66. De Québec à Charlevoix

Nous poursuivons notre lente remontée de la rive Nord du fleuve Saint-Laurent et découvrons le cœur de la province du Québec : sa capitale du même nom. Nous traversons ensuite la région de Charlevoix, beaucoup plus sauvage. Voici nos trouvailles, parfois originales, volontiers affublées de titres tarabiscotés comme je les aime.

Indien vaut mieux que deux tu l’auras

Pour la première fois au Québec, les panneaux stop n’affichent plus simplement « arrêt » mais également le mot « steten ». C’est que nous ne sommes plus tout à fait dans la province canadienne mais sur le territoire des Hurons-Wendat, un peuple d’amérindiens qui était là bien avant que Jacques Cartier n’ait fini de téter sa mère. Décimés pas les colonisateurs français puis anglais et toutes les cochonneries qu’ils leurs ont apportés, des fusils à la vérole, ils ont fini par relever la tête et recréer une « nation » avec un drapeau et un « conseil de bande » pour gérer les affaires courantes. Mais les pouvoirs restent très limités et sous la coupe du gouvernement canadien. On est loin de l’indépendance. Nous avons visité l’un de leurs 2 villages, dont les maisons ne se distinguent en rien de celles des quartiers avoisinants. Seules les plaques des rues portant des noms de chefs indiens donnent le change. Le Site traditionnel Huron-Wendat rend tout de même hommage à leur mode de vie antérieur, raconté dans une sorte de musée et mis en scène dans une maison typique reconstituée appelée « maison longue »


Un détroit, soleil !

Le nom de la ville de Québec vient du mot micmac (un peuple amérindien) « Kepe:K » qui signifie « rétrécissement d’un cours d’eau », et qui correspond effectivement à la morphologie du fleuve Saint Laurent en regard de la ville. Notre première approche de la capitale de la province du Québec s’est faite sous une pluie continue et, après avoir parcouru quelques rues et avoir failli noyer nos parapluies, nous avons fini par nous réfugier dans une brasserie puis, une fois restaurés et un brin séchés, dans l’excellent Musée des Civilisations où nous avons passé un bon moment.

Ce n’est que le lendemain, avec le retour du soleil, que nous avons vraiment apprécié la ville. Je parle de la vieille ville, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, parce que le reste est immense. Le Vieux-Québec est disposé sur deux niveaux, que l’on rejoint par des escaliers raides, comme le bien nommé escalier casse-cou, ou par un funiculaire. Sur les hauteurs, l’hôtel-château Frontenac domine la ville dont il est l’emblème. On le découvre aussi bien des terrasses qui le surplombent que de la promenade qui le borde ou encore du traversier qui joint les 2 rives du fleuve. Autour, ce sont d’étroites rues pavées et piétonnes, bordées de bâtiments où la pierre et les couleurs vives des ouvertures dominent tandis que les toits argentés aux reliefs complexes étincèlent sous le soleil. Au fil des carrefours, on découvre de jolies petites places, des églises aux toits verts, de grandes fresques murales, et toutes les boutiques qu’il faut pour capter les touristes finalement au rendez-vous. Après une journée de marche, nous étions contents de nous réfugier dans Roberto, que nous avions garé à deux pas du centre dans un parking au coût modeste (14€/j).


Corned Bear

Non ! Ils ont osé ! fut ma première réflexion en voyant ces conserves de viande d’ours sur les rayonnages de ce magasin. Bon, même si quelques confiseries étaient proposées, l’orientation générale du magasin, qui s’appelait d’ailleurs « Magasin général » – les anciens bazars du pays, vers les objets fantaisistes ou d’antan aurait dû m’orienter. En y regardant de plus près, le contenu n’avait rien à voir avec ces gros nounours que je n’ai aucune envie de consommer, mais consistait en de gentilles et inoffensives peluches. Ouf !


