91. L’empire du milieu

Bien que le Mexique possède plus de 10 000 km de côtes, nous préférons sillonner l’intérieur du pays. Contrairement au littoral qui déborde de touristes, les villes mexicaines du centre sont plus calmes et nous paraissent plus authentiques. Et cette semaine, nous n’avons pas du tout été déçus !

Monte Alban, capitale des Zapotèques

Après plusieurs mois au Mexique, nous commençons à y voir plus clair dans les civilisations précolombiennes. La clef est de réussir à superposer leur répartition géographique et leur étagement dans le temps. Les deux petites cartes ci-dessous vous y aideront.

Monte Alban, près de la ville d’Oaxaca, était la capitale des Zapotèques, qui vécurent dans la région entre 1500 av. JC et 900 après JC. Une immense cité hébergeant jusqu’à 30 000 habitants a été bâtie sur le sommet d’une montagne arasé entièrement à main d’homme. Malgré les moyens sommaires, les compétences élevées en mathématiques et en architecture ont permis de bâtir solide et durable, comme en témoignent les nombreux édifices encore debout malgré l’activité sismique élevée de la région.

APlan general du site de Monte Alban
Plan général du site de Monte Alban
Vue du site depuis la pyramide Nord
Vue du site depuis la pyramide Nord

La visite du site permet d’aborder quelques aspects de la culture Zapotèque : agriculture dominante grâce à une irrigation évoluée, organisation hiérarchique de type religieux avec grandes cérémonies dans les temples et sur l’immense esplanade centrale, distractions axées sur le jeu de balle, importance de l’astronomie, connaissance précoce de l’écriture et du calendrier, etc.

Vue depuis le Sud cette fois
Vue depuis le Sud cette fois
Le terrain de jeu de balle
Le terrain de jeu de balle. On y sacrifiait les vaincus !

Un petit pas pour le touriste, un grand pas pour l’humanité


Oaxaca en images

Nous ne sommes restés qu’une après-midi et une nuit dans cette grande ville colorée et détendue, juste ce qu’il fallait pour « prendre l’ambiance ». Récit en images…


Le plus grand arbre du monde

Alors tout dépend de ce qu’on entend par grand… Quand on considère le volume, c’est le Général Sherman, un séquoia géant du Sequoia National Park en Californie qui est sur la première marche du podium. Nous avons d’ailleurs eu le bonheur de le voir cet automne. Pour la hauteur, frôlant les 116 mètres, c’est un autre séquoia qui détient le record. Appelé Hyperion, il est situé quelque part dans le Redwood National Park, toujours en Californie. Sa localisation est tenue secrète pour éviter l’assaut et les dégradations des touristes. Mais l’arbre de la petite ville de El Tule, près d’Oaxaca au Mexique, un cyprès des marais également appelé ahuehuete possède, lui, le plus grand diamètre, soit 14 mètres. Ça ferait une belle table à manger, non ? Quelqu’un a une grosse tronçonneuse à me prêter ?

Larbre le plus grand du monde est a El Tule
L’arbre le plus grand du monde est à El Tule
Son tronc mesure plus de m de diametre
Son tronc mesure plus de 14 mètres de diamètre

Sinon le parc attenant avec ses sculptures végétales est très mignon.


Mitla, comme un lundi

Mitla, l’autre site archéologique important de la région d’Oaxaca, a été peuplé un peu plus tardivement que celui de Monte Alban, et a tenu jusqu’à sa destruction ordonnée par l’archevêque espagnol Albuquerque en poste à Oaxaca en 1553 (si vous le croisez dans la rue, dites-lui deux mots de ma part). Elle était alors occupée par les Zapotèques et les Mixtèques (qui ont pris le relais des premiers). Si vous ne faites pas bien la différence entre les civilisations, comparez les photos ci-dessous :

Cet anéantissement est tout à fait regrettable parce que ce site était tout à fait paisible, davantage tourné vers la religion et les sépultures que vers la politique. Et puis parce qu’il avait une caractéristique unique dans toute la Méso-Amérique : ses édifices étaient décorés de mosaïques en pierre (volcanique). Mais nous n’aurons pu voir cela que de loin, pour cause de fermeture le lundi, contrairement aux affirmations de notre guide. Vous l’aurez compris c’était évidemment le jour de notre passage…

Leglise San Pablo batie sur les ruines zapoteques
L’église San Pablo, bâtie sur les ruines zapotèques
Le petit site archeoloque vu de derriere la grille
Le petit site archéologique vu de derrière la grille
et les mosaiques photographiees par dessus le mur
et les mosaïques, photographiées par dessus le mur !

Une belle route en terre de km pour aller voir leau qui bout
Il ne nous reste plus qu’à reprendre la « route », un chemin poussiéreux de 14 km, pour gagner notre destination suivante

L’eau bout des choses

Un mauvais jeu de mots pour aborder le site de Hierve El Agua (« l’eau bout » en Espagnol) où, dans un cadre montagneux splendide, à 2200m d’altitude, plusieurs sources d’une eau aussi riche en calcaire qu’en bulles forment des cascades pétrifiées et des baignoires naturelles. D’autres bassins, artificiels ceux-là, ont été construits pour assouvir le besoin croissant des touristes. Mais l’eau douteuse nous a dissuadé de nous y tremper. Nous avons préféré de loin les édifices bâtis par la seule nature, impressionnants par leurs couleurs, leur eau qui semble en ébullition, et le plongeon dans le vide de ces cascades de pierre devant un panorama grandiose.

Le decor grandiose du site de Hierra Agua
Le décor grandiose du site de Hierve El Agua
On se croirait presque a Yellowstone sauf que leau qui bout est froide
On se croirait presque à Yellowstone sauf que l’eau qui semble bouillir est froide

Bien que le GPS nous ait conseillé (sagement) de faire le grand tour de 23 km par la route payante, nous avons opté pour la route directe, étroite et sablonneuse à souhait mais pas si mauvaise, offrant des vues magnifiques sur la vallée, et plus courte de 9 km mais pas forcément plus rapide. Au retour nous avons testé la proposition initiale, mais les 10 premiers km étant en terre et/ou jalonnés de topes (ralentisseurs) rapprochés, pas sûr que c’était plus intéressant. Il aurait fallu sortir le chronomètre, mais nous avons oublié comment ça marche…


Pause café

Un grand bond de 500 km vers le sud-est, au travers d’une belle région montagneuse dont les seules forêts sont faites de cactus et les seules plantations d’agaves (la région est une importante productrice de mezcal), et nous voici arrivés à Tuxla dans l’état du Chiapas. Juste une ville étape pour nous reposer de ce trajet, et justement faire une petite pause café dans un musée dédié au breuvage. Nous y apprenons que le Chiapas produit 3,9% du café mexicain, représentant lui-même 3,9% de la production mondiale. Et puis quelques autres faits étonnants ou non que je vous soumets sous forme de quizz :

1°) Le premier producteur mondial de café est le Brésil. Mais qui est le second ?

            A. L’Éthiopie ?            B. La Colombie ?         C. L’Indonésie ?            D. Le Vietnam ?

2°) Le Mexique exporte sa production principalement vers les États-Unis (66%). Mais qui vient en second ?

            A. La Belgique ?          B. La France ?             C. L’Allemagne ?            D. Le Canada ?

3°) Le café mexicain est exporté à 76% sous forme de grains non torréfiés. Quelle forme vient en second ?

            A. Le café soluble et les extraits de café ?     B. Le café torréfié moulu ou non ?

4°) Les mexicains consomment environ 1 kg de café par habitant et par an. C’est douze fois moins que le record mondial. Mais ce record est détenu par qui ?

