74. Colombie Britannique

Nous terminons notre parcours transcanadien en pénétrant en Colombie Britannique, la province la plus occidentale du pays. Du versant Ouest des Montagnes Rocheuses aux fjords de l’Océan Pacifique, les chaînes montagneuses se succèdent, tantôt vertes tantôt arides, mais toujours splendides.

Étymologie

Contrairement aux apparences, la province n’est ni colombienne ni britannique. Sa dénomination n’a rien à voir avec le pays sud-américain et son appartenance à la confédération canadienne est effective depuis 1871.

En fait la région, une fois volée aux premières nations qui l’habitaient (il faut bien appeler les choses par leur nom) fut d’abord appelée par ses premiers envahisseurs Colombie pour sa partie sud, en référence au fleuve Colombia qui la traverse à cet endroit, et Nouvelle-Calédonie pour sa partie centrale, en référence à on ne sait trop quoi. En 1858, quand l’Angleterre se l’appropria, la province fut unifiée et renommée comme aujourd’hui par la reine Victoria afin d’éviter toute confusion. Enfin à l’époque.

Quant au fleuve Colombia, il fut nommé ainsi par le navigateur qui pénétra pour la première fois dans son embouchure et lui donna le nom de … son bateau. Une chance que ce dernier ne s’appelât pas le Hollandais Volant ou le France !


Rocky II

La chaîne montagneuse qui barre notre route après avoir quitté celle des Rocky Mountains (Montagnes Rocheuses) est appelée Columbia Mountains. Elle est plus ancienne, donc un peu moins élevée et un peu plus verte. Le paysage en est moins spectaculaire, d’autant que la route suit des vallées encaissées et interminables. Entre Jasper, notre point de départ en Alberta et Kamloops, notre première destination en Colombie Britannique, le GPS nous annonce 441 km. Sur cette distance, nous ne traverserons que trois petites zones urbanisées, Tête Jaune Cache (400 hab.), Blue River (157 hab.) et Clearwater (2324 hab.), dont vous pouvez imaginer l’animation. La dense forêt uniforme de sapins s’éclaircit peu à peu à l’approche de Kamloops, qui se présente comme le grand centre commercial de toute la région. On y trouve de tout, y compris le réseau téléphonique qui nous manquait un peu depuis Jasper. Mais pas grand-chose pour les touristes. Nous avions jeté notre dévolu sur une galerie d’art, malheureusement fermée le seul jour de notre passage. Une petite balade dans la ville nous a permis de découvrir ce pont de bois datant de 1912. C’est l’unique photo que nous aurons prise lors de cette traversée !


La route 99

Cette route qui relie Kamloops et Vancouver par le chemin des écoliers mérite vraiment le détour. Montagneuse de bout en bout, elle offre autant de points de vue spectaculaires que de paysages variés. Traversant d’abord des montagnes arides évoquant le Texas ou le Mexique, elle longe aussi de grands lacs aux couleurs diverses, une voie de chemin de fer sinueuse et très pentue qui interroge sur la puissance nécessaire des locomotives pour tirer les cinquante à cent wagons qu’on leur accroche volontiers ici. En conformité totale avec l’économie de la province, nous passons devant des exploitations forestières, des zones d’extraction de minerai, des lacs propices à la pêche ou au camping et un décor de western reconstitué qui a dû servir à l’industrie du cinéma.


