151. Paraguay première partie

Ce petit pays d’Amérique du Sud enclavé entre les géants que sont l’Argentine et le Brésil semble assez méconnu et peu visité. Nous avons d’ailleurs eu du mal à trouver un guide dédié. La version disponible la plus récente était de 2016. Nous allons devoir nous faire notre propre opinion, ce que nous adorons bien sûr.

Paraguay première partie
Paraguay première partie – Parcours correspondant à cet article, en version zoomable ici

Passage de la frontière

Les informations sur Google Maps étaient heureusement erronées, et le bureau d’immigration paraguayen de Pedro Juan Caballero était encore ouvert quand nous y sommes arrivés vers 16 heures (heure de l’iPhone de Claudie, mon Samsung refusant le changement) et nous avons pu faire tamponner nos passeports. L’obtention du permis d’importation pour Roberto a été assez rapide une fois que nous avons trouvé le bon endroit, un petit local en parpaings de 2 mètres sur 3 dans un terrain vague envahi de poids-lourds. Une fois tous les précieux sésames obtenus, nous nous mettons en quête d’un bureau de change ouvert pour avoir un peu de monnaie locale, des Guaranis (bel hommage aux natifs précolombiens du pays). En changeant 2 petits billets de 20 dollars, Claudie a obtenu 158 000 Guaranis tout en ayant l’impression d’avoir gagné au loto ! Toutes formalités faites, nous partons libres comme l’air sur les routes du Paraguay.


Premier parc national

Une trentaine de kilomètres après la frontière, nous quittons la route nationale en parfait état pour atteindre le parc national de Cerro Cora. La route jusqu’à l’accueil est faite de pierres tassées, irrégulières et coupantes, il faut rouler doucement. 2 personnes discutent devant une grande maison en bois. Nous demandons si nous pouvons passer la nuit dans le parc (nos applis nous parlent d’un camping). « Oui pas de problème, vous pouvez y aller, vous passerez régler demain en revenant », nous répond-on dans un Espagnol que nous avons plaisir à comprendre ! Et nous voilà repartis sur la route de pierre, qui se transforme à un moment en route de terre avec ornières et un couvrant végétal de plus en plus proche de la carrosserie de Roberto. Nous passons quand même pour aboutir à un petit espace herbeux désert peu lumineux qui est censé être le camping. Un mur de béton garni de prises de courant (dont nous n’avons pas besoin), d’un robinet d’eau mentionnée non potable et aucun sanitaire. Bizarre bizarre. Nous préférons rebrousser chemin jusqu’à un immense parking que nous avions repéré à l’aller, tout aussi désert mais bien plus lumineux. Nous sommes manifestement les seuls dans ce parc, ce qui est étonnant pour un week-end. Le lendemain, balade de 4 kilomètres dans le parc, d’abord en suivant un chemin bordé de statues de personnages importants pour le pays, tous des militaires. Nous apprendrons plus tard que l’indépendance du pays en 1811 a été douloureuse à obtenir et à maintenir. Notamment, un général a perdu une bataille et la vie ici, sur le Cerro Cora, une petite montagne qui culmine à 640m d’altitude. Côté nature, nous n’observerons pas grand-chose à part quelques oiseaux, quelques papillons, pas mal de termitières et quelques fleurs inhabituelles. Assez décevant au final, mais nous aurons pris le grand air dans une nature préservée. Ce qui est plus significatif que ça en a l’air dans un pays où 90% de la couverture forestière initiale a été détruite (c’est le pays le plus touché d’Amérique du Sud).


Où l’on fait connaissance avec la route

Nous trouvons d’emblée le pays très vert, et la météo va rapidement nous donner l’explication. Averses et orages vont nous rendre temporairement la vie un peu plus difficile, notamment au niveau de la circulation. La bonne route a fait long feu, et les trous dans la chaussée se multiplient. En temps de pluie, leur profondeur et donc leur dangerosité sont masquées par l’eau qui les remplit. Pour la première fois depuis nos débuts à Paris (relire si besoin La poule du bois de Boulogne), nous déclenchons la sécurité blocage de carburant après choc inhabituel. Le moteur s’arrête et ne redémarre plus. Pas d’angoisse, nous avons déjà vécu la situation, il nous faut juste ressortir le manuel de Roberto pour retrouver l’emplacement du contacteur afin de réarmer la sécurité et refaire circuler le carburant. Roberto repart tandis que la pluie redouble d’intensité. Nous décidons de ne pas aller beaucoup plus loin et nous stoppons dans la première (petite) ville rencontrée, d’abord au niveau d’une supérette acheter ce qu’il nous faut pour le dîner. L’établissement est petit et les rayonnages nous semblent d’un autre âge. Et accessoirement peu fournis, à l’image du rayon boucherie où un seul morceau de viande est pendu sur un crochet, juste à côté d’une effigie de la Vierge, que les clients remercient peut-être d’avoir permis que le présentoir ne soit pas totalement vide. Comme c’est le premier magasin d’alimentation que nous rencontrons au Paraguay, nous craignons un instant que ce soit comme ça dans tout le pays, mais heureusement la suite nous prouvera le contraire (voir un peu plus bas). Nous trouvons un parking pour la nuit devant une école (c’est toujours un bon plan les week-ends, à l’inverse des églises et des stades) et pas très loin d’une gare routière.

Extrait du manuel de bord du Fiat Ducato

La Laguna Blanca pas trop blanca

Le soleil fait timidement son apparition lorsque nous reprenons la route le lendemain. La circulation est très peu dense. Il faut dire que le pays a une densité de population plutôt faible, de l’ordre de 15 habitants au km². La route principale est encore bitumée, mais dès que l’on s’en écarte, c’est la terre rouge qui domine. Par beau temps, ces routes secondaires génèrent au pire pas mal de poussière – qui arrive à s’infiltrer on ne sait comment dans Roberto, à l’arrière surtout – mais par temps de pluie la circulation peut vite devenir très compliquée, le sol devenant boueux et glissant. Lorsque nous avons pris la route de la Laguna Blanca, la pluie de la veille n’avait pas encore séché, et il a fallu une bonne concentration de conduite pour éviter de s’embourber. Nous sommes arrivés au bord de ce lac. La propriété était fermée mais quelqu’un est venu assez rapidement pour nous ouvrir. Nous y avons passé la journée complète et la nuit, seuls la plupart du temps. Pourtant, cette Laguna Blanca est un lieu réputé au Paraguay et attire beaucoup de monde au cœur de l’été austral (décembre à février). Ce lac naturel est alimenté par des sources profondes, ce qui lui donnerait en saison une transparence unique dans ce pays où la plupart des rivières et étendues d’eau sont boueuses. Lors de notre passage, ce n’était pas tout à fait ça, l’eau était plutôt verdâtre et, bien qu’on lise parfois qu’elle est potable, nous n’avions aucune envie d’en boire. Nous nous sommes plutôt promenés le long de la plage de sable blanc garnie de parasols en paille, entourés d’oiseaux et de papillons d’une belle couleur orangée. J’ai pu faire voler le drone, ce qui n’était pas arrivé depuis un moment, et faire quelques prises de vue depuis le ciel.