            A. L’Italie ?      B. Le Danemark ?       C. La Norvège ?         D. La Suède ?                  E. La Finlande ?

5°) La consommation annuelle de café des Français avoisine les

            A. 4,4 kg ?       B. 5,4 kg          C. 6,4 kg ?       D. 7,4 kg ?

6°) Le café a été découvert au 4ème siècle, mais dans quel pays ?

            A. Turquie ?    B. Éthiopie ?    C. Colombie ? D. Guatemala ?

7°) Le premier café parisien a ouvert en

            A. 1586 ?         B. 1686 ?         C. 1786 ?         D. 1886 ?

8°) Les premiers plants de café sont arrivés au Chiapas au

            A. XIIIème siècle ?       B. XVème siècle ?        C. XVIIème siècle ?            D. XIXème siècle ?

Les réponses sont après les photos…

La visite s’est terminée par une dégustation. L’expresso était compris dans le droit d’entrée de 1,25 € soit moins que le prix du petit noir au comptoir d’un bar français…

Réponses : 1D2A3A4E5B6B7B8C


Marimbas

On côtoie régulièrement au Mexique des groupes de marimbistas, jouant sur les places ou devant les cafés sur leurs espèces de xylophones en bois, plus ou moins larges, plus ou moins courbés. L’origine en est le balafon, rapporté d’Afrique par les esclaves qui accompagnaient les colons espagnols. Les amérindiens et les européens lui ont apporté quelques touches personnelles avant de l’adopter largement dans cette partie du Mexique, entre Veracruz et le Guatemala. Nous trouvons de magnifiques exemplaires dans ce petit Museo de la marimba à Tuxla, dotés d’une marquèterie très travaillée et d’un système sophistiqué de tuyaux de résonnance sous les lames. En flânant un peu, nous tombons sur une petite salle d’enseignement. Une élève est là, mais le maître l’écarte gentiment pour nous faire une démonstration. Nous admirons la dextérité nécessaire au jeu à 4 baguettes (2 dans chaque main) sur 2 claviers différents. Puis un autre joueur plus âgé (le maître du maître ?) rejoint le premier et vient interpréter avec lui quelques morceaux de musique populaire mexicaine. Apprenant que nous sommes Français, ils se fendent même d’une « Vie en rose » très réussie ! Quand on vous dit qu’on est bien reçus au Mexique, ce n’est pas pour rien !

Enseigne du musee
Enseigne du musée
Exposition
On y expose des modèles d’âge et de facture différents
Detail des tubes de resonnance
Détail des tubes de résonnance et qualité de la marquèterie
Concert improvise
…et nous avons eu droit à notre concert improvisé rien que pour nous !

Sur les traces de Pedro Gastinel et des frères Foudon

Ah vous n’aviez jamais entendu parler d’eux ? Eh bien nous non plus d’ailleurs… Mais rendons hommage à ces trois français intrépides qui ont voulu traverser comme nous le Cañon del Sumidero dans l’état du Chiapas au Mexique. Ce canyon est né d’une faille apparue au pléistocène, dans laquelle une rivière s’est faufilée, entourée de falaises allant jusqu’à 1 km de hauteur. Mais à l’époque, en 1895, la rivière était tumultueuse, la végétation était très dense, les crocodiles voraces et la première tentative 300 ans plus tôt avait échoué. Nos compatriotes n’ont pas fait mieux, ils ont tous péri dans l’expérience, c’est triste. Il faudra encore attendre l’année 1960 pour que les 25 km soit enfin franchis par une expédition de locaux. Aujourd’hui c’est notre tour mais tout a bien changé : la rivière a été assagie grâce à la construction d’un barrage, les lanchas chargées de touristes font la traversée en moins d’une heure et les crocodiles sont plus paisibles, peut-être rassasiés par les nombreux déchets qui flottent. J’exagère car l’expérience est tout de même formidable. Les falaises vues d’en bas sont vraiment impressionnantes. Le bateau s’arrête en de nombreux endroits pour observer les crocodiles qui dorment la gueule ouverte, les singes araignées qui se balancent de branche en branche, les échassiers peu farouches qui se font tirer le portrait. Et puis la vierge de Guadalupe dans sa caverne multicolore et le fameux sapin de Noël formé par la mousse qui pousse sous une cascade. Le cañon s’observe aussi d’en haut, grâce à une route qui mène à plusieurs points de vue.

Le canon del Sumidero sapprecie dabrod den haut
Le Cañon del Sumidero s’apprécie d’abord d’en haut…
avant dembarquer dans des lanchas
…avant d’embarquer dans les lanchas au design très particulier
Lentree dans le canyon est impressionnante
L’entrée dans le canyon est impressionnante, avec ces falaises de 1000 m de hauteur
Ici arret dans la grotte de la vierge
Ici, arrêt dans la grotte de la vierge et ses tons de rose
Peut etre quils deposent des cadeaux sous le sapin
Et les gars là en dessous, peut-être qu’ils viennent déposer des cadeaux ?

Au fait, si vous ne connaissez pas la chanson « Mambo Tchapan » de Vincent Malone, découvrez ça tout de suite en cliquant sur ce lien. Une merveille !


Incursion chez les Tzotziles

La région de San Cristobal de las Casas est l’une des plus conservatrices du patrimoine indien. Dans les villages alentour, plusieurs communautés dont les Tzotziles défendent farouchement leurs traditions. Leur tenue vestimentaire est hors du commun avec ces grandes capes de laine effilochée blanche ou noire pour les hommes qui portent aussi volontiers des chapeaux plats garnis de rubans, et ces châles richement décorés de motifs roses ou violets pour les femmes, couvrant des blouses ou robes en laine également. C’est qu’à 2400m d’altitude les températures peuvent être assez basses.

Zinacantan village de lethnie Tzotzile
Zinacantan, village de l’ethnie Tzotzile

Au village de Zinacantan, ces Indiens sont majoritairement horticulteurs. Les grandes serres que l’on voit partout en arrivant en témoignent, ainsi que le marché que nous avons pu visiter. Mais le must de ce village est l’église de San Lorenzo, presque entièrement décorée de fleurs fraîches en vases classiques ou en tableaux hyperdétaillés.

Boiseries et fleurs fraiches a profusion
Un délicieux mélange de boiseries et de fleurs fraîches à profusion
vraiment fabuleux et odorant
Vraiment fabuleux et odorant
Une belle animation
Les serres autour de la ville confirment lactivite dominante de la population
Et pas besoin de chercher loin pour voir que toute la production est locale

A huit kilomètres de là, un autre village tzotzile, Chamula, défend encore plus âprement sa religion, au point que ceux d’entre eux qui voulaient rester dans la tradition catholique pure ont été exclus. Car ici, dans l’extraordinaire temple de San Juan Bautista, ce sont bien les traditions indiennes qui sont vénérées. L’effigie du Saint a remplacé celle du Christ, et l’ambiance est plus chamaniste que catholique. La foule se presse dans la grande salle au sol couvert d’aiguilles de pins et entourée de dizaines de milliers de bougies, baignée dans une fumée odorante d’encens. Certains s’y font soigner, les autres prient en psalmodiant. Vous ne verrez sur les photos que la magnifique façade au portail vert et bleu, la photographie étant interdite à l’intérieur.

Encore un marche anime
Encore un marché animé, maraîcher celui-là

Une visite d’exception totalement dans l’esprit de notre voyage (« découvrir d’autres cultures ») à ne pas manquer.


