Forestier. Je ne suis qu’un poète de 4 sous, vous êtes prévenus !

Ce sont deux maisons bleues
Adossées à la colline
D’un lac oublié en plein Canada
L’une est toujours là, l’autre y a roulé.
On se retrouve ensemble après une année de route
Véronique et Pierre, Claudie et donc moi
Autour du repas, c’était comme hier.
Quand les étoiles s’allument
Quand apparait la lune
Le lac est beau là devant vous
Scintillant de cent mille et un éclats

Parlant jusque très tard
Échangeant sur tous nos rêves
On racontera nos meilleures histoires
Nos petits tracas jusqu’à la nuit noire.
Quand l’aube enfin se lève
Le canot quitte la grève
Le lac est beau, il est à nous
Glissons sur l’onde, n’attendons pas

Ce sont deux maisons bleues
Qui espèrent bien se revoir
Dans quelques années, celle qui reste là
Et l’autre qui aura fini sa tournée

Nous avons eu le plaisir de rencontrer chez nos amis leurs sympathiques voisins, Ninon et Laurent, de vrais Québécois qui nous ont appris plein de trucs sur le pays et donné des tuyaux sur nos futures visites. Nous étions ravis aussi qu’ils connaissent et apprécient la série québécoise que nous visionnons actuellement, Le temps d’une paix, une saga familiale qui se déroule dans le Québec rural entre la première et la seconde guerre mondiale. La première diffusion a eu lieu entre 1980 et 1986, mais a été suivie de nombreuses rediffusions tant les québécois en ont redemandé. Nous apprenons beaucoup sur la culture de cette époque tout en nous familiarisant avec les subtilités de la langue. Pour ceux qui voudraient s’y essayer, c’est disponible sur Youtube, voici le premier épisode. Il faut s’accrocher un peu pour comprendre au début, mais après ça vient tout seul.

https://www.youtube.com/watch?v=1_BHzWf_edE

C’est de valeur que tout soit fermé !

Depuis que nous sommes au Canada, nous constatons que beaucoup d’attractions, de musées ne fonctionnent pratiquement qu’en haute saison, soit de fin juin à fin août pour l’été. Nous aurions tendance à dire comme les locaux que « c’est de valeur », expression trompeuse qui signifie en fait « c’est dommage », mais d’un autre côté nous ne sommes pas si pressés de voir débarquer des hordes de touristes sur nos lieux de visites. Lors de notre passage à Trois-Rivières, entre Montréal et Québec, c’était un peu le cas. Sur la demi-douzaine de visites que nous projetions, nous n’avons pu en concrétiser que deux, celle du centre historique avec ses bâtiments très typiques de l’architecture canadienne, et celle de l’ancienne papèterie qui fut un temps la première productrice mondiale de papier. Il faut dire que la ville est idéalement située, au confluent de la rivière Saint-Maurice et du fleuve St Laurent, la première étant une excellente voie pour acheminer les arbres depuis leur zone de coupe dans l’arrière-pays tout en fournissant une eau d’excellente qualité pour fabriquer la pâte à papier (qui en contient à l’origine au moins 99%), le second étant propice ensuite à la livraison du produit fini dans le monde entier. Il est à noter que les habitants de Trois-Rivières s’appellent les trifluviens, alors qu’ils n’ont qu’un seul fleuve (le Saint-Laurent). Pire encore, ils n’ont qu’une seule riviève (la rivière Saint-Maurice). Le nom aurait été attribué par erreur par un navigateur malouin au XVIème siècle, qui ne se rendit pas compte que les 3 chenaux que forme la rivière Saint-Maurice à son embouchure proviennent du même cours d’eau. Pour une fois, honte à la France !


Elle se visite mais on peut aussi y tenter l’expérience de l’incarcération pour une nuit, avec tout le protocole (mise en tenue, photos de face et profil, etc.) et nuit en cellule sous la surveillance d’un gardien, lui-même ancien détenu. Pas sûr qu’on vous pique votre portable, mais d’un autre côté il parait que c’est assez répandu dans les vraies prisons…

Les dépanneurs au Québec n’ont rien à voir avec la mécanique. Ce sont de petites épiceries qui vous « dépannent » à des heures précoces ou tardives de fournitures alimentaires de dernière minute. Celui de droite, une ancienne institution dans la ville s’est reconverti en magasin bio et vintage. On y trouve aussi ces sodas bizarres aux goûts étranges. Bon enfin si c’est bio…


Tu trouves-tu ?