Aller plus haut, toujours plus haut

Difficile de dire si c’est la chanson de Tina Arena qui nous a inspirés ou bien si c’est le simple hasard qui nous a conduits là, toujours est-t-il que moins d’un mois après avoir rendu visite aux chutes du Niagara, nous sommes allés voir les chutes de Montmorency, à 15 km de Québec en longeant le fleuve St Laurent vers l’Est. D’une hauteur de 83 mètres, elles dépassent les précédentes d’une bonne trentaine de mètres. Certes rien d’équivalent en largeur ni en notoriété (Marylin Monroe n’y aurait jamais tourné), mais elles peuvent être traversées à l’aide de passerelles situées juste au-dessus, ce qui est particulièrement impressionnant pour la chute principale appelée le Grand Sault. Les amateurs de sensations fortes, sans doute peu impressionnés par les 487 marches qui mènent au sommet, pourront tenter la tyrolienne ou la via ferrata, en attendant que l’on installe un saut à l’élastique ou, qui sait, une descente en kayak.


Ça m’embauche un coin

Cette annonce géante sur le toit de la gare du téléphérique qui mène aux chutes de Montmorency, comme toutes celles plus petites qui inondent les vitrines des magasins dans les villes, rappelle un problème préoccupant au Québec, et probablement dans tout le Canada : on manque cruellement de main d’œuvre. L’immigration a beau être favorisée par le gouvernement, elle reste assez sélective. Un des moyens de combler le manque est malheureusement d’employer des mineurs. C’est un ami (merci Jean-Marie) qui a attiré mon attention là-dessus, en me communiquant un article de presse …français. Curieusement, il a fallu qu’une parlementaire questionne le ministre des transports à ce sujet pour qu’il soit évoqué dans les médias locaux. Tout aussi curieusement, la loi est très permissive et l’employeur peut se contenter de l’accord des parents pour faire travailler 18h par semaine un enfant de 12 ans ! Et la population suit puisque 51% des mineurs ont une « job », comme ils disent.


L’îlet des nôtres

L’île d’Orléans, située au beau milieu du fleuve Saint-Laurent un peu en aval de Québec, fut l’une des premières régions habitées par des Français en Nouvelle France vers 1650, peut-être séduits par le grand nombre de vignes sauvages qui y poussaient. Cent ans plus tard, alors qu’ils avaient tout défriché et bâti des maisons, les Anglais ont tout incendié et tout pillé, contraignant les habitants à l’exode. Mais ceux-ci sont revenus une fois la situation stabilisée et la Nouvelle France cédée à la Grande Bretagne et leurs descendants sont toujours là sur cette terre devenue canadienne entre-temps. Une œuvre d’art rend hommage à cette population résiliente. Roberto et nous avons fait le tour de cette île de 33 x 8 km en suivant la route Royale, bordée de belles maisons tout du long dont beaucoup, en pierres, ont gardé leur cachet d’origine.


Le plus cher un point c’est tout

Près du village de St Pierre, sur l’Île d’Orléans, au bord de la route, une arche sculptée auréole une statue assise de dos en arrière-plan. Il faut évidemment se garer et s’approcher à pied pour en savoir davantage. Le slogan ci-dessus, malicieusement détourné à partir du vrai slogan d’une chaîne d’hypermarchés français, devrait vous mettre sur la piste.

Vous avez reconnu le chansonnier et poète Félix Leclerc, le résident le plus cher et le plus célèbre de l’île dans laquelle il a vécu 20 ans avant d’y mourir. Cette sculpture géante, faite d’extraits en lettres d’acier de son œuvre, le représente assis dans un champ, poussant sans doute une chansonnette en s’accompagnant à la guitare. Dans le cimetière voisin, il n’est pas trop difficile de retrouver sa tombe : elle est recouverte de chaussures. Il faut connaître son répertoire pour en connaître la raison. Ci-dessous deux liens musicaux en rapport avec le sujet.


SAQ à vin !

Au Canada, la vente d’alcool est strictement encadrée, au point que la plupart des supermarchés n’en vendent pas. Même le vinaigre est difficile à y trouver. Et quand on tombe sur des bouteilles de vin, elles sont dénuées de tout degré alcoolique. Un grand nombre de restaurants ne dispose pas de carte des vins, mais propose en contrepartie d’apporter sa bouteille, achetée dans un lieu autorisé. Au Québec, ces lieux de débauche sont les magasins de la SAQ (Société des Alcools du Québec). L’interdiction de la vente aux mineurs y semble stricte. La SAQ ne disposant que d’un peu plus de 800 points de vente au Québec, une dérogation pour l’interdiction de vente est accordée à bon nombre de « dépanneurs », ces épiceries à horaires étendus et aux boissons faiblement alcoolisées comme le cidre et la bière. Je ne sais pas si c’est grâce à cela ou par simple habitude culturelle que les canadiens consomment moins d’alcool que les français. Pour plus de précisions à ce sujet je vous mets les chiffres OMS 2016 pour ces deux pays et pour les extrêmes

Consommation d’alcool pur en litre/an/habitant de plus de 15 ans :
Hommes          Femmes          Ensemble
Yemen             0,1                   0,0                  0,1
Canada           14,6                  3,4                   8,9
France            20,3                 5,4                   12,6
Moldavie         25,2                 6,1                   15,2


Il a assuré drave !