San Cristobal de las Casas

Une ville mexicaine pleine de charme, avec son quadrillage de rues pavées bordées de maisons colorées à un seul étage, comme dans beaucoup d’autres endroits, mais particulière par la densité des indiens qui y vivent, souvent vêtus de façon traditionnelle. C’est qu’ici on se rebelle plus qu’ailleurs, on défend ses traditions, et les mouvements zapatistes ont encore beaucoup d’adeptes. Nous n’y passerons qu’une journée et deux nuits, le temps d’apprécier l’animation locale, le marché, les rues piétonnes, le musée des textiles mayas, celui de l’ambre. Une étape agréable et instructive, rafraîchissante grâce à l’altitude (nous avons perdu 12° par rapport à l’étape précédente du canyon : 16°C le matin dans Roberto, c’est mieux que 28 !)

Roberto gare dans une rue de San Cristobal
Roberto garé dans une rue de San Cristobal de las Casas, un peu moins étroite que les autres !
Des rues pietonnes accueillantes
de rues piétonnes accueillantes,
Des animations sur la place centrale
Ce n’est pas carnaval, c’est leur tenue traditionnelle !
Seuil couvert depines de pin comme chez les Tzotziles
Le seuil est couvert d’épines de pin, comme chez les Tzotziles
Decoration interieure riche
La décoration intérieure est plutôt riche, mais la vierge et les saints sont noirs. Le côté rebelle de la ville
Dans la rue cest une autre religion qui sexprime
Dans la rue d’à côté, on utilise la religion outrageusement…
Et vraiment de belles couleurs dans le marche
En fait, la vraie religion ici, c’est la couleur




Nous allons poursuivre toujours plus avant vers l’intérieur du pays, approcher la frontière guatémaltèque, avant de gagner l’inévitable Yucatan. A suivre…

Parcours de Monte Alban a San Cristobal de las Casas
Parcours de Monte Alban a San Cristobal de las Casas

Carte du parcours plus détaillée

76. Autour de Yellowstone

C’est un long parcours qui nous emmènera de Missoula à Laramie en passant par l’exceptionnel parc Yellowstone, les états du Montana, du Wyoming et du Dakota du Sud jusqu’au célèbre Mont Rushmore. Une dizaine de jours intenses et inoubliables.

Missoula et son carrousel solidaire

Cette attraction est particulière par son histoire : un jour un menuisier du pays est allé voir le maire et lui a dit « I have a dream… » Il a proposé en fait de construire un carrousel pour la ville, à la seule condition qu’on lui promette que le manège ne sera jamais vendu ou déplacé. La ville a accepté, et désormais tout le monde se plaint du grincement infernal du manège, de la musique lancinante du limonaire, des enfants qui tombent ou qui se plaignent de violents maux de tête peu après avoir chevauché l’engin… Non non je blague, tout le monde est ravi, les enfants vont tous bien, le carrousel est magnifique et décoré dans les moindres détails y compris le bâtiment qui l’abrite. Ce qui est surtout marquant, c’est que la générosité de l’homme qui avait un rêve s’est étendue comme par contagion à une grande partie de la ville. Plusieurs milliers de personnes ont ainsi donné un coup de main pour que le projet se réalise, aussi bien pour sculpter et peindre les chevaux, carrosses et autres figurines que pour restaurer et remonter pièce par pièce le mécanisme que le menuisier avait récupéré, ou encore lever les fonds nécessaires aux travaux. Près de 100 000 heures de travaux bénévoles ont été comptabilisées. Le carrousel de Missoula est en service depuis 1995. 4000 volontaires se déclarèrent encore présents en 2001 lorsque le projet se présenta de construire un jardin d’enfants en forme de dragon juste à côté. Avec autant de bras, il ne fallut que 9 jours pour le montage. Un bel exemple de solidarité.


Nuit en forêt près de Garnet

C’est véritablement notre emplacement nocturne préféré car nous y avons en général une paix royale. Les forêts sont loin d’être toutes accessibles, souvent privées ou alors non équipées de voies de circulation. Mais aux USA, les forêts nationales relèvent du domaine public. Il suffit de les repérer sur la carte quand les emplacements de choix n’ont pas déjà été repérés par d’autres voyageurs sur les applications comme iOverlander. On nous demande parfois si nous ne craignons pas pour notre sécurité d’être autant isolés. Mais nous avons plutôt la sensation inverse. Tant mieux, il en faut pour tout le monde !


Garnet, le village fantôme

Vers 1890, des prospecteurs ont découvert de l’or dans la région, attirant de nombreux chercheurs, et, chose inhabituelle, leurs familles. La ville de Garnet a poussé comme un champignon, hébergeant jusqu’à 1000 personnes vers 1895, et disposant alors de 4 magasins généraux, 7 hôtels, 13 saloons, 3 écuries, 2 barbiers, 1 médecin, 1 école, 1 boucher et 1 boutique de confiseries (des familles vous dis-je). Pourtant, rien de tout cela n’a fait long feu. Les filons ont commencé à s’épuiser vers 1900, les exploitants ont commencé à louer à des gogos leurs mines en déclin, et les familles sont parties peu à peu. En 1905, il ne restait plus que 150 habitants. En 1912 un grand incendie en a encore chassé un grand nombre et le peu qu’il restait a été enrôlé dans la 1ère guerre mondiale. Même si la ville a connu quelques réveils provisoires par la suite, elle a fini par s’éteindre et est aujourd’hui abandonnée. Bien entendu, les autorités ont saisi le filon et tentent de maintenir en état les différents bâtiments pour la préservation de l’histoire, ce qui nous permet de les visiter aujourd’hui. Une poignée de baraques en bois dont une partie du mobilier est restée en place, suffisamment pour que l’on s’imprègne de l’ambiance de l’époque. Un petit sentier parcourt aussi la zone minière où l’on trouve du matériel abandonné et des puits de mine condamnés par sécurité mais dont rien que l’entrée en dit long sur les conditions de travail de l’époque.


Nuit au camping, près de Townsen

Après avoir traversé les jolis paysages du Montana, moyennes montagnes recouvertes d’une herbe jaune qu’on croirait sèche et parsemées de quelques sapins, ou champs ondulés de céréales à perte de vue, nous cherchons comme chaque soir un coin tranquille pour dormir. Nous avions repéré un camping gratuit près de la ville de Townsen, mais en faisant le tour de cet emplacement pourtant sympathique, nous découvrons que le seul occupant, une caravane sans son véhicule tracteur, est équipé d’un groupe électrogène en fonctionnement. Pas du tout envieux de supporter cela toute la soirée et encore moins la nuit, nous filons un peu plus loin. Comme il est déjà tard, nous nous rabattons sur un petit camping tout proche, dénué de tout personnel comme nous en avons déjà vu (on met le paiement dans une urne à l’entrée). Pas de groupe électrogène cette fois, mais un groupe de tondeuses à gazon entourant Roberto. Relativement silencieuses, ces vaches noires ne nous laisseront que quelques bouses avant de s’éloigner et nous permettre une nuit paisible.


Allez les bleus !

Sur une colline bordant l’autoroute qui mène à Three Forks dans le Montana, on peut apercevoir un troupeau de chevaux semblant brouter tranquillement l’herbe jaune du coin. Tout de même, quelque chose cloche : ces chevaux semblent d’une taille quelque peu inhabituelle et, si leur crinière vole au vent, eux-mêmes sont immobiles. Qui plus est, en se rapprochant un peu, on distingue une couleur bleutée. S’il est possible de s’arrêter sur un petit terrain vague bordant l’autoroute, rien ne permet d’approcher davantage le troupeau. Il faut sortir les jumelles pour apprécier les 39 sculptures en métal prenant des positions aussi diverses que réalistes, et s’apercevoir que la couleur bleutée est celle de taches peintes sur chaque « animal ». Renseignement pris, il s’agit de l’œuvre d’un artiste local à qui une entreprise de céréales a offert un sommet de colline qu’elle ne pouvait sans doute cultiver. Et il parait que les vrais chevaux bleus, ça existe. Pas comme les éléphants roses.


