19. Parlons cuisine

Les deux ingrédients de base de la cuisine allemande sont les saucisses et les pommes de terre. Difficile donc de trouver des plats qui ne contiennent ni l’un ni l’autre. Même cette soupe « franconienne » que j’ai commandée pensant échapper à la règle contenait les deux ! Il parait qu’il existe plus de 1000 variétés de saucisses en Allemagne. Quand je pense à De Gaulle qui disait sa difficulté à gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromages, je comprends la problématique d’Angela Merkel !

Pour varier un peu les protéines, les œufs sont une bonne alternative. Encore faut-il ne pas se laisser influencer par les couleurs. Nous avons en effet été intrigués de voir dans les rayons des supermarchés ces œufs multicolores, ou d’autres tachetés aux allures de ballons de foot ou de Dalmatiens. Nous avons finalement compris qu’il s’agissait d’une façon de distinguer les œufs cuits des œufs frais. Et testé pour confimer l’absence de chocolat ou même de poussin à l’intérieur comme les oeufs incubés thailandais.

Côté laitages, là aussi les habitudes sont un peu différentes. Les yaourts sont géants (150 à 200% le volume des nôtres, pas faciles à caser dans notre frigo), le 0% de matières grasses n’existe pas (il faut jongler avec les 1,5%, 3,5%, 4,7%, etc.). Le contenu des desserts lactés est parfois difficile à identifier, et Google traduction n’est pas toujours à la hauteur. Dernièrement, nous hésitions sur une semoule à la cannelle que le traducteur qualifiait de « à la viande », ce qui paraissait peu probable compte-tenu des produits avoisinants dans le rayon. Nous avons quand même acheté le produit, qui s’est avéré excellent !

Terminons par le top du top, le dessert préféré des Allemands, l’incontournable Forêt-noire. Vous distinguerez dans la superbe présentation qui nous a été faite la génoise au chocolat imbibée de kirsch (ça ne se voit pas sur la photo mais je vous assure qu’il y en avait), les cerises imbibées de kirsch (aussi), la crème Chantilly et les copeaux de chocolat. L’habit ne fait pas le moine, c’était excellent, d’autant plus que la dégustation s’est faite en plein coeur de la région éponyme. C’est comme le Ti’punch, il est toujours meilleur aux Antilles qu’à Argenton-sur-Creuse !

D‘une manière générale, les supermarchés sont de type « hard discount », un peu comme Lidl en France (la chaîne est d’ailleurs très représentée ici). Plusieurs supermarchés peuvent être contigus sur un même parking. Les hypermarchés classiques sont plutôt rares, uniquement situés dans les grandes villes. Nous prenons nos repas 7 fois sur 10 à bord de Roberto, les autres fois lors de nos balades en ville, petits restaurants en terrasses ou sandwiches consommés sur un banc face à un beau paysage. Nous ne cuisinons pratiquement pas pour l’instant, nos interventions se limitant à l’assemblage de crudités, au réchauffage de plats cuisinés achetés au rayon traiteur des supermarchés, à la découpe de fruits frais. Le soir nous nous contentons en général d’une soupe et d’un dessert lacté. Pas d’alcool dans le van, mais nous pouvons goûter aux bières ou vins locaux au restaurant. Pas trop une vie d’ascète tout de même !

18. Les châteaux de Louis

château de Neuschwanstein érigé par Louis II de Bavière

Louis II de Bavière était comme nous, il n’aimait pas trop les grandes villes et préférait la sérénité de la campagne. Mais la comparaison s’arrête là car il voulait aussi vivre dans des châteaux. Du coup, ses moyens le permettant, du moins au début, il a consacré sa vie à construire et aménager des châteaux, tous très beaux et un peu délirants à la fois, au milieu de nulle part. Sur ses trois projets, il ne réussira à en finir qu’un seul, le château de Linderhof, dédié à Louis XIV pour lequel notre bâtisseur avait une profonde admiration, recopiant d’ailleurs à l’identique le lit de notre monarque national. Les jardins sont d’ailleurs taillés « à la française ». Le second château construit par Louis II de Bavière, que nous n’avons pas visité, est une réplique de Versailles. Le dernier, toujours non terminé est identifiable de loin puisqu’il a servi de modèle à Disney pour le château de la Belle au Bois Dormant. Vous n’aurez pas de photo d’intérieur, seul le plaisir des yeux étant autorisé, mais si vous voulez en savoir plus, tapez Neuschwanstein (comme ça se prononce) sur votre moteur de recherche favori. La folie des grandeurs de notre Roi a fini par agacer son entourage politique qui s’est arrangé pour le déclarer, à tort parait-il, atteint de folie tout court. Il ne s’en remettra pas et mourra mystérieusement …avec son psychiatre.