Petites courses du quotidien

Le pays est l’un des moins chers d’Amérique du Sud, vous en verrez des exemples dans les photos ci-dessous. La plupart des musées sont gratuits. Dans le cas contraire, le droit d’entrée est modique, de l’ordre d’un à trois euros. Le carburant est plutôt bon marché, au-dessous d’un euro le litre de gazole Euro 6 pour ce qui nous concerne, descendant jusqu’à 0,75 € le litre d’essence ordinaire. Comme dans les autres pays d’Amérique, quelqu’un vient vous servir à la pompe. Dans les supérettes de villages, les rayons sont parfois peu garnis et il est difficile de trouver ce que l’on cherche sauf à manger purement local. Dans les grandes villes, des supermarchés modernes sont plus proches des nôtres, avec des choix d’aliments différents bien entendu. Dans les deux cas, l’achat de marchandises en vrac est disponible, aussi bien pour les aliments que pour les lessives. Même le pain, qui se vend parfois sous forme de petites boules de la taille d’une noix, peut s’acheter en vrac.


Tobati, ville d’amour ?

Elle n’a pourtant rien de Venise ou de Paris cette petite ville de province dominée par le rouge de ses routes en terre et de ses briquèteries enfumées. Mais son côté campagnard nous a charmé tout comme son mirador offrant une vue à 360° sur les collines environnantes. Nous avons passé la nuit en plein cœur de la ville, sur le parking de l’église et flâné dans les rues de Tobati jusqu’à la Villa de l’artisanat.

La Vierge au manteau bleu

La Vierge de Caacupé, une ville paraguayenne de 20 000 habitants, est considérée comme la sainte patronne du Paraguay, et fait l’objet d’une dévotion particulière dans cette ville. Son histoire remonte au XVIe siècle, lorsqu’un indigène Guarani récemment converti par les Franciscains se trouva poursuivi par des tribus hostiles. Caché dans un arbre, il pria la Vierge Marie pour sa survie, avec succès. Il en sculpta alors en remerciement une effigie dans l’écorce de l’arbre sous lequel il s’était abrité et la plaça dans la petite chapelle du bourg naissant voisin, Caacupé. Quand plus tard une inondation emporta toute la ville en épargnant la statue, le caractère miraculeux fut définitivement reconnu. Y compris par les papes Jean-Paul II et François qui visitèrent les lieux respectivement en 1988 et 2015. Et cette histoire est peinte en une vingtaine de tableaux sur les murs de l’escalier qui mène au mirador de la Cathédrale Basilique. Dans le mois qui entoure le 8 décembre de chaque année, un million de pèlerins (un paraguayen sur sept !) viennent se recueillir au sanctuaire, avançant sur plusieurs kilomètres à genoux pour certains d’entre eux ! Difficile de me plaindre des marches raides de l’escalier du mirador. Et encore moins de son droit de passage de 2 000 Gs. Une somme énorme ? Euh non, 20 centimes d’euro…


San-Bernardino-pas-les-bains

Aménagée comme une station balnéaire avec plages équipées, clubs sportifs, port de plaisance, résidences hôtelières, grandes maisons luxueuses, restaurants et bars de nuit, San Bernardino laisse toutefois le goût amer de l’eau de son lac qu’il ne faut pas boire et dans laquelle il est interdit de se baigner. C’est la conséquence désastreuse d’une absence de gestion des eaux usées des villes riveraines. Depuis 2012, le bleu du lac est devenu glauque (un ton verdâtre) et la turbidité s’accentue. Le site elmundolindo.com (le monde merveilleux…) la décrit pourtant comme « perle du Paraguay », « destination pittoresque offrant un mélange parfait de beauté naturelle, d’activités aquatiques excitantes et d’histoire … » Oui, j’oubliais l’histoire : la ville porte le nom de Bernardino Caballero, un ancien président du Paraguay ayant obtenu le pouvoir par un coup d’état…


Les dentelles d’Itauguá

Eh bien pour l’occasion je ne vais pas faire dans la dentelle, je vous livre brutes les photos de cette spécialité de la ville paraguayenne d’Itauguá et leurs commentaires, ainsi que les étapes de fabrication dans le carrousel suivant.

Et les étapes de fabrication, à partir d’une toile tendue sur un cadre. Tout se fait à la main !


Où l’on reparle de l’hexagone

Rassurez-vous, il n’est pas question de rentrer en France métropolitaine mais d’aborder une formation géologique étonnante qui n’est présente que dans 2 autres endroits au monde : le Canada et l’Afrique du Sud. Nous sommes ici au Cerro Koi, une colline dont le sol sableux se délite sous forme de barrettes hexagonales. On connaissait le phénomène avec le basalte, comme dans la Chaussée des Géants irlandaise ou les formations hexagonales hexagonales (mais oui) de Bort-les-Orgues, mais ici la lave qui s’est lentement refroidie en se rétractant était plus superficielle et riche en silice, d’où l’aspect plus proche des briques que des pavés.


Areguá, de la fraise au nain de jardin

À 45mn en voiture de la capitale du Paraguay, Asunción, la ville tranquille d’Areguá en est l’échappatoire. Les Asunceños (qu’on pourrait traduire par Assomptionnais en Français) viennent y flâner dans ses petites rues pavées entourées d’arbres, contempler les belles maisons de leurs ancêtres, acheter des poteries pour garnir leur jardin et surtout des fraises sous toutes leurs formes. Car c’est une spécialité de la ville depuis 1920. « À Rome, fais comme les Romains font » dit-on, alors nous avons flâné dans les petites rues pavées entourées d’arbres, nous avons contemplé les belles maisons de leurs ancêtres, nous n’avons pas acheté de poterie faute de jardin mais nous avons acheté des fraises ! Sous forme de fruits bien entendu (pour rappel nous sommes en plein hiver ici), mais aussi en fourrage de petits gâteaux et en « liqueur » (en fait un sirop de fruit peu sucré mais très parfumé). Roberto a dormi pour la première fois de sa vie sur une voie ferrée (la quantité d’herbe rendait peu probable le passage d’un convoi) et dans la propriété des pompiers (nous nous étions d’abord garés à côté, mais le gardien a insisté pour que nous soyons dans leur cour…) Et nous nous sommes amusés à observer les vieux bus, ceux en service étant très difficiles à distinguer de ceux mis au rebut sur le terrain près des pompiers.