Au Québec, le pronom tu est fréquemment redoublé dans les phrases interrogatives, comme dans Tu m’aimes-tu ? Là où ça se complique, c’est quand le premier pronom n’est pas tu, par exemple dans Il vient-tu avec nous ?. Ce tu qui devrait être tu viendrait en fait de la contraction t’y également employée en vieux Français. Tu comprends-tu ?

Bon, je voulais plutôt vous parler de ces points d’interrogation bizarres, rencontrés à plusieurs reprises, qui ont attiré inévitablement notre curiosité. Il nous ont semblé dans un premier temps représenter une sorte de jeu de piste, jusqu’à ce que nous ayons eu l’occasion de les suivre et d’arriver …à l’office de tourisme. Ce point d’interrogation remplace en fait le « i » dont nous avons l’habitude et que la majorité des pays ont adopté. Je vous livre dans la foulée quelques panneaux amusants que nous avons rencontré sur notre chemin.



Cette première étape sur la province de Québec s’achève. Nous venons d’arriver à la ville éponyme qui va mériter certainement plusieurs jours de visite. A bientôt pour le récit !
P.S. Réponses au quiz : 1A et 2C

Comme d’habitude, ci-dessous notre parcours canadien actualisé puis les boutons pour commenter, pour nous suivre sur Instagram ou pour vous inscrire afin de ne rater aucun article.

64. De l’Ontario au Québec

Nous voici donc partis sur les routes du 15ème pays de notre périple, le Canada. Rien de moins que le 2ème plus grand pays du Monde après la Russie. Je ne parle que de superficie bien sûr 😉. Un peu comme les États-Unis, le Canada est une fédération d’états, appelés ici provinces, ayant une relative autonomie. Nous commençons notre visite par les deux plus grandes d’entre elles, l’Ontario et le Québec.


Toronto (Ontario)

Est-ce dû à la froideur de l’accueil à l’aéroport ou bien à celle du temps grisâtre de notre arrivée ? Est-ce lié à la fatigue physique du voyage ou bien à la morosité inhérente aux circonstances de notre retour inopiné en France ? Toujours est-il que nous n’avons pas été emballés par Toronto. La ville la plus peuplée du Canada avec ses 3 millions d’habitants est peut-être trop grande pour être apprivoisée facilement. Ses travaux titanesques sont peut-être trop présents pour lui donner une allure sympathique. Ses gratte-ciels sont peut-être trop communs après nos visites urbaines américaines. Le prix des ses attractions touristiques est peut-être trop indécent (43 dollars pour prendre juste l’ascenseur qui grimpe aux 2/3 de la Tour CN, emblème de la ville, plus 50 dollars pour la plate-forme d’observation située au-dessus, plus 195 dollars pour une sortie acrobatique, tout ça hors taxes). Ses temples du hockey ou du baseball sont peut-être trop hermétiques à notre culture européenne. Les 6 millions d’objets exposés dans les 40 galeries des 5 étages du ROM (Royal Ontario Museum) nous ont peut-être fait trop craindre d’y perdre la tête (pas étonnant avec un nom pareil 😉). Si vous regardez bien, dans ToROnto il y a TRO, non ?

Bon, on y trouve tout de même quelques curiosités, comme cette fontaine dédiée aux chiens où plus de 27 spécimens crachent leur jet d’eau tout en lorgnant sur un magnifique os doré placé au sommet, ces spectateurs en béton sur un des balcons du temple du baseball, quelques jolies fresques murales, ou encore ce petit jardin devant une maison victorienne totalement empli de figurines en plastiques, contrastant fortement avec le gazon parfait, taillé aux ciseaux de coiffeur, des jardinets voisins.


