Amis cruciverbistes vous n’allez pas être déçus. Ou peut-être si, c’est selon. Les paragraphes de cet article sont pour une fois rédigés à la manière de définitions de mot croisés, mais généralement assez tordues, vous me connaissez. C’est pourquoi j’ai qualifié l’article de PTHD, soit « Pas Très Hautes Définitions ». Et encore, vous avez échappé au pire, j’avais imaginé initialement le titre « Des messages avec définitions »… Allez, commençons !
a) beautés nordiques (en 6 lettres)
Attention de ne pas se laisser influencer par la photo de gauche, une des charmantes sculptures qui parsèment les rues de la capitale de la Norvège, où nous sommes depuis hier soir. En effet, la photo est trompeuse, les vraies norvégiennes ne sont pas si bronzées, enfin celle-là oui, mais d’une autre façon. Depuis que nous avons quitté Göteborg et commencé à remonter la côte Ouest de la Suède, puis celle de la Norvège, les paysages ont bien changé. Les lacs, les forêts de pins et les terres agricoles ont fait place à de profondes criques bordées de falaises gazonnées et de roches granitiques. C’est bien des fjords dont nous parlons, ces profondes vallées d’origine glaciaire envahies par la mer, pas spécifiques des pays scandinaves, mais c’est quand même la Norvège qui en compte le plus.
b) dévorateurs désordonnés (en 11 lettres)
Quoi ? Vous ne connaissez pas les dévorateurs désordonnés ? Ils étaient pourtant une vingtaine dans ce grand espace naturel de la côte ouest de la Suède, de qualité et de taille très variables, mais il en faut pour tous les goûts. En réordonnant les lettres vous retrouverez enfin ces œuvres d’art que vous cherchiez (oui c’est bien l’anagramme de dévorateurs, vérifiez si vous voulez). Ce qui est intéressant ici, c’est la dispersion de ces sculptures dans un espace de huit hectares connu jusqu’ici pour héberger des reliques de l’âge de pierre et des tombes âgées de 2000 ans. Certaines de ces oeuvres sont visibles de loin, d’autres ne sont aperçues qu’au dernier moment, au détour d’un chemin. Après, on ne les aime pas forcément toutes, mais l’art c’est l’art. C’est à Pilane en Suède, et si vous voulez en savoir plus, c’est ici.
c) polémiques sur le net mais mythologiques à Oslo (en 6 lettres)
Selon la définition, c’est un individu bête et méchant qui aime générer des polémiques quel que soit le sujet de conversation. Avouez que sur le net vous en avez rencontré en grand nombre depuis le printemps dernier, des admirateurs de professeurs marseillais aux vaccinophobes convaincus en passant par les adeptes de la théorie du « grand reset ». La Scandinavie n’est sans doute pas épargnée par le phénomène mais c’est certainement beaucoup plus rare que chez nous, culture oblige. Et c’est peut-être parce eux les connaissent bien, les trolls, ces génies plus ou moins malfaisants qui sévissent exclusivement la nuit. Parce qu’ils sont nés là-bas. Mais à l’inverse des parasites des réseaux sociaux, je trouve les trolls scandinaves plutôt sympathiques.
d) buanderies québecoises (en 7 lettres)
Parlons un peu d’une partie triviale de notre vanlife : le lavage du linge. Nous avions bien sûr dans notre projet initial exploré les différentes possibilités. Dont celle d’embarquer une mini-machine. Mais à moins de se limiter au lavage des sous-vêtements, ces machines de 1 à 3 Kg de linge restent encombrantes, peu pratiques d’emploi (la vidange est le plus souvent manuelle par exemple), fragiles et bruyantes. Sans compter qu’elles ne sèchent pas et que nous n’avons pas envie de transformer l’intérieur de notre fourgon en étendoir géant. Nous avons finalement opté pour les laveries automatiques, choix qui s’est avéré très satisfaisant jusqu’ici. Mais depuis la Suède, ces établissements se font rares, le linge étant traditionnellement lavé là-bas, en dehors des maisons individuelles, dans les buanderies collectives des immeubles qui en possèdent tous une. Ça se présente mieux depuis que nous sommes arrivés en Norvège, puisque la seule ville d’Oslo en héberge au moins quatre. Pourvu que ça dure !
Et là où dans la plupart des laveries non scandinaves on utilise des pièces pour lancer les machines ou les séchoirs, ici rien de tout ça. Nous n’avons d’ailleurs fait aucun change ni utilisé d’espèces depuis la Suède. Tout se fait soit par carte bancaire, soit comme ici à Oslo à l’aide d’une application. Il suffit de renseigner le numéro de sa machine et de faire ok. C’est beau le progrès !
e) symboles de la France à Oslo (en 10 lettres)
Juste devant le parlement norvégien, en plein cœur de la capitale, cet ensemble de trois petits bâtiments bleu, blanc et rouge attire notre attention, d’autant qu’ils sont surmontés respectivement des inscriptions « liberté », « égalité » et fraternité. En y pénétrant, on peut même y entendre De Gaulle ou la Marseillaise et même s’asseoir sur un trône de la République. Une rapide recherche sur le net nous apprend que ces sanisettes – mais oui vous ne rêvez pas – ont été offertes par la France à la Norvège pour célébrer le centenaire de son indépendance (d’avec la Suède) en 1905. Ça a fait polémique sur le moment, beaucoup auraient peut-être préféré un truc du genre la grande statue à l’entrée du port de New York, mais ça s’est calmé depuis que le norvégien initiateur du projet a expliqué que c’était tout à l’honneur de la France qui avait ainsi donné au pays deux de ses plus grandes inventions : la constitution (celle de la Norvège s’en est largement inspirée) et les toilettes publiques. Cocorico ! D’autres merveilles osloïtes suivent en photo.
f) 2 quatrains sur 2 rimes embrassées et 2 tercets (en 6 lettres)
Dans un article précédent, je vous avais conté l’une de nos mésaventures à la manière d’Andersen. Je vous la fais cette fois à la manière de Rimbaud, ou plutôt Rambo devrais-je dire tellement le style est archaïque. Un essuyage de plâtres qui date du début de notre voyage, et dont nous n’avions pas jugé utile de parler. Maintenant que notre fierté est ravalée, avec un zeste de poésie et une dose d’humour, je vous livre ce sonnet. Avec l’original, car ça fait du bien de ressortir les classiques en cette période de rentrée scolaire.
Le baptême du van
C’est un parking en dur tout près d’un groupe scolaire
Et d’une route nationale, tout sauf un spot nature.
Ils sont arrêtés là sur un coup de colère,
Après une dispute à propos d’un vieux mur.
Ils s’étaient engagés dans une ville médiévale
Avec leur fourgon bleu tout juste réceptionné.
L’étroitesse des ruelles arrêta leur cavale
Le GPS pourtant n’avait rien mentionné.
Demi-tour impossible, il fallut reculer
Eviter tant le mur que l’auto qui montait
Et devinez la suite, l’auto gagna c’est moche
Le fourgon est donc là dormant sur ce parking
Rêvant peut-être à la pelouse d’un camping
Tranquille. Il a deux trous bleus au côté gauche.
JM Rambo (2021)
Le dormeur du val
C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud (1870)