Et un bonus spécial fraises !


En route avec Azulito

En venant nous garer pour la nuit sur un parking tout près de la capitale, nous sommes tombés sur un sosie de Roberto. Un fourgon de la même couleur, de la même morphologie – bien qu’un rien plus court, et porteur de plaques françaises.

Nous communiquons rapidement, et d’autres points de convergence apparaissent rapidement. Guillaume et Lise habitent dans une île ultramarine comme nous (Nouvelle-Calédonie dans leur cas), Guillaume a fait le transsibérien comme Claudie, et Lise est infirmière comme elle. Leurs choix de véhicule et d’aménagement ressemblent beaucoup aux nôtres : discrétion du véhicule expliquant le choix de la couleur bleu nuit et, pour Guillaume et Lise, d’un minimum d’ouvertures pour ressembler à un utilitaire. Volonté de miser sur une autonomie maximum avec l’absence de gaz comblée par des panneaux solaires puissants (nos compatriotes ont pour la cuisine une plaque induction, un choix que j’avais envisagé avant de m’arrêter sur la plaque gazole). Et bien entendu stationnement par défaut hors des campings. Jeunes actifs, ils sont partis pour un an ou deux en Amérique du Sud, y compris le temps d’aménagement de leur Azulito (le petit bleu, pas si loin du grand bleu qui a inspiré Roberto) qu’ils ont totalement réalisé eux-mêmes, bravo ! Ils vont partir vers le Nord alors que nous allons plutôt descendre, mais nos routes devraient se retrouver à un moment dans le Sud de l’Argentine. Désormais, nous suivrons leur parcours sur Polarsteps, très utile dans ce but.


La visite de la capitale du Paraguay, Asunción, s’annonce pour demain. Espérons que le mauvais temps annoncé ne gâchera pas la donne. Vous saurez cela dans le prochain épisode. A très bientôt !

127. Albanie

Ce 32ème pays de notre périple n’est pas un enième pays balkanique. Il a son caractère bien à lui. Déjà parce que ses origines sont différentes, les Albanais descendant des Illyriens, comme en témoigne leur langue unique indépendante des dérivés du serbo-croate parlés autour. Et puis parce que son histoire est particulière, faite d’une succession d’envahissements et de dictatures. Mais les Albanais sont résilients et bien plus attachés à leur nation qu’à leurs diverses religions.


La cathédrale transformée en salle de gym

La cathédrale de Shkoder, au Nord-Ouest de l’Albanie, a connu bien des tourments liés au passé mouvementé du pays. Née dans un château au Moyen-Âge, elle fut transformée en mosquée au XVe siècle après l’invasion des Ottomans, qui autorisèrent finalement sa reconstruction entre 1858 et 1867. Endommagée par un séisme en 1905, puis par un bombardement en 1913, elle fut reconvertie en palais des sports en 1967, sous le régime du dictateur Enver Hoxha. Il a fallu attendre la chute du Rideau de Fer en 1990 pour que la cathédrale retrouve sa fonction initiale, avec les honneurs de la visite de Mère Teresa et du pape Jean-Paul II en 1993. Le Dieu du ciel a repris sa place aux dieux du stade.


Photo-nostalgie

Toujours à Shkoder se trouve une exposition de photographies anciennes rassemblées par une famille albanaise, un témoignage exceptionnel du passé limité bien sûr à la date d’apparition de la technologie. Si la galerie de clichés commentés est intéressante, elle s’accompagne aussi d’une collection de matériels de prise de vue et de laboratoire qui ont fait ressurgir en moi l’époque où, adolescent, j’étais passionné par la photographie argentique, du découpage des bobines de films dans le noir complet au séchage des tirages sur la machine à glacer en passant par toutes les étapes de la prise de vue et des manipulations en laboratoire sous lumière rouge. Ceux qui sont passés par là apprécieront.

P.S. La dernière image est celle d’un appareil photo à 15 objectifs. A l’époque où l’on ne pouvait avoir qu’un seul exemplaire de chaque photo prise (pas de négatif), cela permettait d’en avoir 15 d’un coup !


Ponts et chaussées

La période ottomane, qui a duré environ 4 siècles, de 1478 à 1819, a laissé pas mal de souvenirs dans le pays. Parmi eux ces gracieux ponts de pierre munis d’arches en ogive et parfois décorés de motifs géométriques ou de calligraphies arabes. Nos préférés sont le pont de Mes, le plus long des Balkans avec ses 108 mètres et ses 13 arches, le pont des Tanneurs de Tirana, devenu inutile faute de rivière à traverser suite à des remaniements urbains, et le Pont de Bënjë, enjambant une rivière toute bleue et des sources thermales formant de jolis bassins, tout là-haut dans la montagne.

Dans les villes ayant réussi à conserver leur centre historique, comme Berat ou Gjirokaster, les rues sont pavées de pierres multicolores formant des motifs géométriques du plus bel effet. L’association de plusieurs types de pierres avec des rugosités différentes avait aussi pour but d’empêcher les chevaux de glisser.


Skanderberg ce héros

Peu de personnalités ayant vécu au XVe siècle ont encore une grande popularité aujourd’hui. C’est pourtant le cas de Georges Castriote dit Skanderberg, qui réussit toute sa vie durant à repousser l’invasion de l’Albanie par les Ottomans, pourtant bien plus nombreux et mieux équipés. C’est que l’homme avait du charisme et de la diplomatie à revendre, suffisamment pour fédérer les différentes tribus du pays qui pourtant ne s’entendaient guère. Ardent défenseur de la chrétienté, il bénéficiait du soutien des États pontificaux. Le pape Pie II l’avait même qualifié d' »athlète du Christ ». Les successeurs de Skanderberg n’ont pas eu le même succès : 10 ans après sa mort, les Ottomans envahissaient le centre et le sud de l’Albanie…

Nous avons vu à Lezhë, lieu de son décès, le mausolée englobant les ruines de la cathédrale St Nicolas où repose sa dépouille. Nous avons admiré son imposante statue équestre à Tirana. Nous avons visité le musée qui lui est consacré à Krujë, ancienne capitale du pays qui fut aussi son quartier général. Krujë … QG … Y aurait-il un lien ?


