151. Paraguay première partie

Ce petit pays d’Amérique du Sud enclavé entre les géants que sont l’Argentine et le Brésil semble assez méconnu et peu visité. Nous avons d’ailleurs eu du mal à trouver un guide dédié. La version disponible la plus récente était de 2016. Nous allons devoir nous faire notre propre opinion, ce que nous adorons bien sûr.

Paraguay première partie
Paraguay première partie – Parcours correspondant à cet article, en version zoomable ici

Passage de la frontière

Les informations sur Google Maps étaient heureusement erronées, et le bureau d’immigration paraguayen de Pedro Juan Caballero était encore ouvert quand nous y sommes arrivés vers 16 heures (heure de l’iPhone de Claudie, mon Samsung refusant le changement) et nous avons pu faire tamponner nos passeports. L’obtention du permis d’importation pour Roberto a été assez rapide une fois que nous avons trouvé le bon endroit, un petit local en parpaings de 2 mètres sur 3 dans un terrain vague envahi de poids-lourds. Une fois tous les précieux sésames obtenus, nous nous mettons en quête d’un bureau de change ouvert pour avoir un peu de monnaie locale, des Guaranis (bel hommage aux natifs précolombiens du pays). En changeant 2 petits billets de 20 dollars, Claudie a obtenu 158 000 Guaranis tout en ayant l’impression d’avoir gagné au loto ! Toutes formalités faites, nous partons libres comme l’air sur les routes du Paraguay.


Premier parc national

Une trentaine de kilomètres après la frontière, nous quittons la route nationale en parfait état pour atteindre le parc national de Cerro Cora. La route jusqu’à l’accueil est faite de pierres tassées, irrégulières et coupantes, il faut rouler doucement. 2 personnes discutent devant une grande maison en bois. Nous demandons si nous pouvons passer la nuit dans le parc (nos applis nous parlent d’un camping). « Oui pas de problème, vous pouvez y aller, vous passerez régler demain en revenant », nous répond-on dans un Espagnol que nous avons plaisir à comprendre ! Et nous voilà repartis sur la route de pierre, qui se transforme à un moment en route de terre avec ornières et un couvrant végétal de plus en plus proche de la carrosserie de Roberto. Nous passons quand même pour aboutir à un petit espace herbeux désert peu lumineux qui est censé être le camping. Un mur de béton garni de prises de courant (dont nous n’avons pas besoin), d’un robinet d’eau mentionnée non potable et aucun sanitaire. Bizarre bizarre. Nous préférons rebrousser chemin jusqu’à un immense parking que nous avions repéré à l’aller, tout aussi désert mais bien plus lumineux. Nous sommes manifestement les seuls dans ce parc, ce qui est étonnant pour un week-end. Le lendemain, balade de 4 kilomètres dans le parc, d’abord en suivant un chemin bordé de statues de personnages importants pour le pays, tous des militaires. Nous apprendrons plus tard que l’indépendance du pays en 1811 a été douloureuse à obtenir et à maintenir. Notamment, un général a perdu une bataille et la vie ici, sur le Cerro Cora, une petite montagne qui culmine à 640m d’altitude. Côté nature, nous n’observerons pas grand-chose à part quelques oiseaux, quelques papillons, pas mal de termitières et quelques fleurs inhabituelles. Assez décevant au final, mais nous aurons pris le grand air dans une nature préservée. Ce qui est plus significatif que ça en a l’air dans un pays où 90% de la couverture forestière initiale a été détruite (c’est le pays le plus touché d’Amérique du Sud).


