119. Fin du parcours slovène

Nous quittons Bled et son lac de nouveau sous la pluie, en direction de la capitale qui sera riche en découvertes. De là nous nous dirigerons vers l’Est en direction de la Hongrie, admirant au passage Rogaska Slatina, ses thermes et sa verrerie, puis la charmante ville de Ptuj. Vraiment, la Slovénie nous aura conquis.


Ljubljana et ses dragons

La capitale de la Slovénie, dont le nom n’est pas si facile à prononcer que ça (i pour j et ou pour u, essayez-donc), se visite facilement à pied en 1 ou 2 jours, d’autant que son centre est largement piétonnier ..et que nous sommes en basse saison. Les façades baroques de nombreux édifices sont plutôt jolies malgré leurs couleurs très pays de l’Est (vert triste et jaune triste) que le temps un peu couvert ne flatte pas.

Nous étions heureusement en pleine éclaircie en passant devant le cyanomètre, un appareil qui mesure le degré de bleu du ciel (pas nouveau, c’est le Genevois Horace Bénédict de Saussure, bien connu de nous autres anciens voisins du Mont Blanc, qui l’a inventé) mais qui est ici une œuvre d’art doublée d’une subtilité technologique puisqu’il est capable d’adapter sa couleur, tel un caméléon, au bleu mesuré du ciel.


En avançant dans la ville, nous allons apercevoir des dragons partout. Ils sont en fait l’emblème de Ljubljana depuis que Jason et les Argonautes en auraient combattu un dans les environs, de retour de leur quête de la Toison d’Or. L’hôtel de ville et le premier pont en béton de Slovénie en furent naturellement ornés, ce qui entraîna ipso facto les restaurants et les boutiques du quartier.

La récupération la plus récente et la plus originale est celle du mystérieux artiste français Invader, dont je reparlerai un peu plus loin. Après quelques découvertes dans la ville et la visite de son château.


Street art au sens propre

Dans cette ruelle de la capitale slovène, le street art n’est pas sur les murs comme à l’accoutumée mais carrément au milieu de la rue. Au lieu de l’habituel caniveau central des rues moyenâgeuses, la rue des forgerons est parcourue de tout son long par une foule de petites têtes qui vous regardent. 700 visages aux expressions toutes différentes, comme les humains selon leur humeur. Il faut se pencher pour les dévisager, c’est peut-être ce qu’a voulu leur auteur, un célèbre sculpteur slovène, Jakov Brdar. A moins qu’il ne se soit contenté qu’on lui serre la main, celle qu’il a placée sur un poteau au début de la rigole. L’action déclenche paraît-il un flux d’eau qui transforme l’œuvre en fontaine, mais ça ne s’est pas produit le jour de notre passage. Le mécanisme était sans doute grippé, c’est de saison.


Vie de château

Présent depuis le XIIème siècle, le château a connu maintes transformations depuis, sous l’influence des différents envahisseurs du pays : Austro-Hongrois, Français (via Napoléon pendant 4 ans), Italiens, Yougoslaves puis touristes internationaux. Il abrite maintenant diverses attractions modernes, certaines incluses dans le billet d’entrée et d’autres pas, mais on peut visiter avec un bon audioguide la partie ancienne et aller au sommet de la tour apprécier le paysage urbain de la capitale.


Puppetry Museum

Pour en connaître toutes les ficelles, nous avons fait un petit tour au musée des marionnettes inclus dans notre visite du château. Car la Slovénie a une riche tradition dans ce domaine. Nous en suivons l’évolution au cours de l’histoire du pays, des marionnettes à gaine aux marionnettes à fils, avec une belle mise en scène des éléments exposés. Normal pour un art du spectacle.


Invader

Depuis le début de notre voyage, Claudie s’est mise à prendre des photos de petites mosaïques souvent discrètes découvertes par hasard en haut d’un mur lors d’une visite urbaine. Pas avec son appareil photo mais avec une application capable de reconnaître si l’œuvre photographiée est authentique, récompensant alors l’utilisatrice de quelques notes joyeuses et de points de bonus.

