78. Du Nouveau Mexique à l’Utah

En arrivant au Nouveau Mexique, nous qui pensions être déjà dans le désert le touchons vraiment du doigt, ou plutôt des pneus de Roberto. Mais il s’agit d’un désert coloré, collines jaune-vert parsemées de petits buissons ondulant à l’infini, gigantesques falaises roses faites de couches empilées qui ne demandent qu’à s’effondrer, profonds canyons comme celui du Rio Grande qui ne sont pas dûs à l’érosion mais à l’écartement de plaques tectoniques. Avec 6,7 habitants au Km², les villes sont plutôt rares mais ont un caractère mexicain bien affirmé. Normal puisque c’est le Mexique qui a dénommé la région.


Taos Pueblo, un village figé dans le temps

Le village de Taos Pueblo a été bâti voilà un millénaire, bien avant l’arrivée des colons espagnols, par la tribu des indiens Taos (saules rouges) qui y vit encore, du moins environ 200 de ses membres. L’architecture est particulière à la région, avec des bâtiments rectangulaires aux angles arrondis construits en adobe (mélange de boue et de paille séchée au soleil), souvent sur deux ou trois étages reliés entre eux par des échelles. Afin de conserver les traditions, l’eau courante et l’électricité n’y sont pas installés. L’approvisionnement en eau est assuré par une précieuse rivière qui traverse le centre du village. Le lieu est en grande partie sacré et de nombreuses zones ne nous sont pas accessibles : rues excentrées du village, ancienne église et cimetière, ainsi que toute la montagne en arrière-plan qui serait le lieu de naissance de tous les ancêtres. Mais la partie visitable est tout à fait suffisante pour apprécier l’esthétique et la sérénité du lieu. 19 autres villages indiens de ce type sont encore présents au Nouveau Mexique, mais Taos Pueblo est le plus grand et le seul continuellement habité.

Juste à côté, la petite ville de Taos essaie de conserver les mêmes principes architecturaux, mais le ciment peint a bien souvent remplacé l’adobe et bien sûr l’eau et l’électricité équipent les maisons. Le mélange des styles amérindien, espagnol et anglais lui donne néanmoins un certain charme, attirant pas mal de touristes et un artisanat varié, souvent de qualité.


Chimayo et mes blagues un peu Lourdes

Du temps où elle était occupée par les amérindiens, c’était plutôt une station thermale. Mais lorsque les colons espagnols ont importé (imposé) le catholicisme, les miracles sont arrivés comme par miracle. La terre rouge du coin aurait guéri quelques lépreux, déparalysé des paralytiques, sauvé des tas de gens en fait, comme l’attestent les nombreuses photos de remerciements collées sur les murs et la ribambelle de béquilles suspendues dans une chapelle. Il paraîtrait que pour la Covid aussi ça marchait bien. Nous on avait Raoult, chacun son truc. En tout cas, le succès est tel que la municipalité doit ramener chaque année plusieurs camions de terre pour compenser celle que les fidèles ont emportée avec eux. Je rêve du jour où les emballages plastiques auront un pouvoir guérisseur : les rues seraient d’un propre, mais d’un propre ! Sinon c’était beau et, contrairement aux apparences, je respecte tous ces gens qui se recueillent et prient pour eux-mêmes ou pour leurs proches. Et puis la campagne avec ses falaises roses est superbe.



Santa Fe

Avec ses 2100 m d’altitude, la capitale de l’état du Nouveau Mexique est la plus élevée de toutes les capitales d’état des USA, et sans tricher en plus car elle ne comporte aucun gratte-ciel. De loin, toutes les constructions ont l’air masquées par la verdure. Nous y avons trouvé en conséquence une fraîcheur nocturne bien agréable après les températures élevées de ces dernières semaines.