Où l’on fait connaissance avec la route

Nous trouvons d’emblée le pays très vert, et la météo va rapidement nous donner l’explication. Averses et orages vont nous rendre temporairement la vie un peu plus difficile, notamment au niveau de la circulation. La bonne route a fait long feu, et les trous dans la chaussée se multiplient. En temps de pluie, leur profondeur et donc leur dangerosité sont masquées par l’eau qui les remplit. Pour la première fois depuis nos débuts à Paris (relire si besoin La poule du bois de Boulogne), nous déclenchons la sécurité blocage de carburant après choc inhabituel. Le moteur s’arrête et ne redémarre plus. Pas d’angoisse, nous avons déjà vécu la situation, il nous faut juste ressortir le manuel de Roberto pour retrouver l’emplacement du contacteur afin de réarmer la sécurité et refaire circuler le carburant. Roberto repart tandis que la pluie redouble d’intensité. Nous décidons de ne pas aller beaucoup plus loin et nous stoppons dans la première (petite) ville rencontrée, d’abord au niveau d’une supérette acheter ce qu’il nous faut pour le dîner. L’établissement est petit et les rayonnages nous semblent d’un autre âge. Et accessoirement peu fournis, à l’image du rayon boucherie où un seul morceau de viande est pendu sur un crochet, juste à côté d’une effigie de la Vierge, que les clients remercient peut-être d’avoir permis que le présentoir ne soit pas totalement vide. Comme c’est le premier magasin d’alimentation que nous rencontrons au Paraguay, nous craignons un instant que ce soit comme ça dans tout le pays, mais heureusement la suite nous prouvera le contraire (voir un peu plus bas). Nous trouvons un parking pour la nuit devant une école (c’est toujours un bon plan les week-ends, à l’inverse des églises et des stades) et pas très loin d’une gare routière.

Extrait du manuel de bord du Fiat Ducato

La Laguna Blanca pas trop blanca

Le soleil fait timidement son apparition lorsque nous reprenons la route le lendemain. La circulation est très peu dense. Il faut dire que le pays a une densité de population plutôt faible, de l’ordre de 15 habitants au km². La route principale est encore bitumée, mais dès que l’on s’en écarte, c’est la terre rouge qui domine. Par beau temps, ces routes secondaires génèrent au pire pas mal de poussière – qui arrive à s’infiltrer on ne sait comment dans Roberto, à l’arrière surtout – mais par temps de pluie la circulation peut vite devenir très compliquée, le sol devenant boueux et glissant. Lorsque nous avons pris la route de la Laguna Blanca, la pluie de la veille n’avait pas encore séché, et il a fallu une bonne concentration de conduite pour éviter de s’embourber. Nous sommes arrivés au bord de ce lac. La propriété était fermée mais quelqu’un est venu assez rapidement pour nous ouvrir. Nous y avons passé la journée complète et la nuit, seuls la plupart du temps. Pourtant, cette Laguna Blanca est un lieu réputé au Paraguay et attire beaucoup de monde au cœur de l’été austral (décembre à février). Ce lac naturel est alimenté par des sources profondes, ce qui lui donnerait en saison une transparence unique dans ce pays où la plupart des rivières et étendues d’eau sont boueuses. Lors de notre passage, ce n’était pas tout à fait ça, l’eau était plutôt verdâtre et, bien qu’on lise parfois qu’elle est potable, nous n’avions aucune envie d’en boire. Nous nous sommes plutôt promenés le long de la plage de sable blanc garnie de parasols en paille, entourés d’oiseaux et de papillons d’une belle couleur orangée. J’ai pu faire voler le drone, ce qui n’était pas arrivé depuis un moment, et faire quelques prises de vue depuis le ciel.


Petites courses du quotidien

Le pays est l’un des moins chers d’Amérique du Sud, vous en verrez des exemples dans les photos ci-dessous. La plupart des musées sont gratuits. Dans le cas contraire, le droit d’entrée est modique, de l’ordre d’un à trois euros. Le carburant est plutôt bon marché, au-dessous d’un euro le litre de gazole Euro 6 pour ce qui nous concerne, descendant jusqu’à 0,75 € le litre d’essence ordinaire. Comme dans les autres pays d’Amérique, quelqu’un vient vous servir à la pompe. Dans les supérettes de villages, les rayons sont parfois peu garnis et il est difficile de trouver ce que l’on cherche sauf à manger purement local. Dans les grandes villes, des supermarchés modernes sont plus proches des nôtres, avec des choix d’aliments différents bien entendu. Dans les deux cas, l’achat de marchandises en vrac est disponible, aussi bien pour les aliments que pour les lessives. Même le pain, qui se vend parfois sous forme de petites boules de la taille d’une noix, peut s’acheter en vrac.


Tobati, ville d’amour ?

Elle n’a pourtant rien de Venise ou de Paris cette petite ville de province dominée par le rouge de ses routes en terre et de ses briquèteries enfumées. Mais son côté campagnard nous a charmé tout comme son mirador offrant une vue à 360° sur les collines environnantes. Nous avons passé la nuit en plein cœur de la ville, sur le parking de l’église et flâné dans les rues de Tobati jusqu’à la Villa de l’artisanat.

