132. Noisette – Pistache

Ce titre ambigu évoquant les saveurs combinées d’une crème glacée n’est en fait que le résumé en deux mots de notre second parcours en Turquie. Des plantations de noisetiers des rives sud-est de la Mer Noire à la ville emblème de la pistache, nous aurons encore parcouru plusieurs milliers de kilomètres dans l’Est de la Turquie, frôlant tour à tour les frontières géorgienne, arménienne, azerbaïdjanaise, syrienne, irakienne puis iranienne. Des pays dans lesquels nous aurions bien fait quelques incursions s’ils n’étaient pas déconseillés pour la plupart par les autorités françaises. Mais nous avons eu largement de quoi nous occuper à l’intérieur de la frontière turque.

La saison de la noisette

Lorsque nous arrivons dans la région d’Ordu, toujours sur les rives de la Mer Noire, nous constatons un changement dans le paysage : tous les versants des montagnes sont occupés par une seule espèce d’arbre dont il n’est pas trop difficile de connaître l’origine. Car nos sommes en plein dans la période de récolte, et le moindre espace plat devant les maisons, au bord des routes ou même sur les ronds-points est occupé par les noisettes fraîchement récoltées et mises là à sécher. La plupart du temps gardées par une personne âgée ou au contraire un enfant. Le long des routes, de petits tracteurs sont disposés ça et là. Dans les fossés, des sacs probablement pleins de noisettes attendent le ramassage. En levant les yeux, on voit les arbres bouger et parfois de petites taches colorées mobiles que l’on entend par ailleurs discuter. Manifestement, la cueillette ici est une affaire familiale.

Nous apprenons que la Turquie est le premier producteur mondial de noisettes décortiquées, et loin devant les autres avec une part de marché de 80%. Encore plus surprenant, en fait pas tant que ça finalement, c’est un groupe industriel italien qui achète 80% de leur récolte : l’entreprise Ferrero. Pas besoin de vous donner le nom de leur pâte à tartiner, constituée, il faut le savoir, de plus de 70% de sucre et d’huile de palme.


Il y avait longtemps

Il n’est pas dans l’habitude des musulmans d’aller construire des mosquées au beau milieu de falaises inaccessibles. Aménager ainsi un lieu de culte, c’est plutôt le truc des moines orthodoxes, qui cherchent ainsi à s’isoler pour mieux méditer. Nous voilà donc à explorer au beau milieu de la Turquie, un monastère orthodoxe partiellement troglodyte datant du IVe siècle. Des moines grecs auraient reçu dans leur sommeil un message de la Vierge Marie leur demandant d’aller chercher dans une grotte une icône la représentant. 17 siècles plus tard, c’est dans un photomaton qu’on leur aurait demandé de récupérer la photo perdue, mais la grotte offre davantage de mystère. Toujours est-il qu’ils l’ont trouvée et ont bâti l’édifice que l’on voit aujourd’hui. Fortement remanié par des outrages de la nature et surtout des occupants successifs. Si les constructions paraissent nettement retapées, il reste néanmoins de belles fresques sur les murs extérieurs et intérieurs de l’église initiale. Une foule très majoritairement locale se presse pour admirer tout ça. Après tout ce Monastère de Sumela est une partie l’histoire de la Turquie.


Thé où ?

Certes cela dépend des sources, mais les Turcs seraient les plus gros consommateurs de thé au monde, avec une moyenne annuelle de 3,16 kg par habitant, qui peut passer à 4 kg dans la grosse région productrice que sont les rives sud-est de la Mer Noire. Le climat plus humide est bien adapté à la croissance des arbustes à thé. Nous avons d’ailleurs constaté par nous-mêmes que depuis que nous sommes dans ce secteur, le ciel se couvre constamment les après-midis, ce qui n’était pas le cas précédemment. Dans les montagnes autour de Rize, les plantations de thé sont partout, formant une sorte de tapis ondulé verdoyant quand il ne s’agit pas de reproduire les courbes de niveau de notre carte topographique. Les autres pays gros consommateurs sont l’Irlande, le Royaume-Uni, le Pakistan et l’Iran (respectivement 2,19 ; 1,94 ; 1,50 et 1,50 kg/an/hab. en 2020). Concernant la production, la Chine occupe 40% du marché mondial, suivie par l’Inde (25%), le Kenya (10%), le Sri Lanka (8%) et la Turquie (6%). Mais les Turcs sont les seuls à consommer plus de la moitié du thé qu’ils produisent.


Le rite du thé

Si le thé est connu en Turquie depuis le XIXe siècle, grâce à la position du pays sur la route de la soie, il n’y a été cultivé qu’après la 1ère guerre mondiale, laquelle avait fait grimper le prix du café. Le premier président du pays, Mustafa Kemal Atatürk, a favorisé l’importation de plants venant de la Géorgie voisine afin de favoriser l’autonomie de la Turquie. Depuis, la boisson a largement supplanté le café dans les rites sociaux, qu’ils soient amicaux, familiaux ou professionnels. La pause thé biquotidienne est même obligatoire dans les conventions collectives.

Le thé turc ne se prépare pas de la même manière que le thé occidental. Les feuilles infusent dans le compartiment supérieur d’une théière qui en comporte deux. L’eau bouillante du compartiment inférieur est versée quelques minutes après la fin de son ébullition sur les feuilles de thé, puis remise à chauffer une dizaine de minutes pour maintenir constante la température d’infusion. Le thé, alors assez fort, est versé au tiers d’un petit verre en forme de tulipe, et complété par l’eau du compartiment inférieur. A l’inverse du thé anglais, le thé turc se boit a priori noir et non sucré. A la limite on peut y mettre un peu de sucre, mais ajouter du lait serait mal vu…


A 20 km de la Géorgie

Nous avons quitté les rives de la Mer Noire pour nous diriger vers la région montagneuse du nord-est de la Turquie, longeant la frontière avec la Géorgie à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau. Nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de faire un détour pour visiter ce pays qui paraît intéressant et assez sûr, voire d’enchaîner avec l’Arménie qui n’est pas accessible depuis la Turquie, mais nous risquerions d’être limites en temps pour rejoindre Istanbul vers le 20 septembre, une rare contrainte dans notre voyage. Donc pas de Géorgie, mais de superbes paysages faits de grandes vallées contenant des lacs de barrages et surplombées de montagnes dépassant fréquemment les 2000 m d’altitude. Par moments, la végétation est assez pauvre, mais à d’autres, nous retrouvons des forêts de sapins, de grands pâturages et de jolis petits lacs. Il n’y a que l’embarras du choix pour trouver des sites où passer des nuits tranquilles avec une jolie vue.


Complique le gouvernement (7 lettres)

De Gaulle disait de la France qu’elle était impossible à gouverner en raison de ses 246 sortes de fromages. On comprend alors les difficultés de la Turquie qui en compte 200. C’est en tout cas ce que nous avons appris en visitant le musée du fromage de Kars, une ville perchée sur des hauts plateaux à 1800 m d’altitude et entourée d’alpages où broutent en semi-liberté vaches, brebis et chèvre. Fournissant donc la matière première à de nombreux fromages locaux. Le plus célèbre est le gruyère de Kars, élaboré avec l’aide des Suisses donc très proche du fromage helvétique. Mais de nombreuses autres sortes existent, proches de la feta grecque comme le beyaz peynir ou du gouda comme le kasar, se présentant inhabituellement de façon effilochée ou tressée comme le çeçil ou encore affinées dans des panses de brebis comme le tulum.

Nous avons été étonnés de la qualité et de la modernité de ce musée totalement oublié du Petit Futé qui n’a pas l’air de connaître non plus la ville de Kars. Nous l’avons trouvé par hasard sur Google Maps. Comme quoi il faut toujours diversifier ses sources.


Ani ou le moyen-âge arménien

Habitée dès l’âge de bronze, la ville d’Ani connut son apogée vers le Xe siècle sous le règne arménien, hébergeant alors plus de 100 000 habitants et devenue capitale du pays. On dit qu’elle rivalisait avec Constantinople, Bagdad ou encore Le Caire. Et puis elle est tombée aux mains d’une succession d’envahisseurs, victime alors d’une lente descente aux enfers en cumulant massacres, vandalisme et dégradations liées au temps et à l’absence d’entretien. Quelques tremblements de terre ont fait le reste et « la ville aux mille et une églises » n’est plus que ruines. Les édifices religieux et de défense, les plus solides, sont les seuls à être encore debout, et encore. Ils ont le mérite d’offrir au visiteur une bonne idée de l’architecture arménienne à l’époque médiévale : structures massives pour résister aux séismes, utilisation large de pierres locales en mélangeant les couleurs, coupoles octogonales, croix de basalte, motifs géométriques, floraux ou figuratifs.

Nous avons eu la chance de pouvoir dormir la veille de notre visite sur le parking du site, habituellement interdit la nuit pour des raisons de sécurité (l’Arménie est juste de l’autre côté du ravin). Le réveil a été magique, avec les belles couleurs de l’aube sur les remparts et le passage de toutes sortes d’animaux menés aux champs. Nous aurons malgré tout dû attendre l’ouverture du site à 8h pour pouvoir y pénétrer, soit presque 3h après le lever du soleil !


Mine de rien, mine de sel

C’est le hasard qui nous a fait visiter cette attraction, trouvée par hasard sur notre route. Pourtant ces montagnes blanchâtres et luisantes fournissent du sel à toute la Turquie depuis le moyen-âge. Si l’activité se continue en profondeur, le rez-de-chaussée a été ouvert au public il y a quelques années seulement. On y découvre une succession de salles voûtées éclairées de bleu et d’orange, dont les parois sont recouvertes de cristaux de sels. Fait étrange et typique de la Turquie, des tables de pique-nique sont disposées ça et là, et plusieurs étaient d’ailleurs occupées. Les Turcs adorent pique-niquer !


Bis repetita

C’est encore le hasard qui nous a conduit devant ces collines arc-en-ciel. Nous avions choisi de faire une pause déjeuner au bord d’une petite rivière bordée de falaises déjà un peu colorées, sur un site référencé par l’application Park4night. L’un des commentaires disait que les « vraies » collines arc-en-ciel étaient un peu plus loin. Mais introuvables directement sur Google Maps. C’est en traduisant l’expression en Turc puis en la collant sur Maps que nous avons fini par trouver un départ de randonnée portant ce nom. Mais à l’endroit donné, rien de tel. Un peu avant, nous avions pourtant trouvé quelques montagnes multicolores, sans pouvoir nous y arrêter pour cause de route en travaux. Heureusement, nous avons déniché un peu plus loin un paysage similaire, que nous avons rejoint en quittant la route principale. Magnifique et pourtant référencé nulle part. Les Américains en auraient sûrement fait un parc national et protégé l’accès, mais là non, nous aurions même pu sans doute nous promener dessus. J’en ai fait ma première contribution d’ajout de site sur Google Maps !