Les dictateurs

À la fin de chaque guerre mondiale, l’Albanie a été la proie des nations voisines qui profitaient du chaos ambiant pour s’en emparer, favorisant pour les mêmes raisons l’ascension d’hommes politiques albanais à ego élevé. C’est ainsi que le président de la république Ahmet Zogolli s’auto-proclama roi du pays en 1928,  et qu’après ses débordements, le politicien Enver Hoxha le destitua au profit d’un régime communiste pur et dur dont il était le seul maître, ce qui revenait quasiment au même. Le premier, outre un train de vie excessif, avait pratiquement vendu son pays à Mussolini, qui d’ailleurs finit par l’envahir. Le second, après s’être cherché des liens avec les pays idéologiquement proches (Yougoslavie, URSS, Chine), les a tous rompus, isolant l’Albanie du reste du Monde à la manière de la Corée du Nord aujourd’hui. Craignant le contre-pouvoir religieux, Enver Hoxha fit fermer et/ou détruire tous les lieux de cultes, tout en proclamant en 1967 l’Albanie comme le « premier état athée du monde ». Craignant des représailles aussi bien externes qu’internes, il fit installer 700 000 bunkers dans tout le pays, qu’on retrouve encore un peu partout, et mit en place un système fortement répressif basé sur l’espionnage massif de tout le pays via une police politique appelée Sigurimi. En découlèrent 40 années d’isolement total, d’appauvrissement économique et surtout une répression parmi les plus sanglantes d’Europe. La « maison des feuilles » et le « bunk’art » (un ancien bunker reconverti en musée) à Tirana relatent ouvertement cette période sombre qui a causé la mort de dizaines de milliers de personnes et conduit à l’incarcération et à la persécution d’à peu près autant d’autres.


Tailler la route

La route est une partie importante de notre vie nomade. Elle est souvent un bon reflet de ce que nous trouverons plus tard dans le pays. En dehors des grands axes, les routes sont étroites et leur revêtement nécessite une attention permanente tant il est parfois endommagé, manquant ou affaissé. Les automobilistes sont tantôt excessivement lents, tantôt trop rapides. A l’inverse du klaxon, les clignotants sont rarement utilisés. Nous n’avions pas rencontré jusqu’ici de stationnement aussi anarchique : la double file est d’usage courant, mais aussi le stationnement en épi là où les autres sont alignés le long de la chaussée et réciproquement. Un jour, alors que nous voulions nous garer sagement sur un emplacement bien délimité au sol, les habitants nous ont fait signe de nous garer de l’autre côté de la rue, en plein sur la voie de circulation. Peut-être parce que c’était à l’ombre ? Il nous est arrivé aussi de devoir faire marche arrière dans des petites rues bloquées par un stationnement inadapté. Les voitures sont pourtant de belle taille, le modèle le plus répandu étant la Mercedes, ce qui pose question dans l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Parmi les explications possibles, le fait que les dirigeants de l’époque communiste étaient les seuls à pouvoir en posséder en fait un signe de prééminence sociale ; la réputation de solidité de la voiture allemande lui confère aussi un avantage sur les routes défoncées et stimule le marché de l’occasion, d’autant que les voitures neuves sont très taxées dans le pays. Pour terminer, mentionnons la rue Egnatia qui traverse toute l’Albanie. Venue de Constantinople (maintenant Istanbul), elle mène tout droit à Rome. Contrairement au dicton, c’est bien la seule ici.


Avantagée par la nature

La nature en Albanie est immense et sauvage, c’est un grand point positif pour le pays. Le nord-est de l’Albanie est très montagneux et difficilement accessible faute de routes. Il y a sans doute largement de quoi satisfaire les découvreurs en herbe. Pour le reste, nous avons vraiment trouvé de jolis coins, que ce soit pour la visite ou pour y dormir. A deux reprises, nous avons été entourés le soir par des chevaux sauvages. Un matin, nous nous sommes réveillés avec un troupeau de moutons et avons pris le café avec son berger. Pour nos deux seules nuits en camping, des animaux de basse-cour se promenaient autour de nous. Et puis nous avons randonné dans des endroits grandioses, dormi près de rivières toutes bleues, observé les locaux traverser des lacs en barque, remonté un canyon avec de l’eau jusqu’aux genoux. Jamais nous n’avons senti déranger les habitants, qui au contraire, voyant que nous hésitions à rejoindre un « spot » nous en indiquaient le chemin. Ici, traditionnellement, le sens de l’accueil est élevé. Jamais autrefois on ne refusait le gîte et le couvert à des voyageurs qui se présentaient. Je ne sais pas si c’est encore vrai aujourd’hui, faute d’avoir tenté l’expérience.


Cuisine locale

Nous avons été surpris de voir aussi peu de fruits et légumes dans les supermarchés, jusqu’à comprendre qu’ici on les achetait plus volontiers au bord des rues ou sur les marchés. La cuisine locale ressemble à celle des pays voisins, alliant toujours des influences italiennes et turques, mais rajoutant ici une touche de grec. La viande est volontiers grillée, en boulettes ou cuite en ragout. Le yaourt est dans presque toutes les sauces. Les deux plats les plus typiques portent le nom de leur récipient : le tavë, un plat en terre cuite qui passe directement du four à l’assiette, contenant morceaux de viande, légumes et sauce au yaourt un brin épicée. Et le saç, un plat métallique avec un couvercle pour cuire divers ingrédients sur la braise. Nos desserts se sont essentiellement composés de fruits, les pâtisseries locale, d’influence orientale, bien que très tentantes, étant trop sucrées. Le raki, une eau de vie de fruits, accompagne aussi bien les entrées que le café après le repas ou même celui du matin… Les bières locales, notamment la Korça, tiennent la route.


La religion

Peut-être parce qu’ils ont été privés du droit de culte pendant les 40 années de dictature communiste, les Albanais déclarent presque tous une religion. Mais pour avoir subi ces nombreuses invasions, ils sont bien davantage attachés à leur nation qu’à une religion particulière. Il en résulte une grande tolérance religieuse malgré le caractère largement majoritaire de l’islam. 70% de la population est musulmane, mais cela ne se voit pas. Le voile n’est presque jamais porté, les appels à la prière sont extrêmement discrets, les pratiquants réguliers sont en fait assez rares. 25% sont chrétiens, orthodoxes ou catholiques. Et 5% sont un peu musulmans un peu chrétiens en ayant adopté la religion bektache. Ils prient dans des tekkes, sans sièges ni bancs comme dans les églises, mais richement décorés et hommes et femmes réunis contrairement aux mosquées. Il est courant en Albanie d’avoir deux ou trois lieux de culte différents qui se font face.


Mais qu’est-ce qu’il a ce George ?