La Vierge au manteau bleu

La Vierge de Caacupé, une ville paraguayenne de 20 000 habitants, est considérée comme la sainte patronne du Paraguay, et fait l’objet d’une dévotion particulière dans cette ville. Son histoire remonte au XVIe siècle, lorsqu’un indigène Guarani récemment converti par les Franciscains se trouva poursuivi par des tribus hostiles. Caché dans un arbre, il pria la Vierge Marie pour sa survie, avec succès. Il en sculpta alors en remerciement une effigie dans l’écorce de l’arbre sous lequel il s’était abrité et la plaça dans la petite chapelle du bourg naissant voisin, Caacupé. Quand plus tard une inondation emporta toute la ville en épargnant la statue, le caractère miraculeux fut définitivement reconnu. Y compris par les papes Jean-Paul II et François qui visitèrent les lieux respectivement en 1988 et 2015. Et cette histoire est peinte en une vingtaine de tableaux sur les murs de l’escalier qui mène au mirador de la Cathédrale Basilique. Dans le mois qui entoure le 8 décembre de chaque année, un million de pèlerins (un paraguayen sur sept !) viennent se recueillir au sanctuaire, avançant sur plusieurs kilomètres à genoux pour certains d’entre eux ! Difficile de me plaindre des marches raides de l’escalier du mirador. Et encore moins de son droit de passage de 2 000 Gs. Une somme énorme ? Euh non, 20 centimes d’euro…


San-Bernardino-pas-les-bains

Aménagée comme une station balnéaire avec plages équipées, clubs sportifs, port de plaisance, résidences hôtelières, grandes maisons luxueuses, restaurants et bars de nuit, San Bernardino laisse toutefois le goût amer de l’eau de son lac qu’il ne faut pas boire et dans laquelle il est interdit de se baigner. C’est la conséquence désastreuse d’une absence de gestion des eaux usées des villes riveraines. Depuis 2012, le bleu du lac est devenu glauque (un ton verdâtre) et la turbidité s’accentue. Le site elmundolindo.com (le monde merveilleux…) la décrit pourtant comme « perle du Paraguay », « destination pittoresque offrant un mélange parfait de beauté naturelle, d’activités aquatiques excitantes et d’histoire … » Oui, j’oubliais l’histoire : la ville porte le nom de Bernardino Caballero, un ancien président du Paraguay ayant obtenu le pouvoir par un coup d’état…


Les dentelles d’Itauguá

Eh bien pour l’occasion je ne vais pas faire dans la dentelle, je vous livre brutes les photos de cette spécialité de la ville paraguayenne d’Itauguá et leurs commentaires, ainsi que les étapes de fabrication dans le carrousel suivant.

Et les étapes de fabrication, à partir d’une toile tendue sur un cadre. Tout se fait à la main !


Où l’on reparle de l’hexagone

Rassurez-vous, il n’est pas question de rentrer en France métropolitaine mais d’aborder une formation géologique étonnante qui n’est présente que dans 2 autres endroits au monde : le Canada et l’Afrique du Sud. Nous sommes ici au Cerro Koi, une colline dont le sol sableux se délite sous forme de barrettes hexagonales. On connaissait le phénomène avec le basalte, comme dans la Chaussée des Géants irlandaise ou les formations hexagonales hexagonales (mais oui) de Bort-les-Orgues, mais ici la lave qui s’est lentement refroidie en se rétractant était plus superficielle et riche en silice, d’où l’aspect plus proche des briques que des pavés.