Nous avons fait la rencontre de Robert, un joyeux octogénaire et ancien draveur. Il ne doit plus rester beaucoup de membres de cette profession qui a pris fin en 1987. Pour ceux qui ne le savent pas, cela consistait, au siècle dernier, à convoyer le long d’une rivière des milliers de troncs d’arbres depuis leur lieu d’abattage dans l’arrière-pays jusqu’aux menuiseries ou usines à papier plusieurs centaines de kilomètres plus bas. Un métier rude et dangereux où l’on se faisait embaucher non pas grâce à un curriculum vitae mais en fonction de la taille de son poignet. La force n’était pas tout car il fallait aussi une bonne dose d’agilité pour se déplacer sur les arbres qui roulent et braver les rapides sans tomber à l’eau, ce qui était souvent dramatique. Robert nous parle de cette époque où il devait passer 6 à 8 mois par an loin de sa famille et vivre dans des conditions rustiques sous des climats extrêmes, tout en travaillant 8 à 10 heures par jour 7 jours sur 7. Mais tout ça sans regret aucun car il parle de son métier avec passion et nous montre tous les outils qu’il utilisait, les vêtements qu’il portait, et d’une manière générale tous les équipements de son « campement ».

Accumulant d’abord tout ce qui a trait à son métier, il s’est découvert une âme de collectionneur et a réuni dans plusieurs pièces d’une grange une si incroyable quantité d’objets anciens que la place commence à lui manquer. Une sorte de caverne d’Ali Baba où chaque objet a son histoire. Ce pourrait être une riche boutique d’antiquités, mais Robert a préféré en faire un modeste musée dont il est l’unique guide et dont le droit d’entrée est libre. Tout à son honneur. Une visite d’exception, authentique comme on les aime, totalement recommandable.


Des plats d’ours bien léchés

Les ours noirs abondent parait-il dans l’arrière-pays canadien, mais les rencontres se font plutôt par hasard. Alors nous avons voulu forcer ce hasard en nous rendant au Domaine de Pic-Bois, spécialisé dans l’observation de ces mammifères. De la cabane d’accueil, après avoir acquitté le droit d’entrée, nous suivons Jean-Claude qui sera notre oursologue du jour et l’un des grands fils des propriétaires du domaine. Après 15 mn de marche sur un chemin large dans la forêt, nous bifurquons sur un sentier plus étroit. Jean-Claude nous fait mettre en file indienne, nous recommande de ne pas laisser entre nous d’espace suffisant pour qu’un ours puisse passer et nous intime de ne pas prendre de photo si l’un d’entre eux se présente. Et nous voilà partis, le grand fils devant nous et lui derrière pour assurer la sécurité. Je pensais, amusé, que c’était une belle mise en scène, mais à peine une minute après le début de notre marche, voilà qu’un ours se présente sur le sentier ! On nous fait signe d’avancer calmement, et l’ours effectivement, impressionné par le nombre, s’éloigne dans la forêt.

Quelques minutes plus tard, nous arrivons à une sorte de mirador où, en sécurité à 3 mètres du sol nous allons pouvoir observer une petite clairière juste devant. Il n’y a pas de secret, pour que les ours soient au rendez-vous, il faut les nourrir un peu. Pas trop pour ne pas les rendre dépendants des humains bien sûr. Jean-Claude nous explique que ce qu’il va servir représente seulement 10% de leur nourriture quotidienne. Puis il part muni de seaux avec son homme de main pour faire un vrai service à table. Un menu 3 plats comportant os de porc, gâteaux broyés et une espèce de pâte semi-liquide ressemblant un peu au Nutella, qu’il va répartir sur les souches d’arbres creusées en soucoupes. Deux jeunes ours qui devaient avoir faim se présentent et s’empressent de lécher la cuiller. C’est d’ailleurs par le « Nutella » qu’ils vont commencer, en léchant la pâte avec délectation. Les gâteaux viendront ensuite et les os en dernier.