Les lacs Joffre

C’est là l’une des randonnées les plus spectaculaires sur cette route 99. Nous nous arrêtons en début d’après-midi sur l’un des 2 parkings au bord de la route, presque combles. Le panneau « réservation par internet obligatoire » nous rappelle soudain l’avertissement de nos amies suisses rencontrées à Calgary, oublié au fil de la conversation riche de ce soir-là. Nous jurons un peu contre nous-même, et surtout contre notre guide Lonely Planet qui ne mentionne rien. Parce que voyez-vous, réserver par internet quand il n’y a pas de réseau, c’est un peu délicat. Nous allons tout de même tenter notre chance auprès du bureau d’accueil. Une ranger nous confirme la nécessité de la réservation en ligne, nous dit qu’habituellement elle renvoie les gens une quinzaine de kilomètres plus bas pour trouver un peu de réseau et obtenir le fameux pass avant de refaire le chemin en sens inverse, un non-sens écologique. Mais, très gentille*, elle nous dit qu’elle possède quelques sésames en réserve et nous en remet un. Ouf ! Nous voilà partis sur ce sentier qui nous mène en 4 km et 300 mètres de dénivelé juste sous un magnifique glacier, en passant par trois lacs d’un bleu-vert éclatant tout en essayant d’oublier que nous sommes loin d’être tout seuls ce jour-là.

*nul doute que je l’aurais qualifiée de très méchante si elle nous avait fait faire le détour…


Circulez, il n’y a rien à voir à Pemberton !

Après cette belle randonnée, nous avons repris notre route montagneuse, dans une longue descente éprouvante pour les freins, celui du moteur compris, pour atterrir – c’est finalement le mot qui convient – juste à côté d’une piste pour parapentistes, dans la petite ville de Pemberton. Nous aurions dû nous méfier de notre guide papier suite à l’importante omission évoquée dans le chapitre précédent, mais nous avons manifestement la mémoire courte. La ville y est présentée dans un encart d’une demi-page comme un « détour au pays des cow-boys » tandis qu’y sont vantés les mérites d’un musée « pour tout savoir sur l’histoire de cette bourgade hors du commun », d’une boulangerie « toute en bois dans l’ancienne gare ferroviaire », d’une distillerie « pionnière de la distillerie artisanale en Colombie Britannique » et de la « meilleure table de la ville » réputée pour …ses pizzas avec des plats entre « 22 et 38$ ». La réalité s’est avérée tout autre : aucun cow-boy n’a pointé le bout de son lasso, le musée avait plutôt l’air d’une brocante et manquait cruellement d’explications, la boulangerie se limitait à un comptoir donnant sur la rue avec impossibilité de voir de près les rares cuissons du jour, la distillerie n’ouvrait qu’à midi alors que nous étions prêts dès 11 heures et nous avons renoncé à attendre, même en nous attablant devant une pizza à 22 €. Au final, les seules choses que je retiendrai de cette étape sont le joli ciel crépusculaire et les premiers prix répétés de la bourgade au concours de la meilleure patate. C’est dire !


On prend de la hauteur

Nous sommes maintenant à Squamish, un lieu de villégiature pour les habitants de Vancouver qui veulent s’aérer les poumons et l’esprit. Afin de les satisfaire, le tourisme « outdoor » est en pleine expansion, compensant ainsi pour la ville la fin de l’exploitation forestière qui l’a fait naître et vivre pendant deux siècles. On ne compte plus les sentiers de randonnées ou de VTT, les parcours d’escalade ou les via ferrata, les pistes de ski en hiver. On y pratique même le kite-surf sur le fjord qui relie Squamish à Vancouver et de là au reste du monde par voie maritime. Nous avons profité d’une belle journée ensoleillée pour emprunter la télécabine dénommée « de la mer au ciel » et nous laisser hisser sans effort jusqu’à 885 m d’altitude et de là parcourir plusieurs chemins de randonnée parmi les nombreux disponibles. Nous n’avons appris heureusement qu’au retour que des détraqués se sont attaqués à deux reprises au câble en 2019 et 2020, provoquant la chute des 30 cabines… A ce jour ils n’ont toujours pas été identifiés. Méfiants, les exploitants décrochent les télécabines du câble toutes les nuits et les raccrochent le lendemain matin. Quel boulot !