Nuit sous le sommet

Un nouveau bivouac sauvage, on ne les compte plus, mais cette fois sous le sommet du célèbre Mont Ararat, celui qui aurait vu débarquer l’Arche de Noé. Selon certaines versions. Ce qui est indiscutable, c’est qu’avec ses 5137 mètres, ce volcan âgé d’1,5 millions d’années est le point culminant de la Turquie, au grand dam des Arméniens qui l’avaient autrefois sur leur territoire et qui aimeraient bien le récupérer. Tout comme leur ancienne capitale Ani d’ailleurs. Pour diverses raisons historiques et politiques, la frontière turco-arménienne est fermée depuis de nombreuses années.


Un palais délicat

Construit sur plus d’un siècle par la famille Pacha pendant la période ottomane, ce palais perché sur une falaise pas très loin de la frontière iranienne en a gardé une certaine influence, des décors parait-il plus sobre que le vrai style ottoman. Bah nous on ne les a pas trouvés si sobres ces décors et surtout nous avons trouvé le lieu particulièrement bien intégré au paysage. Visite en photos.


Et à propos de palais…

Comme régulièrement, nous nous offrons un petit repas en ville, pour le plaisir bien sûr, pour l’immersion ensuite et pour approfondir nos connaissances sur la cuisine turque. Le restaurant s’appelle Keravansaray et a été aménagé comme son nom l’indique dans l’un de ces établissements où l’on recevait les commerçants de passage, nombreux sur cette route de la soie. On commence par nous amener des entrées (mezze) bien que nous n’en ayons pas commandé – c’est manifestement inclus avec les plats : salade de crudités, pâte d’aubergines, sauce relevée, pain pita et petit gâteau de semoule pour adoucir tout cela. Pour boisson ce sera de l’ayran, une sorte de lassi salé et mousseux. C’est l’autre boisson nationale avec le thé et le raki. Et puis bien sûr un peu d’eau, de marque (bi)Binpinar, dans ce pays musulman ça ne s’invente pas. Viennent ensuite nos plats de résistance, assortiment de viandes grillées au feu de bois pour Claudie, brochettes de légumes et de viande pour moi. Avant l’addition (très douce, une dizaine d’euros par personne pour tout ça), on nous offrira le thé. Là aussi, c’est une tradition, et pas seulement au restaurant. N’hésitez pas à mettre le son pour la vidéo, vous verrez que l’ambiance sonore était aussi typique que le repas.


La Van life

On pourrait la croire paradis des voyageurs nomades, mais il n’en est rien. A l’Ouest du lac éponyme, le plus grand de Turquie avec ses 3700 km², la ville de Van nous a semblé assez banale. Un centre-ville très encombré, une citadelle vide, un littoral marécageux et des températures élevées. Les habitants d’ailleurs vont se réfugier sur les bords du lac là où c’est possible, hors de la ville, pour prendre le frais. Une file continue de voitures en stationnant le long de la route côtière en témoigne. A certains endroits, l’eau est presque blanche (y aurait-on déversé du sable de carrière pour créer une plage artificielle ?), à d’autres d’un joli bleu. Bref, la Van life ne nous a pas séduits, un énorme paradoxe !


Et si l’on se refaisait un petit monastère ?

Celui de Mor Gabriel, au milieu de grandes collines arides parsemées d’arbres rabougris, nous a tendu les bras. Fondé en 397, après J.-C. forcément, il est l’un des monastères chrétiens les plus vieux au monde (le plus ancien, en Bulgarie, date de 344). Et pourtant, il est toujours en activité, occupé par des moines de l’Église syriaque orthodoxe, des religieuses et des séminaristes. Ce qui fait que l’on n’en visite qu’une partie et accompagnés d’un guide. Alors que l’on s’attend, du fait du grand âge, à voir des murs croulants et des voûtes étayées, on observe au contraire des structures fortement rénovées, un peu trop peut-être. L’harmonie de couleurs du bâti et l’architecture respectent apparemment celles d’origine (nous n’avons pas vérifié…). Des mosaïques datant du Vie siècle ont pu être conservées. Le Dôme de Théodora, construit à l’initiative de la reine byzantine éponyme impressionne. La pierre monolithique qui trône en son centre et que nous prenons d’emblée pour la tombe de l’intéressée n’est en fait que la table de pétrissage de la pâte du monastère, d’après ce qui est écrit dessus en Syriaque. Mais Google Traduction ignorant le Syriaque (mais pas le Ndau ni le Tok Pisin qui comptent pourtant moins de locuteurs) nous ne pouvons que croire notre guide. Dans la même pièce, nous trouvons aussi une reproduction du monastère en allumettes. Mais le plus impressionnant est la Maison des Saints, une pièce où sont enterrés (debout) les saints créateurs du monastère et d’autre personnes valeureuses, dans tous les sens du terme. Ce ne serait qu’anecdotique si la terre dans laquelle reposent ces personnages n’avait acquis, aux yeux des chrétiens syriaques, des propriétés de guérison. Et de fait, nous en avons vu, au cours de la visite, plonger la main dans une ouverture faite dans la tombe et en ressortir une poignée de la précieuse terre immédiatement enveloppée dans un mouchoir en papier. Ne me demandez pas ce qu’ils en font après. J’espère juste qu’ils ne la mangent pas…


Mardin et la jandarmerie

Nous avons trouvé refuge pour la nuit sur une petite colline arborée au-dessus de la ville de Mardin, prévue pour la visite le lendemain. Après une heure ou deux sur place, une voiture marquée « JANDARMA » vient se garer à côté de nous, gyrophare allumé. Nous ne sommes pas inquiets, ce n’est que le 4ème contrôle aujourd’hui. Il est vrai que nous sommes proches de la Syrie et les militaires déjà bien présents dans le pays le sont encore plus ici, difficile de leur reprocher. Le contact est très amical avec les trois policiers, qui s’intéressent de près à Roberto, à notre parcours, nous demandent si nous sommes mariés, quel âge nous avons, nos métiers. Quand je dis que je suis dermatologue retraité, l’un deux me montre des photos de son frère qui présente plusieurs plaques sur la peau que j’identifie. A la demande du policier, je propose un traitement… Ils parlent aussi peu Anglais que nous Turc, mais les échanges via Google Traduction se font finalement de façon assez fluide. Admirant notre parcours passé et prévu sur la carte de Turquie que leur déploie Claudie, ils nous situent leurs villes de naissance respectives et nous conseillent sur certains lieux que nous n’avons pas surligné. Nous leur parlons de la zone frontalière avec la Syrie fortement déconseillée par les Affaires étrangères françaises, ils nous disent que tout est parfaitement sûr. Ils rajoutent qu’ils vont repasser dans la nuit et veiller à notre sécurité, que nous pouvons les appeler à tout moment sur le 112 et qu’ils viendront de suite. Ils vont jusqu’à nous proposer d’aller nous chercher quelque chose à manger si nous avions besoin de quoi que ce soit ! Puis finissent par s’en aller en nous saluant vigoureusement de la main et en donnant un petit coup de sirène pour le fun… Sympas les jandarmas turcs !

Mon sens du respect m’a empêché de leur demander un selfie. Il ne vous restera que la photo nocturne de Roberto dans ce bel endroit où nous avons dormi en toute quiétude.


Mardin à part ça

Nous avons adoré visiter cette ancienne ville assyrienne, essentiellement peuplée de kurdes, construite toute en hauteur – du moins pour la vieille ville – sur une colline dominant l’immense plaine de la Mésopotamie, où circulent le Tigre (proche d’ici) et l’Euphrate (que nous verrons un peu plus loin), deux fleuves bien connus sans lesquels vous et moi ne serions peut-être pas nés puisqu’ils sont le berceau de la civilisation indo-européenne. La ville, classée par l’Unesco pour son histoire et ses nombreux monuments, lieux de cultes très diversifiés compris, possède une architecture d’influence arabe, que nous avions encore peu vue en Turquie. Nous avons aimé nous perdre dans les ruelles tordues et se terminant volontiers en cul-de-sac. Mais un peu moins grimper sous une forte chaleur les multiples escaliers reliant les rues. Globalement, l’ambiance et le style l’ont tout de même emporté. Nous y avons trouvé des gens sont adorables, comme partout en Turquie Et une fois de plus dans cette région, nous avons eu l’impression d’être les seuls touristes occidentaux. Nous avons terminé la visite en auto-récompensant de nos efforts par une boisson chaude prise sur une terrasse panoramique : un çay pour Claudie, et un café syrien pour moi, accompagnés d’un excellent yaourt servi dans un bol.


De l’énergie pour deux

La ville précédente visitée à la fraîche, nous avons pu la quitter en fin de matinée et finalement nous arrêter assez tôt à la suivante, reboostés en énergie grâce à la climatisation de Roberto lorsque l’on roule. C’est ainsi que nous avons parcouru l’après-midi de la même journée la ville de Diyarbakir. Outre un nom plus difficilement prononçable, elle s’est distinguée de la précédente par une animation plus grande. L’heure y était possiblement pour quelque chose, les Turcs nous semblant sortir davantage l’après-midi et le soir que le matin. Nous avons visité tour à tour une grande mosquée pleine de vie, une vieille église syriaque orthodoxe, un bazar à l’agitation extrême, aussi bien que des petites rues très tranquilles dès que nous éloignions un peu du centre. A noter que la ville a été durement touchée par le tremblement de terre de février 2023. Nous en trouvons encore de nombreux stigmates.


La belle vallée de l’Euphrate

Après avoir franchi le Tigre entre les deux villes précédentes, c’est maintenant l’Euphrate que nous traversons puis surplombons. Ces deux fleuves bien connus, notamment pour leur rôle dans l’apparition de l’espèce humaine, sont aussi une source – si j’ose dire – importante de conflit pour les pays situés sur leur parcours. Issus des montagnes turques, le Tigre et l’Euphrate ont leur lit majoritairement sur les territoires syrien et irakien. Comme souvent dans ces cas-là, c’est le pays situé en amont qui fait la loi. La Turquie construit barrage sur barrage pour irriguer ses terres, ne laissant qu’un maigre débit aux pays en aval qui ont tout autant besoin de la ressource. C’est la loi du plus fort, mais le risque existe de déclencher des conflits armés, d’autant que les relations ethniques et politiques du secteurs ne sont pas des plus sereines.