Il nous en a fait voir de toutes les couleurs

Je parle bien sûr de cette merveille qu’est le parc de Yellowstone. On entre ici dans la cour des grands question parc naturel, le plus ancien du monde d’ailleurs car il a été créé en 1872. Pour les passionnés de thermalisme que nous sommes, c’est un grand waouh toutes les 10 minutes. Nous sommes en effet dans l’immense cratère d’un volcan dont la dernière éruption date de 620 000 ans, gardant depuis une activité géothermique intense. On voit des fumeroles partout, des lacs d’eau ou de boue en ébullition, et bien sûr des geysers. Les 2/3 des geysers du monde sont ici ! Le tout est joliment dispersé, comme si cela ne suffisait pas, dans un décor montagneux époustouflant, grandiose et diversifié. Ce qui a marqué le plus notre première journée, ce sont les couleurs magnifiques des différentes sources que nous avons rencontrées, liées aux micro-organismes qui parviennent miraculeusement à vivre dans ces eaux très chaudes (le record est à 240°C !). Paradoxalement, plus la couleur est froide, plus la température de l’eau est élevée.

A noter que nous avons fait la rencontre d’une famille française ayant tout quitté il y a 4 mois pour partir vivre au moins un an leur rêve de parcourir l’Amérique du Nord. Bien qu’ayant beaucoup voyagé avec nos enfants, nous n’avons jamais dépassé les 2 mois et demi de voyage continu, aussi nous ne pouvons qu’être admiratifs. Leur aventure est très bien racontée sur leur compte Instagram @lilybaroud, n’hésitez pas à jeter un œil.


Yellowstone J2

Ce grand parc mérite au moins 3 jours de visite, davantage si l’on souhaite parcourir d’autres sentiers que ceux qui se présentent tout le long des routes principales pour aller voir les points d’intérêts classiques. Ce qui n’est déjà pas si mal : rien qu’en empruntant ces sentiers, pour la plupart des passerelles en bois pour éviter de s’enfoncer dans les boues très chaudes, nous avons parcouru aujourd’hui 11 kilomètres. Comme hier, nous sommes allés d’émerveillements en émerveillements. Difficile de se lasser devant ces panaches de vapeur qui parsèment l’horizon, ces bassins en ébullition entourés de couronnes multicolores, ces fontaines crachotantes issues de cônes aux formes improbables et cette odeur de soufre omniprésente. Nous avons pu voir ce jour deux des attractions majeures du parc : le fabuleux Grand Prismatic Spring, un lac d’eau thermale formant une sorte de grand œil bleu entouré d’un halo de dégradés oranges du plus bel effet, et le célèbre geyser Old Faithful, dont l’intérêt réside surtout dans la fréquence relativement rapprochée et régulière des éruptions. C’est en conséquence autour de lui que l’on a construit toutes les infrastructures du sud du parc, comme les hôtels, les restaurants, les boutiques de souvenirs et bien entendu le centre des visiteurs. Les horaires probables des éruptions y sont annoncés, mais qu’on ne s’y trompe pas, les fourchettes sont assez larges. Ainsi, pour l’Old Faithful qui jaillit en moyenne toutes les 90 mn, la prochaine éruption était annoncée entre 13h40 et 14h (le spectacle a démarré à 13h40, mieux valait ne pas être en retard), tandis que pour le suivant, le Riverside geyser, c’était entre 15h05 et 16h35 (demandant donc un peu plus de patience). Pour d’autres geysers, l’intervalle entre deux éruptions est annoncé comme pouvant varier entre quelques heures et …quelques années ! Nous avons joué la simplicité en nous contentant de voir l’Old Faithful expulser 20 000 litres d’eau bouillante à une trentaine de mètres de hauteur, pendant environ 2 minutes. Confiants dans les organisateurs, nous n’avions même pas pris de parapluie !

Dans la série des rencontres, nous avons fait connaissance avec 2 autres familles de voyageurs français, chacune avec 2 enfants, parties pour un an à la conquête de l’Amérique du Nord et de l’Amérique centrale et complètement conquises par l’expérience. Ceux qui rêveraient d’en faire autant pourront se délecter de leurs aventures sur leurs comptes Instagram @prenezlapause et @nous_5_en_amerique.


Le zoo-camping du parc

Le camping sauvage étant interdit dans tout le parc, nous avons passé la nuit dans l’un de ses « campgrounds ». Les installations sanitaires sont basiques, limitées à des wc et lavabos, mais sans douches. Les emplacements sont par contre agréables avec, comme la plupart du temps en Amérique du Nord, table de pique-nique et foyer de cuisson individuels. Partout des panneaux préviennent de la présence fréquente d’animaux sauvages, ours et bisons entre autres. Nous n’aurons pas eu l’honneur de leur visite, mais en quittant le camping le matin nous sommes tombés sur ce cerf qui broutait tranquillement dans les allées, entre deux caravanes.


Gris et pastel

Troisième et dernier jour à Yellowstone. Nous commençons notre visite le matin par un secteur de géothermie boueuse. Ici, les sources dégagent volontiers de l’hydrogène sulfureux que des bactéries vont transformer en acide sulfurique, capable de dissoudre les roches autour et formant donc de la boue. Dès l’approche de la zone, bien avant de voir ces chaudrons bouillonnants, on sent bien l’odeur caractéritique d’œuf pourri et on entend les échappées de vapeurs, les bruits d’ébullition, et les bulles qui éclatent à la surface. Des geysers de boue, heureusement pour nous non actifs actuellement, ont aspergé puis grillé toute la végétation alentour, créant une grande clairière gris-blanc au milieu de la forêt. Le dernier bassin de boue que nous verrons n’est plus gris mais jaune. C’est de l’acide sulfurique presque pur, avec un pH proche de 1. Il est 10 fois plus acide que le jus de citron par exemple. A ne surtout pas consommer, même avec modération !

Nous traversons ensuite des plaines à bisons (une bonne cinquantaine étaient présents) pour rejoindre le grand canyon de la rivière Yellowstone, l’un des fleurons du parc. Long de 30 km, large de 500 à 1200 m, profond de 300m, il est le résultat de 600 000 ans d’érosion par la rivière et les conditions climatiques. Les parois abruptes où pas grand-chose ne pousse ont pris de jolies couleurs pastel, jaune pâle, vieux rose ou ocre. De frêles colonnes et murs rocheux s’avancent ça et là, procurant un bel effet de relief. Au bord des falaises, que nous avons longées à pied, des arbres au bord du vide exposent leur racines nues tout en s’accochant désespérément avec les autres. Le spectacle est vraiment spendide.