Le port de Vancouver

Il ne nous a pas laissé les mêmes souvenirs amers que ceux que chantait Véronique Sanson. Ni impérissables non plus. Le retour dans les villes après une phase nature est toujours un peu pénible. Les embouteillages, les feux rouges, la difficulté à stationner, les sirènes de police, les alignements de tentes de SDF dans les rues nous font regretter un instant d’avoir quitté les montagnes. Mais ce sont d’autres montagnes que nous trouvons ici, un hérisson de gratte-ciels se reflétant les uns dans les autres. Nous avons flâné dans le centre-ville et surtout sur le port où se croisent en toute insouciance apparente navires de croisière, cargos, ferries, petits hors-bords, voiliers et hydravions. Beaucoup de monde déambule sur les quais, mais l’ambiance est très décontractée. Une sorte de croisette ou de malecon version canadienne. Et au final, nos kilomètres de randonnée sur ces sentiers de béton, entre ces montagnes de verre, nous auront autant fatigués que dans les décors naturels !


La sirène en maillot de bain

En août de l’année dernière, nous nous arrêtions devant la célèbre Petite Sirène de Copenhague. Nous étions loin d’imaginer qu’un an plus tard nous en trouverions une copie presque conforme dans le port de Vancouver.

De loin, l’illusion est parfaite : même taille, même position assise genoux repliés, même situation sur un rocher un peu à l’écart du quai. De près, quelques différences apparaissent : vêtue d’un maillot de bain, notre sirène canadienne est également équipée d’un masque et de palmes. La raison en est que le Danemark défend fermement le copyright de son héroïne et poursuit systématiquement en justice toute tentative de copie. La ville de Vancouver, ne voulant pas risquer de perdre des plumes ou des écailles dans un procès, a contourné la difficulté en demandant à son sculpteur d’apporter discrètement mais sûrement sa touche personnelle. Et voilà le résultat !

P.S.Pour ceux qui ne se rappellent plus le rapport entre la petite sirène et le père noël, je vous renvoie vers cet article écrit en Finlande l’automne dernier.


Le canon de neuf heures

Rien à voir avec l’apéro. C’est juste l’histoire étonnante d’un canon installé sur le port de Vancouver en 1894 d’abord pour annoncer la fin de la pêche par un coup tiré à 18h chaque dimanche, puis pour synchroniser les horloges de la ville et des navires du port en détonnant cette fois ci quotidiennement à 21 heures précises. Et cela sans discontinuer jusqu’à encore aujourd’hui, soit plus d’un siècle d’activité.

Cette longue période n’a pas manqué de péripéties. Un jour, le propriétaire de la station-service flottante amarrée juste en face a retrouvé son enseigne perforée après qu’un petit malin eut jeté des pierres depuis la plage dans la gueule du canon pourtant protégé par un grillage. Une autre fois, il a été volé par les étudiants de l’université voisine pour être restitué ensuite après une demande de rançon au profit de l’hôpital pour enfants. Le canon a aussi été découvert un matin totalement peint en rouge. Il a connu aussi quelques décalages dans son déclenchement, soit en avance de 2 heures pour être synchronisé avec l’hommage aux soignants pendant la covid, soit au contraire en retard d’une heure suite à une mauvaise interprétation du passage à l’heure d’hiver. De quoi décontenancer la population ! Enfin, ce Canon de Neuf Heures a depuis 2012 un compte Twitter, où le message « BOOM ! » est envoyé chaque soir à 21h…

C’est sur ce coup de semonce inentendu (faute de déambuler tard sur les quais) que se termine notre séjour au Canada. Nous avons adoré le pays, la beauté et la variété de ses immenses espaces naturels, la gentillesse des gens, la sécurité, la francophonie du Québec. Nous sommes conscients de n’en avoir eu qu’une image partielle, notamment pour l’avoir traversé en période estivale. L’hiver doit être un tout autre monde, et nous prévoyons d’emblée de revenir un jour à cette saison. Ou alors un autre été pour découvrir des régions plus éloignées de la route transcanadienne, comme les Territoires du Nord-Ouest avec leur si jolie plaque minéralogique.

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