Le mausolée du roi perché

En 64 av. J.-C. l’empire romain contrôlait toute l’Asie Mineure … sauf la région appelée la Commagène. Ça ne vous rappelle pas une autre histoire ? Mais le chef de la Commagène, le roi Antioche 1er, était bien plus orgueilleux que notre Abraracourcix, et se fit construire un mausolée géant au sommet d’une montagne, le Mont Nemrut, qu’il fit même surélever de 150m pour qu’il dépasse en hauteur les cimes voisines. Autour de ce sommet, des terrasses sculptées dans la pierre , ornées pour deux d’entre elles de statues monumentales en position assise de divinités grecques et perses, ainsi que d’aigles et de lions. Toutes les têtes sont tombées après un intense tremblement de terre en 1923, mais offrent, redressées sur le sol en regard de leur buste initial, un spectacle étonnant. Que nous observons seuls à 2150 m d’altitude, ce qui augmentant d’autant l’étrangeté du lieu.


La ville de la pistache

Gaziantep est la 6ème ville de Turquie, mais pas plus encombrée que cela quand on y circule. Elle est la capitale de la pistache turque et produit une variété d’excellente qualité, l’Antep. La Turquie est le 3ème producteur mondial de cette graine oléagineuse, derrière l’Iran et les USA (Californie principalement). Et puis avec la pistache, les pâtissiers de Gaziantep vont fabriquer une version unique de baklava, fourrée et/ou couverte de produit écrasé du plus joli vert. La ville est d’ailleurs réputée pour sa gastronomie. Vous verrez ci-dessous le résultat de nos tests. Nous y avons trouvé aussi un curieux café bi-ton (2 forces de café différentes qui ne se mélangent pas…).


Nous sommes retombés un instant en enfance en visitant le musée du jouet, exposant des spécimens remontant à la fin du XIXe siècle, mais d’origine bien plus souvent allemande que turque. Avec un droit d’entrée de 0,40€ on ne peut pas trop se plaindre.


Le musée suivant nous aura coûté trente fois plus mais s’est révélé exceptionnel : il s’agit tout simplement du plus grand musée de mosaïques au monde. Il est né d’une mission franco-turque de sauvetage des trésors de la cité antique de Zeugma située sur les rives de l’Euphrate, près de la frontière syrienne. Érigée en 300 av. J.-C. par un général d’Alexandre le Grand, elle connut un déclin brutal 6 siècles plus tard suite à l’attaque des Perses qui l’incendièrent. Un archéologue turc qui travaillait sur les ruines apprit en 1990 qu’un barrage allait être construit tout près de là et engloutir la cité antique. Il fit appel à la communauté internationale, et c’est ainsi qu’une équipe franco-turque fouilla les ruines en urgence pendant que la construction du barrage se poursuivait inexorablement. Pendant plusieurs années, ils mirent au jour nombre de bâtiments, mais quelques mois seulement avant le début de la mise en eau, ils découvrirent ces mosaïques extraordinairement bien conservées sous les cendres de l’incendie des Perses. Les riches habitants de cette cité marchande en habillaient les sols et les murs de leurs maisons, quand il ne s’agissait pas de fresques. Malheureusement, tout n’a pas pu être préservé, la montée de l’eau enfouissant à jamais le site dans l’oubli. Toutes ces œuvres sont présentées aujourd’hui dans le récent Musée de Zeugma, inauguré en 2011. Sur deux bâtiments et trois niveaux pour chacun, nous avons pu observer de multiples et superbes mosaïques, présentées dans leur pièce d’origine reconstituée.

Le clou de l’exposition, la « Joconde de Turquie » est la mosaïque appelée « La Bohémienne » presque aussi bien protégée que notre Mona Lisa. Les hypothèses courent sur cette jeune femme mystérieuse. L’une d’entre elles, pas plus farfelue que les autres, soutient qu’il ne s’agirait du visage d’Alexandre le Grand, effectivement passé par là à un moment donné.


Gaziantep, la ville de la pistache, clôture donc cette deuxième section de notre parcours en Turquie. Vous en trouverez le plan ci-dessous. Nous nous dirigeons maintenant vers la Cappadoce, où nous risquons de ne pas être aussi seuls qu’actuellement. Nous le saurons bientôt.

119. Fin du parcours slovène

Nous quittons Bled et son lac de nouveau sous la pluie, en direction de la capitale qui sera riche en découvertes. De là nous nous dirigerons vers l’Est en direction de la Hongrie, admirant au passage Rogaska Slatina, ses thermes et sa verrerie, puis la charmante ville de Ptuj. Vraiment, la Slovénie nous aura conquis.


Ljubljana et ses dragons

La capitale de la Slovénie, dont le nom n’est pas si facile à prononcer que ça (i pour j et ou pour u, essayez-donc), se visite facilement à pied en 1 ou 2 jours, d’autant que son centre est largement piétonnier ..et que nous sommes en basse saison. Les façades baroques de nombreux édifices sont plutôt jolies malgré leurs couleurs très pays de l’Est (vert triste et jaune triste) que le temps un peu couvert ne flatte pas.

Nous étions heureusement en pleine éclaircie en passant devant le cyanomètre, un appareil qui mesure le degré de bleu du ciel (pas nouveau, c’est le Genevois Horace Bénédict de Saussure, bien connu de nous autres anciens voisins du Mont Blanc, qui l’a inventé) mais qui est ici une œuvre d’art doublée d’une subtilité technologique puisqu’il est capable d’adapter sa couleur, tel un caméléon, au bleu mesuré du ciel.


En avançant dans la ville, nous allons apercevoir des dragons partout. Ils sont en fait l’emblème de Ljubljana depuis que Jason et les Argonautes en auraient combattu un dans les environs, de retour de leur quête de la Toison d’Or. L’hôtel de ville et le premier pont en béton de Slovénie en furent naturellement ornés, ce qui entraîna ipso facto les restaurants et les boutiques du quartier.

La récupération la plus récente et la plus originale est celle du mystérieux artiste français Invader, dont je reparlerai un peu plus loin. Après quelques découvertes dans la ville et la visite de son château.


Street art au sens propre

Dans cette ruelle de la capitale slovène, le street art n’est pas sur les murs comme à l’accoutumée mais carrément au milieu de la rue. Au lieu de l’habituel caniveau central des rues moyenâgeuses, la rue des forgerons est parcourue de tout son long par une foule de petites têtes qui vous regardent. 700 visages aux expressions toutes différentes, comme les humains selon leur humeur. Il faut se pencher pour les dévisager, c’est peut-être ce qu’a voulu leur auteur, un célèbre sculpteur slovène, Jakov Brdar. A moins qu’il ne se soit contenté qu’on lui serre la main, celle qu’il a placée sur un poteau au début de la rigole. L’action déclenche paraît-il un flux d’eau qui transforme l’œuvre en fontaine, mais ça ne s’est pas produit le jour de notre passage. Le mécanisme était sans doute grippé, c’est de saison.


Vie de château

Présent depuis le XIIème siècle, le château a connu maintes transformations depuis, sous l’influence des différents envahisseurs du pays : Austro-Hongrois, Français (via Napoléon pendant 4 ans), Italiens, Yougoslaves puis touristes internationaux. Il abrite maintenant diverses attractions modernes, certaines incluses dans le billet d’entrée et d’autres pas, mais on peut visiter avec un bon audioguide la partie ancienne et aller au sommet de la tour apprécier le paysage urbain de la capitale.


Puppetry Museum

Pour en connaître toutes les ficelles, nous avons fait un petit tour au musée des marionnettes inclus dans notre visite du château. Car la Slovénie a une riche tradition dans ce domaine. Nous en suivons l’évolution au cours de l’histoire du pays, des marionnettes à gaine aux marionnettes à fils, avec une belle mise en scène des éléments exposés. Normal pour un art du spectacle.


Invader

Depuis le début de notre voyage, Claudie s’est mise à prendre des photos de petites mosaïques souvent discrètes découvertes par hasard en haut d’un mur lors d’une visite urbaine. Pas avec son appareil photo mais avec une application capable de reconnaître si l’œuvre photographiée est authentique, récompensant alors l’utilisatrice de quelques notes joyeuses et de points de bonus.

C’est l’histoire étonnante d’un artiste de rue français dont on connaît le nom mais pas le visage, qui appose sur les murs des mosaïques de Space Invaders, un jeu qu’il avait apprécié dans son enfance, ou d’autres personnages. Depuis 1996, il a « envahi » (c’est comme ça qu’il qualifie sa démarche, généralement faite sans autorisation) les murs d’environ 80 villes du monde entier, mais aussi des endroits insolites comme le Musée du Louvre (10 mosaïques posées en 1 seule journée, retirées depuis), la lettre D du panneau Hollywood à L.A., les fonds marins de la Baie de Cancun, et même dans la Station Spatiale Internationale !

Pour aider les explorateurs en herbe, certaines villes possèdent des cartes où sont localisées les petites céramiques. Celle de Montpellier permet de s’apercevoir (encore un des nombreux clins d’œil de l’artiste) que le parcours qui les relie dessine lui-même un Space Invader. Trop fort !

Ah au fait, l’appli s’appelle FlashInvaders et pour les fans, Invader expose à Paris jusqu’au 5 mai 2024.


Slovenian Ethnographic Museum

Nous terminons notre visite de Ljubljana, décidément très riche, et alors que la pluie commence à tomber, par ce superbe musée ethnographique qui est un excellent résumé de la traversée ce pays et nous donne plein de réponses à des interrogations que nous avions eues en cours de route. Il se présente comme un « musée des identités culturelles, un lien entre le passé et le présent, entre la culture traditionnelle et moderne ».

Nous y avons retrouvé, entre autres, les greniers à foin trouvés partout dans la campagne, les façades peintes des tiroirs de ruches, des costumes de carnaval, des spécialités culinaires, de l’artisanat, des éléments de l’histoire du pays.

Vraiment à conseiller à ceux qui veulent s’en imprégner.


Mon cher Watson (suite)

Voici un petit complément du sujet alimentaire évoqué dans l’article précédent, afin de contenter vos papilles avides.


Rogaska Slatina

Cette vile de l’est de la Slovénie est réputée pour son activité thermale et pour son artisanat du verre, autant dire deux grands pôles d’attraction pour nous.