C’est l’histoire étonnante d’un artiste de rue français dont on connaît le nom mais pas le visage, qui appose sur les murs des mosaïques de Space Invaders, un jeu qu’il avait apprécié dans son enfance, ou d’autres personnages. Depuis 1996, il a « envahi » (c’est comme ça qu’il qualifie sa démarche, généralement faite sans autorisation) les murs d’environ 80 villes du monde entier, mais aussi des endroits insolites comme le Musée du Louvre (10 mosaïques posées en 1 seule journée, retirées depuis), la lettre D du panneau Hollywood à L.A., les fonds marins de la Baie de Cancun, et même dans la Station Spatiale Internationale !

Pour aider les explorateurs en herbe, certaines villes possèdent des cartes où sont localisées les petites céramiques. Celle de Montpellier permet de s’apercevoir (encore un des nombreux clins d’œil de l’artiste) que le parcours qui les relie dessine lui-même un Space Invader. Trop fort !

Ah au fait, l’appli s’appelle FlashInvaders et pour les fans, Invader expose à Paris jusqu’au 5 mai 2024.


Slovenian Ethnographic Museum

Nous terminons notre visite de Ljubljana, décidément très riche, et alors que la pluie commence à tomber, par ce superbe musée ethnographique qui est un excellent résumé de la traversée ce pays et nous donne plein de réponses à des interrogations que nous avions eues en cours de route. Il se présente comme un « musée des identités culturelles, un lien entre le passé et le présent, entre la culture traditionnelle et moderne ».

Nous y avons retrouvé, entre autres, les greniers à foin trouvés partout dans la campagne, les façades peintes des tiroirs de ruches, des costumes de carnaval, des spécialités culinaires, de l’artisanat, des éléments de l’histoire du pays.

Vraiment à conseiller à ceux qui veulent s’en imprégner.


Mon cher Watson (suite)

Voici un petit complément du sujet alimentaire évoqué dans l’article précédent, afin de contenter vos papilles avides.


Rogaska Slatina

Cette vile de l’est de la Slovénie est réputée pour son activité thermale et pour son artisanat du verre, autant dire deux grands pôles d’attraction pour nous.

Si le premier nous a déçus, l’activité en basse saison étant tellement ralentie que nous n’avons même pas pu goûter l’eau (il aurait fallu attendre plusieurs heures l’ouverture de la buvette), nous avons été conquis par le second.


Nous avons pu visiter la fabrique de verre en pleine activité, passant par toutes les étapes de l’élaboration du produit final, pour constater que chaque objet proposé ensuite à la vente était une œuvre d’art unique, faite à la main (ou à  la bouche pour la partie soufflage) de A à Z. Le travail par équipe nous a semblé à la fois répétitif mais nécessaire pour obtenir le juste enchaînement des actes pour arriver au produit fini. La fabrique aurait la plus forte production mondiale de cristal travaillé à la main (22 à 24 tonnes de verre par jour – 8 millions d’objets par an)


Us et coutumes


Pas un chat, ou presque

Poursuivant notre route vers l’Est slovène nous faisons une halte pour la nuit à Ptuska Gora, un village réputé pour sa basilique exceptionnelle.

Nous nous sommes sentis un peu seuls dans l’immense parking, certainement dimensionné pour une fréquentation accrue en haute saison. Et même pour la visite de la basilique le lendemain, nous étions encore seuls. Étonnant quand on lit que cette édifice « constitue le plus bel exemple d’église gothique à 3 nefs de Slovénie, érigée au rang de basilique en 2010 à l’occasion de son 600ème anniversaire ». Elle  héberge en outre sur son autel une sculpture unique de la Vierge de miséricorde abritant sous son manteau une multitude de personnages.

A la sortie, heureusement, nous avons trouvé un chat sur les marches, contredisant la solitude exprimée dans le titre.


Ptuj

Cette ville au nom d’onomatopée, peu fréquentée par les touristes, mérite pourtant le déplacement. Elle est réputée pour son château, son carnaval, ses vignes et ses thermes et pourtant nous ne visiterons rien de cela ! La description des intérieurs du château nous a paru ennuyeuse, le carnaval était passé, les thermes ressemblaient sur les photos à des piscines ordinaires. Quant aux vignes, elles étaient encore en hibernation.

Mais nous avons trouvé à la ville bien d’autres attraits. Une situation très photogénique sur la berge d’un fleuve (la Drava), un centre-ville très typé, des vestiges romains comme cette tour utilisée autrefois comme pilori, et un entrelacs de ruelles moyenâgeuses parsemées d’arcs reliant les maisons.

Et nous l’avons bien regardée parce qu’il s’agissait de notre dernière visite en Slovénie.