Architecturalement, elle reprend le style amérindien déjà vu à Taos Pueblo deux jours auparavant : constructions cubiques à bords arrondis, sur plusieurs niveaux décalés, avec poutres apparentes. Mais si les indiens du village en question ont su préserver leurs matériaux (terre argileuse mélangée à de la paille) et leurs traditions (pas d’eau courante, pas d’électricité, transmissions uniquement orales) la grande ville s’est bien entendue convertie au béton et à toutes les commodités modernes (8 heures par jour devant un écran, activité physique sur un tapis, repas livrés par Uber Eat, etc. tout ça grâce à la Santa Fe électricité…). A ce style amérindien s’ajoutent des influences hispaniques (ce sont quand même les Espagnols qui ont créé la ville), mexicaines (Santa Fe a appartenu à ce pays pendant 38 ans mais ont dirait beaucoup plus longtemps), et françaises (juste pour la cathédrale, bâtie par des auvergnats sur le modèle de celle de Volvic, l’eau bénite en moins). Beaucoup d’artistes sont venus s’installer ici, profiter des 300 jours de soleil par an et de la manne touristique hébergée dans les hôtels de luxe.


J’ai pas kiffé Georgia

Georgia O’Keeffe est une peintre américaine de renommée internationale, connue pour ses fleurs et ses paysages peints à la manière « précisionniste », ce qui n’a rien à voir avec l’hyperréalisme, contrairement à ce qu’on pourrait croire et que j’adore. L’artiste ayant fini ses jours à Santa Fe et légué une partie de ses œuvres à la ville, celle-ci reconnaissante lui a ouvert un musée, que nous sommes allés visiter. Claudie a beaucoup aimé, moi pas trop. A vous de juger sur les quelques photos jointes. Il y a quand même quelqu’un qui a payé 44,4 millions de dollars en 2014 pour la grosse fleur blanche sur la dernière photo. Si vos enfants ne savent pas quoi faire plus tard, suggérez-leur de devenir précisionnistes.


Mais j’ai kiffé le folklore

Puisque Santa Fe possède cette réputation artistique, nous en avons cherché une expression peu commune et avons déniché ce Muséum International d’Art Folklorique. Outre des expositions temporaires comme celle sur les démons japonais et cette autre sur le masque anti-covid en tant qu’œuvre d’art, nous avons surtout apprécié l’exposition permanente sur les arts folkloriques rassemblant plus de 160 000 figurines du monde entier. Une vraie caverne d’Ali Baba, on ne savait plus où donner de la tête !



De la bombe, je vous dis !

Je n’avais jamais entendu parler de Los Alamos auparavant. Ça veut dire que finalement ils ont bien fait leur boulot. De garder secret le lieu où ils ont mis au point la bombe atomique. Enfin maintenant c’est public. Pas le laboratoire où ils font encore des trucs louches, mais la salle où ils exposent des maquettes de Little Boy et Fat Man, les tombeurs respectifs de Hiroshima et Nagasaki. En mettant tous les plans pour qu’on puisse en refabriquer une à la maison. Et en plus c’est gratuit. Comme ça on est moins regardants quand ils disent qu’aux endroits où ils ont fait les essais, il n’y a eu aucune conséquence pour les oiseaux, bien au contraire. C’est sûr qu’avec leur 3 becs ils mangent mieux ! Nan, je blague, la dissuasion nucléaire c’est quand même utile. Du moins tant qu’un fou n’en prend pas les commandes.

On apprend aussi quelques anecdotes dans ce lieu chargé d’histoire. Comme celle du navire qui a transporté l’uranium en provenance de Los Alamos qui a été coulé par une torpille 3 jours seulement après la livraison. Où encore celle du photographe qui a pris l’unique cliché disponible du tout premier essai nucléaire, alors qu’il n’était qu’un amateur, chargé par son patron de prendre quelques photos souvenirs des préparatifs. Et enfin le coup de chance de la ville de Kokura, initialement choisie comme cible, remplacée au dernier moment par Nagasaki en raison du mauvais temps. Pensez-y la prochaine fois que vous vous plaindrez de la météo !