Si vous pensiez que j’allais parler de cette chouette chanson de Salvatore Adamo et Olivia Ruiz, j’en suis désolé. Mais là, nous allons parler de George W., dont nous avons curieusement trouvé une statue sur notre route, dans une petite ville du centre de l’Albanie dont vous n’avez probablement pas entendu parler, Fushë-Krujë. Et mieux encore, un café et une boulangerie à proximité de la statue portent aussi son nom ! Mais qu’a donc fait l’ex-président des États-Unis pour mériter cela ? Eh bien déjà il est venu en Albanie, ce qu’aucun président américain n’avait fait auparavant, pour exprimer le soutien des États-Unis non seulement aux Albanais du pays mais aussi à ceux en grande difficulté au Kosovo. Et sûrement aussi pour y investir quelques dollars une fois la région stabilisée.

L’insolite de la statue attire aussi les commentaires sarcastiques des voyageurs sur les avis Google Maps, presque plus amusants à lire que l’histoire de la visite elle-même. En voici quelques-uns.



Tenir sa langue

L’albanais est une langue indo-européenne sans parenté avec les autres, formant une branche à elle seule. Elle pourrait être dérivée de l’illyrien antique. La première conséquence pour nous est que cette langue s’écrit en caractères latins, plus compréhensibles que le cyrillique qui envahissait de plus en plus les panneaux en descendant vers le sud. Et que nous retrouverons de toutes façons lorsque nous passerons en Grèce. Alors pour l’occasion, voilà juste un petit florilège d’enseignes locales et un petit quiz pour exercer votre sagacité


Trois villes incontournables

1. Tirana, pour son dynamisme et son architecture

Tout le modernisme de ce pays qui est l’un des moins riches d’Europe semble se concentrer dans sa capitale, avec un nombre impressionnant de gratte-ciels esthétiquement réussis qui semblent faire la nique aux bâtiments austères et mastocs de la période communiste. Les commerces du centre-ville diffèrent peu de ceux des autres capitales européennes, les rues sont larges et bien aérées. La grande place Skanderberg est le cœur de la ville, toute carrelée de blanc et bordée d’édifices religieux et publics de belle facture, dont le musée d’histoire nationale et son emblématique mosaïque en façade. De nombreux personnages presque tous armés marchent vers la gloire et la victoire (libération du pouvoir ottoman) entourant une jeune femme symbolisant la mère patrie. Un peu plus loin, une cloche fondue avec des milliers de douilles retrouvées après l’insurrection de 1997 qui a conduit à la chute du gouvernement communiste rend hommage cette fois aux victimes de cette dernière lutte pour la démocratie. Évoquons aussi la pyramide Hoxha, qui a failli tomber dans le même oubli que son dictateur éponyme, avant qu’on décide de la rénover. Enfin, curiosité unique, Tirana possède 2 rues Georges W. Bush…


2. Berat, pour son magnifique ensemble de maisons ottomanes et son château

De part et d’autre d’une rivière s’alignent en terrasses une multitude de maisons ottomanes aux façades blanches percées de nombreuses ouvertures toutes pareilles, qui font surnommer Berat « la ville aux mille fenêtres ». Au-dessus, perchée sur un immense rocher, trône une citadelle hébergeant de nombreux édifices classés à l’UNESCO, mais aussi encore pas mal d’habitants et de commerces. Berat mérite aussi la visite pour ses nombreux édifices religieux dont le plus emblématique est l’église St Michel, accrochée à mi-hauteur sur le rocher de la citadelle, et qui figure en couverture de notre édition du guide Lonely Planet.


3. Gjirokaster, pour ses maisons fortes remarquablement conservées

C’est dans cette ville du sud de l’Albanie que naquit la rébellion contre l’empire ottoman sous la férule d’Ali Pacha. Il réussit là où Skanderberg avait échoué en déclarant de façon unilatérale l’indépendance de l’Albanie en 1819, mais n’eut pas le temps d’être populaire, décapité en représailles par les Turcs 2 ans après. Notre Alexandre Dumas national l’a tout de même immortalisé dans son roman éponyme. A cette époque, rien de tel pour se défendre que des maisons fortifiées, dont on peut encore retrouver et visiter quelques exemplaires dans la vieille ville. Une façon idéale de s’imprégner des coutumes ottomanes du XIXe siècle, notamment celles liées aux mariages et au sens de l’hospitalité (des pièces étaient réservées exclusivement à ces usages dans chaque maison). Nous avons visité aussi la forteresse qui surplombe la ville, comme à Berat, mais qui présente moins d’intérêt.


Une claque à l’odomètre

C’est en Albanie que l’odomètre de Roberto va afficher désormais six chiffres, soit 100 000 km, après avoir parcouru 32 pays différents en un peu plus de 3 ans. Notre monture se porte plutôt bien. Mis à part cet agaçant voyant « faire contrôler moteur » qui s’affiche puis disparait spontanément sans que l’on n’ait jamais trouvé de cause précise, et bien sûr ce souci vite réparé de démarreur et de batterie au Monténégro, nous n’avons pas connu de panne bloquante. Pourvu que ça dure !

Et 100 000 km, sur cartes, ça donne quoi ? Ces petites animations permettent de bien réaliser les distances parcourues

2O21 – Europe du Nord

2023 – Amérique Centrale
2022 – Amérique du Nord

2024 – Europe du Sud-Est

Vamos a la playa


Souvenirs souvenirs


En route pour la Grèce

Ça ne nous était pas arrivés depuis le Panama, nous allons quitter le pays par bateau. Car nous ne passons pas de suite vers la Grèce continentale mais nous allons l’aborder par une île : Corfou. C’est dans un ferry modeste que nous allons traverser, avec une porte d’entrée à peine plus grande que Roberto et pour corser la chose – c’est une première – un embarquement en marche arrière. Mais bon, il y a des marins pour vous guider (en albanais ou en grec…) et ça s’est bien passé. A suivre, donc.


Et la carte du parcours pour finir, zoomable en cliquant ici

78. Du Nouveau Mexique à l’Utah

En arrivant au Nouveau Mexique, nous qui pensions être déjà dans le désert le touchons vraiment du doigt, ou plutôt des pneus de Roberto. Mais il s’agit d’un désert coloré, collines jaune-vert parsemées de petits buissons ondulant à l’infini, gigantesques falaises roses faites de couches empilées qui ne demandent qu’à s’effondrer, profonds canyons comme celui du Rio Grande qui ne sont pas dûs à l’érosion mais à l’écartement de plaques tectoniques. Avec 6,7 habitants au Km², les villes sont plutôt rares mais ont un caractère mexicain bien affirmé. Normal puisque c’est le Mexique qui a dénommé la région.


