52. On the road again

Roberto est enfin libéré des griffes des douaniers mexicains et cela n’a pas été une sinécure. L’inventaire après la récupération nous a permis de constater par ailleurs qu’un certain nombre d’objets avaient disparu pendant le transport transatlantique, bien plus que nous ne le pensions initialement. Mais notre fourgon lui-même n’a pas été détérioré et c’est avec un grand bonheur que nous avons pu reprendre notre vie itinérante sur les routes du Mexique. On the road again !

Le VIN français n’est pas bon !

Oui je sais, vous n’y comprenez rien, je vais vous expliquer. Après avoir patienté tout un week-end le temps que les douaniers se reposent avant de pondre le rapport sur l’inspection qui autorisera Roberto à sortir, nous attendons le message de notre agent maritime pour nous rendre au port. A 9h30, notre ami Kilian nous indique que lui est déjà là-bas et qu’il n’attend plus qu’un coup de tampon pour partir. Nous en faisons part à notre agent sous forme d’un petit mot qui signifie en gros « pourquoi lui et pourquoi pas nous ? ». La réponse ne se fait guère attendre : « Vous ne pouvez pas sortir, votre VIN n’est pas bon »…

Notre ami Kilian a pris de l’avance sur nous. Il attend son van, celui derrière Roberto

Ne vous méprenez pas, ce n’est pas une insulte à notre boisson nationale, le VIN c’est le Vehicle Identification Number, ou encore numéro de châssis propre à chaque véhicule. Eh bien dans le cas de Roberto, la compagnie maritime a tout bêtement tronqué les 3 premières lettres, coupé le VIN en quelque sorte, ce qui évidemment est insupportable aux yeux de l’administration mexicaine. L’agence nous dit être en contact avec la douane et assure s' »apprêter à envoyer » un mail à la compagnie maritime afin qu’elle corrige le document. Inutile de vous dire notre déception. Nous nous voyons passer encore quelques jours à Veracruz le temps que les échanges de mails et de coups de tampons se fassent.

Nous exprimons tout de même notre mécontentement à la fois à notre agent qui avait en main tous ces papiers depuis plus d’un mois et aurait pu les vérifier, ainsi qu’à notre intermédiaire allemand qui aurait pu lui aussi s’assurer que la compagnie maritime avait la bonne information. Et puis, tandis que Kilian nous annonce qu’il est au volant de son van, dans la file d’attente pour sortir du port – nous sommes tout de même heureux pour lui, nous prolongeons notre chambre d’hôtel d’une journée. En espérant qu’il n’en faudra pas deux ou trois autres. Heureusement, peut-être piqués au vif, les différents intervenants ont apparemment pu corriger rapidement les documents puisque notre agent nous propose vers midi un rendez-vous à 15h pour la sortie du port. Ouf !

Kilian sort du port. Et pourquoi pas nous ?

Le moment venu, l’agent me prend devant l’hôtel et m’emmène de nouveau auprès de Roberto. Nous attendons 45 minutes interminables avant de recevoir la liasse de papiers dûment validés qu’il faudra présenter aux différents postes de contrôle. L’agent m’explique toute la procédure et le chemin pour sortir car il ne pourra m’accompagner jusqu’au bout. Et là je reprends enfin le volant. Un vrai bonheur que de reconduire notre fourgon après tout ce temps. Je suis le parcours indiqué et me retrouve comme prévu dans la longue file d’attente au milieu d’un flot continu de poids lourds. L’avancée se fait au compte-gouttes, c’était prévu, et ce n’est qu’une heure et demi plus tard que je passe enfin les dernières barrières, non sans avoir dû montrer une dernière fois que j’avais un bon VIN derrière le fagot, euh derrière le pare-brise. Un long parcours d’une quinzaine de kilomètres me ramène enfin auprès de Claudie, dont je n’ai pas besoin de vous décrire la joie lors des retrouvailles.

On the road again
C’est enfin notre tour. Pour une fois que je me sens heureux coincé dans une file interminable de poids-lourds !

Protections en vain

Le temps m’avait manqué pour réaliser l’inventaire de nos biens lors de l’inspection des douanes. Bien que j’aie retrouvé la porte latérale de Roberto non verrouillée, l’absence de tout désordre à l’intérieur me laissait supposer qu’à l’inverse du véhicule de Kilian retrouvé sens dessus dessous (voir article précédent) personne n’avait pénétré à l’intérieur du nôtre. Malheureusement, Claudie et moi devons nous rendre à l’évidence, il y a bien eu intrusion et fouille en règle de notre fourgon et, curieusement, pour ne pas dire avec perversité, tout a été remis en place comme s’il ne s’était rien passé. Les serrures des tiroirs et de la porte de la salle de bains ont bien été forcées, les pênes en acier tordus en témoignent. Quelques vêtements ont disparu, un petit couteau, un aspirateur portable, un thermomètre et sûrement quelques autres bricoles dont l’absence se révèlera au moment où nous en aurons besoin.

Malgré la bonne tenue du cadenas qui verrouillait les portes arrière, celles-ci ont pu être entrebâillées en force, suffisamment pour passer la main et récolter ce qui était le plus accessible dans la soute. Une mini-perceuse a ainsi disparu de ma boîte à outils. Ce qui nous amène à nous inquiéter pour notre petit coffre-fort, d’apparence intact et fermé. Nous affichons la combinaison et l’ouvrons… pour découvrir qu’une partie du contenu a également disparu. Pas les lingots, que nous avions gardés avec nous bien sûr 😉, mais quelques objets de valeur indéterminable comme nos anciens téléphones par exemple. Le plus surprenant est qu’ils aient réussi à ouvrir et encore plus à refermer ce coffre sans effraction !