Si le premier nous a déçus, l’activité en basse saison étant tellement ralentie que nous n’avons même pas pu goûter l’eau (il aurait fallu attendre plusieurs heures l’ouverture de la buvette), nous avons été conquis par le second.


Nous avons pu visiter la fabrique de verre en pleine activité, passant par toutes les étapes de l’élaboration du produit final, pour constater que chaque objet proposé ensuite à la vente était une œuvre d’art unique, faite à la main (ou à  la bouche pour la partie soufflage) de A à Z. Le travail par équipe nous a semblé à la fois répétitif mais nécessaire pour obtenir le juste enchaînement des actes pour arriver au produit fini. La fabrique aurait la plus forte production mondiale de cristal travaillé à la main (22 à 24 tonnes de verre par jour – 8 millions d’objets par an)


Us et coutumes


Pas un chat, ou presque

Poursuivant notre route vers l’Est slovène nous faisons une halte pour la nuit à Ptuska Gora, un village réputé pour sa basilique exceptionnelle.

Nous nous sommes sentis un peu seuls dans l’immense parking, certainement dimensionné pour une fréquentation accrue en haute saison. Et même pour la visite de la basilique le lendemain, nous étions encore seuls. Étonnant quand on lit que cette édifice « constitue le plus bel exemple d’église gothique à 3 nefs de Slovénie, érigée au rang de basilique en 2010 à l’occasion de son 600ème anniversaire ». Elle  héberge en outre sur son autel une sculpture unique de la Vierge de miséricorde abritant sous son manteau une multitude de personnages.

A la sortie, heureusement, nous avons trouvé un chat sur les marches, contredisant la solitude exprimée dans le titre.


Ptuj

Cette ville au nom d’onomatopée, peu fréquentée par les touristes, mérite pourtant le déplacement. Elle est réputée pour son château, son carnaval, ses vignes et ses thermes et pourtant nous ne visiterons rien de cela ! La description des intérieurs du château nous a paru ennuyeuse, le carnaval était passé, les thermes ressemblaient sur les photos à des piscines ordinaires. Quant aux vignes, elles étaient encore en hibernation.

Mais nous avons trouvé à la ville bien d’autres attraits. Une situation très photogénique sur la berge d’un fleuve (la Drava), un centre-ville très typé, des vestiges romains comme cette tour utilisée autrefois comme pilori, et un entrelacs de ruelles moyenâgeuses parsemées d’arcs reliant les maisons.

Et nous l’avons bien regardée parce qu’il s’agissait de notre dernière visite en Slovénie.


C’est parti pour la Hongrie, avec pour première étape le Lac Balaton si cher à Michel Jonasz. Mais chut, j’en ai déjà trop dit. Alors à bientôt !


Ci-dessous comme d’habitude la carte du parcours correspondant à cet article et les boutons de liaison si vous voulez nous laisser un petit message, vous abonner pour être prévenu à chaque nouvelle parution, ou encore nous retrouver sur Instagram ou Polarsteps.

104. Costa Rica quatrième décade

Voici la dernière série de notre périple au Costa Rica. Des zones peu visitées du centre-est aux plages touristiques de la côte Caraïbe. Comme pour les épisodes précédents, c’est la nature qui revient en leitmotiv. Pas de problème, nous sommes loin de la saturation !

Orosi ou le tourisme discret

Il faut à la fois sortir de la route panaméricaine et s’engager dans une route secondaire en cul-de-sac pour parvenir à Orosi et sa vallée entourée de montagnes embrumées. Du coup les touristes s’y font rares. On trouve pourtant dans cette petite ville paisible de 10 000 habitants la plus ancienne église du pays, dénommée San José d’Orosi, construite en 1743 et ayant résisté à de nombreux tremblements de terre grâce à sa structure en bois et en adobe. Il en ressort un certain cachet, autant pour l’extérieur que pour l’intérieur, comme en témoignent les photos. La ville serait réputée pour ses plantations de café mais nous n’en avons curieusement vu aucune. Elle possède aussi plusieurs sources thermales, toutes privées. Nous sommes allés jeter un œil au Balneario de Aguas Termales, mais l’aménagement en piscines ordinaires ne nous a pas donné envie de nous y baigner. Les possibilités de stationnement sont réduites dans la vallée. Nous tentons le diable en nous garant pour la nuit en plein centre-ville, juste entre le stade de foot et l’église. Un samedi soir… Pas gagné d’avance !

Z
Mural en centre-ville sur les productions locales principales : café et bananes
Z
La vallée d’Orosi, vue du mirador, un parc gratuit aménagé pour le pique-nique et la détente
Z
L’attraction d’Orosi : son église, la plus ancienne du pays
Z
Intérieur en bois, sol en terre cuite, la classe ! Le lieu est très prisé pour les mariages
Z
Orosi est aussi connue pour ses sources thermales. Mais en piscine classique avec musique, non merci !

Un jardin botanique universitaire

Le Jardin Botanique Lankester, près de Paraiso, est en effet un centre de recherches de l’Université du Costa Rica, ayant pour mission l’étude des orchidées et des plantes épiphytes dans un but de conservation de la biodiversité de la planète. Il publie d’ailleurs une revue de référence dans le domaine, appelée Lankesteriana (site en lien) et anime le réseau mondial d’informations sur les orchidées Epidendra (site en lien). Si les plantes épiphytes ont la part belle dans le jardin, elles n’occupent qu’une petite partie de ses 21 hectares. Nous allons nous émerveiller tour à tour devant les broméliacées, les zingibérales (héliconias, oiseaux de paradis, bananiers, arbres du voyageur et gingembre), les fougères arborescentes, les palmiers, les cactus, tous bien mis en valeurs et parfaitement entretenus. Le jardin japonais est loin d’être le plus beau qu’on ait vu, mais le jardinier du crû qui l’a créé est peut-être reparti au pays du soleil levant, distant d’à peine 13 300 km. On lui pardonnera.

Z
L’entrée du jardin botanique, déjà gage de qualité
Z
C’est aussi le paradis des broméliacées, plantes caractérisées par leur structure en rosettes
Z
Z
Des forêts de bambous encadrent le jardin japonais, un peu moins bien réussi que le reste
Z
Bien entendu, on trouve des fleurs partout

La cité abandonnée

Z

De l’autre côté de la vallée, la ville d’Ujarras autrefois florissante n’est plus qu’un hameau. Elle a en effet été abandonnée pour cause d’inondations dévastatrices à répétition, déplacée dans un secteur plus sûr et renommée Paraiso. La vieille église est maintenue debout tant bien que mal et un petit parc a été aménagé autour pour qu’on lui rende encore visite. Si la nature est belle au Costa Rica, il y a parfois un prix à payer.

Z

La maison du rêveur

Au détour d’un virage près de la petite ville de Cachi apparait soudain une petite maison de bois paraissant délabrée. Mais en s’approchant de près, on remarque vite que ce n’est pas une maison ordinaire. Ses murs et ses fenêtres sont en bambou ou en bois de caféier partiellement ébranché. La façade et le côté exposé à la route sont ornés de multiples sculptures, représentant la vie rurale et des éléments religieux typiques à la culture du café. On y trouve même une représentation de la Cène de Léonard de VInci. Tout cela est l’œuvre du célèbre sculpteur costaricien Macedonio Quesada (1932-1994), relayé un temps par ses fils. Bien que Google annonce une ouverture quotidienne de 9h à 17h, les locaux sont manifestement fermés de longue date, l’atelier et l’exposition ne se visitent plus. Dommage, nous aurions bien rêvé un peu…

A
La Maison du Rêveur, à peine visible dans un virage
Z
Z

Une route spectaculaire

Nous poursuivons notre exploration des régions montagneuses du pays, profitant de paysages verdoyants, entre forêts imposantes, plantations de caféiers et cultures en espalier qui épousent les reliefs irréguliers et permettent d’exploiter les sols très caillouteux. Nous traversons de petits villages aux maisons quelconques mais plutôt bien entretenues et généreusement fleuries. Question entretien, la route par contre laisse à désirer, comme souvent sur les routes secondaires. On peut passer d’un instant à l’autre d’une belle route toute neuve à un chemin de terre très orniéré, de deux larges voies à une étroite voie unique, notamment au passage des ponts. On trouve parfois de véritables marches, créées par l’effondrement du sous-sol instable ou encore des zones ondulées pour les mêmes raisons, prévenues ou pas par des panneaux explicites. Conduire ici demande beaucoup de vigilance, et nécessite d’accepter qu’à tout moment « ça ne passera pas » et qu’il faudra faire demi-tour. En contrepartie, le paysage est à la hauteur et la circulation (heureusement !) réduite.

Z
Des routes plutôt jolies, entre plantations de café et maisons fleuries
Z
Z
Cultures en espalier : saurez-vous reconnaître ce qui pousse ici ? (réponse au bas du chapitre)

Allez, on vous emmène faire un peu de route avec nous. Imaginez-vous au volant de Roberto…

Un passage de pont un peu étroit… Il restait encore 3 ou 4 cm de chaque côté des rétroviseurs !

Là, c’est une route « normale » qui finit, comme on dit, en eau de boudin…

Z
Bon, nous sommes passés ! Roberto prend un repos mérité au milieu des champs, entre un hangar à vaches et un cimetière. Ça a été calme des deux côtés. Notez le carrelage sur les tombes, c’est courant ici.
Z

P.S. Réponse à la question plus haut : des christophines


Exit les Mayas, vive les Huetares !

Voilà plusieurs semaines que nous n’entendons plus parler des Mayas, et c’est normal car ils ne sont jamais parvenus jusqu’au Costa Rica. Ici, les civilisations précolombiennes s’appellent les Chorotegas ou les Huetares, et le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’étaient pas de grands bâtisseurs. Les seuls restes visibles sont à Guayabo, et nous sommes allés les voir. Point de pyramides ici, mais de grandes structures circulaires qui servaient de base aux maisons, un beau réseau d’aqueducs et des chaussées pavées. On apprend peu de choses sur place à propos des tribus qui vivaient là de -1000 à 1400 et l’on reste un peu sur sa faim. Heureusement, la forêt tropicale qui englobe le site, luxuriante, sonore à souhait et parcourue de toucans et de morphos bleus rattrape le coup.