Le rodéo de Cody

Nous quittons Yellowstone en fin d’après-midi, avec l’impression d’avoir vécu quelque chose d’exceptionnel. Heureusement, la jolie route qui sort du parc nous permet une transition en douceur, tout comme celle qui mène ensuite à Cody, bordée de hautes falaises rougeâtres. Cody s’ennorgueillit d’être la capitale mondiale du rodéo, et comme nous n’avons jamais vu ce genre de manifestation, nous nous garons près de l’arène et attendons l’ouverture. Jusqu’à fin août, un show a lieu chaque soir à 20 heures. Nous arrivons en avance pour avoir les meilleures places, juste devant les stalles de départ, d’où nous pouvons assister aux préparatifs. Les cow-boys en tenue complète se bandent le bras qui tiendra le harnais (pour les chevaux) ou la corde (pour les taureaux) et l’entourent d’une attelle. Ils portent des gilets de maintien et des petits coussins protégeant la nuque. Manifestement, ça va être éprouvant pour les articulations. Pour l’épreuve sur les taureaux, ils troqueront en outre leur chapeau pour un casque intégral. Pendant ce temps le public s’installe. Les porteurs de chapeaux, de blousons et bottes en cuir sont nombreux. La musique country diffusée par les haut-parleurs donne l’ambiance. Vers 20h un animateur prend la parole, qu’il partagera avec un clown placé, lui, sur la piste. Les épreuves s’enchaînent, sous les cris et encouragement des spectateurs. D’abord rodéos à cru sur chevaux, puis attrapage de veaux au lasso, en individuel ou en équipe, rodéo sur chevaux mais avec selle, course de vitesse avec obstacles et enfin l’épreuve reine, le rodéo sur des taureaux déchaînés où, je crois, le meilleur a tenu 12 secondes. Du beau spectacle et une ambiance typique far-west.

Fatigués de cette grande journée, nous ne chercherons pas bien longtemps un endroit pour passer la nuit : un supermarché Walmart est à deux pas. Pas très glamour mais il fera l’affaire. D’autant que le frigo est vide, nous serons sur place pour les courses du lendemain.


La ville de Buffalo Bill

Si le rodéo est si légendaire à Cody, c’est bien bien grâce au créateur de la ville, William Frederick Cody. Son nom ne vous dit sans doute rien parce qu’il ne s’est appelé comme ça que jusqu’à l’âge de 23 ans où il abattit en une journée 69 bisons dans une sorte de concours stupide avec un autre éclaireur de l’armée qui lui n’en tua « que » 46. A partir de ce jour peu glorieux, mais qui pourtant suscitait l’admiration des gens d’alors, on l’appela Buffalo Bill. Quasiment autodidacte puisqu’il entra dans la vie active dès ses 10 ans, à la mort de son père, il fut particulièrement entreprenant tout au long de son existence. Cavalier et tireur émérite, acteur dans l’âme, il lança à l’âge de 36 ans, en 1882, le Wild West Show, un grand spectacle composé de numéros variés faisant tous l’apologie de la conquête de l’ouest. On y voyait des démonstrations de tir de précision, des courses de chevaux, des scènes de chasse avec de vrais bisons, des attaques de diligences, des batailles historiques et des scènes de la vie quotidienne. Buffalo Bill y participait en personne, aux côtés d’invités célèbres comme Calamity Jane ou le chef indien Sitting Bull. Le succès fut retentisssant et la troupe partit en tournée nationale puis européenne, avec une logistique remarquable pour l’époque. Buffalo Bill créa aussi la ville de Cody et fit beaucoup pour développer ses infrastructures. Nous n’avons pas résisté au plaisir de déjeuner au restaurant de SON hôtel. Ambiance typique garantie pour un prix étonamment raisonnable (15€ le buffet du midi).

Un excellent article sur le Wild West Show ici


Cinq pour le prix d’un

Le Buffalo Bill Center of the West est le centre culturel de Cody.5 expositions sont rassemblées dans même bâtiment, avec un billet d’entrée valable 2 jours, ce qui nous a été fort utile. La première est bien sûr dédiée au héros de la ville, tandis que les autres sont consacrées à l’histoire naturelle de la région, aux indiens des plaines, à l’art régional et aux armes à feu. Cette dernière, exceptionnelle, expose 5200 pièces sur les 7000 en possession du musée. Elle semble parfaitement à sa place ici au Wyoming, l’un des états ayant la plus forte proportion de détenteurs d’armes à feu (60% contre 5% pour le Delaware et 33% en moyenne aux USA)


La Tour du Démon

Après avoir de nouveau traversé des paysages superbes, nous arrivons à la Tour du Démon, une étonnante formation rocheuse qui ne ressemble à rien de ce qui l’entoure. Comme une dent qui aurait poussé au milieu de la campagne. En s’approchant un peu, on aperçoit des rayures verticales qui, avec la forme générale en tronc de cône, donnent à la chose l’apparence d’un cannelé bordelais géant. Inévitablement, on se demande comment elle est arrivée là. Au Visitor Center, les hypothèses vont bon train. On parle d’abord d’une origine extra-terrestre. Dailleurs, un alien est exposé à l’entrée, comme s’il avait été capturé puis empaillé en guise de preuve. Plus loin, on affirme, photo et gravure 3D à l’appui, qu’une ourse immense aurait tenté de grimper au sommet de la montagne où s’était réfugié un groupe d’Indiens, provoquant les profondes rainures avec ses griffes, en glissant. La bête ayant échoué, le lieu est devenu sacré pour les tribus du coin. Après, il y a les scientifiques qui ont forcément une explication : de la lave aurait trouvé son chemin il y a 60 000 ans (facile l’hypothèse, il n’y a plus personne pour témoigner) dans des couches sédimentaires, que la rivière autour aurait ensuite érodées. La lave elle-même en séchant lentement aurait produit ces jolies colonnes polyédriques. Pas facile de savoir qui a raison. Moi j’aime bien l’histoire de l’ourse, et vous ?


Nous passons la nuit à l’orée d’une forêt près du site, évitant volontairement le camping au pied de la tour. Pas seulement en raison du risque d’éboulement mais aussi parce qu’ils diffusent encore chaque soir le film Rencontres du 3ème type. Encore qu’avec en fond le décor qui a inspiré Spielberg ce pourrait être amusant.


Des têtes bien faites

Nous poussons jusqu’à l’état du Dakota du Sud pour rendre visite au monument le plus emblématique des USA après la statue de la liberté: le Mont Rushmore. Les têtes des plus méritants présidents du pays gravées dans le granit attirent chaque année plus de 3 millions de visiteurs. Initialement, ce devaient être des personnages célèbres de l’Ouest, mais le sculpteur Gutzon Borglum en a décidé autrement. Vu que l’oeuvre est très connue, je ne vais pas trop faire le savant, mais je vous propose un petit jeu : parmi les affirmations suivantes, une seule est fausse, laquelle ?

  1. Le sculpteur a été formé en France
  2. Les nez des portraits sont de la même taille que Roberto
  3. L’une des têtes a dû être déplacée
  4. Un portrait féminin devait être ajouté mais cela n’a pas pu se faire faute d’argent
  5. Trump a demandé à ce que son portrait soit ajouté
  6. Une sculpture concurrente, plus grande, est en cours de réalisation sur une montagne proche
  7. Aucun décès n’a été à déplorer pendant le chantier
  8. Le sculpteur était membre du Ku Klux Klan

La solution en commentaire dès 5 réponses obtenues


A point ou bien cuits ?

De passage dans la ville de Hot Springs, nous n’avons pas résisté au plaisir de nous plonger dans les eaux bien chaudes d’un établissement local comportant plusieurs piscines ouvertes entourées de jardins. Rompant ainsi avec la frustration de n’avoir pu nous baigner dans les sources (trop) chaudes du parc Yellowstone. Un délice.


Nous sommes repassés maintenant dans le Wyoming et venons d’arriver à Laramie. Le voyage se poursuit sereinement. Pas d’incident mécanique à signaler, Roberto est bien vaillant, savourant sans doute comme nous le plaisir de découvrir la suite. Comme vous aussi j’espère.

67. La route du bout du monde

Après une dernière étape sur la rive gauche du Saint-Laurent, effectuée sur un zodiac à la recherche des baleines, nous avons embarqué avec Roberto sur un ferry pour rejoindre l’autre rive et gagner la Gaspésie, une région peu peuplée mais très nature du Québec. Et là, nous sommes véritablement allés jusqu’au bout du monde !