Taos Pueblo, un village figé dans le temps

Le village de Taos Pueblo a été bâti voilà un millénaire, bien avant l’arrivée des colons espagnols, par la tribu des indiens Taos (saules rouges) qui y vit encore, du moins environ 200 de ses membres. L’architecture est particulière à la région, avec des bâtiments rectangulaires aux angles arrondis construits en adobe (mélange de boue et de paille séchée au soleil), souvent sur deux ou trois étages reliés entre eux par des échelles. Afin de conserver les traditions, l’eau courante et l’électricité n’y sont pas installés. L’approvisionnement en eau est assuré par une précieuse rivière qui traverse le centre du village. Le lieu est en grande partie sacré et de nombreuses zones ne nous sont pas accessibles : rues excentrées du village, ancienne église et cimetière, ainsi que toute la montagne en arrière-plan qui serait le lieu de naissance de tous les ancêtres. Mais la partie visitable est tout à fait suffisante pour apprécier l’esthétique et la sérénité du lieu. 19 autres villages indiens de ce type sont encore présents au Nouveau Mexique, mais Taos Pueblo est le plus grand et le seul continuellement habité.

Juste à côté, la petite ville de Taos essaie de conserver les mêmes principes architecturaux, mais le ciment peint a bien souvent remplacé l’adobe et bien sûr l’eau et l’électricité équipent les maisons. Le mélange des styles amérindien, espagnol et anglais lui donne néanmoins un certain charme, attirant pas mal de touristes et un artisanat varié, souvent de qualité.


Chimayo et mes blagues un peu Lourdes

Du temps où elle était occupée par les amérindiens, c’était plutôt une station thermale. Mais lorsque les colons espagnols ont importé (imposé) le catholicisme, les miracles sont arrivés comme par miracle. La terre rouge du coin aurait guéri quelques lépreux, déparalysé des paralytiques, sauvé des tas de gens en fait, comme l’attestent les nombreuses photos de remerciements collées sur les murs et la ribambelle de béquilles suspendues dans une chapelle. Il paraîtrait que pour la Covid aussi ça marchait bien. Nous on avait Raoult, chacun son truc. En tout cas, le succès est tel que la municipalité doit ramener chaque année plusieurs camions de terre pour compenser celle que les fidèles ont emportée avec eux. Je rêve du jour où les emballages plastiques auront un pouvoir guérisseur : les rues seraient d’un propre, mais d’un propre ! Sinon c’était beau et, contrairement aux apparences, je respecte tous ces gens qui se recueillent et prient pour eux-mêmes ou pour leurs proches. Et puis la campagne avec ses falaises roses est superbe.



Santa Fe

Avec ses 2100 m d’altitude, la capitale de l’état du Nouveau Mexique est la plus élevée de toutes les capitales d’état des USA, et sans tricher en plus car elle ne comporte aucun gratte-ciel. De loin, toutes les constructions ont l’air masquées par la verdure. Nous y avons trouvé en conséquence une fraîcheur nocturne bien agréable après les températures élevées de ces dernières semaines.

Architecturalement, elle reprend le style amérindien déjà vu à Taos Pueblo deux jours auparavant : constructions cubiques à bords arrondis, sur plusieurs niveaux décalés, avec poutres apparentes. Mais si les indiens du village en question ont su préserver leurs matériaux (terre argileuse mélangée à de la paille) et leurs traditions (pas d’eau courante, pas d’électricité, transmissions uniquement orales) la grande ville s’est bien entendue convertie au béton et à toutes les commodités modernes (8 heures par jour devant un écran, activité physique sur un tapis, repas livrés par Uber Eat, etc. tout ça grâce à la Santa Fe électricité…). A ce style amérindien s’ajoutent des influences hispaniques (ce sont quand même les Espagnols qui ont créé la ville), mexicaines (Santa Fe a appartenu à ce pays pendant 38 ans mais ont dirait beaucoup plus longtemps), et françaises (juste pour la cathédrale, bâtie par des auvergnats sur le modèle de celle de Volvic, l’eau bénite en moins). Beaucoup d’artistes sont venus s’installer ici, profiter des 300 jours de soleil par an et de la manne touristique hébergée dans les hôtels de luxe.


J’ai pas kiffé Georgia

Georgia O’Keeffe est une peintre américaine de renommée internationale, connue pour ses fleurs et ses paysages peints à la manière « précisionniste », ce qui n’a rien à voir avec l’hyperréalisme, contrairement à ce qu’on pourrait croire et que j’adore. L’artiste ayant fini ses jours à Santa Fe et légué une partie de ses œuvres à la ville, celle-ci reconnaissante lui a ouvert un musée, que nous sommes allés visiter. Claudie a beaucoup aimé, moi pas trop. A vous de juger sur les quelques photos jointes. Il y a quand même quelqu’un qui a payé 44,4 millions de dollars en 2014 pour la grosse fleur blanche sur la dernière photo. Si vos enfants ne savent pas quoi faire plus tard, suggérez-leur de devenir précisionnistes.


Mais j’ai kiffé le folklore

Puisque Santa Fe possède cette réputation artistique, nous en avons cherché une expression peu commune et avons déniché ce Muséum International d’Art Folklorique. Outre des expositions temporaires comme celle sur les démons japonais et cette autre sur le masque anti-covid en tant qu’œuvre d’art, nous avons surtout apprécié l’exposition permanente sur les arts folkloriques rassemblant plus de 160 000 figurines du monde entier. Une vraie caverne d’Ali Baba, on ne savait plus où donner de la tête !



De la bombe, je vous dis !

Je n’avais jamais entendu parler de Los Alamos auparavant. Ça veut dire que finalement ils ont bien fait leur boulot. De garder secret le lieu où ils ont mis au point la bombe atomique. Enfin maintenant c’est public. Pas le laboratoire où ils font encore des trucs louches, mais la salle où ils exposent des maquettes de Little Boy et Fat Man, les tombeurs respectifs de Hiroshima et Nagasaki. En mettant tous les plans pour qu’on puisse en refabriquer une à la maison. Et en plus c’est gratuit. Comme ça on est moins regardants quand ils disent qu’aux endroits où ils ont fait les essais, il n’y a eu aucune conséquence pour les oiseaux, bien au contraire. C’est sûr qu’avec leur 3 becs ils mangent mieux ! Nan, je blague, la dissuasion nucléaire c’est quand même utile. Du moins tant qu’un fou n’en prend pas les commandes.