Château de Lindhorf

Château de Hohenschwangau et le bus joliment décoré qui va à Neuschwanstein

Châlet-restaurant bavarois avec le château en arrière-plan

Lac Alpsee près des châteaux

16. Nuremberg, le pire et le meilleur

Pour les Français que nous sommes, la première chose qui nous vient à l’esprit quand on évoque le nom de cette ville, c’est le procès qui a suivi la seconde guerre mondiale. Le tribunal où 22 dirigeants nazis ont été jugés fin 1945 est toujours fonctionnel. La salle E600 n’est réservée qu’à des procès majeurs, le reste du temps elle est disponible pour la visite au sein du mémorial consacré à cet évènement. Nous nous sommes replongés dans l’histoire, nous avons vu les bancs des accusés, leur prison, le déroulement détaillé du procès et sa logistique complexe. Nous avons eu toutes les explications sur les difficultés à mettre en place et coordonner ce tribunal international mené par les juges de 4 pays. Non exempt de critiques mais qui a eu le mérite d’être le premier à employer la notion de crime contre l’humanité, ce qui conduira progressivement à la mise en place du tribunal de La Haye. La ville reste d’ailleurs de nos jours très impliquée dans la défense des droits de l’homme.

Procès Nuremberg
La salle E600, en 2021 et en 1945

Mais Nuremberg ne peut se résumer à ce procès ou à sa situation de centre stratégique de l’idéologie nazie. La ville a subi ce choix et le regrette ouvertement aujourd’hui, à l’inverse par exemple de Vichy que nous avons visitée en octobre dernier et qui nous a semblé occulter cette phase peu glorieuse de son passé. Nuremberg c’est aussi la 2ème ville de Bavière (après Munich) avec plus de 500 000 habitants, un grand réseau de métro et de tramways, une économie resplendissante avec à peine 3% de chômage, une belle architecture médiévale qui attire de nombreux touristes.  Son imposant château érigé sur une falaise au sommet de la montagne qui surplombe la ville est probablement à l’origine de son nom (nuor = falaise, berg = montagne) mais a aussi attiré régulièrement, du fait de la bonne sécurité qu’il offrait, de nombreux rois et empereurs qui ont fini par récompenser la ville en la nommant dépositaire à titre permanent des attributs royaux (couronne, sceptre, etc.). Prospère dès le Moyen-Âge, Nuremberg s’est encore développée en améliorant ses moyens de transport : comme St Etienne pour la France, la ville a été la première d’Allemagne à installer un chemin de fer (1835), mais aussi un canal qui la reliait au Rhin. Elle est d’ailleurs aussi réputée pour son musée d’art du design.

Le Château qui a donné son nom et sa prospérité à Nuremberg

La couronne royale ou impériale, conservée à demeure et exposée au public une fois par an

Façade de la Chambre de Commerce

Parmi ses nombreux atouts économiques, il y en a un qui a attiré notre attention ; Nuremberg est « la ville du jouet » depuis le Moyen-Âge, avec une renommée internationale et une foire annuelle qui rassemble 2800 exposants et attire plus de 66 000 visiteurs. Malheureusement, l’édition 2021 n’étant prévue que dans un mois, nous nous contenterons du musée qui n’est pas à délaisser pour autant. Il expose sur 1400 m² des jouets de tous âges, avec des commentaires sur les facteurs sociologiques qui ont mené à leur évolution. On y trouve une belle collection de poupées et de maisons de poupées, des figurines et véhicules en étain, en métal peint, en bois et en plastique, de nombreux trains miniatures, ainsi que toute une panoplie de jeux de construction, de jeux de société ou encore de jeux électroniques. Largement de quoi retomber en enfance !

Illustration de Gerhard Glück
Ours et poupée (bien germanique !) de 1930, figurines Playmobil (un parc de Playmobil géants est proche de Nuremberg)

Maison de poupées vers 1850

Trains électriques de 1920 à nos jours, Lehman Großbahn (entraxe rails de 45mm) et Märklin

Ferme en carton et jeu de magie, vers 1930

Mon premier Meccano ressemblait à ça. Aussi une autre marque qui a moins bien marché (pièces trop petites ?)