Pause culinaire

En quelques jours, nous aurons goûté aux 3 spécialités-phares de la cuisine canadienne. La poutine, terriblement à la mode, est aussi bien servie dans les restaurants que dans les food-trucks. C’est un plat populaire à base de frites molles parsemées de « crottes » de fromage et d’une sauce brune. On peut la varier à loisirs en y ajoutant un support genre pâte à pizza, une viande et plus si affinité. La tourtière est une tourte à la viande, composée d’un fond de tarte composé d’un fond de bœuf ou de porc bien assaisonné avant d’être cuit au four. Enfin, parfait pour un dessert ou une petite pause-goûter, la queue de castor est un beignet plat censé ressembler à la queue de l’animal que l’on déguste nature (saupoudré de sucre) ou garni de tout ce que vous voulez. Bien entendu, le Canada possède d’autres richesses culinaires, et pas seulement caloriques, nous aurons sûrement l’occasion d’y revenir au cours des mois qui viennent.


Kingston (Ontario)

Ce n’est bien sûr pas la capitale de la Jamaïque et nos brusques allers-retours en avion ne vont pas devenir la règle, mais la ville a tout de même été la première capitale du Canada de 1841 à 1844, au moment de sa fondation. Elle a sans doute été choisie pour sa position stratégique au confluent du Lac Ontario, du fleuve St Laurent et du Canal Rideau qui mène à Ottawa. Dix ans avant cette période glorieuse, les Anglais qui occupaient alors le Canada ont bâti, pour protéger la zone d’éventuelles attaques américaines, une série de fortifications dont le Fort Henry, que nous avons visité. Un parcours plutôt immersif avec des soldats en costume d’époque marchant au pas, tirant au mousquet et même au canon, tandis que notre guide francophone nous expliquait la vie dans le fort à cette période. Soit l’effet de dissuasion était suffisant, soit les Américains avaient d’autres chats à fouetter, toujours est-il que le fort n’a jamais subi aucune attaque.


Gananoque et les Mille-Îles (Ontario)

Quand on aime, on ne compte pas. Surtout les Mille-Îles de cet archipel situé au beau milieu du Fleuve St Laurent1, d’autant qu’elles sont en réalité bien plus nombreuses, probablement plus du double. Mais en ne retenant que celles qui ont au moins un pied carré2 de surface constamment émergée et qui possèdent au moins 2 arbres vivants3, le décompte officiel est de 1864. Arrivés au débarcadère de Gananoque à 15h20, nous avons lâchement abandonné Roberto sur un parking pour sauter dans le bateau qui partait à 15h30 pour une croisière de 3 heures sur fleuve. On est retraités, on n’est pas pressés, mais quand même, quand une opportunité se présente, on fonce ! Autant le départ a été speed, autant la balade a été tranquille, le bateau se faufilant tranquillement entre les grandes îles couvertes de végétation dense et les îlets occupés par une seule maison (et ses 2 arbres vivants bien sûr), entre les bateaux de plaisance et les barques de pêcheurs, entre les rives américaines et canadiennes puisque la frontière entre ces deux pays passe au milieu de l’archipel. Et même entre les 2 micro-îles d’une même propriété, faisant de la passerelle qui les relie le plus petit pont international au Monde ! Les photos ne rendent pas forcément compte que ce qui domine ici, ce sont ces forêts posées sur des socles de granit et les nombreux oiseaux qui les habitent plutôt que les maisonnettes ou l’excentrique château qui ont attiré on ne sait pourquoi notre objectif. L’ensemble est d’ailleurs classé réserve naturelle et hyper protégé.
1 On salue bien notre copain Lolo
2 Le système métrique est en vigueur au Canada depuis 1970…
3 Certains ont dû abuser avec leur sapin de Noël en plastique


Pause liquidités

Les supermarchés recèlent toujours des surprises, que nous découvrons d’autant plus facilement que notre vie d’explorateurs nous pousse à être un peu plus attentifs au contenu des rayons. Il est possible d’ailleurs que ces produits existent ailleurs dans le monde et possiblement chez vous, mais jusqu’ici nous n’en avions pas encore rencontré. Nous connaissions les briques de lait, de jus de fruits, de soupe, mais les briques d’eau minérale, pas encore. Sans doute sommes-nous trop formatés aux emballages transparents, qu’ils soient en plastique ou en verre pour ce type de produit, mais nous trouvons cet emballage opaque peu attirant. Et pour les mêmes raisons, l’eau d’Évian commercialisée ici en cannettes ne nous attire pas. Enfin, nous avons beaucoup de mal à trouver des briques de lait longue conservation, pourtant très communes en France. On trouve bien ici des briques de lait, mais uniquement à conserver au frais, et le plus souvent en conditionnements de 2 litres. Mais la présentation la plus courante au Canada, c’est la poche plastique souple de grande contenance, autour des 4 litres, totalement inadaptée à notre petit frigo et à notre consommation !