On apprend aussi quelques anecdotes dans ce lieu chargé d’histoire. Comme celle du navire qui a transporté l’uranium en provenance de Los Alamos qui a été coulé par une torpille 3 jours seulement après la livraison. Où encore celle du photographe qui a pris l’unique cliché disponible du tout premier essai nucléaire, alors qu’il n’était qu’un amateur, chargé par son patron de prendre quelques photos souvenirs des préparatifs. Et enfin le coup de chance de la ville de Kokura, initialement choisie comme cible, remplacée au dernier moment par Nagasaki en raison du mauvais temps. Pensez-y la prochaine fois que vous vous plaindrez de la météo !



Séquence vérité

Si le ciel est souvent bleu sur les photos, c’est qu’il y a un biais de recrutement comme on dit dans les études scientifiques. Si nous sommes plutôt vernis côté météo depuis le début de l’été, on ne peut pas cacher que la grisaille se montre parfois. Mais dès lors que c’est possible, ce sont ces moments que l’on choisit pour faire les courses, les pleins et les vides de Roberto, les lessives, ou tout simplement profiter d’une petite pause. Mais rien besoin de tout ça cette après-midi là, nous avions bien l’intention de visiter ce petit site appelé Chimney Rocks pas trop éloigneé de notre route prévue. Mais le ciel déjà menaçant depuis quelques heures a confirmé nos craintes, et des trombes d’eau se sont abattues sur nous. Attendant l’accalmie sur le parking du site, nous avons vu un ranger venir se garer à côté de nous et nous faire signe d’ouvrir la vitre. Il venait nous informer que la visite du parc était fermée pour aujourd’hui en raison du risque de foudroiement en altitude, mais que nous pouvions venir dans le centre des visiteurs visionner quelques vidéos et explorer l’exposition. Ce que nous avons fait. Dévoué, non, le ranger ? Nous avons suivi ses conseils et appris que ces constructions rocheuses au sommet de la montagne étaient destinées à des observations astronomiques et notamment lunaires. A défaut de pouvoir nous y rendre, nous ne rapporterons que des photos de l’entrée sous la pluie.


Les dessous de table des indiens Pueblos

La région de Mesa Verde, au sud-ouest du Colorado, est un immense plateau recouvert d’une forêt, d’où le nom de « table verte », sillonné de profonds canyons créant autant de falaises de grès abruptes. Les indiens Anasazi puis Pueblos y ont longtemps vécu à sa surface, cultivant leurs champs et récoltant leurs fruits. Pour des raisons diverses, sans doute liées au climat et peut-être à des périodes de guerre, une partie d’entre eux s’est réfugiée vers le 12ème siècle dans de grandes alcôves naturelles au sein même des falaises. Ils y ont élevé des murs, installé des planchers et autres lieux de vie, créant ainsi de vastes bâtisses troglodytes où pouvaient vivre jusqu’à 200 personnes. Ils étaient protégés ainsi, sans doute mieux qu’à la surface, des températures extrêmes des étés et des hivers tout comme des précipitations. Une longue période de sécheresse une centaine d’années plus tard les incita à quitter les lieux et migrer plus loin.

Le parc national ouvert depuis 1906, permet d’observer de loin et de près (en visite guidée uniquement) ces habitations étonnantes. Bien sûr, un bon nombre de randonnées sont aménagées. Nous avons opté pour un parcours de 4 km le long d’un canyon, spectaculaire par son tracé inséré dans les falaises, ses vues vertigineuses et les pétroglyphes à son point ultime.



Il est dans tous ces états

Je veux parler du point géodésique qui se trouve à la jonction de l’Utah, du Colorado, du Nouveau Mexique et de l’Arizona. Au carrefour des 2 axes qui servent de séparation (le 37ème parallèle nord et le 109ème méridien ouest). Au USA on fait simple, on n’y va pas par 4 chemins, si on peut dire. Les touristes viennent en masse s’y faire prendre en photo, mais semblent un peu décontenancé au moment de se positionner. C’est sûr qu’au niveau de l’équateur il n’y a pas de question à se poser : un pied dans l’hémisphère Nord, un autre dans l’hémisphère Sud. Mais là, comment faire avec seulement deux pieds ? A défaut d’y mettre les mains, dans une position peu avantageuse, plusieurs tactiques sont employées : un pied chevauchant deux états, photo en couple procurant l’avantage du bon nombre de points d’appui, ou encore mieux à 4 personne, une dans chaque état. Alors que les boutiques de souvenirs autour exigent encore le port du masque, on est loin ici de la distanciation sociale. Pour la petite histoire, sachez que la position exacte a été déplacée à plusieurs reprises par divers scientifiques coupeurs de cheveux en quatre et reste contestée par certains. En tout cas, c’est le seul endroit aux USA où 4 états de rencontrent en un même point.


Monument Valley

Nous avons eu le plaisir de bivouaquer juste à l’entrée de la vallée, une quinzaine de kilomètres avant le célèbre site, entre deux falaises rougeâtres dont les couleurs se sont enflammées au coucher puis au lever du soleil. Spot gratuit avec table de pique-nique fournie, c’était mieux que collés-serrés dans les campings du parc. Nous avons visité ce dernier en milieu de matinée, alors que le soleil n’était pas encore écrasant et que les touristes étaient encore en nombre raisonnable. Les mots manquent pour décrire cet endroit majestueux où l’on se faufile avec Roberto sur une route en terre entre des rocs montagneux géants aux couleurs rougeoyantes. Les photos parleront mieux que les mots.



Deux ponts trop loin

Après une route fantastique grimpant au flanc d’une falaise et procurant des vues magnifiques, nous parvenons au petit Parc des Ponts Naturels (Natural Bridges National Monument pour les intimes). Une route de 14 km en fait le tour et nous arrête devant 4 ponts, permettant de les observer du sommet et pour les plus courageux de descendre dans le canyon les observer par en dessous. Après la matinée à Monument Valley et compte-tenu de la chaleur de ce milieu d’après-midi, nous avons manqué de motivation pour les deux premiers, situés respectivement à 1 et 3 km de la route, et donc le double pour l’aller-retour. Le troisième nous a paru plus sympathique avec son unique kilomètre retour compris, alors nous sommes allés lui rendre une petite visite. Il nous a offert une arche élégante, bien élancée dans le ciel et semblant assez fragile. Nous avons appris que ces ponts naissent au début d’une boucle d’une rivière, ce qui permet une érosion ciblée au creux de la courbe et la formation progressive d’un trou jusqu’à l’autre côté.