Certes il s’agissait d’un modeste coffre d’hôtel, avec une clef 4 pans pour l’ouvrir en cas de perte du code ou d’épuisement des piles, et aussi une prise USB destinée aux gérants des hôtels. Ont-ils utilisé l’un de ces 2 moyens ??? Cela témoigne en tout cas que nous avons eu affaire à des voleurs expérimentés, pas de simples marins au long cours. Nous allons pousser la société Seabridge qui nous a vendu la traversée à investiguer davantage pour que ces vols à répétition cessent de devenir la règle et ne demeurent pas impunis. Et en parler sur les réseaux sociaux pour inciter les futurs voyageurs à en laisser le moins possible plutôt qu’à tout barricader. Mais nous n’allons pas nous prendre la tête non plus. Le principal est que Roberto n’ait pas subi de dommages et puisse continuer à nous emmener vaillamment là où nous le souhaitons. Notre vie nomade avant tout, le reste n’est que dommages collatéraux. Les risques étaient connus et nous les avons acceptés.


20 pesos le litre d’essence (0,90€), qui dit mieux ?

Nous passons la fin de journée sur le parking d’un supermarché à remettre Roberto en état d’y dormir et bien que nous ayons encore la chambre d’hôtel, nous nous offrons le plaisir d’aller passer la nuit dans notre véhicule favori garé sur la jetée, à 10 mètres de la mer. Quel bonheur ! Le lendemain, nous repassons à l’hôtel prendre nos affaires et quittons pour de bon Veracruz. Non sans avoir fait quelques petits stops dans la banlieue pour refaire le plein de gasoil (un peu plus cher que l’essence, mais à peine : 1 €/l), d’eau (gratuite à la station-service en contrepartie de la visite de notre fourgon) et de denrées alimentaires. Et même faire shampouiner Roberto qui, après ces 6 semaines de voyage, était franchement cra-cra. Lavage « al mano » comme ils disent, à grands coups de seaux d’eaux et de serpillère dans une ambiance de musique latino à tue-tête. Nous n’aurons pas droit à la finition à la brosse à dents, comme la voiture d’à côté, faute peut-être ne de pas avoir payé le supplément adéquat, mais 4 euros pour 50 mn de lavage, c’était vraiment donné ! Après plus d’une heure de route (tout un poème, je vous en reparlerai c’est promis), nous nous garons dans une petite rue du village de Zempoala, tout près de l’entrée d’un site préhispanique que nous visiterons demain.


Zempoala, le « site des vingt cours d’eau »

Au matin, nous sommes réveillés par le soleil qui commence à bien chauffer l’habitacle. Il n’est pourtant que 8 heures. Je descends prendre le frais. Une dame sort de la propriété devant laquelle nous sommes garés et s’approche de moi. J’ai soudain un doute et me dis que nous la gênons, que nous allons devoir déplacer le fourgon. Mais non, c’est tout le contraire, elle me propose de me garer à l’ombre dans sa propriété pour ne pas rester en plein soleil, joignant le geste à la parole en ouvrant largement son portail. Quelle hospitalité ! Je me confonds en remerciements et conduis donc Roberto sous les grands arbres d’un jardin. Il s’agit en fait de la cour d’un petit restaurant, mais rien ne nous est demandé. Nous achèterons tout de même quelques empanadas avant de quitter les lieux en guise de remerciement. Ainsi protégés du soleil, nous partons à la découverte du site qui vient d’ouvrir.

Roberto à l’ombre dans la garderie

En fait, un seul des vingt cours d’eau évoqués dans l’appellation du site est naturel : la rivière qui le traverse. Les autres, ce sont les différents canaux du dense réseau d’irrigation de ce complexe politico-religieux préhispanique édifié vers l’an 1200 par les Totonaques. Ce peuple plutôt pacifique du centre du Mexique vivait d’agriculture, de chasse et de pêche. Ce qui ne l’empêchait pas d’avoir des rites religieux plutôt barbares, du genre sacrifier des esclaves pour les écorcher et se revêtir de leur peau. Brrr ! La table d’exécution est encore là d’ailleurs, et l’herbe y pousse bien… Autour, nous explorons un ensemble de pyramides construites entièrement en galets provenant de la rivière, joints avec un mortier fait à base de coquillages cuits. Nous avons le site pour nous seuls, l’ambiance n’en est que meilleure. Les Totonaques connaîtront leur déclin, comme tous les peuples de cette époque, avec l’arrivée des Espagnols en 1521. Ils crurent un instant s’en sortir en s’alliant avec Hernan Cortes, le grand chef des conquistadores, pour lutter contre leurs ennemis Aztèques, mais l’Espagnol en guise de remerciement détruisit les statues de leurs divinités, obstacles à la christianisation, et leur refila en prime la variole. Les rares survivants se réfugièrent dans la ville voisine et le site tomba dans l’oubli, envahi peu à peu par la végétation. La restauration est en cours depuis une cinquantaine d’années.

En haut : la table des sacrifices – En bas : Je me prends pour un chef Totonaque et grâcie le prisonnier

Un MAX qui assure : 20/20

Cet acronyme est le raccourci du Musée Anthropologique de Xalapa, le second du Mexique, que nous ne voulions pas manquer car le premier, celui de Mexico était fermé au moment où nous y étions. Dans un décor grandiose est exposée une superbe collection d’objets issus des principales civilisations préhispaniques du Golfe du Mexique : Olmèques, Totonaques et Huastèques. Le musée possède notamment la plus grande collection mondiale de têtes géantes Olmèques, pouvant atteindre 3 mètres de haut. Mais aussi une multitude d’autres pièces fabuleuses dont vous n’aurez que quelques exemplaires en photo, une bonne partie du reste étant accessible en visite virtuelle sur le site du musée. La visite se termine agréablement par les jardins, bien entretenus. Nous avons adoré.


C’est le moment de nous quitter, mais pas d’inquiétude, nous en avons encore beaucoup à raconter ! A très bientôt !

49. Orizaba ville magique

La ville d’Orizaba est notre dernière étape avant Veracruz, là où nous devons retrouver Roberto. Elle est située dans une vallée entourée de volcans, dont le point culminant du Mexique : le Pico de Orizaba, 5 747 m d’altitude. Nous arrivons dans la brume, avec une température plutôt frisquette, mais il est déjà prévu que cela se lève dès demain. Tant mieux, nous allons pouvoir profiter de ce « Pueblo Mágico », une appellation qui n’a rien à voir avec Houdini ou Copperfield mais qui est décernée par l’office de tourisme mexicain aux villes « offrant aux visiteurs une expérience « magique » en raison de leur beauté naturelle, de leur richesse culturelle, de leurs traditions, de leur folklore, de leur pertinence historique, de leur cuisine, de leur art et de leur hospitalité ». Plus trivialement autre chose que des plages où s’entasser en buvant de la bière.