Aileron aileron petit patapon

Nous attendions un peu plus de cette sortie à la rencontre des baleines aux Escoumins, à côté de Tadoussac. Nous avions misé sur une navigation en zodiac, avec un nombre limité de personnes, au lieu du gros bateau chargé de centaines de touristes. Nous avions le temps pour nous : un grand soleil après une journée de pluie et de brume. Nous étions au bon endroit, là où la concentration des cétacés est la plus forte. Notre seul point faible était la saison, qui débutait seulement, avec un pic en nombre et en variété de mammifères marins survenant seulement deux mois plus tard. Est-ce pour cette seule raison, mais le bilan après 2 heures de navigation était plutôt mitigé : 3 têtes de phoques et une trentaine de nageoires dorsales de petits rorquals aperçues, surgissant à la fois lentement et furtivement hors de l’eau avant d’y replonger. Et sans grand spectacle puisque cette espèce ne saute pas et n’expose pas sa nageoire caudale en plongeant. Serions-nous devenus difficiles ?
P.S. Sauriez-vous dire à quel adverbe de ce texte correspond le mot « patapon » du titre ?


Les chemins de traverse

Ça nous rappelle le bon temps de la Norvège : depuis que nous longeons le fleuve Saint-Laurent, nous sommes amenés régulièrement à prendre le ferry, soit pour traverser le fleuve lui-même, avec un parcours d’autant plus long que l’on s’approche de son embouchure, soit pour traverser des affluents. Le Québecois, hostile par nature aux anglicismes, déteste le mot ferry-boat et préfère parler de traversier, voire de traverse ou à la rigueur de bac. Les petits traversiers sont fréquents et souvent gratuits, l’occasion de réaliser des mini-croisières pour pas cher. Dès que le trajet s’allonge, la fréquence se ralentit, la réservation devient nécessaire et le type de véhicules transportables varie. C’est ce que nous venons en tout cas de découvrir au retour de notre sortie baleines. Nous souhaitons maintenant gagner la Gaspésie, de l’autre côté du Saint-Laurent. Et là, pas question comme jusqu’ici de se présenter simplement à l’embarcadère. Il nous faut réserver. Nous cherchons d’abord sur le site de la compagnie locale (nous sommes aux Escoumins) qui nous apprend que le seul traversier du jour est déjà parti. Deux départs sont prévus demain mais il faut créer un compte pour réserver en ligne. Nous cherchons alors si le port suivant, à une quarantaine de kilomètres, aurait des départs pour ce soir. Mais là, fin de non-recevoir, leur traversier n’accepte pas de véhicule de plus de 2,40m de hauteur et nous faisons 2,55m. Même en dégonflant les pneus, ça ne passera pas. Nous revenons donc sur le premier site et créons notre compte, validons notre mail pour être autorisés enfin à réserver en ligne. Mais notre catégorie de véhicule n’apparait pas dans la liste et le site nous renvoie à une réservation classique par messagerie. Heureusement, après une trentaine de minutes et quelques échanges de mails et de documents, nous sommes confirmés pour le départ du lendemain à 13h. Ouf ! Sinon la traversée a été plutôt tranquille. Nous avons juste craint à l’embarquement que le nombre impressionnant de véhicules qui attendaient sur le quai ne rentreraient pas tous dans cet assez petit bateau, mais ça s’est bien passé. Le personnel a dû être sélectionné à l’embauche sur son habilité au jeu de Tetris.



Le canyon de la descente aux enfers

Pour une fois, je n’ai pas trafiqué le titre, c’est bien comme ça que s’appelle ce canyon. Avec tel nom, difficile de résister à la tentation d’aller jeter un œil. J’ai tout de même pris la précaution de vérifier que la balade ne commençait pas avec un gros élastique attaché autour des chevilles, on ne sait jamais. J’ai aussi consulté la météo, car, il faut bien le dire, le temps nous joue des tours au Québec, nous faisant jongler entre des jours ensoleillés très chauds et des jours de pluie froide et continue. Nous adaptons dans la mesure du possible nos trajets à ces conditions, privilégiant les activités abritées les jours de pluie, comme le roulage, les courses, les musées, et les sorties en extérieur les jours secs. Et là, après une grosse journée et demi pluvieuse, on nous annonçait une après-midi ensoleillée. Alors nous avons rejoint ce canyon en empruntant des routes assez limites, soit asphaltées mais défoncées, soit en terre mais à la surface plus régulière. L’impression d’aller au bout du monde. Après, ce fut une belle balade en forêt, bien aménagée avec de nombreuses passerelles et des centaines de marches, longeant d’abord le fameux canyon sur un parcours en balcon magnifique, avant de le traverser sur une passerelle suspendue 60 mètres au-dessus du torrent, pour redescendre au niveau de celui-ci par un escalier de 300 marches qui longe de près un torrent tumultueux. Nous aurions mis 5 étoiles à la balade s’il n’y avait pas eu la malchance des 51% et les maringouins. Je m’explique. La météo avait prévu un temps relativement sec, avec juste un risque de pluie estimé à 51% entre 14 et 15h. L’incertitude s’est faite en notre défaveur et nous avons dû sortir nos parapluies tout le long du chemin du retour. Quant aux maringouins, nom local pour les moustiques, c’est la plaie estivale du Canada. Nous n’en avons encore que rarement souffert car l’été n’est pas encore vraiment commencé mais nous craignons que le phénomène ne s’amplifie au cours des mois qui viennent. Mais nous redoutons encore davantage les « frappe d’abord », des insectes genre mouches noires agressives qui vous tombent brutalement dessus et repartent après vous avoir arraché un bout de chair. Paraît-il. Nous vous dirons plus tard s’il existe une autre descente aux enfers que celle du canyon !


Criss quels sacres !

Au Québec on ne jure pas, on sacre. Les deux termes viennent d’ailleurs de la religion, comme une grande partie de ces sacres. Cela vient de l’époque où la religion était un peu trop présente et sacrer était une occasion de contourner cette domination. C’est totalement différent des jurons anglo-saxons et à moindre degré européens qui eux tapent presque tout au-dessous de la ceinture. Pratiquement tous peuvent s’utiliser comme interjection, adjectif, verbe ou même remplacer une personne. Ils expriment généralement la colère, le mécontentement, l’indignation ou la surprise. Ils peuvent aussi renforcer le mot ou la phrase en cours, voire être cumulés pour décupler leurs effets. Voici quelques-unes de ces expressions dont la plupart sont encore en cours aujourd’hui, avec leur origine et un exemple d’emploi.

– baptême (de la cérémonie) ; Baptême, où sont encore passées mes clefs !
– câlisse (de calice) ; Câlisse que c’est laid ! Es-tu sérieux câlisse ?
– calvaire (de calvaire) ; Y’était beau en calvaire ! (Il était fâché)
– crisse (de Christ) ; Crisse que j’suis content d’être là !
– ostie (de hostie) ; Y’a du monde en ostie au départ de c’traversier !
– maudit (de maudit) ; Maudit démon, le gaz a encore augmenté ! (gaz = essence au Québec)
– sacrament (de sacrement) ; Fous-moi la paix sacrament !
– tabarnak (de tabernacle) ; Il pleut en tabarnak ! Ta-bar-nak, j’en reviens pas !
– viarge (de vierge) ; Bout’ viarge ! (Putain, j’en ai assez !)