Une journée minérale

Les paysages de l’Utah sont véritablement extraordinaires. Nous avons roulé une grande partie de la journée au milieu de paysages grandioses, montagnes en mille-feuilles minérales ou au contraire en pierres massives que l’érosion transforme en sable pour les premières et en blocs de taille imposante pour les secondes. Les couleurs sont fantastiques, variant d’une région à l’autre entre les gris, les blancs, les jaunes ocre, les mauves et les rouges, sans parler des tons bleutés de certaines parois. Entre les montagnes, des canyons asséchés et façonnés en arabesques ou en champignons par le temps, des couloirs de verdure grâce à l’eau qu’ils recueillent par temps de pluie ou aux rares rivières qui les empruntent, comme le Colorado très boueux à cet endroit. Nous n’avons cessé de nous émerveiller tels des enfants tout au long de la journée et les appareils photo ont bien chauffé. Nous avons terminé par la visite du Capitol Reef National Park, bien dans le ton de ce que nous venions de voir, avec quelques curiosités en plus comme ces pétroglyphes gravés à bonne hauteur sur des falaises. Ce qui les a sûrement préservé du vandalisme dont on a pu constater quelques exemples malheureux au niveau du sol.



Le plus beau des parcs ?

Ce n’est pas nous qui le disons, mais le National Park Service, l’organisme qui gère tous les parcs nationaux des USA. Après chacun en fait son affaire, mais ce Bryce Canyon National Park est véritablement au-dessus du lot et fait partie de nos coups de cœurs de ce voyage. Il s’agit d’un haut-plateau dont l’érosion a créé une multitude de cheminées appelées ici hoodoos. Le phénomène n’est pas unique dans le monde, mais c’est ici qu’il a sa plus forte concentration, rassemblée dans plusieurs zones appelées amphithéâtres. Les multiples tonalités de rose-orangé, la fragilité des édifices, la multiplicité de leurs formes, et leur caractère innombrable en font un spectacle exceptionnel. On commence par les apprécier du dessus, en longeant une falaise, avant de plonger vers leur base, dans des couloirs étroits et impressionnants, afin d’avoir un autre point de vue tout aussi impressionnant du dessous. Tout cela en compagnie de sympathiques chipmunks (de petits écureuils) peu farouches au point de venir tourner autour de vos chaussures. Et bien sûr en compagnie d’autres touristes, mais ce n’était pas le délire non plus. Vraiment un endroit qu’on a adoré.


C’est par ce parc que nous terminons cet article. Il nous reste encore un petit bout d’Utah à parcourir et même encore un parc national avant de rejoindre le Nevada et le célèbre Grand Canyon. Nous allons en avoir encore plein les mirettes et sûrement des choses à vous raconter.

14. Pic et pic et pictogrammes

Notre parcours français se poursuit malgré nous, pour cause de retard dans l’expédition de nos 2 palettes depuis St Barth. Nous en profitons pour voir la famille et quelques amis, pour retourner à Rodez faire quelques ajustements sur Roberto (un placard qui grinçait, une petite fuite sur un tuyau d’évacuation, rien de bien méchant mais plus facile à faire chez l’aménageur qu’à l’autre bout du Monde), et bien sûr pour faire du tourisme. Nous adorons nous perdre sur les petites routes de campagne, nous arrêter quand ça nous chante pour voir un monument, pour lire une pancarte ou pour prendre quelques photos. Quand d’autres s’agacent derrière un tracteur, nous nous réjouissons que l’engin nous donne plus de temps pour admirer le paysage. Nous n’allons tout de même pas totalement au hasard, du moins pour l’instant, puisque nous avons quelques destinations à respecter. Nous définissons en général un parcours approximatif à l’aide du GPS, que nous avons paramétré pour éviter les autoroutes (l’antithèse de notre projet), les chemins de terre (Roberto n’aime pas se salir les pieds) et les tunnels inférieurs à 3 m pour ne pas renouveler l’histoire de Flip-Flop la girafe (que ceux qui ne la connaissent pas m’écrivent sur le formulaire de contact. Ce premier trajet dégrossi va ensuite évoluer au fil de nos envies, en fonction des informations touristiques fournies par notre carte routière, mais aussi selon les panneaux indicateurs que nous découvrons au bord des routes, ceux auxquels nous ne prêtions aucune attention dans notre vie d’avant. Maintenant, après un peu d’apprentissage, nous les connaissons par cœur, mais ça n’a pas été toujours évident, aussi nous aimerions vous faire profiter de nos recherches au travers d’un petit quizz. 3 propositions, 1 seule bonne réponse pour chaque panneau, à vous de jouer !

Pic et pic et pictogrammes

1 : A – Stade de rugby, B – Champ d’œufs de Pâques, C – Parc naturel régional
2 : A – Centre de la galaxie, B – Parc national, C – Cité médiévale
3 : A – Ville pluvieuse, B – Ville photogénique, C – Réserve naturelle
4 : A – Arboretum, B – Site remarquable, C – Conservatoire du littoral
5 : A – Monument historique, B – Château-fort, C – Ruines remarquables
6 : A – Voisins vigilants, B – Site classé, C – Village français
7 : A – Meilleur MacDo de France, B – Meilleurs M&M’s de France, C – Musée de France
8 : A – Jardin remarquable, B – Architecture remarquable, C – Prothésiste mammaire remarquable
9 : A – Bureau électoral, B – Caserne, C – Cimetière militaire
10 : A – Terrain du conservatoire du littoral et des rivages lacustres, B – Parc ou jardin ayant reçu le label « remarquable » décerné par le ministère de la culture, C – Point d’accueil du public dans un espace naturel sensible

Les bonnes réponses sont à la fin de l’article… ou sur le site Ornikar à l’origine du dessin.


En illustration, voici quelques sites traversés depuis le dernier article. Nous terminons notre parcours français par Strasbourg. Notre premier franchissement des frontières se fera vers l’Allemagne. A très bientôt !

Le Puy en Velay (43)
Le Puy en Velay (43)

Bivouac au hasard de la route
Bivouac au hasard de la route

Claudie a voulu voir Bozouls alors on a vu Bozouls (12)
Claudie a voulu voir Bozouls alors on a vu Bozouls (12)

Abbatiale de Conques (12)
Abbatiale de Conques (12)

Les Pierres Jaumâtres de Toulx-Sainte-Croix (23)
Les Pierres Jaumâtres de Toulx-Sainte-Croix (23)

Château de Joinville (52)
Château de Joinville (52)

Panorama de la Colline de Sion-Vaudémont (54)
Panorama de la Colline de Sion-Vaudémont (54)

Obernai
Obernai (67) et ses cigognes
Obernai (67) et ses cigognes

Rosheim (67) derrière des vignes
Rosheim (67) derrière des vignes

P.S. Résultat du quizz : 1C2B3C4C5A6B7C8A9C10C

A suivre…