« Le dimanche c’est un jour autre. Même le soleil est différent » (Yves Montand)

Puisque c’est dimanche et que nous imaginons que tout sera fermé, et qu’en plus il fait grand beau alors que la météo n’est pas très optimiste pour les jours qui viennent, nous décidons de prendre un peu de hauteur et d’aller observer la ville du sommet de son teléferico, Il nous semble en arrivant aux caisses que la moitié de la ville a eu la même idée que nous. Plusieurs files se font puis se défont, ça resquille un peu, l’organisation parait un peu dépassée, mais nous finissons par monter dans l’une des cabines de 6 places qui, par groupe de 3 s’élèvent vers le Cerro del Borrego (la colliine des moutons), une petite montagne qui surplombe Orizaba de 320 m. Le teléferico a été construit par les étasuniens (ici on ne dit pas américains, ça n’a pas de sens) en 2013, mais les cabines sont françaises, cocorico (pourvu que ça tienne).

orizaba  ville magique

De la plate-forme à l’arrivée, nous avons évidemment un joli point de vue sur les environs et pouvons observer le quadrillage parfait de la ville sur lequel se distinguent ça et là quelques édifices religieux. Un petit sentier relie quelques attractions, dont les restes d’un fort et un petit musée historique qui nous apprend qu’à cet endroit, le 14 juin 1862, lors de l’intervention française au Mexique, une troupe de 150 de nos compatriotes « massacra » 2000 mexicains. Pas cocorico, ça, nous nous faisons tout petits et décidons d’être temporairement suisses si l’on nous demandait d’où nous venions. Au retour tout de même, nous vérifions les informations sur Internet. En fait « seulement » 250 militaires mexicains auraient perdu la vie, dont un certain nombre sous les balles amies ou en sautant dans le vide dans la confusion de cette bataille nocturne. La différence est un peu du même ordre que celle du décompte des manifestants en France, selon que l’on se place du côté des organisateurs ou de celui de la police. Pour les passionnés d’histoire et/ou de stratégie militaire, le récit de la bataille est ici.


Nous redescendons en ville pour flâner en son centre, vers la place principale, un grand jardin bordé par la cathédrale. L’autre moitié de la ville est ici, manifestement. Une personne harangue la foule au micro. Des enfants courent partout. Une vingtaine de stands de cireurs de chaussures est en pleine activité. Des vendeurs de fleurs, d’en-cas ou de confiseries tentent leur chance d’un banc à l’autre. Et les magasins autour de la place sont pour beaucoup ouverts en ce jour du Seigneur. Mais il y a du monde aussi dans la cathédrale, qui n’est pas exceptionnelle. Et aussi dans ce Palacio de Hierro (le palais de fer), un édifice conçu par Gustave Eiffel et acheté par le maire de la ville après l’exposition universelle de 1889 pour en faire (c’est le cas de le dire) une mairie. C’est en fait devenu un musée assez éclectique, exposant d’une salle à l’autre tout aussi bien la géographie locale, l’art préhispanique, les présidents mexicains, les grands scientifiques du monde, un planétarium, que la bière mexicaine et le foot.


« Lundi. Dans les pays chrétiens, lendemain du jour du tiercé » (Ambroise Bierce – Le dictionnaire du Diable)

J’aurais pu choisir en citation « Triste comme un lundi » car ce matin le ciel est tout gris. Toutefois il ne pleut pas et nous partons nous dégourdir les jambes, habillés chaudement car avec l’altitide il ne fait guère plus de 8 ou 10°C dehors. Nous rejoignons le « Paseo del arte », une voie aménagée le long de la rivière qui traverse la ville sur environ 3 km. Sur une bonne portion, les murs sont décorés de fresques. La qualité est variable mais l’ensemble rend bien et l’effort est louable. Vous en retrouverez un certain nombre ci-dessous, commentés ou non.


Nos pas nous amènent ensuite au Jardin botanique, un havre de paix joliment entretenu qui ne figurait pourtant pas dans notre guide papier. Nous nous immergeons dans une volière où circulent librement perruches et perroquets multicolores. Nous visitons la serre à orchidées, décevante par le fait que 3 ou 4 espèces seulement soient en fleurs sur les 1 200 présentes au Mexique, mais bon, quand ce n’est pas la saison… Nous tentons sans succès de nous perdre dans un labyrinthe végétal. Nous traversons un jardin japonais riche d’une cinquantaine de bonsaïs. Nous froissons sous notre nez les feuilles de plusieurs plantes de l’espace médicinal pour en retrouver l’origine (celle surnommée « Vaporub » ne nous laisse aucun doute). Nous rejoignons enfin la sortie sur une passerelle qui serpente entre haies de bambous et sculptures préhispaniques. Un bel endroit.


« Cette semaine, le gouvernement a fait un sans-faute. Il est vrai que nous ne sommes que mardi. » (François Goulard)

La grisaille a évolué en bruine, plus question de sortir sans parapluie, mais une bonne occasion de nous réfugier dans les musées. Ceux-ci sont souvent gratuits au Mexique. Malheureusement cela n’attire pas les foules pour autant, à l’exception peut-être du dimanche. A plusieurs reprises depuis notre arrivée dans le pays nous nous sommes retrouvés seuls à visiter, enfin pas vraiment seuls parce qu’une personne nous surveille dans chaque salle ou encore allume puis éteint les pièces au fur et à mesure de notre passage. Nous commençons par le Musée de l’Art de l’État de Veracruz, dont les façades sont étonnamment décorées de la même façon que l’église qu’il jouxte. Il est principalement consacré aux peintres célèbres de la région, tout en consacrant une salle entière à Diego María de la Concepción Juan Nepomuceno Estanislao de la Rivera y Barrientos Acosta y Rodríguez, qui préféra s’appeler Diego Rivera pour gagner du temps en signant ses toiles. 33 de ses œuvres originales sont exposées ici, permettant d’apprécier l’évolution de l’artiste au fil du temps. Une pièce est aussi consacrée à la construction de la première ligne de chemin de fer reliant Mexico à Veracruz, qui inspira beaucoup les peintres locaux.