Areguá, de la fraise au nain de jardin

À 45mn en voiture de la capitale du Paraguay, Asunción, la ville tranquille d’Areguá en est l’échappatoire. Les Asunceños (qu’on pourrait traduire par Assomptionnais en Français) viennent y flâner dans ses petites rues pavées entourées d’arbres, contempler les belles maisons de leurs ancêtres, acheter des poteries pour garnir leur jardin et surtout des fraises sous toutes leurs formes. Car c’est une spécialité de la ville depuis 1920. « À Rome, fais comme les Romains font » dit-on, alors nous avons flâné dans les petites rues pavées entourées d’arbres, nous avons contemplé les belles maisons de leurs ancêtres, nous n’avons pas acheté de poterie faute de jardin mais nous avons acheté des fraises ! Sous forme de fruits bien entendu (pour rappel nous sommes en plein hiver ici), mais aussi en fourrage de petits gâteaux et en « liqueur » (en fait un sirop de fruit peu sucré mais très parfumé). Roberto a dormi pour la première fois de sa vie sur une voie ferrée (la quantité d’herbe rendait peu probable le passage d’un convoi) et dans la propriété des pompiers (nous nous étions d’abord garés à côté, mais le gardien a insisté pour que nous soyons dans leur cour…) Et nous nous sommes amusés à observer les vieux bus, ceux en service étant très difficiles à distinguer de ceux mis au rebut sur le terrain près des pompiers.

Et un bonus spécial fraises !


En route avec Azulito

En venant nous garer pour la nuit sur un parking tout près de la capitale, nous sommes tombés sur un sosie de Roberto. Un fourgon de la même couleur, de la même morphologie – bien qu’un rien plus court, et porteur de plaques françaises.

Nous communiquons rapidement, et d’autres points de convergence apparaissent rapidement. Guillaume et Lise habitent dans une île ultramarine comme nous (Nouvelle-Calédonie dans leur cas), Guillaume a fait le transsibérien comme Claudie, et Lise est infirmière comme elle. Leurs choix de véhicule et d’aménagement ressemblent beaucoup aux nôtres : discrétion du véhicule expliquant le choix de la couleur bleu nuit et, pour Guillaume et Lise, d’un minimum d’ouvertures pour ressembler à un utilitaire. Volonté de miser sur une autonomie maximum avec l’absence de gaz comblée par des panneaux solaires puissants (nos compatriotes ont pour la cuisine une plaque induction, un choix que j’avais envisagé avant de m’arrêter sur la plaque gazole). Et bien entendu stationnement par défaut hors des campings. Jeunes actifs, ils sont partis pour un an ou deux en Amérique du Sud, y compris le temps d’aménagement de leur Azulito (le petit bleu, pas si loin du grand bleu qui a inspiré Roberto) qu’ils ont totalement réalisé eux-mêmes, bravo ! Ils vont partir vers le Nord alors que nous allons plutôt descendre, mais nos routes devraient se retrouver à un moment dans le Sud de l’Argentine. Désormais, nous suivrons leur parcours sur Polarsteps, très utile dans ce but.


La visite de la capitale du Paraguay, Asunción, s’annonce pour demain. Espérons que le mauvais temps annoncé ne gâchera pas la donne. Vous saurez cela dans le prochain épisode. A très bientôt !

131. Turquie

Premières impressions

Des formalités d’entrée relativement simples et rapides, de belles routes, de l’essence pas chère et même de l’AdBlue à la première pompe venue, des magasins modernes : tout porte à penser que, paradoxalement, la Turquie est économiquement plus développée que la Grèce. Cela va-t-il se confirmer dans la durée ?


Le Mémorial des Dardanelles

La bataille des Dardanelles a été un moment fort du début de la 1ère guerre mondiale. La France et la Grande Bretagne, alors alliés de la Russie, souhaitaient protéger son approvisionnement qui transitaient par le détroit des Dardanelles, entre la Mer Égée et la Mer Marmorata, contrôlé par l’Empire ottoman aidé des Allemands. Tout étant barré côté terrestre, ils organisèrent un débarquement, aidés aussi des Australiens et des Néozélandais. Mais, mal organisés, ils échouèrent et le conflit se termina au profit des Ottomans, chaque camp perdant au passage 56 000 soldats. Le succès permit tout de même à la Turquie de proclamer son indépendance, et en reconnaissance d’élever un grand mémorial en hommage aux victimes. Curieusement, le fait d’avoir participé rendit très fiers les Australiens et Néozélandais fraîchement libérés de l’emprise britannique. Le 25 avril, anniversaire du débarquement, est chez eux un jour férié et bien davantage célébré que le 11 novembre. Nous avons visité aussi l’un des cimetières français, mentionnant notamment la perte des 4 sous-marins et de leurs équipages qui avaient été engagés dans le conflit. Indispensable devoir de mémoire.