Z
Roberto garé juste devant le site archéologique
Z
Z
De véritables chaussées pavées entrent et sortent du village. Elles reliaient sans doute les villages voisins.
D

Lacrymal circus

C’est exactement à cette chanson de Renan Luce que m’a fait penser cette visite du Sanctuaire des paresseux près de Cahuita, sur la côte caraïbe. Nous en avions un souvenir émouvant lors de notre première visite en 2009, découvrant ces paisibles mammifères pour la première fois avec nos enfants dans un lieu créé 37 ans auparavant par un couple de passionnés, avec pour but louable de soigner tous les animaux qu’on leur rapportait et d’en remettre un maximum dans la nature, au pire de les garder dans l’espace naturel protégé autour de leur établissement. La visite comportait alors un tour en canoë dans ce sanctuaire avec un guide naturaliste aussi prompt à donner des explications que doué à dénicher les paresseux perchés dans les arbres. S’en suivait un inoubliable passage à la pouponnière, où nous avions pu observer des bébés prendre leur repas, les plus jeunes au biberon et les autres en croquant des bâtonnets de légumes cuits. La visite se terminait par la rencontre avec Buttercup, la mascotte du lieu, l’un des premiers bébés sauvés par le couple fondateur, trônant dans son siège suspendu en osier quand elle n’était pas dans les bras de la patronne.

Mais ça, c’était le passé.

Ce matin de mai 2023, nous étions les seuls à visiter, ce qui pour un établissement supposé exceptionnel était déjà révélateur. Un guide à la voix monocorde nous a emmené voir une dizaine de paresseux enfermés dans des cages jusqu’à la fin de leurs jours, nous expliquant qu’étant donné leurs infirmités, ils ne survivraient pas longtemps dans la nature, même dans l’espace protégé. La visite s’est poursuivie par une autre salle avec d’autres paresseux atteints d’autres infirmités … et puis c’est tout ! Pas de bébé à voir, les rares présents étant apparemment tous en incubateur. Pas de tour en canoë (à l’antifouling peut-être ?). Pas de rencontre avec Buttercup, la mascotte ayant rendu l’âme (cette fois nous acceptons l’excuse, compatible avec la trentaine d’années que vivent en moyenne les paresseux)

Nous avons juste été vivement encouragés à laisser un don à l’association qui n’aurait pas d’autre moyen de financement. Mais franchement, nous avons manqué de motivation, tellement déçus de ne pas revivre notre première expérience. En résumé, le sanctuaire des paresseux est « has been », n’y allez pas !

C
Nous avons maintenant rejoint la côte Caraïbe. A nous les plages …et les 38°C à l’ombre ! Mais quand même de jolis levers de soleil
D

Z
Après ce premier spot nocturne balnéaire, notre premier arrêt est pour le Sanctuaire des Paresseux

Épilogue : Heureuse consolation de cette visite décevante : le soir même l’un de ces animaux passait sur la ligne électrique juste au-dessus de nos têtes pendant que nous étions à l’apéro avec des amis.


Fauna Rica

En écho à l’article intitulé Flora Rica de la publication précédente, voici, en vidéo s’il vous plaît, quelques exemples de la faune riche rencontrée au fil des jours.

ci-dessus : coati et agouti ; ci-dessous : bourdon et colibri

ci-dessus : autoroute de fourmis coupe-feuilles ; ci-dessous : bernard-l’ermite et grenouille dendrobate

sauterelle pourpre géante à ailes rouges (ne se voient que quand elle vole, comme sur la vidéo de droite : c’est un moyen d’effrayer les prédateurs)


Cahuita, la nature version Caraïbes

Comme beaucoup des villages côtiers le long de la Mer des Caraïbes, à l’Est du Costa Rica donc, Cahuita est peuplée en grande partie d’afro-caribéens venus de Jamaïque leur culture sous le bras. Mais de plus en plus d’étrangers s’installent ici, souvent après avoir découvert la région en tant que touristes, en raison de l’ambiance aussi tranquille en journée qu’animée le soir et bien sûr en raison des plages. Les plus belles sont dans le parc national, ce qui permet heureusement de les préserver et d’en limiter la fréquentation. Pour les découvrir, il suffit de suivre l’un des sentiers longeant le littoral. En tendant bien l’oreille et en restant attentif, on découvre encore ici, outre ces paysages de cartes postales avec la triade sable blanc/mer turquoise/cocotier qui penche, une faune et une flore abondante. Une mention spéciale pour les singes capucins peu farouches, qui viennent volontiers extraire les pique-niques des touristes de leur sac à dos à la moindre inattention, et aux bernard-l’ermite qui jouent à 1-2-3-soleil sur le sentier, s’immobilisant à l’approche de nos pas.

Z
La Playa Blanca du Parc National de Cahuita
Z

C’est par ces beaux paysages de cartes postales que se termine notre périple au Costa Rica. Nous retiendrons de ce pays la richesse exceptionnelle de la nature mais – est-ce à cause d’elle ? – une indifférence générale des habitants, ce qui nous change profondément des pays précédents, Guatemala en tête. Aussi curieux que cela puisse paraître, nous sommes pressés de passer au Panama pour aller rejoindre la fraîcheur des montagnes centrales. Les côtes et les plaines, en cette fin de saison sèche, sont vraiment torrides et la chaleur nocturne (toujours pas de clim dans Roberto… ça n’est pas impossible, mais il faudrait être branché tout le temps) ne permet pas au sommeil d’être réparateur. Donc on se revoit très bientôt au Panama ?

Z
Parcours relatif à cet article, en version zoomable ici

103. Costa Rica troisième décade

De taille modeste puisqu’il ne représente qu’un dixième de la surface de la France, le Costa Rica est assez vite traversé. Nous parcourons cette fois la région au Sud-Est de la capitale, avec sa zone montagneuse à plus de 3000 m d’altitude, avant de revenir vers la capitale pour y prendre l’avion. Car oui, nous allons faire une courte escapade vers la France pour aller voir grandir notre petite fille.

La colline de la mort

Nous poursuivons notre route vers le sud-est du pays, toujours dans la chaîne montagneuse de la cordillère de Talamanca. Roberto décroche même son record d’altitude au point de stationnement du Cerro de la Muerte à 3440m, tout près du point le plus élevé de la route panaméricaine à 3335 m

Z
Posés tranquilles au milieu de nulle part, à 3400 m d’altitude…

Nous allons passer là une nuit très tranquille au milieu de nulle part, profitant d’un paysage sublime à 360° et de couleurs extraordinaires au coucher du soleil. En l’absence de brume à l’horizon, on peut apercevoir ici à la fois l’Océan Pacifique et la Mer des Caraïbes. Mais nous n’aurons pas cette chance, bien que le ciel au-dessus de notre tête ait été parfaitement dégagé.

Le Cerro de la Muerte, ou colline de la mort, tient son nom des pionniers venus de la vallée centrale, autour de San José, planter du café et élever du bétail dans la vallée d’El General de l’autre côté du col. Mais le froid lié à l’altitude en a tué quelques-uns.

De notre côté, nous avons survécu, mais nous avons préféré mettre le chauffage pendant la nuit, ce qui n’était pas arrivé depuis le nord des États-Unis !


Justin Schmidt, l’homme un peu beaucoup piqué

C’est en visitant l’insectarium du Jardin des Papillons de Santa Elena que l’on peut remarquer cette affiche posée pas loin d’un bocal à scorpion, intitulée « Index de la douleur par piqûre d’hyménoptères de Schmidt ». Cette échelle insolite a été créée par un entomologiste américain qui, pour la science et par curiosité personnelle (il aurait débuté dès l’âge de 5 ans…) s’est laissé piquer par plus d’un millier d’insectes aux fins de classifier et d’en décrire la douleur ressentie.

Z
L’échelle de Schmidt (désolé pour les non anglophones)

On part du niveau 1 avec par exemple la fourmi de feu, que Claudie et moi avons expérimentée aux Antilles, et dont la piqûre est décrite comme « pointue, soudaine et légèrement alarmante ». Au niveau 2, celle des abeilles est vécue comme « riche, copieuse et légèrement croustillante ». Un cran au dessus, la fourmi rouge moissonneuse provoque une douleur « audacieuse et implacable, comme un ongle incarné attaqué à la perceuse ». Enfin au niveau 4, le maximum, on trouve la guêpe Pepsis, avec sa piqûre « aveuglante, féroce, électriquement choquante ». Plus de 80 espèces différentes d’hyménoptères ont été comparées ainsi pour établir cette échelle.

L’auteur s’est évidemment piqué au jeu et a cherché tout au long de sa vie professionnelle le rôle et les mécanismes des piqûres et de la douleur provoquée chez les insectes piqueurs. Ce grand homme est décédé au début de cette année à l’âge de 75 ans, d’une maladie indolore. Dans le cas contraire, il n’aurait certainement pas hésité à demander à se faire piquer,


Flora Rica

A
Décor floral en bordure d’un champ de caféiers

Le Costa Rica ne brille pas tant par sa population, qui nous semble perdre ses traditions pour adopter celles des occidentaux, que par la richesse de sa nature, vraiment exceptionnelle. Pour rappel, 6% de la biodiversité de la Terre est concentrée ce petit pays qui n’en occupe que 0,0003% de sa surface émergée. Et qui fait maintenant beaucoup d’efforts pour préserver ce patrimoine après avoir laissé s’étendre la déforestation pendant des décennies. Tant mieux pour nous qui profitons de cette nature exubérante et belle, qui découvrons chaque jour des espèces que nous ne connaissions pas, et pas seulement animales. Les arbres ici sont géants, les feuilles sont immenses au point de servir d’abri en cas de pluie, les fleurs sont plus belles les unes que les autres. Et nous découvrons encore, malgré nos multiples voyages antérieurs, des fruits que nous ne connaissions pas. Mais pourquoi partout ailleurs fait-on pousser du béton ?


Z
Série feuilles géantes : ici, pas de risque de perte en eau, mais par contre forte compétition pour recevoir de la lumière, donc tout est grand. Celles du milieu s’appellent le « parapluie du pauvre »




Le grand bleu

En cette période festivalière à Cannes, le sujet aurait pu concerner le célèbre film de Luc Besson qui y a été présenté en 1988 (toute ma jeunesse…), pour y être plutôt mal accueilli d’ailleurs par les professionnels alors que le public en fera un film culte et que 33 ans plus tard nous en tirerons le nom de notre fourgon (si vous avez oublié pourquoi, revenez sur le menu A propos/Qui sommes-nous ? ou cliquez directement ici)

A
Le film Le Grand Bleu présenté à Cannes en 1988 (photo du site premiere.fr)

Non, le grand bleu c’est le Morpho, ce grand papillon si typique de l’Amérique centrale avec ses ailes brunes et parées d’yeux de rapaces lorsqu’on les regarde de dessous, et d’un bleu étincelant et métallique en vue du dessus. C’est le plus souvent en vol solitaire qu’on le voit en randonnant en forêt ou près d’un cours d’eau, apparition magique et furtive qui ne laisse que rarement la possibilité de sortir son appareil photo. Heureusement pour nous, mais un peu moins pour lui, les fermes à papillons permettent de l’observer de plus près, et elles sont nombreuses dans le pays.