Après une pause déjeuner, nous nous intéressons maintenant au musée de l’hôtellerie, installé sur le site où la première auberge du Mexique fut créée le 15 janvier 1525. On y admire les aménagements et les costumes de l’époque puis leur évolution dans le temps, comme ces tenues de « bell-boy », cet ascenseur ramené de New York datant des tout débuts de l’invention, ce vieux standard téléphonique dont on imagine l’ambiance sonore de son utilisation.


« Le conseil des sinistres, c’est le mercredi, le jour des gosses. Ils vont au sable, ils font des pâtés, c’est sympa. Le garde des sceaux est là. » (Coluche)

Mercredi est le jour des enfants peut-être en France, mais pas au Mexique puisque l’école est ouverte ici du lundi au vendredi, et plutôt assez tôt comme dans tous les pays chauds (7-8h à 13-14h, le repas se prenant au retour à la maison). Pour nous c’est jour de transfert puisque nous allons maintenant rejoindre Veracruz. Comme d’habitude, nous nous rendons simplement à la gare routière et prenons un ticket pour le prochain bus disponible. Départ 40 mn plus tard, à peine le temps de grignoter un sandwich. Le trajet de 136 km nous coûte 11 euros et nous prend environ 3 heures. Pas très rapide, mais il y a eu 3 arrêts en route. Une douce chaleur (enfin !) nous attend à l’arrivée et nous rejoignons notre hôtel en taxi pour 2,50€ et laissons généreusement 50 centimes de pourboire. Pas par radinerie mais pour ne pas casser le marché. Nous sommes logés près du port. Nous serons aux premières loges pour voir arriver Roberto. Nous ne sommes pas loin non plus du centre-ville, marqué par une petite place bordée par une cathédrale. Tiens, ça ne vous rappelle pas quelque chose ?



« Si la bourse continue à baisser, vendredi ça va être un jeudi noir » (Jean-Marie Gourio)

Eh bien justement, ça commence presque comme un jeudi noir. C’est aujourd’hui que nous avons rendez-vous avec notre agent portuaire, qui nous a convoqué à l’agence ce jour-là mais sans nous donner d’horaire précis. Vers 8h30, nous sommes prêts à partir tranquillement vers l’agence située à 3 km de notre hôtel. Une petite balade à pied nous fera le plus grand bien. Mais nous recevons un mail de Claudia, la responsable de l’agence, qui nous informe qu’après nous avoir attendus à 8h elle est déjà à la banque (probablement celle où nous devons régler le montant de notre permis de transit), que demain elle ne pourra pas s’occuper de nous, mais que peut-être nous avons encore une chance si nous allons tout de suite à l’agence sinon ce ne sera pas avant mardi (dans 5 jours !). Nous sautons dans un taxi et rejoignons l’agence en 10 mn. Là une autre employée nous prend en charge, photocopie en plusieurs exemplaires nos passeports, visas, carte grise et permis de conduire, puis nous emmène à toute berzingue à la fameuse banque. Une bonne cinquantaine de personnes attendent dehors. Les premiers sont arrivés à 7 heures alors que l’établissement n’ouvrait qu’à 8h30. Nous allons devoir faire preuve de patience.

Le dernier message inquiétant de notre agent portuaire…

Heureusement nous n’aurons pas à faire 3 heures de queue, l’assistante appelle Claudia qui est à l’intérieur avec un autre client et lui passe nos papiers. 20 à 30 mn plus tard, nous sommes invités à entrer, doublant la foule, pour aller à petit guichet apparemment dédié aux fameux permis. L’enregistrement prend du temps, il faut donner notre prochaine destination (on l’improvise car difficile de dire juste « vers le nord »), corriger les erreurs du premier projet qui nous est imprimé (il y en avait une sur mon prénom, une lettre en trop qui pouvait nous bloquer à une douane, on ne rigole pas là-bas) et revérifier la liste de tout ce que contient Roberto, que nous avions établie en anglais mais qui a été traduite en espagnol. Notamment nous avons beaucoup hésité à savoir si nous avions un « gato » ou pas. La seule traduction que nous connaissons pour ce mot est « chat » mais la description de la chose que nous fait l’assistante ne correspond pas. Elle nous fait le geste de soulever. Nous pensons à un toit ouvrant, un lanterneau mais ce n’est pas ça. L’assistante s’aperçoit que nous avons pourtant déclaré ce « gato » dans la liste initiale. Après une double traduction en passant par l’anglais, nous trouvons enfin que ce terme signifie aussi « cric ». Bien sûr que nous avons un cric ! Claro que sí (j’adore cette expression…). Après avoir réglé la somme de 55,68 € à la caisse, là aussi en shuntant la foule, nous voilà munis du précieux sésame : Roberto est autorisé à circuler librement au Mexique pendant une durée de 10 ans. Cela devrait suffire.

El Permiso de Importación Temporal de Casa Rodante, ou permis d’importation temporaire de maison roulante. Pour une voiture ou un fourgon non homologué, nous aurions dû payer une caution de 400$ et n’aurions eu le permis que pour 6 mois.

De retour à l’hôtel, une autre bonne nouvelle nous attend. Nos permis de conduire internationaux établis à Saint-Barth sont arrivés, grâce à l’aide de notre grand copain Laurent. Ils ne sont pas exigés au Mexique, mais seront nécessaires aux États-Unis.


La journée se termine avec Kilian, notre ami néerlandais dont le van fait chambre commune avec Roberto en ce moment et qui est donc venu attendre comme nous la livraison de son véhicule. Nous échangeons nos expériences avec plaisir. J’en profite pour rappeler le blog qu’il partage avec son amie Marcia et leur chat Binkie, accessible ici.

Le palais municipal, sur la place centrale, près duquel nous avons dîné.