Quatre autres ours viendront les rejoindre, puis, grand moment, une mère avec 2 oursons. Jean-Claude, qui nous donne des explications tout du long, nous dit que nous avons beaucoup de chance, d’une part parce que nous ne sommes que tous les deux aujourd’hui (le mirador compte effectivement une vingtaine de places) et surtout parce que c’est la première sortie de l’ourse depuis sa sortie d’hivernage. Nous nous régalons de voir les oursons jouer, grimper très haut aux arbres, s’endormir là-haut sur les branches, puis redescendre quand leur mère les appelle. Difficile de vous résumer cette sortie qui a duré presque 3 heures, temps nécessaire car de petits évènements se produisent tout du long qui permettent d’élargir la discussion. Notre patience a été récompensée car, peu avant notre départ, nous avons pu voir une seconde ourse avec 3 oursons cette fois, pas trop rassurée car elle est repartie assez vite. Quoi qu’il en soit, nous ne serons plus maintenant « l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours » mais les observateurs directs.


Bye bye les ours, nous changeons de calibre et allons voir maintenant à quoi ressemblent les baleines du St Laurent.

A très bientôt !

53. Conduire au Mexique

Pour conduire au Mexique, le permis français suffit. Mais on parle là du carton rose ou de la carte à puce. Pour le reste, il faut oublier la plupart de nos bonnes pratiques et repartir sur de nouvelles règles, et surtout composer avec un certain nombre de pièges qui nécessitent de la part du conducteur une attention de tous les instants. En voici quelques-uns.

Les topes

Ils sont véritablement le cauchemar de tout conducteur au Mexique. Le gouvernement n’a sans doute pas trouvé mieux pour calmer les ardeurs des automobilistes, mais c’est peut-être allé un peu loin. Vous l’avez compris, ce sont des ralentisseurs et pas n’importe quels ralentisseurs. D’abord ils sont partout. Par paires sur les routes avant chaque carrefour, chaque chemin, chaque pont, et même devant chaque échoppe, construits peut-être même par le propriétaire de la boutique. Par groupes d’une douzaine à l’entrée et à la sortie des villes, des autoroutes, des stations-services. Tous les 30 à 50 mètres dans chaque ville et chaque village. Et parfois tout seuls à un endroit dans lequel on ne les attend pas.

Ensuite vient le problème de leurs profils extrêmement variés, allant du petit tas de terre étalé par les ouvriers des travaux publics aux redoutables hémisphères quasi infranchissables sans contact – reconnaissables aux stries multiples qui les labourent, en passant par les carrés, les cloutés, et ceux qui n’ont l’air de rien mais qui vous font toucher la tête au plafond même à petite allure.

Enfin, pour corser la difficulté, ils ne sont que rarement signalés à l’avance et tout semble fait pour les rendre invisibles : absence de peinture évidemment mais au contraire présence d’une teinte qui est exactement celle de la route ou encore dissimulation par l’ombre d’un arbre ou d’un panneau routier qui se superpose exactement, à tel point qu’on se demande même s’ils n’ont pas été plantés ou posés là exprès. Une bonne manière de les repérer ou de les évaluer est d’observer les véhicules devant vous. Si le coffre de la voiture s’ouvre au passage ou si le camion laisse échapper une dizaine d’oranges (évènements constatés personnellement), alors il faut les franchir à allure d’escargot.

Les trous

Seulement un tiers du réseau routier est revêtu, et si l’on ne se fait aucune illusion pour les deux tiers restants, on pourrait s’attendre à un état correct pour le premier tiers. Mais il n’en est rien. Même sur les « autoroutes  » (voir plus loin pour les guillemets) il faut s’attendre à tout moment à trouver devant soi un trou dans la chaussée, du classique nid-de-poule au véritable nid-d’autruche (je ne sais pas si ce mot existe mais il me parait bien représenter ces énormes creux véritablement infranchissables).