Z
Le fameux Morpho bleu

Le plus étonnant est que ce papillon ne possède pas l’once d’un pigment bleu sur lui. La si jolie couleur est due à la réflexion spécifique des rayons bleus du spectre solaire par des couches d’écailles microscopiques espacées précisément de la longueur d’ondes correspondant à cette couleur. Si vous voulez en savoir plus, cliquez ici.

Un vol de Morpho capturé en pleine nature
La face ventrale des ailes : ce n’est pas le même bleu !

Escapade

Notre seul souci dans ce périple est d’être éloigné de la famille et des amis. Les économies réalisées (involontairement) lors de notre vie nomade nous permettent de rentrer de temps en temps en France et de compenser ce manque. Nous nous sommes donnés une grosse semaine pour voir notre seconde fille, notre gendre et notre petite-fille de 5 mois à Saint-Etienne. Que du bonheur de voir grandir cette petite merveille, si tonique et si sage à la fois, et de la voir maintenant nous rendre nos sourires. Nous rentrons reboostés sur San José, prêts pour reprendre la route.

Z
Nous dormirons ici les nuits qui précèdent et suivent notre vol. Peu glamour par rapport aux spots nature de ces derniers jours, cet endroit s’est avéré étonnamment tranquille (il n’y passe aucun train la nuit, et assez peu dans la journée).
Z
A l’arrivée à St Etienne, l’ambiance est loin du Costa Rica ! Bon, c’est juste la vue de notre logement. En vrai la ville a quand même de beaux atouts…
X
Mais nous ne sommes pas venus pour l’ambiance, nous sommes venus voir notre petite merveille. Mélissandre a maintenant 5 mois. Elle est aussi sage que tonique, nous parle et nous sourit volontiers
Z
Bref nous sommes des grands-parents comblés !
Z
Escapade terminée, c’est déjà l’heure du retour et de la reprise du voyage
Parcours Costa Rica 3
Le parcours modeste de Roberto pour cette 3ème décade, en version zoomable ici

77. Colorado

Nous avons retrouvé dans ces montagnes « de couleur rouge » (« colorado » en Espagnol) de cet état de l’Ouest américain celles de nos manuels de géographie. Elles contrastent magnifiquement avec les feuillages des arbres des vallées et les falaises blanches au voisinage. Mais ce grand état possède bien sûr d’autres richesses. Entre les parcs nationaux des montagnes rocheuses et des grandes dunes de sable, la capitale Denver et sa richesse culturelle et nos petites aventures, il n’y a pas de quoi s’ennuyer !


Allez en prison, ne passez pas par la case départ !

C’est par cette petite affiche malicieuse que débute la visite de l’ancienne prison de Laramie, tout au sud de l’état du Wyoming. Construite en 1872, elle a hébergé pendant 30 ans les plus grands bandits de la région, dont le célèbre Butch Cassidy. On commence par nous montrer la maison du gardien en chef, luxueusement logé pour l’époque, afin que le contraste soit bien net avec les cellules des prisonniers. Tout aussi austères que les règles de l’époque : dépersonnalisation (remplacement du nom par un numéro, rasage complet et tenue rayée unique), lever à 5h30 du matin, interdiction de toute conversation, marche en rangs serrés pour les sorties, travaux forcés, etc. On est loin des parties de Kohlantess de la prison de Fresnes !

Une salle entière est dédiée à Butch Cassidy, hôte de la prison pendant 18 mois, presque érigé en héros malgré ses nombreux crimes. Il est volontiers comparé à un Robin des Bois alors qu’il n’a jamais rendu un penny de ses larcins à quiconque. Au contraire, traqué par la police et des détectives privés, il a fini par s’enfuir avec son compère Kid Sundance en Amérique du Sud où il aurait probablement été tué quelques années plus tard. Les tests ADN n’ont toutefois pas confirmé que c’était bien lui, laissant la part belle à tous les fantasmes de ses admirateurs.


Lovely Loveland

Nous sommes maintenant dans l’état du Colorado. Sur la route du Parc National des Montagnes Rocheuses, nous faisons une petite halte à Loveland. Cette ville a bien sûr tiré parti de son nom – qui est en fait celui du président de la compagnie de chemins de fer qui a permis à la ville de se développer – pour promouvoir ce qui tourne autour de l’amour. Lors de la St Valentin notamment, le must est d’envoyer une carte à l’être cher avec le cachet postal de la ville. Si l’on ne peut se déplacer, il suffit d’envoyer la carte préaffranchie à la poste de la ville où des bénévoles se chargeront d’appliquer le cachet avant de la réexpédier. Le restant de l’année, on peut se faire photographier devant les lettres géantes LOVE du centre des visiteurs ou bien y accrocher un cadenas.

L’autre spécialité de la ville, si l’on peut dire, ce sont les scultpures. Outre le concours annuel du mois d’août, 3 parcs exposent plusieurs centaines de ces œuvres. Le premier que nous avons visité est dédié à l’art sculptural du Zimbabwe, le second sert d’accroche à l’office de tourisme, et le troisième, le plus grand, offre au regard des passants plus de 150 sculptures en bronze dont pas mal méritent le détour. Et tout est gratuit, profitez-en !


Parc National des Montagnes Rocheuses

Nous n’avions pas prévu de passer par ce parc au début et peut-être avons-nous provoqué de mauvaises ondes qui ont terni notre visite. A moins que ce ne soit lié au fait que nous y étions en plein week-end de fête du travail. La foule était au rendez-vous hélas. Donc pas de camping disponible et la ville à l’entrée du parc, Estes Park, est particulièrement inaccueillante vis-à-vis des véhicules de loisirs, interdisant notamment tout stationnement nocturne, y compris dans les rues. Nous avons passé la nuit sur un parking d’hôtel en centre-ville et avons décollé de bonne heure pour entrer dans le parc avant 9 heures. Car après, il faut un permis qui, comme les hébergements, se réserve plus d’un mois à l’avance. Ensuite, nous avons emprunté la route fétiche du parc, un chemin en terre bordé de quelques précipices mais circulant la plupart du temps en forêt. Le problème c’est que nous étions loin d’être seuls, et circuler ainsi au milieu d’une file de voitures ça gâche fortement le plaisir. Parvenus vers 3700 m d’altitude, ça s’est amélioré. Le paysage s’est dégagé, devenant grandiose, sans être toutefois exceptionnel pour nous qui avons vécu 25 ans à la montagne. Nous avons tout de même suivi quelques sentiers de randonnée au milieu de la toundra, grimpé sur de petits sommets rocheux et glané quelques informations sur les panneaux ou au centre des visiteurs. Un peu déçus quand même, nous sommes ressortis du parc le soir d’y être entrés, sans avoir l’envie d’y retourner.


L’attaque de l’écureuil

Dès la sortie du parc, nous avons longé le Lac Mountain Shade, qui n’avait pas tant l’air que ça à l’ombre de la montagne. Juste à côté se trouve une forêt nationale, et les forêts nationales c’est pratique pour nous autres voyageurs nomades car il est possible d’y stationner gratuitement et en général paisiblement pour la nuit. Nous nous sommes trouvés un petit coin dans une clairière et avons dormi comme des loirs. Un peu saisis par le froid tout de même le matin (9°C dans Roberto et sans doute 2 ou 3°C dehors). Nous avions juste oublié que nous étions en altitude. Un petit coup de chauffage nous a remontés rapidement à 20°C et le soleil radieux a rapidement pris le relais. Nous sommes donc retournés près du lac, toujours au soleil d’ailleurs, et avons randonné sur une petite boucle de 6,5 km, l’East Shore Trail, moitié au bord de l’eau moitié dans la forêt et les prairies. A la fois joli et tranquille, comme nous aimons. Le seul être vivant qui a troublé notre passage a été un écureuil qui, du haut de son sapin, nous jetait des jeunes pommes de pin et des bouts de branches. A priori il n’avait rien contre nous, il préparait plutôt sa récolte pour se sustenter pendant son hibernation. Tout de même, être canardés par un écureuil, c’est un comble !


Petit coup de pompe

Nous sommes en pleine forme, rassurez-vous, mais ce n’était pas le cas il y a quelques jours de notre pompe à eau qui, après 18 mois de bons et loyaux services nous a brusquement lâchés. De rapides vérifications permettent de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un problème d’alimentation en eau ou en électricité. Il nous faut donc trouver dans l’idéal un dépanneur, pour avoir au moins un diagnostic précis, ou à défaut une nouvelle pompe, sachant que les raccords des pompes américaines pourraient ne pas être compatibles avec les nôtres. Evidemment, nous sommes en plein week-end de fête du travail, mais c’est toujours comme ça. Nous dénichons un dépanneur à une douzaine de kilomètres de l’endroit où nous sommes, apparemment ouvert d’après Google – qui est loin de la fiabilité à 100%. L’entreprise s’appelle RV Doctor, c’est tout dire. Ils sont plutôt spécialisés dans le dépannage à domicile, ce qui nous parait incongru pour des véhicules plutôt mobiles, mais à la réflexion beaucoup de véhicules de loisirs américains sont scotchés plusieurs mois voire à l’année dans des campings ou ils sont raccordés à tout. Au bureau de RV Doctor, un gars qui semble tout juste sorti de son lit (il est 9h30) nous affirme qu’aucune réparation ne se fait sur place mais qu’il peut nous envoyer dans la journée un dépanneur …à notre domicile. Nous avons beau lui montrer Roberto garé juste devant sa fenêtre, rien à faire. Nous n’allons tout de même pas aller nous installer dans un camping juste pour la réparation ! Nous remontons dans notre véhicule et ressortons nos téléphones pour rechercher un autre dépanneur ou un vendeur de pièces détachées. C’est alors qu’arrive de l’arrière de la maison une autre personne qui nous demande si tout va bien. Nous lui expliquons notre problème et il demande tout de suite à regarder. Après quelques tests il pense que la pompe est grillée et nous propose de la remplacer. Une demi-heure plus tard nous repartons avec une pompe neuve et avec la pensée d’en donner de grands coups (de pompes bien sûr) à notre premier intervenant.