Roberto se trouve au moment où nous écrivons, d’après le suivi réalisé sur le site MarineTraffic, quelque part entre les îles Caïman et la pointe du Yucatan. L’arrivée est prévue à Veracruz le 12 février, ou peut-être le 13. Nous devrions pouvoir vous décrire la réception dans le prochain article. D’ici là, nous allons devoir l’assurer, car bien entendu notre assurance française ne va pas au-delà des limites de l’Europe. Nous cherchons une compagnie qui couvre au moins les trois pays d’Amérique du Nord, mais ce n’est pas très simple. Nous vous raconterons. A très bientôt !

Le Yokohama et son passager Roberto en approche

47. Comida mexicana

La comida mexicana, c’est notre pain quotidien si j’ose dire. Car dans l’attente de notre fourgon, nous prenons nos repas à l’extérieur trois fois par jour. L’expression peut se traduire tout aussi bien par gastronomie mexicaine que par nourriture mexicaine selon le contenu de notre assiette. Les adeptes de la street food riche en graisses et féculents trouveront vite leur bonheur, tandis que de notre côté nous sommes encore en recherche d’un peu de subtilité. Mais il est bien sûr trop tôt pour juger, nous sommes encore en phase de découverte et les surprises sont nombreuses.  

¤ La Bufa

La Bufa, c’était le nom du restaurant de notre hôtel à Mexico. Vérifications faites sur mon dictionnaire espagnol-français de base, ça ne se traduit pas par « la bouffe », ce qui aurait pu paraître déplacé pour un restaurant, mais par …rien. A la limite, le verbe espagnol « bufar » signifiant « renifler », l’expression pourrait se traduire par « (quelqu’un) la renifle », mais ce serait encore plus déplacé ! La poursuite des recherches permet de trouver au Mexique une colline appelée el Cerro de la Bufa et dans sa description Wikipédia une traduction aragonaise du mot « bufa » en « vessie de porc », la colline ayant cette forme. Nous voilà revenus à la vraie restauration, et voilà une bonne occasion de parler de nos premières expériences avec la cuisine mexicaine.

El Cerro de la Bufa (près de Zacatecas, Mexique) © wikipedia

¤ Où l’on teste le menu du jour

comida mexicana
Restaurant populaire dans un marché

C’est notre premier jour à Mexico. Alors que nous nous frayons un chemin dans les allées étroites d’un marché, hélés par les commerçants qui veulent chacun nous faire visiter leur boutique, nous débouchons dans l’aire de restauration, plus paisible. Ça tombe bien, c’est l’heure du déjeuner. Les petites échoppes proposent des menus del dia à composition fixe. Prêts à toutes les expériences, nous tentons le coup. Nous passons commande. Pour la boisson, c’est soda ou aqua fresca. Nous choisissons la seconde solution. Claudie demande con gas mais ça fait sourire l’employée. On comprend pourquoi quelques minutes plus tard lorsque, une fois attablés, on nous apporte un broc d’environ 2 litres empli d’un liquide laiteux. Les autres tables ont la même chose d’ailleurs. Nous goûtons. C’est texturé, un peu sucré et la saveur ressemble un peu au Smecta, pour ceux qui connaissent. Bon, on se dit que c’est une façon comme une autre de prévenir la tourista… En fait, nous avons bu une horchata, faite d’eau de riz, de vanille, de lait et de cannelle.

Les plats arrivent. D’abord une sopa de la casa, bouillon de poulet avec des légumes, des cubes de fromage fondu et quelques aromates. Le plat principal arrive ensuite. Nous avons de la chance, c’est le plat national mexicain, le pollo con mole, poulet à la mole, une sauce typique d’ici à base de chocolat, de fruits secs et de piments doux. C’est accompagné sans trop de surprise de riz et d’une purée de haricots rouges. Enfin vient le dessert, une gelée parfumée chimiquement à l’orange. Rien d’extraordinaire sur le plan gustatif, mais il est difficile d’en demander davantage pour le prix : entrée + plat + dessert + Smecta euh boisson à volonté pour 3 euros. Qui dit mieux ?



¤ La Habana

Café La Habana

Après notre expérience du marché, nous souhaitons terminer ce repas par un petit café (dans sa culotte comme ajouterait notre ami Lolo, que nous embrassons). Quelques pâtés de maisons plus loin, nous nous rendons au café La Habana, un lieu empli d’histoire puisque ce serait ici que Che Guevara et Fidel Castro auraient planifié la révolution cubaine et que Gabriel Garcia Marquez aurait écrit une partie de Cent ans de solitude. Nous y dégustons un café « La Habana », servi en 2 parties : une grande tasse emplie de lait mousseux dans laquelle le serveur verse la moitié (sinon ça déborde) du contenu d’une plus petite tasse de café expresso. Il ne reste plus qu’à consommer dans l’ambiance rétro du café, inchangée depuis les années 50 et essayer à notre tour de refaire le monde ou d’écrire un nouveau paragraphe de ce blog (restons modestes !). Pour la petite histoire, le café nous a coûté presque le prix du menu du jour dans le marché. Mais pour avoir peut-être été assis à la place des célébrités ci-dessus, c’était donné !


¤ Y’a pas d’heure

Nous avons eu à plusieurs reprises la surprise de nous voir proposer la carte des petits-déjeuners alors que nous nous attablions à la terrasse d’un restaurant après l’heure de midi. C’est qu’ici, tout est quelque peu décalé par rapport à nos habitudes européennes. Le petit-déjeuner se prend entre 8h et 13h – parfois même jusqu’à 16h comme sur l’ardoise ci-dessus, le déjeuner entre 14h et 16h30, tandis que le dîner ne vient guère qu’entre 21h et 22h. Mais à vrai dire, on peut manger un peu n’importe quand, il n’y a qu’à traverser la rue comme dirait l’autre


¤ Les petites envies

C’est la traduction du mot antojitos qui désigne tous les en-cas que l’on peut se faire servir à toute heure dans les nombreux étals de rue ou les restaurants, au gré des petites faims. La base de tout est la tortilla, une petite galette de maïs, plus rarement de blé, que l’on va garnir de mélanges divers. Simplement pliée en U, c’est le taco que tout le monde connaît. Fermée aux extrémités, c’est un burrito. Poêlée ou grillée, c’est une  quesadilla. Légèrement frite et recouverte d’une sauce, c’est une enchilada. Davantage frite au point de devenir croquante, c’est une tostada. En empilement alterné avec des couches de fromage, c’est une sincronizada. Lorsque le contenu est coupé en longues lamelles, une fajita, etc. Parmi les autres petites envies, on trouve aussi les tortas ou cemitas, sortes de sandwiches préparés dans un petit pain blanc, les tamales, où la farce est enveloppée et cuite dans des feuilles de maïs, les chicharrones, sortes de beignets croustillants faits de peau de porc. Les variantes sont tellement nombreuses qu’il est parfois difficile de s’y retrouver !