Un de Troie

Il nous aura fallu venir en Turquie, aussi bien Claudie que moi, pour apprendre que la ville de Troie était ici, sur la côte Ouest du pays. Et pas en Grèce comme nous le pensions. Et pas dans l’Aube non plus, je vous vois venir. Le site est presque aussi vieux que les pyramides d’Égypte, mais n’a été mis au jour qu’à partir de 1871. Il est bien sûr célèbre pour avoir été le théâtre de l’affrontement entre les rois grecs, dont Achille, venus récupérer la belle Hélène volée au roi de Sparte par le prince troyen Pâris. Après 10 ans de siège et une ruse chevaline que l’on connait tous, les Grecs ont fini par remporter et la guerre et l’épouse du roi.

Il ne s’agirait pas simplement de la légende rapportée par Homère dans l’Iliade, les fouilles archéologiques réalisées à Troie confirmeraient une partie du conflit. Nous avons trouvé sur les lieux un musée moderne mais cher (2 fois le prix du déjeuner que nous avons pris après la visite) et un site archéologique agréable à parcourir sur de petites passerelles en bois. Notre vraie déception a été que la réplique grandeur nature du Cheval de Troie était … en travaux. De quoi ruer dans les brancards.



Nulle autre qu’Assos…

Qu’Assos me fasse sourire n’étonne pas Claudie, habituée à mes jeux de mots vaseux. J’espère tout de même transmettre ce sourire par contagion à quelques lecteurs.

Pour le reste, le site que pourtant notre guide préférait largement à Troie nous a déçus. Accès mal indiqué, longue file de boutiques de souvenirs et de bars-restaurants avant de parvenir à l’entrée, édifices ressortant peu du paysage en raison d’une couleur similaire au sol, stigmates encore très présents du dernier incendie. Quant au « magnifique » temple d’Athéna perché sur sa colline au-dessus de la Mer Égée, il n’avait pas toute la superbe promise.

Dommage pour un site fondé au 1er millénaire av. J.-C. par des Lesbiens et des Lesbiennes. Les habitants de Lesbos, l’île grecque juste en face, vous pensiez quoi ?

Deux heures de route plus tard, nous trouvons un chouette endroit pour dormir. Une aire de pique-nique dans une petite forêt dont les arbres ont les pieds peints en blanc. L’ambiance tranquille à l’arrivée ne durera pas. Vers 19h les voitures ont commencé à défiler, haut-parleurs vrombissants et glacières pleines de bouteilles. Misère…

Nous avons vite laissé ce petit monde à leur soirée animée pour rejoindre un spot plus paisible jouxtant un cimetière. Las, à 21h, deux voitures sont arrivées et ont commencé à sortir les bouteilles et les chaises. Re-misère !

Mais la sono était discrète cette fois, au point que nous nous sommes endormis avant leur départ. À se demander le matin si nous n’avions pas rêvé. Mais les bouteilles et papiers gras étaient bien là sur le sol à l’emplacement des voitures…


Immersion

Parmi les choses que nous aimons le plus en voyage, il y a le fait de se retrouver au milieu d’une population qui ne nous ressemble pas et qui vit sa vie normalement, sans être pervertie par un quelconque attrait touristique, ni éventuellement par nous-mêmes. Cela ne nous était pas encore vraiment arrivés depuis notre arrivée en Turquie, jusqu’à ce que nous visitions Bursa, la 4ème ville du pays. Une journée de marche citadine qui nous aura conquis, nous menant des bazars très animés aux superbes mosquées et mausolées appelés ici turbë. Dans les deux cas nous avons eu l’impression d’être les seuls touristes du jour, du moins non turcs. Avec tous nous sens en éveil car très sollicités. La vision de cette architecture ottomane, d’un grand nombre de femmes voilées, des couleurs vives des boutiques de soie installées dans un ancien caravansérail. L’ambiance sonore des camelots, des klaxons et des appels à la prière mélangés. L’alternance des parfums d’encens, de savons ou encore de café. Alors que les lieux de cultes musulmans nous sont souvent refusés en Europe tout en étant par ailleurs assez austères dans leur décoration jusqu’ici, nous sommes entrés sans problème – du moment que le dress code était respecté – dans de grandes et magnifiques mosquées merveilleusement bien décorées. Une véritable immersion que nous attendions depuis un moment.