Pour ceux qui pensaient que j’allais parler de cash, sachez que nous n’en utilisons pratiquement jamais. La carte de crédit est acceptée partout, y compris pour de menues dépenses, et, si nous n’avions pas besoin de pièces de monnaie pour les laveries automatiques, nous pourrions totalement nous passer d’argent liquide aux USA comme au Canada. Cela dit, cela m’enlèverait le plaisir de faire de la monnaie dans ces laveries : j’adore entendre le bruit des pièces qui tombent en quantité dans le bac du changeur après avoir introduit un billet : cela me donne l’impression d’avoir gagné au bandit manchot !


Brockville (Ontario)

Brockville est une cité agréable au bord du fleuve St Laurent, à l’extrémité orientale de la zone des Mille-ïles dont elle est comme Gananoque un point de départ de croisières. Le recensement de 2016 dénombrait 21 346 habitants, et nous avons la chance d’en connaître deux ! Patricia et Lloyd sont des habitués et même des grands fans de Saint-Barthélemy, où nous avons résidé pendant dix ans et où ils séjournent plusieurs mois par an. Ils possèdent un superbe appartement au onzième étage d’un immeuble idéalement situé au bord du St Laurent et la vue y est spectaculaire. Nous avons été heureux de les retrouver le temps d’une après-midi et d’échanger sur nos parcours et nos souvenirs. En dehors des Mille-Îles, Brockville compte deux curiosités touristiques intéressantes. La première est un tunnel ferroviaire, le premier creusé au Canada, qui traverse la ville du Nord au Sud sur environ 500m. Fermé en 1970 après 110 ans de bons et loyaux services, il a récemment été restauré d’une façon originale. Un éclairage psychédélique et des chansons accompagnent les visiteurs tout au long de la traversée sous un suintement continu du plafond malgré tout joliment mis en valeur. La seconde curiosité est un manoir-musée censé nous faire revivre le quotidien luxueux de son propriétaire le Sénateur Fulford qui a, selon le site qui le présente en ayant l’air d’en être fier, « gagné des millions de dollars grâce aux ‘Pink Pills for Pale People’, un médicament breveté qu’il a fabriqué à Brockville et vendu dans le monde entier. Fulford a reconnu le potentiel commercial du lectorat développé par les journaux à grand tirage et a bâti son entreprise sur la publicité imprimée à saturation. ». Pour faire simple un charlatan qui a embobiné toute une population crédule avec des pilules miracles sensées guérir à peu près tous les maux du monde. Ce qui interroge sur la nature des discours qu’il a tenus pour se faire élire sénateur. Sans doute pas si éloignés des pilules roses pour gens pâles. Rassurez-vous, nous n’avons pas visité ce manoir. Question d’éthique.


Entre Rivière-Beaudette et Pointe-Lalonde (Québec)

C’est entre ces deux villes au nom prometteur que nous avons pénétré dans la province du Québec. La MacDonald Cartier Freeway est soudain devenue Autoroute du Souvenir et les panneaux se sont francisés. Sur les panneaux rouges octogonaux, « Stop » est devenu « Arrêt ». Sur les bus jaunes, le mot « Écoliers » remplace désormais le classique « School Bus ». Difficile d’ignorer que la province est résolument francophone et tient à le montrer. Nous savons d’avance que le Français d’ici a de nombreuses particularités et nous avons hâte de le découvrir. Et de vous le faire partager bien sûr. Nous venons d’arriver à Montréal. Nous avons garé Roberto dans un grand parc verdoyant au cœur de la ville, que nous irons visiter à pied ou en métro. A bientôt !