Cela pose la question plus générale des pannes en voyage. Pour les problèmes mécaniques, nous pouvons faire appel à l’assistance incluse dans notre contrat d’assurance, encore faut-il avoir du réseau et dans cet immense pays, c’est loin d’être toujours le cas. Et cela ne nous permet que de nous faire transporter au garage le plus proche, car la plus grosse difficulté est de trouver des pièces pour nos véhicules européens. Les concessionnaires Fiat américains ne vendent pas de fourgons Ducato et donc n’ont pas les pièces détachées, ni les valises diagnostiques sans doute. Les autres marques ne sont pas mieux loties et ceux qui espéraient s’en sortir en partant avec un véhicule Ford se cassent tout aussi bien les dents : les Ford Transit européens n’ont pas les mêmes moteurs que leur homologues Yankee. Une panne là-bas est donc souvent synonyme d’attente de l’envoi des pièces détachées. Pour les pièces d’usure, il est toutefois possible d’anticiper. Nous avons ainsi ramené avec nous de notre dernier passage en France un jeu de filtres et de plaquettes de freins. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de passer chez un concessionnaire Fiat pour faire remplacer le filtre à air moteur qui nécessitait un outil spécifique pour le démontage. Ils m’ont remis le nouveau, que j’avais apporté, en me souhaitant bon voyage, sans rien me demander donc.


L’argent a fait son bonheur

Georgetown dans le colorado est née 2 fois : une première fois en 1859 après la découverte de quelques pépites d’or dans le torrent qui la borde, dans une micro-ruée vers l’or qui ne dura que 2 ans. Puis une seconde fois en 1864, grâce à la découverte de filons à forte teneur en argent dans les montagnes et à une loi américaine récemment promulguée qui permettait au dollar de reposer aussi bien sur l’argent que l’or. La ville connut un essor tel que pendant quelques années, elle sera la ville qui produira le plus d’argent au monde.

Pour acheminer tout ce minerai il fallait un train, et la ligne fut inaugurée en 1885, transportant aussi des passagers jusqu’à la grande ville de Denver toute proche. La 2ème guerre mondiale porta un coup d’arrêt à la production d’argent et la ville connut une nouvelle récession. C’est le tourisme et l’énergie de plusieurs sociétés conservatrices du patrimoine qui la sauvèrent et permirent la remise en service de la voie désaffectée un siècle plus tard.

Nous avons emprunté ce train à vapeur circulant en voie métrique sur de frêles ponts de bois sans parapet, comme à l’époque. Cela nous a rappelé notre voyage itinérant en Inde d’il y a 35 ans (mais que ça passe vite !) où nous voyagions de nuit dans les derniers trains à vapeur en service régulier, nous réveillant le matin le visage et les cheveux couverts de scories. Pas de scorie ici, les huiles recyclées remplacent le charbon.

Nous en avons profité aussi pour visiter la mine d’argent. Mais, si le décor en valait la peine, le discours de la guide était plus orienté sur les anecdotes et les histoires de fantômes (les américains adorent) que sur la vie des mineurs et les technologies employées pour extraire et traiter le minerai.


Les Red Rocks

Ce titre ressemble un peu au nom d’un groupe musical ou d’une équipe de baseball, mais il s’agit bien d’une formation naturelle de roches rouges, des falaises de grès formées il y a 290 millions d’années. En temps ordinaire, c’est un parc de la ville de Denver qui se visite tranquillement. Mais la capitale du Colorado y a aussi installé un amphithéâtre en taillant un peu la montagne, pour y produire des concerts. Les Beatles notamment y ont joué en 1964. Nous avons retrouvé l’affiche à l’hôtel de Denver où ils avaient passé la nuit, laissant la direction totalement débordée par les 5000 fans qui s’étaient rassemblés devant la porte. Le problème des soirs de concert, c’est que les sentiers de randonnées ne sont plus accessibles, et c’était forcément le cas lorsque nous sommes arrivés dans le coin. Il restait heureusement la possibilité de circuler sur la route panoramique, ce qui nous a permis de profiter de ce paysage étonnant et de prendre quelques photos.


Denver, du décor !

Ce qui est bien dans les grandes villes, c’est que l’offre culurelle est généralement riche et variée. Et permet de constater que, si la nature nous offre de belles choses, l’humain en est capable aussi. En voyage, nous apprécions d’alterner les deux.

Denver est riche en oeuvres de street art, avec une concentration particulière dans le RiNo Art District. RiNo pour River North et non pas pour la bête à corne ou le nez qui coule. Une ancienne friche industrielle, comme souvent, reconvertie en quartier branché avec tout ce qu’il faut pour boire et manger, notamment dans l’ancien marché central. Nous y étions au moment du festival annuel de street art, et plusieurs peintres étaient en action. Nous avons passé près de 2 heures à déambuler dans le quartier à examiner les murs, les portes de garages, et mêmes les poubelles ! Voici quelques unes de nos trouvailles.


L’architecture urbaine est par contre assez banale, peu soutenue par le classique quadrillage américain des rues et avenues qui rend la ville monotone. Comme d’habitude aux USA, pas de vrai centre-ville, tout au plus une longue rue semi-piétonne peu fréquentée. La chaleur y était peut-être pour quelque chose, mais les vitrines ne sont pas vraiment accueillantes non plus. A titre indicatif, on peut marcher plus d’une heure sans trouver une épicerie. Sont-elles cachées à l’intérieur des buildings ? Ont-elles disparu au profit des courses en ligne ? On trouve tout de même quelques curiosités en flânant dans les rues, comme ce gros ours bleu debout les yeux collés contre les vitres du Palais des Congrès. Un vrai symbole de la ville, il est baptisé « Je vois ce que vous voulez dire ». Il devait parait-il être brun, mais une erreur dans l’essai de couleur – un comble dans un état qui s’appelle Colorado – lui aurait donné cette teinte surprenante que finalement l’artiste a décidé de garder.


Le Denver Art Museum est réputé pour sa grande collection d’art amérindien, mais s’intéresse aussi à l’art de l’ouest américain et à celui du reste du monde. Les peintres impressionnistes français y avaient notamment une belle part. Nous y avons trouvé aussi une section dédiée au design et quelques expositions temporaires plus ou moins à notre goût. Mais la partie sur l’art amérindien vaut à elle seule le déplacement.


Dans un autre registre, le Forney Museum of Transportation mérite également la visite. Sa collection de voitures miniatures est exceptionnelle, tout comme celle des véhicules en tous genres rassemblés dans ses hangars. Des trains aux avions en passant par les vélos, les motos, les voitures, les autobus, les avions et même une auto-tamponneuse. Du matériel parfaitement entretenu avec des carrosseries d’un tel lustre qu’elles auraient fait rougir Roberto s’il avait pu entrer.


Nous nous sommes baladés enfin dans le jardin botanique, dans le TOP 5 des USA selon …la ville de Denver. Pas sûr que nous lui aurions donné nous-même cette place, notamment en raison de la faible mise en valeur de la grande serre tropicale, mais nous avons tout de même pris du plaisir à en explorer les différents secteurs, notamment ceux dédiés aux plantes de l’Ouest américain armées pour affronter des écarts climatiques extrêmes. Les grands bassins de nénuphars sont à notre avis le must de ce jardin avec de grandes variétés de fleurs et de feuilles ressortant particulièrement bien sur une eau volontairement assombrie. Une véritable œuvre d’art réalisée par l’équipe de jardiniers. Bravo !


Le Jardin des Dieux

Près de Colorado Springs, une ville à laquelle nous n’avons pas trouvé d’intérêt autre que le prix exceptionnellement bas du diesel (1,03 €/l, c’était peut-être une erreur, nous nous sommes dépêchés d’en profiter !), se trouve le Jardin des Dieux. C’est un parc qu’on peut parcourir entièrement à pied, aménagé autour de formations rocheuses étonnantes de grès rose ou rouge. Formées par sédimentation il y a des millions d’années, elles se sont redressées au moment de la formation des Montagnes Rocheuses et l’érosion en a fait des sortes de dalles verticales plus ou moins épaisses d’environ 150 mètres de haut. Chacune a son petit nom, des trois grâces aux chameaux qui s’embrassent. Nous avons cru reconnaître pour notre part un éléphant, non recensé dans la documentation. Mais ça risque d’être compliqué pour le faire homologuer, d’autant que nous l’aurions volontiers fait baptiser Roberto… Nous avons aussi croisé quelques cervidés pas trop farouches mais aussi un serpent à sonnette qui, lui, n’avait pas l’air commode. Un joli lieu un peu trop fréquenté mais qui a le mérite d’être gratuit. Ceci explique peut-être cela.


Rendez-vous manqué

Nous avions prévu de visiter le Parc National des Grandes Dunes de Sable, apparemment spectaculaires puisque les plus hautes d’Amérique du Nord, mais la météo en a décidé autrement. Avec la pluie continue et le brouillard bas, nous n’aurions pas vu grand-chose. Tant pis, ce sera pour une autre fois, nous décidons plutôt qu’attendre l’accalmie d’ »avaler du bitume » et de quitter un jour plus tôt que prévu le Colorado. Mais ce ne sera qu’un au revoir car cet état nous a bien plu et nous y retournerons prochainement. A bientôt pour la suite au Nouveau Mexique !

68. Cap plein Ouest

Après ce point extrême-oriental de la Gaspésie, nous amorçons un virage à 180° pour débuter une longue traversée du Canada qui devrait nous amener dans la région de Vancouver fin-août début-septembre. Notre GPS nous indique à vue de nez 5 500 km et 58 heures de route, mais ce sera forcément davantage compte-tenu de notre malin plaisir à prendre le chemin des écoliers.

Un trou pas du tout perdu

La petite ville de Percé, à l’Est de la Gaspésie, ne compte guère qu’un peu plus de 3 000 habitants, mais elle accueille 20 fois plus de touristes en saison, tous venus voir en priorité le trou dans la falaise qui lui donne son nom. La falaise est maintenant séparée du continent, mais ça n’a pas toujours été le cas. Lorsque Jacques Cartier est passé dans le coin en 1534, il a décrit une seule avancée et trois trous. Les assauts de la mer combinés aux alternances gel/dégel en hiver arrachent chaque année 300 tonnes de roches à la falaise et rendent ses abords dangereux. Nous nous sommes contentés de l’observer de loin, en prolongeant même le plaisir une nuit entière grâce au camping situé pile en face. Cerise sur le gâteau, nous avons observé le matin aux jumelles moult baleines venues prendre leur petit déjeuner dans la baie.