Nous prenons la route de la station de ski située au sud de Bursa, sans monter jusqu’au sommet (2545 m d’altitude) pour dormir au frais dans une petite forêt déserte trouvée par hasard à environ 1100 m. Nous décidons d’y rester 2 nuits. La Turquie s’avère aussi hospitalière que la Grèce pour les véhicules aménagés, et c’est une bonne nouvelle.


Cumalikizik

Ce petit village au nom rigolo est l’exemple typique des conséquences désastreuses de la surpopulation touristique. Bien conservé depuis le moyen-âge, il attire forcément les citadins lassés du béton de leurs façades et du bitume de leurs rues. Mais les citadins ça a besoin de manger, de boire et de faire pipi. Alors on leur construit des bars et restaurants. Et puis un ou deux parkings. Et puis pourquoi ne pas les appâter avec des babioles multicolores ou des sirops de fruits locaux ? Alors les boutiques poussent et cachent les façades moyenâgeuses, empiètent sur les rues pavées.

Par chance, le village est assez grand et en pente. Vers l’extérieur et les hauteurs, les chalands se font plus rares et les maisons redeviennent accessibles. Et les boutiques sont plus intimes, comme celle où nous avons pris notre premier thé turc. Une seule table au milieu d’une grande pièce en désordre, à laquelle sont déjà attablés la patronne et quelqu’un de la maison. Mais ils s’écartent un peu et nous rajoutent 2 chaises, nous invitant à leurs côtés. Nous avons échangé un peu et bu notre thé, servi noir et dans de tout petits verres. 35 centimes le çay, comme on l’appelle là-bas. L’expérience valait le jus, si on peut dire.


Ça rime

Oui, Iznik ça rime avec céramique. L’activité a été prédominante entre le XVIe et le XVIIe siècle, au point que l’on retrouve de jolies faïences créées dans la ville sur les plus grandes mosquées du pays. La demande est moindre maintenant, mais de nombreuses boutiques restent dédiées à l’activité, dont un pôle de créateurs dans une ancienne école coranique. Du très beau travail qu’on aimerait rapporter avec nous. Mais il faudrait atteler une remorque à Roberto.


Limite : 82 km/h

Impressionnés par la qualité du réseau routier au départ, nous révisons peu à peu notre opinion. Il est vrai que le large temps dont nous disposons et notre quête des bivouacs en altitude et en nature nous conduisent fréquemment à emprunter les axes secondaires. Et là force est de constater que le niveau d’entretien n’est pas extraordinaire et rejoint en bien des points, on pourrait même dire en bien des trous, celui des derniers pays traversés. L’absence de revêtement est par ailleurs fréquente sur ces routes, et Roberto est presque en permanence recouvert de poussière. Le côté amusant de ces petites routes, c’est le nombre d’animaux qui y circulent en liberté, vaches principalement, mais aussi moutons, chèvres, chiens et chats. Il faut être vigilant.

Sur les grands axes, nous empruntons habituellement la route à 2×2 voies qui longe l’autoroute – que par principe nous ne prenons pas, même si en Turquie le coût est modeste. La limite de vitesse y est extrêmement variable, passant de 110 km/h par défaut à 50 km/h au moindre croisement, les deux panneaux correspondants pouvant se suivre à quelques mètres seulement. Autant dire que personne ne respecte, d’autant plus que la fin du 50 n’est jamais annoncée. Le plus compliqué, c’est que la limite est variable selon les véhicules. Apparemment, c’est 100 pour les fourgons comme le nôtre ou 90 pour les camions. Quand la 2×2 voies traverse des villes, la limite descend à 82 km/h pour les voitures (il parait que c’est pour pouvoir flasher à 90…) et 50 à 60 km/h selon la ville et la taille du véhicule pour les autres.

Mais le pire, c’est la mise en place depuis quelques années du contrôle de la vitesse moyenne, qui peut se faire sur plusieurs dizaines de kilomètres avec aussi des sections plus restrictives. On trouve des portiques avec caméras un peu partout, difficile de savoir si elles sont juste pour le contrôle de sécurité ou pour celui de la vitesse. Nous n’avons pas perçu de flash pour le moment, il n’y en a peut-être pas d’ailleurs. Mais il parait que pour les étrangers, la note tombe à la frontière, au moment de quitter le pays…


La ville du safran

Difficile de cacher son passé quand on s’appelle Safranbolu. Cette ville a été un poste caravanier important entre l’Orient et l’Occident du XIIIe au XVIIIe siècle, où l’arrivée du chemin de fer a mis fin à ce type d’activité. Entre autres commerces, on y vendait du safran, la ville en étant le principal producteur en Turquie. De ce passé, Safranbolu garde une architecture ottomane remarquablement conservée, qui l’a faite inscrire au patrimoine mondial de l’Unesco.