C’est parti pour la Hongrie, avec pour première étape le Lac Balaton si cher à Michel Jonasz. Mais chut, j’en ai déjà trop dit. Alors à bientôt !


Ci-dessous comme d’habitude la carte du parcours correspondant à cet article et les boutons de liaison si vous voulez nous laisser un petit message, vous abonner pour être prévenu à chaque nouvelle parution, ou encore nous retrouver sur Instagram ou Polarsteps.

117. Italie, suite et fin

Notre parcours en Italie se termine, entre le lac de Côme et la petite ville de Muggia, près de la frontière avec la Slovénie. La grisaille et le temps pluvieux vont ternir quelque peu ce trajet et accessoirement les photos, ce sont les risques inhérents au tourisme hivernal, mais nous ferons tout de même de belles découvertes. Vous allez voir ça.

Le Lac de Garde a disparu !

Ce sont les aléas de la météo, annoncée médiocre pour toute une semaine. Nous attendions beaucoup du célèbre Lac de Garde, mais il est ce jour noyé dans la brume. Nous passons notre chemin. Pour les mêmes raisons et pour encore des difficultés de stationnement, nous shuntons la ville de Bergame si chère à Diane Tell.


Le secret de la chapelle

La petite chapelle de San-Martino-la-Bataille, au sud du lac de Garde, recèle une décoration bien spéciale derrière son autel. Point de jolies fresques ou boiseries ouvragées comme ailleurs en Italie, mais un empilement de plus de 1 200 crânes et plus de 2 000 os ayant appartenu à des soldats tombés lors de la bataille de San Martino. C’était en 1859, lors de la seconde guerre d’indépendance italienne qui opposait les royaumes de Piémont et de Sardaigne, aidés par la France, et l’Autriche. Les ossements ont été extraits d’une fosse commune où l’on avait enfoui les victimes de toutes les nationalités. Parmi les crânes empilés donc, des Français nous regardent. Impossible de les distinguer des autres. Quoi qu’en disent certains, il semble ici y avoir égalité devant la mort.


Les aimants de Vérone

Oui, ils sont bien là, au milieu des autres souvenirs, tous ces petits « magnets » en forme de cœur et portant les indissociables prénoms Roméo et Juliette (en Italien bien sûr). Forcément, la ville joue le jeu à fond, les enseignes de boutiques évoquant les héros de Shakespeare sont légion, des grappes de cadenas fleurissent sur tous les ponts. Signe des temps modernes, ils sont volontiers à combinaison, facilitant ainsi le retour sur la parole donnée, contrairement à la clef jetée dans l’Arno. La maison supposée de Juliette est particulièrement visitée, davantage que celle de son malheureux amant d’ailleurs, et nombreux sont les amoureux qui viennent se faire photographier sur le balcon (à 12€ par personne) ou en compagnie de l’effigie de l’intéressée dans la cour, tripotage de seins à l’appui au motif que cela porterait chance. Mais la palme de la récup revient sans hésiter à la police de la ville qui circule en Alpha-Roméo modèle Giulietta, à moins que ce ne soit la firme automobile qui ait eu en premier l’idée d’associer les deux prénoms.


Vérone et le test de pureté

Vérone a bien d’autres attraits que les héros de Shakespeare. Nous avons adoré la voir de haut émerger du brouillard, de notre parking gratuit au pied du château, la rejoindre grâce à un funiculaire que l’on pilote soi-même (ça se limite à appuyer sur l’un des boutons 0, 1 ou 2…) et un joli pont de pierre, la traverser via son labyrinthe de ruelles pavées et explorer ses curiosités. De piazza en piazzetta, nous découvrirons de superbes églises magnifiquement décorées, l’exceptionnelle cathédrale, les anciennes arènes pouvant recevoir 30 000 personne lors du festival annuel de théâtre, le marché et l’animation de la place de l’Erbe, et puis l’Arche de la Côte. Sous cette arche en briques est suspendue une côte de baleine depuis le XVIème siècle. Il parait qu’elle ne tombera que lorsqu’une personne pure et honnête passera dessous. Nous avons essayé au moins trois fois et elle est toujours là. C’est n’importe quoi cette légende !