Séquence vérité

Si le ciel est souvent bleu sur les photos, c’est qu’il y a un biais de recrutement comme on dit dans les études scientifiques. Si nous sommes plutôt vernis côté météo depuis le début de l’été, on ne peut pas cacher que la grisaille se montre parfois. Mais dès lors que c’est possible, ce sont ces moments que l’on choisit pour faire les courses, les pleins et les vides de Roberto, les lessives, ou tout simplement profiter d’une petite pause. Mais rien besoin de tout ça cette après-midi là, nous avions bien l’intention de visiter ce petit site appelé Chimney Rocks pas trop éloigneé de notre route prévue. Mais le ciel déjà menaçant depuis quelques heures a confirmé nos craintes, et des trombes d’eau se sont abattues sur nous. Attendant l’accalmie sur le parking du site, nous avons vu un ranger venir se garer à côté de nous et nous faire signe d’ouvrir la vitre. Il venait nous informer que la visite du parc était fermée pour aujourd’hui en raison du risque de foudroiement en altitude, mais que nous pouvions venir dans le centre des visiteurs visionner quelques vidéos et explorer l’exposition. Ce que nous avons fait. Dévoué, non, le ranger ? Nous avons suivi ses conseils et appris que ces constructions rocheuses au sommet de la montagne étaient destinées à des observations astronomiques et notamment lunaires. A défaut de pouvoir nous y rendre, nous ne rapporterons que des photos de l’entrée sous la pluie.


Les dessous de table des indiens Pueblos

La région de Mesa Verde, au sud-ouest du Colorado, est un immense plateau recouvert d’une forêt, d’où le nom de « table verte », sillonné de profonds canyons créant autant de falaises de grès abruptes. Les indiens Anasazi puis Pueblos y ont longtemps vécu à sa surface, cultivant leurs champs et récoltant leurs fruits. Pour des raisons diverses, sans doute liées au climat et peut-être à des périodes de guerre, une partie d’entre eux s’est réfugiée vers le 12ème siècle dans de grandes alcôves naturelles au sein même des falaises. Ils y ont élevé des murs, installé des planchers et autres lieux de vie, créant ainsi de vastes bâtisses troglodytes où pouvaient vivre jusqu’à 200 personnes. Ils étaient protégés ainsi, sans doute mieux qu’à la surface, des températures extrêmes des étés et des hivers tout comme des précipitations. Une longue période de sécheresse une centaine d’années plus tard les incita à quitter les lieux et migrer plus loin.

Le parc national ouvert depuis 1906, permet d’observer de loin et de près (en visite guidée uniquement) ces habitations étonnantes. Bien sûr, un bon nombre de randonnées sont aménagées. Nous avons opté pour un parcours de 4 km le long d’un canyon, spectaculaire par son tracé inséré dans les falaises, ses vues vertigineuses et les pétroglyphes à son point ultime.



Il est dans tous ces états

Je veux parler du point géodésique qui se trouve à la jonction de l’Utah, du Colorado, du Nouveau Mexique et de l’Arizona. Au carrefour des 2 axes qui servent de séparation (le 37ème parallèle nord et le 109ème méridien ouest). Au USA on fait simple, on n’y va pas par 4 chemins, si on peut dire. Les touristes viennent en masse s’y faire prendre en photo, mais semblent un peu décontenancé au moment de se positionner. C’est sûr qu’au niveau de l’équateur il n’y a pas de question à se poser : un pied dans l’hémisphère Nord, un autre dans l’hémisphère Sud. Mais là, comment faire avec seulement deux pieds ? A défaut d’y mettre les mains, dans une position peu avantageuse, plusieurs tactiques sont employées : un pied chevauchant deux états, photo en couple procurant l’avantage du bon nombre de points d’appui, ou encore mieux à 4 personne, une dans chaque état. Alors que les boutiques de souvenirs autour exigent encore le port du masque, on est loin ici de la distanciation sociale. Pour la petite histoire, sachez que la position exacte a été déplacée à plusieurs reprises par divers scientifiques coupeurs de cheveux en quatre et reste contestée par certains. En tout cas, c’est le seul endroit aux USA où 4 états de rencontrent en un même point.


Monument Valley

Nous avons eu le plaisir de bivouaquer juste à l’entrée de la vallée, une quinzaine de kilomètres avant le célèbre site, entre deux falaises rougeâtres dont les couleurs se sont enflammées au coucher puis au lever du soleil. Spot gratuit avec table de pique-nique fournie, c’était mieux que collés-serrés dans les campings du parc. Nous avons visité ce dernier en milieu de matinée, alors que le soleil n’était pas encore écrasant et que les touristes étaient encore en nombre raisonnable. Les mots manquent pour décrire cet endroit majestueux où l’on se faufile avec Roberto sur une route en terre entre des rocs montagneux géants aux couleurs rougeoyantes. Les photos parleront mieux que les mots.