On peut aussi cumuler les mots pour renforcer leurs effets. Par exemple, « Crisse de câlisse d’ostie de tabarnak ! » équivaudrait à notre « Putain de bordel de merde ! ». J’ai même trouvé un site qui vous compose un sacre aléatoire de la longueur de votre choix au cas où vous seriez en mal d’inspiration après vous être cogné brutalement votre petit orteil dans un meuble ou après avoir découvert que votre taux de prélèvement à la source venait de doubler.


L’homme qui aimait les vans

Entre les habitants d’une région touristique et les véhicules de loisirs, les relations sont généralement tendues. Les premiers accusent les seconds de saccager leur paysage, tandis que les second accusent les premiers de cracher dans la soupe, de mépriser cette manne touristique qui les fait vivre. De fait, les habitants irrités font pression sur leur mairie pour pondre des arrêtés interdisant le stationnement des camping-cars dans la ville et installent de multiples panneaux ad-hoc. Il faut savoir qu’en France ces panneaux sont illégaux, on ne peut en effet stigmatiser un type particulier de véhicule. Mais les maires le savent bien, et comptent sur le fait que les éventuels verbalisés ne porteront pas plainte. Dans ce cas, après quelques années prévisibles de procédure, l’arrêté municipal correspondant serait annulé …et il suffirait d’en faire voter un autre au contenu légèrement différent pour relancer le cycle infernal.

Mais on ne peut généraliser. Il y a aussi des habitants de zones touristiques qui aiment les véhicules de loisirs. Nous venons d’en rencontrer un. Nous venions de passer devant chez lui pour rejoindre au bout de sa rue en cul-de-sac un parking tranquille figurant dans l’application iOverlander. Constatant que le stationnement était désormais interdit à notre catégorie de véhicules, nous rebroussons chemin. C’est là que notre résident nous arrête gentiment, et nous demande si nous cherchons un stationnement nocturne, parce que si c’est le cas il nous propose la zone gazonnée située entre la route et le fleuve, juste devant sa maison. Adorable, non ? Normand nous explique qu’il a enseigné plusieurs années en France et qu’il a parcouru quelques pays d’Europe en camping-car. Nous lui faisons part en contrepartie de notre parcours. Il nous aide pour nous garer, propose même de déplacer une lourde table de pique-nique et nous demande juste de laisser un peu de place pour un autre véhicule récréatif qui se présenterait. Nous étions comme des rois. Sympas les Québécois !


Il coule son transatlantique pour sa première prise de fonctions

Pas de chance pour ce jeune officier promu commandant du navire Empress of Ireland à l’âge de 40 ans. Un navire réputé plus sûr que le Titanic, équipé contrairement à ce dernier d’un sonar capable de repérer les icebergs et de plus de canots de sauvetage qu’il n’en faut pour embarquer tous les passagers. L’Empress of Ireland avait 192 traversées à son actif et venait de franchir ce 28 Mai 1914 la partie la plus difficile du fleuve St Laurent entre Québec et Pointe-au-Père, celle où l’assistance d’un pilote local est obligatoire. Il s’élançait tranquillement dans la nuit vers la large embouchure qui le menait à l’Océan Atlantique quand le brouillard s’est levé. Malgré les signaux sonores, un cargo charbonnier moitié moins gros que lui est venu percuter notre navire de croisière sur son flanc, créant une brèche de 11 mètres sur 8. Tout aussi réputé insubmersible que le Titanic, l’Empress of Ireland coula en seulement 14 minutes, emportant avec lui 1012 de ses passagers tout en épargnant 465 personnes. Les statistiques sur le taux de survie en fonction de la classe sont édifiantes : 3% seulement des 138 enfants ont survécu, 18% des 717 passagers de 3ème classe, 19% des 253 passagers de 2ème classe, 41% des passagers de 1ère classe …et 59% des 420 membres de l’équipage dont le commandant. Les femmes et les enfants d’abord ? Mon œil !

Le musée qui retrace ce naufrage et tout ce qui l’entoure évoque aussi la recherche de l’épave bien des années après, le pillage en règle dont elle a été victime avant qu’elle ne soit enfin protégée par la loi et l’évolution technologique des moyens de recherche sous-marine.

: Images obtenue par sonars à balayage latéral en 2000 et 2012 (ci-dessus) et par échosondeur multifaisceaux en 2012 et 2013 (ci-dessous), impossibles à obtenir par photographie dans les eaux noires et opaques du fleuve à 60 m de profondeur.)


Quelques objets remontés du fond


Et quelques autres qu’il vous faut retrouver (quiz du jour !). Les résultats sont à la fin du chapitre suivant.


La vengeance du saumon fumé.

Juste avant la ville de Matane, située au confluent d’une rivière à saumons et du fleuve St Laurent, nous nous arrêtons faire quelques emplettes dans une fumerie artisanale réputée de la région. Nous achetons du saumon et du turbot fumés à chaud le jour même. Il vous faudra attendre la dégustation pour avoir notre avis, parce que là c’était plutôt l’heure du thé… Nous poursuivons jusqu’au centre-ville avec l’intention de visiter un centre d’observation du saumon. Nous avions déjà vu ce type d’installation en Norvège, où l’on profite de l’installation d’échelles à saumons, permettant à ceux-ci de contourner un barrage hydro-électrique qui les aurait empêchés de remonter la rivière, pour les observer dans une zone transparente. Mais rien n’est jamais pareil, chaque pays a ses habitudes et nous étions de passage dans la ville au moment des heures d’ouverture. Enfin selon les dires de notre guide car les lieux étaient bien fermés. Les saumons se seraient-ils vengés ?

Résultats du quiz : 1C 2A 3C


Le grand rassemblement

Dans la famille Gagnon ils sont tous artistes. C’est le père, Marcel, qui a commencé à sculpter ces figurines longilignes et à les installer en petits groupes au bord de la plage puis en colonne perpendiculairement à celle-ci, formant une étrange procession qui apparait puis disparait au fil des marées. Son œuvre ne se limite bien sûr pas là, mais l’attraction a attiré pas mal de curieux et a permis à l’artiste puis à sa famille de se faire connaître. La décoration de leur maison vaut également le détour.


Ne tournez plus manège

Le temps gris et pluvieux se poursuit. Il paraît que les Québécois n’ont pas vu de printemps aussi arrosé depuis longtemps, c’est bien notre chance ! Mais nous n’allons pas rester immobiles pour autant. Nous continuons d’aller jeter un œil aux curiosités qui se présentent le long de notre route. Aujourd’hui ce sera une éolienne, mais pas n’importe laquelle, juste l’éolienne à axe vertical la plus haute du monde. La performance est amoindrie par le fait que cette technologie n’a jamais supplanté les éoliennes classiques à 3 pales et axe horizontal. Mais celle que nous visitons était justement un modèle expérimental. Inaugurée en 1987, elle a fonctionné avec efficacité pendant 6 ans avant de tomber en panne. Un truc tout bête, un roulement à la base. Mais dont le remplacement aurait nécessité le démontage total de l’éolienne, avec un coût supérieur à l’installation d’une version classique. Du coup l’installation a été revendue à une société privée pour en faire une attraction touristique. On peut même, en alignant à peu près autant de dollars canadiens que de marches à gravir, grimper le long de son mât presque jusqu’au sommet. Mais elle ne tourne plus et c’est bien triste car c’est un bel objet. Pour finir par une note positive, sachez que c’est un Français, Ernest-Sylvain Bollée, qui a utilisé pour la première fois le mot « éolienne » au lieu de l’horrible expression « pompe à vent » utilisée jusque-là. Et que c’est encore un Français, Georges Darrieus qui a inventé l’éolienne à axe vertical. Bon, d’accord, ça n’a pas super marché, mais quand même !