Nous n’aurons pas le plaisir de voir les champs de crocus en fleur ni d’assister à la récolte, le tout se produisant à l’automne, mais nous pourrons déguster un « thé » au safran chez Mehmet, un commerçant réputé de la vieille ville. J’ai mis thé entre guillemets car de thé il n’y en a point : l’eau chaude est directement versée sur une pincée de pistils rouges de safran au fond d’un petit verre, le liquide prenant immédiatement une magnifique couleur jaune d’or.  En parlant d’or, le safran est l’épice la plus chère du marché, se vendant entre 30 et 45 000 € le kilo, soit à peine moins que le métal précieux (54 000 € le lingot)


Thé ou café ?


Le repos du gosier

Bien sûr, nous avons craqué pour un petit assortiment….


Noir c’est bleu

Nous voici arrivés sur le littoral de la Mer Noire, et vous savez quoi ? Eh bien elle est toute bleue, parfois même d’un joli turquoise dans les zones de hauts fonds ! Encore un mythe qui tombe… Certes, tard le soir ou même la nuit, une couleur sombre apparait, mais la nuit, toutes les mers sont grises, c’est bien connu. Le pire, c’est que l’origine du nom n’a pas été élucidée. Il se pourrait que « noire » désigne le « nord », cette mer se situant au nord de la Turquie, mais ça n’est qu’une hypothèse parmi d’autres. Ce qui est admis, c’est que cette mer était autrefois un lac d’eau douce, 150 m au-dessous du niveau actuel. L’élévation suite à une fonte glaciaire aurait fait monter le niveau de la Méditerranée, qui se serait déversée par le détroit des Dardanelles dans la Mer de Marmara, qui se serait déversée par le détroit du Bosphore dans la Mer Noire. En profondeur, c’est toujours ce qui se passe d’ailleurs : l’eau y est très salée alors que très peu en surface.

Nous avons longé la Mer Noire d’Ouest en Est sur plusieurs centaines de kilomètres. C’est parfois très sauvage avec une petite route tranquille qui se faufile entre une végétation abondante – favorisée par le microclimat – et de jolies petites criques, ou plus urbanisé avec des cités portuaires ou des stations balnéaires aux constructions quelconques, reliées par une route côtière à 2 x 2 voies souvent envahie de camions.


Sinop, en bref


Les mythes tombent comme des mouches

Après la Mer Noire toute bleue, nous découvrons la ville de Samsun, qu’on imaginait plutôt sud-coréenne que turque. D’accord, c’est juste pour rire, il manque quand même le g final. Mais dans un parc de la ville, en bord de mer, nous tombons sur la statue d’une jeune guerrière, arc à la main, jupe et mocassins en daim, et la mention « Amazone » en dessous. Mais les Amazones ne sont-elles pas originaires d’Amazonie ? Eh bien non, je me suis encore fait piéger. Un panneau explicatif nous apprend qu’un peuple de femmes guerrières aurait vécu ici entre 2000 et 1000 av. J.-C. ce que les historiens jugent peu probable selon d’autres sources, aucun vestige archéologique correspondant n’ayant été retrouvé. Par contre, des traces tangibles de femmes guerrières ont été retrouvées en Ukraine et en Russie. Autant dire que le conflit actuel remonte à loin. Ç’est quand même drôle de voir réunis ici Samsun et Amazon.

Et un petit chez soi reconstitué. Admirez au passage l’intégration du déshumidificateur d’air ! Tout ça était un peu kitsch et sujet à controverse historiquement parlant, mais bon à 0,40 € l’entrée, on n’a pas demandé à être remboursés !


Ainsi s’achève cette première partie de la Turquie. Le pays est grand, prévoyez au moins 2 ou 3 autres articles sur le sujet. Alors à bientôt !

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