Deux ponts trop loin

Après une route fantastique grimpant au flanc d’une falaise et procurant des vues magnifiques, nous parvenons au petit Parc des Ponts Naturels (Natural Bridges National Monument pour les intimes). Une route de 14 km en fait le tour et nous arrête devant 4 ponts, permettant de les observer du sommet et pour les plus courageux de descendre dans le canyon les observer par en dessous. Après la matinée à Monument Valley et compte-tenu de la chaleur de ce milieu d’après-midi, nous avons manqué de motivation pour les deux premiers, situés respectivement à 1 et 3 km de la route, et donc le double pour l’aller-retour. Le troisième nous a paru plus sympathique avec son unique kilomètre retour compris, alors nous sommes allés lui rendre une petite visite. Il nous a offert une arche élégante, bien élancée dans le ciel et semblant assez fragile. Nous avons appris que ces ponts naissent au début d’une boucle d’une rivière, ce qui permet une érosion ciblée au creux de la courbe et la formation progressive d’un trou jusqu’à l’autre côté.


Une journée minérale

Les paysages de l’Utah sont véritablement extraordinaires. Nous avons roulé une grande partie de la journée au milieu de paysages grandioses, montagnes en mille-feuilles minérales ou au contraire en pierres massives que l’érosion transforme en sable pour les premières et en blocs de taille imposante pour les secondes. Les couleurs sont fantastiques, variant d’une région à l’autre entre les gris, les blancs, les jaunes ocre, les mauves et les rouges, sans parler des tons bleutés de certaines parois. Entre les montagnes, des canyons asséchés et façonnés en arabesques ou en champignons par le temps, des couloirs de verdure grâce à l’eau qu’ils recueillent par temps de pluie ou aux rares rivières qui les empruntent, comme le Colorado très boueux à cet endroit. Nous n’avons cessé de nous émerveiller tels des enfants tout au long de la journée et les appareils photo ont bien chauffé. Nous avons terminé par la visite du Capitol Reef National Park, bien dans le ton de ce que nous venions de voir, avec quelques curiosités en plus comme ces pétroglyphes gravés à bonne hauteur sur des falaises. Ce qui les a sûrement préservé du vandalisme dont on a pu constater quelques exemples malheureux au niveau du sol.



Le plus beau des parcs ?

Ce n’est pas nous qui le disons, mais le National Park Service, l’organisme qui gère tous les parcs nationaux des USA. Après chacun en fait son affaire, mais ce Bryce Canyon National Park est véritablement au-dessus du lot et fait partie de nos coups de cœurs de ce voyage. Il s’agit d’un haut-plateau dont l’érosion a créé une multitude de cheminées appelées ici hoodoos. Le phénomène n’est pas unique dans le monde, mais c’est ici qu’il a sa plus forte concentration, rassemblée dans plusieurs zones appelées amphithéâtres. Les multiples tonalités de rose-orangé, la fragilité des édifices, la multiplicité de leurs formes, et leur caractère innombrable en font un spectacle exceptionnel. On commence par les apprécier du dessus, en longeant une falaise, avant de plonger vers leur base, dans des couloirs étroits et impressionnants, afin d’avoir un autre point de vue tout aussi impressionnant du dessous. Tout cela en compagnie de sympathiques chipmunks (de petits écureuils) peu farouches au point de venir tourner autour de vos chaussures. Et bien sûr en compagnie d’autres touristes, mais ce n’était pas le délire non plus. Vraiment un endroit qu’on a adoré.


C’est par ce parc que nous terminons cet article. Il nous reste encore un petit bout d’Utah à parcourir et même encore un parc national avant de rejoindre le Nevada et le célèbre Grand Canyon. Nous allons en avoir encore plein les mirettes et sûrement des choses à vous raconter.

76. Autour de Yellowstone

C’est un long parcours qui nous emmènera de Missoula à Laramie en passant par l’exceptionnel parc Yellowstone, les états du Montana, du Wyoming et du Dakota du Sud jusqu’au célèbre Mont Rushmore. Une dizaine de jours intenses et inoubliables.