L’anti Robin des bois

Tout près du joli port de pêche de l’Anse à Beaufils, au sud de Percé, se trouve le Magasin Général de la compagnie Robin. Ce Robin-là était un immigré de Jersey et de ce fait parlait très bien l’Anglais et le Français. Il a ainsi pu embobiner les francophones du Québec alors sous domination anglaise en les enrôlant dans la pêche à la morue. M. Robin possédait les bateaux et revendait la morue. Il rémunérait ses pêcheurs en avoirs, utilisables seulement dans les « magasins généraux » …appartenant bien entendu au magnat jersiais. Inutile de dire que M. Robin faisait aussi crédit, entraînant ses ouvriers dans des spirales infernales où l’aîné de la famille devait aller pêcher à son tour pour éponger les dettes du père. Après le moratoire sur la fin de la surpêche à la morue, ces boutiques ont périclité. Mais pour l’histoire, celle-ci a été remise sur pied et aménagée comme autrefois. Pour les touristes, les vendeurs en habits d’époque font l’article de leurs produits, mais heureusement, plus rien n’est à vendre sinon ce baratin.


Retour en Acadie

Quelques mois après la Louisiane, nous retrouvons les Acadiens à Bonaventure, au Sud de la Gaspésie, une de leurs premières destinations après qu’ils aient été chassés de leur Acadie primitive par les Anglais. On se souvient que ces émigrants du centre-ouest de la France avaient fondé une colonie en Nouvelle-France au début du XVIIème siècle, dans un territoire transféré ensuite à l’Angleterre puis reconquis par le Canada. Grâce à une forte résilience et une forte natalité aussi (jusqu’à 25 enfants par famille !) ils ont su se reconstruire et reconquérir peu à peu leurs territoires perdus. 80% des habitants de Bonaventure sont Acadiens. Le drapeau bleu-blanc-rouge orné d’une étoile jaune (représentant la vierge Marie) qui flotte dans la ville aux côtés du drapeau Québécois en témoigne.


Tous à couvert !

Non, ce n’est pas une mauvaise blague sur ce qu’endurent les Ukrainiens, c’est juste l’histoire de quelques ponts couverts croisés sur notre route. Au Québec, il s’en est construit plus de 1 500 au cours du XIXème siècle, principalement pour décupler leur longévité par rapport aux ponts classiques en raison de la sévérité du climat. On dit aussi qu’ils étaient idéaux pour dissimuler les amoureux… Ils étaient dotés d’une construction robuste, de type ferme pour la charpente et de madriers entrecroisés pour les parois. Quelques 90 de ces ponts sont encore présents et pour beaucoup en service. Nous en avons d’ailleurs traversé un, à la fois pour le fun et pour aller régler quelques cartes postales peintes par l’épouse d’un gentil monsieur qui nous a raconté l’histoire du petit village où il habite, de l’autre côté du pont.


Ventes de garages à gogo

Le marché de l’automobile se porte mal, pourrait-on penser à voir fleurir ainsi ces multiples pancartes au bord des routes. Mais ce n’est pas ce que l’on croit. La cause est un phénomène de société au Québec appelé « Le grand déménagement ». Curieusement, la plupart des baux d’habitation expirant au 30 juin, la grande majorité des Québécois qui déménagent le font le 1er juillet. Cela vient d’une loi de 1750 qui imposait alors pour les premiers baux une échéance au 1er mai. Bien plus tard, le 1er mai est devenu le 1er juillet pour ne pas perturber l’année scolaire des enfants. Plus aucune loi n’impose quelque date que ce soit aujourd’hui, mais les habitudes ont la dent dure. Mais alors, pourquoi vend-t-on tous ces garages fin juin ? Eh bien parce qu’une « vente de garage » en québécois est l’équivalent de nos « vide-greniers ».


Apparences trompeuses

Le forfait mobile Free est très prisé des voyageurs qui se rendent en Amérique du Nord, car il offre, outre la gratuité des communications et textos depuis ce sous-continent, 25 Go de données cellulaires en mobilité, ce qui est tout à fait compétitif par rapport à d’autres forfaits européens voire locaux. Mais comme les autres opérateurs français, Free ne possède pas d’antennes en Amérique et doit donc sous-traiter avec des opérateurs locaux. Et nous avons eu la mauvaise surprise de constater qu’en Gaspésie, pourtant une région francophone et très touristique du Canada, la couverture de l’opérateur partenaire de Free, Rogers, est quasi inexistante. Vous pourrez constater cela sur les cartes ci-dessous, répertoriant les antennes des 4 opérateurs historiques canadiens.

Bien sûr on peut trouver des antennes Wi-Fi çà et là, dans les restaurants ou les musées, mais ce n’est pas pareil. Pour nos visites touristiques par exemple, nous avons besoin d’avoir un peu d’internet pour trouver quelques informations actualisées par rapport à nos guides papier, notamment en termes d’heures d’ouvertures. Nous avons dû acheter un forfait local, chez l’opérateur Telus, bien plus présent en Gaspésie. Cela dit, pour le triple de notre forfait Free, nous avons obtenu trois fois moins de données cellulaires. Mais nous avons pu nous connecter, c’était le principal. En tout cas, mieux vaut toujours se renseigner lorsque l’on part dans un pays censé être couvert par son opérateur sur la réalité de la couverture de son relais local.


De mon point de vue…

celui du Mont St Joseph, à Carleton, méritait le déplacement. Surtout pour son panorama sur la Baie des Chaleurs et son barachois, une sorte de lagune fermée par deux bandes de sable, l’une hébergeant le plus beau camping de Gaspésie, l’autre une colonie de hérons. On trouve aussi au sommet une petite chapelle au toit tout bleu surmonté d’une Sainte-Vierge curieusement emprisonnée dans un grillage.


Faire de la pluie un évènement positif

Au cours de ces 2 semaines en Gaspésie, nous aurons profité de 4 ou 5 jours de beau temps, pas plus. En raison de la pluie torrentielle, nous avions décidé de remettre à plus tard la visite des réputés Jardins de Métis, sachant que nous les croiserions de nouveau à la fin de notre boucle. Mais le moment venu, la pluie est toujours présente. A croire qu’elle n’a pas quitté les lieux depuis notre passage. Heureusement, la météo annonce une petite accalmie vers les 15h, alors que le parc ferme à 17. Nous attendons patiemment toute la matinée, et nous précipitons vers l’entrée dès le premier rayon de soleil réapparu. Les Jardins de Métis ont été aménagés par Mme Elsie Reford, une bourgeoise montréalaise venue se mettre au vert chaque été sur un campement de pêche. Associant les fermiers et guides de pêche de la région pour les transformer en jardiniers, surmontant des conditions climatiques extrêmes (et je ne parle pas de la pluie bien sûr), elle parvient à planter plus de 3000 espèces dans un environnement initialement forestier, nous offrant de beaux jardins à l’anglaise. Nous y avons trouvé des fleurs magnifiques et surtout sublimées par cette récente pluie. Les photos parlent d’elles-mêmes. Admirez les gouttelettes qui perlent partout, les superbes pavots bleus de l’Himalaya, les pivoines aux couleurs éclatantes et le jardin sauvage d’épilobes avec leur camaïeu de pourpre.


C’est une maison blanche… accrochée à la ravine

Rien à voir avec sa consœur bleue, celle-ci a une tout autre histoire. Nous sommes rendus à Chicoutimi, de nouveau sur la rive Nord du fleuve St Laurent, et même plus précisément sur la rive Sud de son affluent la rivière Saguenay. En 1996, des pluies exceptionnelles dans la région ont provoqué un débordement de tous les barrages hydro-électriques, et des torrents monstrueux ont envahi les villes en aval. Ainsi à Chicoutimi, toutes les maisons du centre ont petit à petit été emportées par les eaux. Toutes sauf une restée fièrement debout au milieu du déluge. Tout simplement parce que sa propriétaire de 79 ans avait, avant d’être évacuée, déposé une rose sur la statue de Ste Anne qui trônait dans son salon. Mais pourquoi (diable) les autres n’y avaient-ils pas pensé ?!


Pas lol du tout

Ces inondations de 1996, auxquelles la petite maison blanche a survécu, ont fait beaucoup de victimes, générant dans la foulée quelques monuments commémoratifs. Cette « Pyramide des Ha! Ha! » est l’un d’entre eux. Elle est faite d’un intéressant assemblage de 3000 panneaux routiers d’alerte, dont le pouvoir réfléchissant nocturne doit rendre un bel effet lorsque les phares des véhicules l’éclairent. Nous y étions le matin, nous n’avons pas pu vérifier. Ha! Ha! est le nom de la rivière qui a débordé ici. L’étymologie n’est pas claire mais n’a rien à voir avec l’onomatopée liée au rire. Heureusement, car il n’y avait pas de quoi !


Lol par contre

Suite logique aux panneaux d’avertissements, je vous en livre deux autres, photographiés à peu d’intervalle, l’un dans les toilettes d’un magasin de bricolage, l’autre près d’un barrage. Je me demande si le second ne répond pas à la question mystérieuse que semble soulever le premier. Vous en pensez quoi ?


Le village-fantôme de Val Jalbert

C’était la grande époque des pulperies, ces usines de pâte à papier du tout début du XXème siècle. Dans ce site idéal cumulant une forêt abondante pour la matière première, un torrent pour transporter les troncs et une cascade pour fournir l’énergie nécessaire, une usine performante a été installée en moins de 18 mois. Afin d’attirer les ouvriers, un village a été construit avec des facilités rares à l’époque : eau courante et électricité. 25 ans plus tard, 80 maisons abritaient 950 personnes. L’année d’avant la crise économique de 1929, la demande s’était déjà affaiblie et l’usine dut fermer. Les familles partirent les unes après les autres et le site resta abandonné pendant près d’un siècle avant que l’on ne lui redécouvre une valeur historique. Certaines maisons ont été restaurées, ouvertes à la visite avec leur mobilier d’époque, pour certaines transformées en chambres d’hôtes, tandis que d’autres s’effondrent tranquillement, envahies par la nature. Il en résulte un certain charme et nous avons adoré cette balade dans ce site magnifique.


Nous sommes dans la région du lac St Jean, encore calme malgré la saison touristique en cours. Mais les deux jours qui viennent vont être encore plus tranquilles. Nous allons rejoindre le Val d’Or par une route en pleine nature où les stations-services – si cela peut être un repère – sont espacées de plusieurs centaines de kilomètres. A bientôt si nous ne nous perdons pas !