¤ Les faux amis

L’expérience de l’agua fresca qui n’avait rien à voir avec l’eau fraîche (voir ci-dessus) n’a pas été unique. Nous nous sommes aussi fait surprendre avec le sope qui n’est pas du tout une soupe mais un taco frit, tandis que le menudo au contraire est bien une soupe (aux tripes et au piment, miam) et non pas un menu. Nous avons aussi évité de justesse le serrano, un piment force 6 loin du jambon montagnard que nous connaissons. Et loin de l’usage que l’on pourrait imaginer, le jamaïca est une …boisson à base d’hibiscus.


¤ Les desserts

A la fin du repas, on vient volontiers vous tenter en vous présentant un plateau sous cloche garni de pâtisseries diverses. Nous avons craqué une ou deux fois, avouons-le, mais nous sommes plutôt adeptes des excellentes salades de fruits, parfois garnies de yaourt, de granola ou de glace. Les pâtisseries dans les boutiques sont particulièrement colorées, mais l’on en trouve aussi qui ressemblent furieusement aux nôtres. Il s’agit peut-être d’un souvenir de cette période d’entre deux guerres (indépendance vis-à-vis de l’Espagne en 1821 et guerre avec les Etats-Unis en 1846) où de nombreux commerçants français – dont des pâtissiers – étaient venus s’installer au Mexique, et qui s’est mal terminée d’ailleurs, justement par la Guerre des Pâtisseries. Les Français, pas très bien vus alors, voyaient leurs boutiques fréquemment pillées. Lorsque le même sort arriva à pâtisserie Remontel en 1832, son gérant réclama, via le gouvernement français, des dommages et intérêts, ce que le Mexique refusa. En réponse, la France organisa en 1838 un blocus naval du port de Veracruz et d’une partie de la côte est du Mexique. Après 11 mois, le gouvernement mexicain fini par promettre de régler la dette, ce qui mit fin au blocus, mais il ne s’en acquitta jamais. Ceci fut un argument pour le déclenchement de l’occupation française au Mexique quelques décennies plus tard, de 1861 à 1867. Tout ça pour des gâteaux !


¤ Chocolatomanie

Dès qu’un musée du chocolat se présente, nous sommes attirés irrésistiblement. Celui de Mexico n’a pas échappé à la règle, d’autant plus que c’est dans ce pays (et dans quelques autres d’Amérique centrale) que le cacao a été découvert il y a plus de 3000 ans. A l’époque, les boissons réalisées avec les fèves comme avec le mucilage servaient aux rituels religieux comme aux mariages, et les fèves elles-mêmes servaient de monnaie d’échange. Avec 100 fèves par exemple, on pouvait acquérir un canoé, pour 3000 un esclave… De nombreuses taxes étaient payées en cacao. Lors de son premier voyage, bien plus tard, Christophe Colomb a complètement sous-estimé l’intérêt des fèves de cacao puisqu’il a jeté par-dessus bord, au moment du retour, tous les sacs qu’on lui avait offerts. Il faudra attendre le second voyage pour que l’Europe puisse enfin en profiter. Le musée fourmille d’infos sur les usages précolombiens du chocolat, expose une belle collection d’objets anciens liés à son emploi et possède une pièce extraordinaire dont les murs en sont entièrement couverts et dont vous pouvez imaginer le parfum. Tout ceci se termine bien entendu par la boutique et par la dégustation d’un bon chocolat chaud assorti d’un gâteau à vous devinez quoi. Miam !




et l’inévitable dégustation !

¤ Nourriture intellectuelle

Nos découvertes gastronomiques ne doivent pas occulter celles de nos visites quotidiennes puisque nomades et explorateurs nous sommes. En voici quelques-unes pour que vous puissiez voyager un peu avec nous.









¤ Nouvelle étape

Nous quittons Mexico pour la ville de Puebla. Le trajet se fera en bus. Nous aurions adoré celui ci-dessus, mais nous devrons nous contenter d’un bus moderne. Il n’a pas été nécessaire de réserver quoi que ce soit, nous nous sommes juste fait conduire à la gare routière dédiée au secteur sud-est. De là des bus partent pour toutes les directions toutes les 20 à 30 mn. Nous avons pris le premier venu, qui nous a conduit en deux heures à Puebla pour une douzaine d’euros. Il a été amusant d’observer le manège du chauffeur qui, après s’être signé deux fois au moment de partir (pas trop rassurant ça…) a salué de la main, un peu comme on ferait les marionettes, la totalité des bus que nous avons croisé !

A bientôt pour la suite et merci de nous suivre !

45. Des chemins séparés

Temporairement, le titre du blog n’est plus d’actualité : nous ne sommes plus ni sur les routes ni avec Roberto, nos chemins s’étant séparés à Anvers. Mais c’est pour mieux se retrouver bien sûr !