Märklin ne faisait pas que des trains: ici un kit pour faire son iPhone (1930)

Allez, pour terminer cette visite du musée du jouet, encore une illustration de Gerhard Glück. J’adore !


Et pour clore cet article plus légèrement qu’il n’a commencé, je vous livre en pâture cette fontaine du centre de Nuremberg intitulée « Le Caroussel de Mariage » et qui est censée en illustrer ses différentes phases. Le meilleur et le pire, donc !

13. Une semaine à Sainté

Pizzeria Chez Roberto à Sainté
Roberto c’est aussi une institution de Saint-Étienne !

Après Saint-Barth et Saint-Trop, nous rejoignons Sainté, diminutif de Saint-Étienne, où résident notre fille Mélusine et son mari Maxime. Pour nous mettre dans le bain, c’est sur le vaste parking arboré du stade Geoffroy Guichard qui nous garons Roberto pour passer nos nuits. Nous gagnons régulièrement le centre-ville à pied ou en tram pour profiter de la réouverture des terrasses des restaurants et aussi celle des musées. Nous visitons le musée de l’art et de l’industrie et ses trois expositions très intéressantes sur les manufactures locales : armes, cycles et rubans.

St Etienne a produit des armes du Moyen-Âge jusqu’en 2001

Toujours sur le thème de l’économie locale, nous explorons ensuite le musée de la mine, situé au niveau de l’un des principaux puits de Saint-Étienne, juste devant la gare du Clapier construite sur la première ligne ferroviaire de France (1827) qui servait à exporter le charbon jusqu’à la Loire à Andrézieux. Toute la vie des mineurs y est retracée : salle des pendus (vêtements suspendus par des poulies), douches, lampisterie, badges de présence, machines d’extraction, et travail dans la mine. Sous le chevalement, une structure métallique qui soutient l’ascenseur, nous descendons casqués dans une mine parfaitement reconstituée, avec des galeries différentes selon les époques et un petit train pour circuler entre. Très émouvant de s’immerger dans cette vie très ingrate qui s’est heureusement (pour les mineurs) terminée en 1973.

salle des pendus
Puits Couriot, ascenseur, salle des pendus et jetons de présence des mineurs

Maxime, qui connaît le pays comme sa poche, nous emmène aussi faire de superbes balades dans les environs de Saint-Étienne, une nature très riche toute proche de la ville. Nous crapahutons ainsi le long des gorges de la Loire ou des barrages sur le Furan tel celui du Gouffre d’Enfer. Nous parcourons aussi de charmants petits villages perchés au sommet des collines.

Gorges de la Loire et barrage du Gouffre d’Enfer

Saint-Étienne est aussi renommée pour ses arts créatifs, et de nombreuses œuvres sont d’ailleurs disposées ça et là au coin des rues ou sur les places. Plusieurs musées et expositions sont naturellement consacrées à ce sujet. Nous n’en visiterons que deux car il faut bien en garder pour une prochaine fois. Le premier est le Musée d’Art Moderne et Contemporain. S’il est difficile de relater une telle visite, j’aimerais en extraire juste la photo d’une œuvre qui m’a amusé. Son auteur, Hassan Sharif, a couvert un mur entier de têtes de balais interverties. Je ne sais plus comment il a baptisé sa création, mais moi, compte-tenu de ma situation récente, j’ai juste envie de l’appeler « L’âge de la retraite ». Si vous ne trouvez pas pourquoi, passez-moi un message !

L’heure de la retraite…

La seconde exposition prend place à la Cité du Design et s’intitule « Flops : Quand le design s’emmêle ».

Elle regroupe 3 catégories d’objets, les improbables, les introuvables et les inconfortables. Les premiers sont de vrais flops industriels et il est étonnant qu’ils aient pu être commercialisés un jour. A l’instar de cette poupée conçue pour être l’antithèse de Barbie mais tellement effrayante qu’aucun enfant n’en a voulu (elle reste par contre utilisée dans des films d’horreur…) ou encore de cette machine à fabriquer des préservatifs in situ, méconnaissant totalement la psychologie masculine. La catégorie des « introuvables » regroupe des objets sortis d’une imagination débordante mais totalement inutilisables, comme ce jeu d’échec sphérique, cette table de ping-pong ondulée, cet appât pour requin en forme de jambe de nourrisson ou encore ce miroir pour mythomane où la face réfléchissante est remplacée par un portrait de Napoléon. La dernière catégorie, les « inconfortables » a été créée volontairement par l’artiste Katerina Kamprani qui, en modifiant pourtant de façon modérée mais bien ciblée des objets du quotidien, réussit à leur enlever toute fonctionnalité.