Certaines routes en sont truffées, au point que tout le monde roule en zig-zag pour les éviter. Voire roule sur la chaussée opposée, ce qui peut paraitre inquiétant lorsque vous avez un énorme semi-remorque qui fonce droit sur vous avant de se rabattre au dernier moment. On apprend d’ailleurs rapidement à observer soi-même ce comportement lorsque l’état de la route le nécessite. Tout comme à s’inquiéter en permanence de savoir si un véhicule vous suit, afin de connaitre sa marge de manœuvre : possibilité de faire un écart brusque ou de freiner brutalement si un de ces cratères se présente soudain droit devant. De temps en temps, un homme au milieu de la route une pelle à la main vous réclame un peu d’argent. C’est qu’il s’est trouvé comme occupation de remplir de terre quelques-uns de ces trous, compensant ainsi partiellement les carences du gouvernement. Cela dit, c’est illusoire, la terre doit partir à la première pluie.



Les voies de circulation

Le terme « autoroute » n’a pas tout à fait le même sens que chez nous. Il désigne une route avec des accès relativement protégés et qui contourne les villages, assez souvent payante et même d’un coût très élevé pour le pays. On distingue d’une part les carreteras, comportant 2 voies, où l’on circule donc à double sens, et parfois deux sortes de bandes d’arrêt d’urgence sur lesquelles on doit circuler, à cheval sur la bande blanche, afin de permettre les dépassements à cheval sur les pointillés centraux, trois véhicules pouvant donc circuler en même temps dans la largeur (voir photo). C’est un peu déroutant mais l’on s’y fait. On trouve d’autre part les autopistas, caractérisées par un nombre de voies supérieur à deux, avec séparation centrale ou non et des zones de retournement, pratiques si l’on s’est trompé mais exposant en contrepartie à retrouver devant soi un véhicule à petite vitesse après son demi-tour. Concernant les péages, la bonne nouvelle c’est que nous sommes ici dans la même classe tarifaire que les voitures, alors qu’en France nous sommes taxés comme les camions.

En ville, les rues peuvent bien sûr être à plusieurs voies, pas faciles à dénombrer d’ailleurs compte-tenu de l’absence fréquente de marquage au sol. Inutile de vous dire la pagaille que ça crée. Une particularité est que parfois, pour tourner à gauche à un carrefour, il faut se placer sur la file de droite… Pas évident à comprendre au début.


Les signaux lumineux

Les feux tricolores sont la plupart du temps situés de l’autre côté du carrefour, parfois dans un coin peu visible, et c’est d’autant plus perturbant qu’aucun marquage au sol ne vient vous prévenir ou tout simplement vous dire là où il faut s’arrêter. Les clignotants ne sont quasiment jamais utilisés, ou alors à contre-courant de nos habitudes : quand le véhicule devant vous vous propose de le dépasser, il met son clignotant à gauche, soit l’inverse de ce que nous faisons. Du coup on ne sait jamais s’il va tourner à gauche ou si l’on peut doubler. Les feux stops des véhicules sont volontiers customisés pour clignoter, parfois c’est l’ensemble des feux qui clignotent comme une guirlande de Noël. Enfin, certains véhicules mettent les warnings avant chaque tope. Il parait que c’est obligatoire, mais tous ne le font pas. Vu le nombre de ces ralentisseurs, autant garder les warnings allumés en permanence alors 😉


Les panneaux de circulation

Tout comme les feux tricolores, les stops et cédez le passage peuvent être situés de l’autre côté du carrefour. Sans marquage au sol, on peut vite se faire piéger ! En contrepartie, le feu rouge autorise à tourner à droite, et le feu vert autorise à ne pas s’arrêter devant le panneau stop s’il s’en trouve un. Aux carrefours, en l’absence d’indication, la priorité est un peu particulière. Elle est à droite si deux véhicules arrivent en même temps. Mais si ce n’est pas le cas, c’est le véhicule qui arrive le premier qui a priorité. Premier arrivé premier servi ! Et ensuite c’est chacun son tour. Les panneaux de limite de vitesse comme ceux interdisant de doubler semblent là juste pour le décor… De plus ils ne sont quasiment jamais suivis de panneaux de fin d’interdiction. Si vous tombez sur une limitation à 20 km/h, c’est théoriquement jusqu’à la limite suivante, mais ce n’est pas bien grave puisque personne ne respecte. Après, on trouve des panneaux intéressants, annonçant la traversée d’ours en cas d’incendie (ils doivent sortir des forêts à toute allure) ou limitant la vitesse à 60 km/h en cas de traversée …de papillons (explication : migration massive des papillons monarques vers le Mexique en hiver). Enfin, je me suis amusé une fois, sans avoir eu le temps de prendre la photo, d’un panneau annonçant sur une voie rapide un numéro à appeler en cas d’urgence, dix chiffres sans aucun lien, comme un numéro ordinaire, très difficiles à mémoriser. De quoi paniquer en situation difficile !