Notre envol par étapes vers le Mexique

1. Anvers – Saint-Barthélemy

La baie de Saint-Jean et l’hôtel Eden Rock à Saint-Barthélemy

Pendant que Roberto se gèle les roues sur son quai d’Anvers, nous nous envolons pour les Antilles. Enfin plus précisément vers Saint-Barthélemy, notre île de cœur. Le qualificatif se justifie d’abord par le fait que nous y ayons vécu et travaillé pendant dix très belles années, ensuite parce que nous y avons encore notre résidence principale dont la location nous permet de poursuivre notre voyage, enfin et surtout parce que nous y avons laissé des amis d’exception que nous allons avoir l’immense plaisir de retrouver. Tout en échappant à la morosité climatique et politique métropolitaine : en à peine quelques heures d’avion, le ciel gris devient bleu azur, les arbres décatis retrouvent leurs feuilles, la mer verdâtre reprend sa couleur turquoise, le thermomètre grimpe de 25 degrés, les visages réapparaissent détendus et le ti ‘punch reprend toute sa saveur. Je me demande s’il n’y a pas une relation entre les deux derniers… Quel bonheur en tout cas que de revoir ses amis laissés dix mois plus tôt ! Nous passons de bons moments chez les uns et les autres et retrouvons un peu de notre vie d’antan. Joignant l’utile à l’agréable, nous profitons aussi de l’étape pour régler quelques questions administratives du genre récupérer le courrier en instance, régler le loyer de la boîte postale, commander nos permis de conduire internationaux. Nous jouons aussi les touristes et allons vérifier que la tombe de Johnny est toujours bien visitée dans son petit cimetière de Lorient et que les frites de patates douces sont toujours aussi savoureuses au bar de l’Oubli.


Belle vue le matin au réveil, avec les sucriers venus prendre leur petit-dej.



2. Saint-Barthélemy – Miami

Après une semaine sur place, l’envie de bouger nous reprend. D’ailleurs, des courriels d’American Airlines nous rappellent que nous avons un avion à prendre, ou même deux puisque pour rejoindre Mexico il nous faudra faire étape à Miami. En montrant patte blanche avec un formulaire de santé à remplir en ligne pour l’accès à Sint Maarten, un test antigénique négatif, l’autorisation de voyage Esta plus un autre questionnaire de santé en ligne pour les États-Unis, et enfin deux autres formulaires pour le Mexique. Nous connaissons maintenant nos numéros de passeport et leurs dates d’émission et d’expiration par cœur, les doigts dans le nez pourrait-on dire, l’expression ne convenant toutefois pas aux tests antigéniques. Nous arrivons dans la nuit à Miami et profitons du joli quadrillage étincelant formé par les rues et les avenues. Nous n’avons qu’une journée de visite disponible avant notre dernier avion et portons notre dévolu sur le quartier de Little Havana. Un concentré de la capitale cubaine dans un quartier à l’ouest du centre-ville de Miami. Bus exotiques, fresques murales, joueurs de dominos, enseignes extravagantes, trottoir des célébrités cubaines, un vrai dépaysement qui ravit notre soif de découvertes un peu mise en sommeil depuis un bon mois. De bonne augure pour les prochaines étapes !


Miami scintillante lors de notre arrivée le soir




3. Miami – Mexico

Survol de Miami au départ vers le Mexique

Dernière étape, dernier avion, toujours avec American Airlines qui ne nous laissera pas un souvenir impérissable. Service low-cost à bord, écrans endommagés, l’association des deux laissant toujours planer un doute sur la qualité de l’entretien des avions. Et coup sur coup, la compagnie nous fait poireauter longtemps sur le tarmac. A l’arrivée à Miami, c’était plus d’un quart d’heure d’immobilisation soi-disant pour attendre qu’une porte se libère. Au départ ce matin, il s’est passé plus de 35 minutes entre le repoussage et le décollage. En cherchant une illustration pour mon article, j’ai découvert sur le net qu’American Airlines était coutumière du fait et qu’elle avait même été condamnée à 1,6 millions de dollars d’amende pour rétention abusive de passagers dans leurs avions immobilisés sur le tarmac. Bon, l’important était d’arriver et nous voilà maintenant à Mexico pour de nouvelles découvertes. Hasta luego !


Et pendant ce temps Roberto prend le large…

La croisière de Roberto. On aurait préféré le « Wonder of the Seas » mais il n’était pas dispo avant mars

Avant de quitter les Iles du Nord, nous apprenons enfin que Roberto est bien monté à bord du Yokohama. Nous suivons le navire sur les sites Marine Traffic et Vessel Finder. Ces sites donnent des informations complémentaires. En cliquant sur les liens ci-dessus, vous pourrez aussi suivre le trajet comme nous. Nous savons ainsi que venant de Brème notre cargo spécialisé dans le transport de véhicules, âgé de 22 ans et battant pavillon Singapourien, a passé 2 jours à Anvers avant de partir à Southampton puis au Havre. Au moment de la publication de cet article, il fait route vers Vigo en Espagne. Pour l’instant le Yokohama accuse 2 ou 3 jours de retard mais tout est relatif car les étapes pouvant varier, nous n’aurons l’estimation d’arrivée qu’une fois amorcée la dernière liaison.

La position relevée au 22 janvier sur le site Vessel Finder

44. Ship ship ship hourra !

Nous avons donc décidé de partir vérifier les dires de Christophe Colomb comme quoi il y aurait un autre continent de l’autre côté de l’Atlantique. Nous aurions volontiers fait la traversée ensemble, Roberto et nous, sur la Santa Maria ou un équivalent plus moderne, et vivre en immersion la vie des marins pendant 3 ou 4 semaines, mais d’une part cela ne semble se faire que sur les lignes nord-atlantiques (vers Halifax ou Baltimore) et d’autre part c’est suspendu depuis que le Covid 19-20-21-22 sévit. Nous devrons donc nous séparer de notre fidèle monture – cela va être un déchirement – pendant plusieurs semaines, le temps d’une traversée en cargo jusqu’au Mexique, puisque là est notre destination première aux Amériques. Nous autres humains franchirons l’océan grâce à un autre découvreur de génie, Clément Ader.

Mais revenons au shipping de Roberto, qui devra donc voyager en solo. Une façon de parler puisqu’il partagera sans doute sa cale avec plusieurs centaines d’autres véhicules. Nous avions deux possibilités : soit le mettre dans un container soit le faire voyager en RO-RO. La première solution était la plus sûre en termes de sécurité, puisque nous aurions conduit nous-mêmes Roberto à l’intérieur d’un container scellé puis descellé en notre présence aux ports de départ et d’arrivée. Mais, du fait des dimensions de notre fourgon, il aurait fallu utiliser un container long (40 pieds) et réhaussé (dit « high cube ») et le partager avec un autre voyageur qui aurait fait le même trajet au même moment pour compenser le surcoût important. Le coût très fluctuant de ce type de container et l’éventualité que notre partenaire puisse se désister au dernier moment nous a finalement décidés d’abandonner cette solution. Roberto voyagera donc en RO-RO. Ça sonne bien, non ?