Un digne repas de fête des pères

C’est dimanche et c’est la fête des pères. Ma chérie m’invite au restaurant. Plus précisément dans une poissonnerie-restaurant car elle sait que je rêve de manger du poisson bien frais à force de côtoyer tous les jours des bateaux de pêche. Je prends une « table d’hôte », c’est comme ça que l’on appelle ici le menu du jour, composé d’une soupe de poissons (avec de gros morceaux dedans, une des meilleures de ma vie), d’un plat de turbot poché (super frais, un régal), d’un café (oui, il est bien arrivé avant le dessert…) et d’une tarte meringuée au citron (pas terrible hélas – eh les pâtissiers français, il y a plein de boulot ici !). J’avais préféré une semaine plus tôt le « pudding chômeur », une spécialité québécoise celle-là. Je vous le mets aussi en photo pour mémoire. Bon, à part le dessert, c’était quand même une bonne expérience, et mes enfants même loin m’ayant témoigné leur amour, j’étais comblé.


Après la grande ourse, l’étoile polaire

L’opérateur-relais de notre forfait Free n’étant pas implanté sur cette côte Nord de la Gaspésie, nous n’avons plus de réseau depuis 1 jour et demi. Le temps d’une soirée, ça arrive assez régulièrement lors de nos nuits en spots nature, mais ce n’est pas gênant si le lendemain on peut se reconnecter pour échanger des nouvelles ou préparer la suite de notre voyage. Mais là ça n’est pas qu’une question d’éloignement, même dans les villes nous n’avons pas de réseau. Etonnant pour une région très touristique. En fait, les antennes sont bien là, mais ce ne sont pas celles de notre opérateur. A défaut d’acquérir une carte SIM locale, il nous faut trouver des spots Wi-Fi pour continuer à communiquer. Aujourd’hui ce Musée Exploramer à Ste Anne des Monts tombe à pic. D’abord pour aller l’explorer et apprendre, malgré notre grand âge, encore plein de choses passionnantes, notamment sur la flore et la faune du St Laurent. Et découvrir notamment l’existence de cette étoile de mer dite « polaire » munie de 6 branches et non pas de 5 comme la plupart de ses consœurs. Et, toujours plus fort, on nous a montré sa rare voisine de bassin, une étoile « solaire » cette fois comptant pas moins de 14 bras, tous capables de se régénérer en cas de perte accidentelle ou volontaire. L’animateur nous compte d’ailleurs l’histoire de ce pêcheur qui, lassé de voir ses casiers envahis d’étoiles de mer, décida un jour de systématiquement les couper en deux avant de les rejeter à la mer. La population doubla en un rien de temps…

Bonus (uniquement pour ceux qui ne la connaissent pas) : M. et Mme Létoile-Polaire ont une fille, comment s’appelle-t-elle ? La solution est à l’envers pour que vous preniez le temps de réfléchir : ! rûs neib eronoélE


Je l’ai rêvé, ils l’ont fait !

Au cours de ma vie professionnelle, il m’arrivait, fatigué par des enfants déchaînés qui exploraient véritablement mon bureau pendant la consultation sans que les parents n’interviennent, de rêver à l’installation d’une sorte de clôture électrique préservant ma zone de travail… Je ne l’ai jamais fait bien sûr. Mais le même musée dont je viens de parler n’a pas hésité à franchir le pas, sous couverture de l’expérience scientifique cette fois. Sous un panneau décrivant les décharges électriques puissantes que peut déclencher le contact avec certaines raies, on propose d’expérimenter la sensation en touchant un anneau métallique. Bizarrement, pas un gamin turbulent à proximité ce jour là 😉


Le phare voyageur

Une belle histoire que celle du phare de la Pointe-à-la-Renommée, installé loin de tout à l’embouchure du St Laurent pour en sécuriser l’accès en 1880. On nous raconte d’abord la vie très repliée du gardien et des quelques familles qui s’étaient installées là, devant quasiment tout faire en autonomie, ne pouvant compter que sur un unique ravitaillement annuel. Ce phare implanté en un lieu stratégique a de plus été le premier site d’implantation de la TSF en Amérique du Nord, en 1904, par son inventeur en personne, Guglielmo Marconi. Que ce soit par ses signaux lumineux, sonores ou radio, il a permis de sauver de nombreuses vies, soit en prévenant les abordages soit en facilitant grandement les secours. Sans les échanges TSF entre les techniciens Marconi embarqués à bord du Titanic et ceux de la station de la Pointe-à-Renommée, les survivants du transatlantique n’auraient probablement pas été secourus. Les installations ont joué également un rôle capital pendant les 2 guerres mondiales.

Après 95 ans de bons et loyaux services, le phare a été désaffecté. Et puis démonté et transporté à Québec pour soi-disant le protéger, au désespoir des habitants du petit village pour qui c’était le centre de leur vie quotidienne. Ils allaient même lui rendre visite à la capitale provinciale, c’était un comble ! Un groupe de 3 femmes a bataillé dur auprès des autorités et réussi à faire rapatrier le phare en 1997 dans le cadre d’une réhabilitation de tout le site pour sa valeur historique, et nous permettant d’en profiter aujourd’hui. Des phares qui se déplacent de 1300 km aller et retour, on en compte assez peu!


Le bout du monde

Alors que nous approchons de l’extrémité Est de la Gaspésie, la pluie qui nous avait accompagnés ces derniers jours s’assèche et l’horizon commence à réapparaître. De grandes falaises surplombent la belle route côtière. Je suis surpris d’apprendre qu’il s’agit de la chaîne des Appalaches. N’avions-nous pas déjà côtoyé ces montagnes quelques mois plus tôt en Géorgie, tout près de la Floride ? Eh bien oui, les Appalaches longent toute la côte Est de l’Amérique du Nord, jusqu’au Canada et terminent leur vie en s’enfonçant dans la mer en Gaspésie, dans un site protégé appelé parc Forillon. Une protection qui ne s’est pas faite sans heurts d’ailleurs car bon nombre d’habitants ont dû être délogés lors de la création de cet espace naturel, un souvenir douloureux si l’on en juge par le nombre de mémoriaux qui leur sont dédiés. Mais a posteriori un mal nécessaire pour les générations futures. Nous y parcourons de superbes sentiers longeant une végétation boréale d’un côté et les échancrures du golfe du St Laurent de l’autre, observant au passage de nombreuses baleines. Si l’on y prête attention, il ne se passe guère plus de dix minutes avant d’apercevoir un souffle ou deux. Il ne reste plus qu’à sortir les jumelles et d’observer les cétacés venir respirer trois ou quatre fois à la surface en exposant leur nageoire dorsale avant de plonger la queue en l’air vers les profondeurs. Du grand spectacle. Le plus long des sentiers nous a amenés rien de moins que jusqu’au « bout du monde », le surnom donné au Cap Gaspé, la pointe la plus orientale de la Gaspésie, là où les Appalaches sont englouties par la mer. Et d’ailleurs, savez-vous d’où vient le nom « Gaspésie » ? Du mot « gespeg » en MicMac (le peuple indien autochtone présent avant les français) qui signifie « fin des terres », bout du monde quoi !


Nous sommes donc allés au bout du monde, notre rêve s’est réalisé, notre voyage est donc terminé. Nous sommes très heureux d’avoir pu vivre ces moments intenses et d’avoir pu en partager une partie avec vous. Nous avons vu tellement de choses magnifi… Attendez, Claudie me dit quelque chose. Comment ? Il n’y a pas qu’UN bout ? Ah bon ? Ah mais alors ça ne s’arrête pas là ! Ouf ! Bon eh bien nous repartons pour de nouvelles aventures vers un des autres bouts de ce monde décidément immense, et vous disons à bientôt.