Les fils électriques

Les yeux fixés vers le sol pour éviter les creux et les bosses, vers les rétroviseurs pour s’assurer des possibilités de freiner ou de faire un écart brusque, on en oublierait de regarder en l’air. Pourtant, le danger peut venir de là aussi. Dans certains quartiers de ville ou sur des chemins reculés, on peut trouver des fils électriques ou téléphoniques qui pendent à hauteur d’homme, ou des branches d’arbres très basses ou encore dépassant latéralement. Rien de bon pour notre Roberto.


Et le reste

L’attention doit enfin être portée aux autres véhicules dont le comportement peut être imprévisible (traversée brusque d’une route, doublement par la droite, etc.), aux énormes camions très hauts ou très longs (doubles ou triples remorques), à ce qui peut en tomber à cause des topes, aux piétons qui peuvent traverser à tout moment, et aux nombreux animaux qui errent sur les routes : chiens surtout, mais aussi poules, chevaux et sûrement bien d’autres que nous n’avons pas encore croisés. Nous attendons les ours avec impatience !


Heureusement la route n’est pas que galère et toutes ne sont pas en si mauvais état. Comme nous roulons beaucoup, nous traversons des paysages variés, des champs de maïs en espalier, des orangeraies géantes, des forêts tropicales, des montagnes embrumées, des déserts immenses hérissés de yuccas et de cactus à perte de vue. C’est juste un régal. Et puis nous serions malvenus de blâmer ces routes qui nous permettent de nouvelles découvertes comme celles décrites ci-dessous.


Papantla

Du haut de cette ville identifiée comme la plupart de ses sœurs mexicaines par ses lettres colorées, le joueur de flûte, tel le Christ de Corcovado, semble appeler les habitants. C’est lui qui en fait orchestre la cérémonie des voladores (voir plus loin)


El Tajin

Nous assistons à la cérémonie des voladores à El Tajin. En tenue d’apparat et guidés par le son envoutant de la flûte, les voladores grimpent un à un le long de ce mat de 30 m de haut puis s’élancent tête première rejoignant majestueusement le sol en tournoyant tandis que leur corde se déroule peu à peu. C’est juste à l’entrée du site préhispanique d’El Tajin où de nombreuses pyramides et temples aux niches en pierre caractéristiques nous invitent à réfléchir aux cérémonies politico-religieuses et au séances de jeu de balle qui s’y déroulaient vers l’an 800, toutes sujettes parfois à des sacrifices humains.


Las Pozas, Xilitla

Sous une pluie fine continue, nous suivons le guide (imposé) au travers des Jardins surréalistes de Las Pozas. Un mélange intime de forêt tropicale humide et d’architecture loufoque. Aménagé dans les années 60 par un riche poète anglais, Sir Edward James, admirateur passionné de Dali, Magritte et Picasso dont il finançait les œuvres. La mousse et les lianes recouvrent peu à peu des structures en béton aux formes bizarres, colonnes ventrues ou imitant le bambou s’élançant vers le ciel sans rien supporter, escaliers ne menant nulle part, portes ouvertes sur une grande cascade. Un étrange mélange de Sagrada Familia et d’Aventuriers de l’Arche Perdue. A voir assurément.


Rio Verde et la Laguna de la Media Luna

Le soleil étant timidement de retour, nous tentons la baignade dans la Lagune de la demi-lune à Rio Verde. Un petit lac en forme de croissant alimenté par 6 sources chaudes (27 à 30°C) et le bras de rivière qui en sort, tous deux aux jolis tons bleu à turquoise. Même les canards sont assortis ! L’eau est particulièrement transparente, mais on profite encore mieux des fonds en nageant avec masque et tuba : apparaissent alors une multitude de poissons, de plantes aquatiques ainsi que des arbres pétrifiés. Il paraît qu’à 36m de profondeur on trouverait des statuettes préhispaniques. Je ne suis pas allé vérifier !