Les mosaïques d’Aquilée

La ville d’Aquilée fut fondée en 181 av. J.-C. pour y développer un port permettant les échanges entre les romains et l’Europe centrale. Avec 200 000 habitants, elle était devenue la 4ème ville de l’empire Romain quant elle fut mise à sac en 452 par les Huns, ce qui profita aux autres comme Venise. Pour consoler les survivants, un évêque leur construisit une basilique dont le sol était entièrement couvert de mosaïques au symbolisme pro-catholique fort (combat d’un coq et d’une tortue évoquant celui du christianisme contre le paganisme, scènes des évangiles et grande scène marine avec 12 pêcheurs dont on devine qu’ils sont les apôtres). Ce sont donc 760 m² de mosaïques âgées de 1 700 ans que nous foulons de nos semelles impies. Non, en vérité, nous en sommes isolés par des barrières ou par des passerelles en verre. Les premiers donateurs ont aussi leur portrait en mosaïque à l’entrée de l’église, tandis que les 5 euros que nous avons versés à l’entrée ne nous donnent le droit à rien. C’est vraiment trop injuste !


Petit tour au Mont Saint-Michel

J’aurais rêvé de pouvoir me téléporter et déguster une omelette à l’Auberge de la Mère Poulard, mais c’est un tout autre Mont que nous avons visité. Le Monte del San Michele a été, lors de la Première Guerre Mondiale un haut lieu de l’affrontement entre les Italiens et les Austro-Hongrois dans une sorte de ligne Maginot locale de 600 km, avec des tranchées creusées dans le calcaire, des grottes et des tunnels comme seuls moyens de progression. Des moyens technologiques modernes, comme la réalité virtuelle et la réalité augmentée, en parallèle avec une découverte à pied des tunnels, tranchées et grottes à canons, nous ont d’abord permis de nous immerger dans la dure vie des soldats, particulièrement lorsqu’ils ont subi une des premières attaques au phosgène utilisées pendant la guerre. Mais surtout, nous avons eu droit à une passionnante explication des différentes stratégies employées par les opposants pour faire progresser leurs camps respectifs par un guide très pédagogue et développant des efforts de prononciation et de gestes pour que nous comprenions bien ses explications en italien. Une visite exceptionnelle animée par des passionnés, comme on aime.

Pour en savoir plus : https://www.atlantegrandeguerra.it/portfolio/monte-san-michele/ en faisant traduire si besoin en italien par Google.

Et nous avons eu l’honneur de figurer sur la page Facebook du Musée (que vous pouvez retrouver ici) ! Un grand merci !


Dernière étape en Italie

C’est encore dans la grisaille, qui ne nous aura pas lâchés depuis une semaine, que nous visitons Trieste. Si je voulais faire du mauvais esprit, je dirais que le principal atout de Trieste, c’est d’être à côté de Prosecco, un tout petit bled bien plus connu grâce à son vin pétillant. En vrai Trieste est un grand port sur la mer Adriatique, entouré de maisons souvent très hautes puis de montagnes encore plus hautes, les Alpes Juliennes. Comme tous les ports bien situés, elle a attiré la convoitise des autres pays, devenant tour à tour romaine, autrichienne, puis italienne. Les touristes se retrouvent habituellement sur sa grande place, entourée de palaces de styles variés avant d’aller grignoter un truc le long de son petit canal et de remonter dans leur bus. Au mieux ils auront visité un ou deux musées. Bon, vous avez compris, nous sommes un peu lassés de l’Italie, pas parce que le pays n’a plus rien à offrir, loin de là, mais parce que nous avons envie de changer de culture. Ça tombe bien, la Slovénie n’est qu’à quelques kilomètres de là.


Antonio Ligabue

Le nom de cet artiste ne nous disait rien, alors quand nous avons vu l’affiche d’une exposition lui étant consacrée dans ce musée de Trieste et que la bruine commençait à revenir, nous sommes allés nous réchauffer au sec une petite heure et nous immerger dans le monde de l’intéressé. Un style naïf, beaucoup d’animaux et d’autoportraits montrant un visage assez tourmenté, on sent l’homme un peu dérangé. Il connaît malgré tout un succès grandissant auprès des Italiens. Faites-vous votre opinion sur les œuvres ci-dessous et lisez ensuite cette belle présentation de Danielle Dufour-Verna.


La petite ville de Muggio, dans le golfe de Trieste, sera notre dernière étape italienne, mais juste pour y passer la nuit car il n’y a pas grand chose à voir ici. Demain, nous serons en Slovénie, avec du beau temps selon la météo. Chouette !


Ci-dessous la carte de notre parcours :