Deux flops industriels typiques

Appât pour requins et Miroir pour mythomane, deux « introuvables »

12. Aller-retour aux sources

Mur de la Peste
Le Mur de la Peste (Cabrières)

De source sûre, le sud-est de la France était en plein confinement il y a exactement 3 siècles. Non pas à cause du coronavirus qui n’était pas encore né, mais en raison d’un autre fléau, la peste, débarquée à Marseille (l’IHU n’était pas encore né non plus) en 1720 et se propageant rapidement en Provence. Comme déjà à cette époque la France manquait cruellement de masques et n’attendait pas ses premières doses de vaccins avant 76 ans, la seule solution envisageable était de confiner. C’est donc un mur de 2 m de haut et 65 cm de large qui fut érigé de mars à juillet 1721, sur 27 km de long, séparant l’actuel département du Vaucluse en deux zones, une verte et une rouge qui sait. Apparemment, ce Mur de la Peste a été efficace, sans avoir eu besoin de fermer les restaurants ni les boîtes de nuit. Nous n’avons pas manqué de lui rendre une petite visite.


Les gorges de l’Ardèche

Les Gorges de l’Ardèche sont-elles sèches ou archi-sèches ? Eh bien pas du tout, nous pouvons vous l’affirmer car nous les avons suivies pendant une quarantaine de kilomètres, sur une route en corniche épousant ses moindres méandres. Des belvédères placés ça et là ont permis à Roberto de se reposer et à nous de prendre quelques photos, tout en enviant les rares kayakistes qui profitaient du moment avant la réouverture des loueurs quelques jours plus tard. Le spectacle était vraiment grandiose et nous n’étions pas si nombreux à en profiter. Mais, que l’on ne s’y trompe pas, selon la source Wikipédia, il s’agit de l’un des sites les plus visités en Ardèche.


La source intermittente de Vals-les-Bains

La palme de l’intermittence du spectacle revient à Vals-les-Bains, où en plein centre-ville jaillit toutes les 6 heures, telle un geyser, une source thermale judicieusement dénommée « source intermittente ». Nous étions à 11h30 précises avec une dizaine d’autres personnes devant un tas de cailloux disposés en cercle à attendre le phénomène. Il a fallu attendre cinq ou six minutes avant qu’il se manifeste, quel suspense. Un petit jet crachotant et fumant est sorti entre les cailloux, prenant de plus en plus d’ampleur au fil des minutes, gagnant les trois à quatre mètres de hauteur, retombant un peu puis reprenant de la vigueur pour atteindre les six à sept mètres, tout en embaumant l’atmosphère d’une forte odeur de soufre, ce qui est d’autant plus étonnant que, parait-il, l’eau n’en contient aucune trace. Le phénomène s’explique, d’après les panneaux avoisinants, de la façon suivante : de l’eau et du gaz s’accumulent d’abord dans le puits de forage. Tant que la pression de l’eau est supérieure à celle du gaz, rien ne sort, mais au bout d’un moment, le gaz reprend le dessus et soulève la colonne d’eau. Lorsque la source est bien en forme, elle peut grimper jusqu’à 16 mètres !


source de la loire
Le Mont Gerbier de Jonc et la source de la Loire

Le Mont Gerbier de Jonc, j’ai l’impression que ça parle davantage aux plus que cinquantenaires qu’aux autres. Sauf erreur de ma part, on n’apprend plus les départements ni les sources des fleuves dans les écoles. Mais pour Claudie et moi, ça tilte, et quand nous sommes passés devant le panneau, nous n’avons pas hésité un instant à nous diriger vers l’endroit, pour un retour aux sources en quelque sorte. La montagne n’était pas si belle que dans la chanson étant donné le temps pluvieux, et du coup nous n’avons pas eu envie d’en faire l’ascension, mais nous nous sommes tout de même recueillis devant la « vraie », source de la Loire. Oui la « vraie », car il ne faut surtout pas la confondre avec l’ »authentique » et la « géographique », vous fâcheriez les boutiques de souvenirs et autres buvettes qui jouxtent ces dernières. En tout cas ici, l’expression « ça coule de source » n’a pas sa place. Il faut plutôt dire « ça coule 3 sources »…