Real de Catorce

Le village de Real de Catorce se mérite. Après 24 km à tressauter sur une route de pavés rocheux concassés, mais en traversant des paysages somptueux, il faut encore franchir un tunnel de 2 km à voie unique et hauteur variable (non indiquée – nous nous sommes seulement fiés au fait que l’employée du péage nous ait laissés passer) mais guère au-dessus des 2m60 de Roberto.

Après, ce n’est que du bonheur que de découvrir cette petite ville habillée de pierres, située à 2760m d’altitude, qui dut sa création à l’exploitation d’une mine d’argent. Tout a fermé depuis, une partie de la ville est devenue fantôme et se visite volontiers à cheval. Nous n’avons pas résisté à tenter l’expérience, qui était une première pour moi ! Sans le dire à Roberto qui aurait peut-être été vexé que l’on troque ses huit chevaux par seulement deux. Nos montures nous ont mené sagement, sans s’énerver sur les rochers glissants du chemin, vers ce village fantôme bien au-dessus de la ville. On y retrouve diverses ruines dont celles d’une église et de divers bâtiments utilitaires qu’on imagine en actitivé. On pénètre même dans un ancien filon dont les murs scintillent encore devant la lampe de poche.

Et puis il faut repartir. Souhaitant éviter de reprendre le tunnel et la route pavée, nous sommes redescendus par la route de l’autre côté. Tout aussi tressautante que la première, mais surtout nous aurions bien pu y rester bloqués. Voie unique étroite au bord du ravin, où nous avons pourtant dû croiser 3 véhicules. Pont à angle droit dans un virage où il a fallu manœuvrer à plusieurs reprises pour passer sans toucher. Petites montées bien raides par moment, un peu limites pour un véhicule ni réhaussé ni 4×4. Le salaire de la peur à côté c’était une promenade de santé ! A refaire nous prendrions le tunnel…


Saltillo

Après avoir failli sauter dans le vide, plongeons nous dans l’univers plus reposant des traditions mexicaines, et plus particulièrement sur cette tenue typique qu’est le sarape, un tissu aux motifs colorés qui se porte aussi bien comme un poncho que comme une couverture, depuis l’époque de la révolution. Un petit musée à Salpotillo en retrace l’histoire et le mode de fabrication. Même Elvis en a décoré l’un de ses albums. Le sarape est un vêtement masculin, mais les tenues féminines traditionnelles ne sont pas en reste dans ce musée qui en expose de magnifiques spécimens. Et encore une visite gratuite, merci au ministère de la culture !


Passage également au Musée du Désert, centre scientifique pédagogique rassemblant un parc de dinosaures animés et sonorisés, un petit zoo, une grosse collection de cactus, une belle exposition sur la façon dont les déserts se créent et se déplacent, sur les particularités des plantes qui y vivent, sur les minéraux et fossiles qu’on y trouve et sur les animaux qui y vivent, en commençant par les dinosaures. A recommander aux familles, mais intéressant à tout âge !


Saltillo possède aussi une mairie peu commune ou toute l’histoire de la ville est racontée sous forme d’une fresque qui fait le tour entier de sa cour intérieure. Il a fallu trois ans à l’artiste Elena Huerta pour la peindre.


A noter enfin une imposante cathédrale aux façades richement sculptées.


Cuatro Cienagas

Le sable de ces dunes de gypse à Cuatro Ciénegas est d’un blanc étincelant et s’enfonce peu sous les pieds. En fait il s’agit de cristaux de sulfate de calcium, formés par l’évaporation d’une ancienne mer. Selon les endroits, ils se présentent sous la forme d’une poudre, de roches compactes ou même de cristaux de plusieurs cm de longueur. Mais le plus agréable est de marcher sur cette immense lagune …craquante !


Notre première phase au Mexique est terminée, nous venons de franchir la frontiière vers les Etats-Unis. D’emblée, si les premiers paysages du Texas sont similaires à ceux du nord mexicain, les routes sont d’un lisse, mais d’un lisse…

Ci-dessous le parcours effectué au Mexique du 20 janvier au 7 mars 2022.