RO-RO ça ne veut pas dire Roberto-Roberto, pas plus que AN-AN ne signifie Anaïs-Anaïs, mais ça veut dire Roll-On Roll-Off. En gros vous laissez votre véhicule clés sur le contact et portes ouvertes aux employés portuaires qui se chargeront de le conduire à l’intérieur du navire puis à l’en extraire, tout en leur signant une décharge de responsabilité en cas de disparition de quoi que ce soit à l’intérieur pendant le trajet. Vous avez tout de suite compris que c’est bien moins sécurisé. Il y a bien une assurance pour couvrir le véhicule en cas de « perte complète », ce qui fait peur, d’autant plus quand on sait qu’un grand navire fait naufrage tous les 3 ou 4 jours dans le monde, mais cette assurance ne couvre pas les bosses ou rayures faites lors du rangement en fond de cale, ni les biens intérieurs. Et malheureusement, dans de telles conditions, les vols et dégradations sont fréquents. Il va nous falloir anticiper et protéger un minimum notre intérieur. D’abord emmener le moins de choses possibles puis sécuriser un peu notre habitacle. Nous avons installé une cloison temporaire entre le poste de conduite et la cabine, des protections en bois à l’intérieur de nos fenêtres, et des serrures sur la porte de la salle de bains et 2 tiroirs. Nous avons aussi rajouté quelques autres éléments de sécurité qu’il ne serait pas opportun de dévoiler dans un blog public. Un grand merci en tout cas à Philippe pour son gros coup de main et son précieux outillage.

Sécurisation des portes arrière

Sécurisation du lanterneau

Installation de la cloison de séparation cabine-habitacle

En pleine concentration bricolistique

Merci Philippe pour ton aide précieuse !

Expédier un véhicule par mer est un rien plus compliqué que d’envoyer un colis par la poste. Le processus commence par la demande de devis auprès d’agences maritimes spécialisées, les compagnies de navires ne traitant pas directement avec les particuliers. Trois agences se partagent le marché européen du transport de véhicules de loisirs, une allemande (Seabridge), une anglaise (IVSS) et une belge (Belgaco). Nous leur avons demandé des devis en indiquant les dimensions de notre fourgon, la facturation se faisant au mètre cube et non pas au poids. Puis des renseignements complémentaires pour préciser certains détails, notamment sur les frais portuaires pas faciles à comparer d’un devis à l’autre et sur les assurances proposées. La compagnie la moins chère était IVSS, mais il a fallu les relancer à plusieurs reprises pour obtenir devis et renseignements. Belgaco s’est avérée bien plus réactive, avait l’avantage d’être dans le pays de départ, mais imposait un transit par le Panama. C’est donc la compagnie Seabridge que nous avons retenue, un rien plus chère mais offrant l’avantage de la réactivité, de l’ancienneté et bénéficiant d’un bon retour de la part des utilisateurs.

Le port d'Anvers
Le port d’Anvers, d’une mocheté absolue mais incontournable

Aujourd’hui 10 janvier, c’est le jour J pour la dépose de Roberto au port d’Anvers. Après l’avoir briqué comme un sou neuf, rangé tout à l’intérieur pour qu’il apparaisse « comme vide », après avoir vidé les réservoirs d’eau et laissé juste ¼ de réservoir de gasoil, nous traversons l’immense port d’Anvers dans le froid et la grisaille pour rejoindre le point de dépôt. Les formalités sont assez simples, l’inspection du véhicule est quasi inexistante, et déjà on me sépare de Claudie pour aller conduire seul Roberto sur sa zone d’embarquement. Tout cela va finalement trop vite. Je pensais avoir un peu de temps pour fignoler mes protections et mes dernières inspections. Je voulais faire une vidéo de l’intérieur et de l’extérieur du fourgon à toutes fins utiles. Je voulais en quelque sorte dire aurevoir à Roberto avant son long voyage, mais non. La zone portuaire étant sécurisée, il me faut repartir rapidement avec l’employé qui doit me ramener à l’entrée du port. Le temps du trajet, je me dis que j’ai sûrement dû oublier 2 ou 3 bricoles. Ai-je bien éteint le chauffage ? Ai-je bien éteint toutes les lumières ? Une chose est sûre, je n’ai pas oublié de fermer le gaz puisque nous n’en avons pas. En tout cas je rejoins Claudie un peu dépité de cette précipitation.

Il nous reste à regagner l’hôtel que nous avons pris à côté de la gare d’Anvers, afin de rejoindre Paris-Charles de Gaulle demain. L’immense zone portuaire n’étant desservie par aucun transport en commun, nous appelons un taxi qui mettra plus d’une heure à arriver. Il s’est perdu, c’est un comble alors qu’il nous a suffi de taper l’adresse sur Google Map pour trouver l’endroit. Mais il est possible que les taxis n’aiment pas Google Map parce qu’on pourrait croire qu’il fait le boulot à leur place ? Nous profitons de l’attente puis du parcours en taxi pour discuter avec un couple de voyageurs néerlandais venus gentiment déposer un compagnon de traversée pour Roberto. Sur les routes pour une durée indéterminée (comme nous 😉) ils reviennent d’Europe du Sud et partent pour les Amériques via le Mexique, avec leur chat Binkie. Si vous lisez l’Anglais, n’hésitez pas à jeter un œil sur leur site https://gatogoesglobal.com.

Voilà, les dés pour l’Amérique sont lancés. Pendant que Roberto attend sagement son embarquement le 15 janvier sur le Yokohama, lequel devrait rallier Veracruz aux alentours du 14 février après sans doute quelques escales qui nous sont encore inconnues, nous nous envolerons le 12 pour faire un petit coucou à nos amis de Saint-Barth, judicieusement placés sur notre route entre Paris et Mexico City. Nous allons jouer les routards pendant quelques semaines.

Bye bye l’Europe ! (Merci à Max pour les photos)