Missoula et son carrousel solidaire

Cette attraction est particulière par son histoire : un jour un menuisier du pays est allé voir le maire et lui a dit « I have a dream… » Il a proposé en fait de construire un carrousel pour la ville, à la seule condition qu’on lui promette que le manège ne sera jamais vendu ou déplacé. La ville a accepté, et désormais tout le monde se plaint du grincement infernal du manège, de la musique lancinante du limonaire, des enfants qui tombent ou qui se plaignent de violents maux de tête peu après avoir chevauché l’engin… Non non je blague, tout le monde est ravi, les enfants vont tous bien, le carrousel est magnifique et décoré dans les moindres détails y compris le bâtiment qui l’abrite. Ce qui est surtout marquant, c’est que la générosité de l’homme qui avait un rêve s’est étendue comme par contagion à une grande partie de la ville. Plusieurs milliers de personnes ont ainsi donné un coup de main pour que le projet se réalise, aussi bien pour sculpter et peindre les chevaux, carrosses et autres figurines que pour restaurer et remonter pièce par pièce le mécanisme que le menuisier avait récupéré, ou encore lever les fonds nécessaires aux travaux. Près de 100 000 heures de travaux bénévoles ont été comptabilisées. Le carrousel de Missoula est en service depuis 1995. 4000 volontaires se déclarèrent encore présents en 2001 lorsque le projet se présenta de construire un jardin d’enfants en forme de dragon juste à côté. Avec autant de bras, il ne fallut que 9 jours pour le montage. Un bel exemple de solidarité.


Nuit en forêt près de Garnet

C’est véritablement notre emplacement nocturne préféré car nous y avons en général une paix royale. Les forêts sont loin d’être toutes accessibles, souvent privées ou alors non équipées de voies de circulation. Mais aux USA, les forêts nationales relèvent du domaine public. Il suffit de les repérer sur la carte quand les emplacements de choix n’ont pas déjà été repérés par d’autres voyageurs sur les applications comme iOverlander. On nous demande parfois si nous ne craignons pas pour notre sécurité d’être autant isolés. Mais nous avons plutôt la sensation inverse. Tant mieux, il en faut pour tout le monde !


Garnet, le village fantôme

Vers 1890, des prospecteurs ont découvert de l’or dans la région, attirant de nombreux chercheurs, et, chose inhabituelle, leurs familles. La ville de Garnet a poussé comme un champignon, hébergeant jusqu’à 1000 personnes vers 1895, et disposant alors de 4 magasins généraux, 7 hôtels, 13 saloons, 3 écuries, 2 barbiers, 1 médecin, 1 école, 1 boucher et 1 boutique de confiseries (des familles vous dis-je). Pourtant, rien de tout cela n’a fait long feu. Les filons ont commencé à s’épuiser vers 1900, les exploitants ont commencé à louer à des gogos leurs mines en déclin, et les familles sont parties peu à peu. En 1905, il ne restait plus que 150 habitants. En 1912 un grand incendie en a encore chassé un grand nombre et le peu qu’il restait a été enrôlé dans la 1ère guerre mondiale. Même si la ville a connu quelques réveils provisoires par la suite, elle a fini par s’éteindre et est aujourd’hui abandonnée. Bien entendu, les autorités ont saisi le filon et tentent de maintenir en état les différents bâtiments pour la préservation de l’histoire, ce qui nous permet de les visiter aujourd’hui. Une poignée de baraques en bois dont une partie du mobilier est restée en place, suffisamment pour que l’on s’imprègne de l’ambiance de l’époque. Un petit sentier parcourt aussi la zone minière où l’on trouve du matériel abandonné et des puits de mine condamnés par sécurité mais dont rien que l’entrée en dit long sur les conditions de travail de l’époque.


Nuit au camping, près de Townsen

Après avoir traversé les jolis paysages du Montana, moyennes montagnes recouvertes d’une herbe jaune qu’on croirait sèche et parsemées de quelques sapins, ou champs ondulés de céréales à perte de vue, nous cherchons comme chaque soir un coin tranquille pour dormir. Nous avions repéré un camping gratuit près de la ville de Townsen, mais en faisant le tour de cet emplacement pourtant sympathique, nous découvrons que le seul occupant, une caravane sans son véhicule tracteur, est équipé d’un groupe électrogène en fonctionnement. Pas du tout envieux de supporter cela toute la soirée et encore moins la nuit, nous filons un peu plus loin. Comme il est déjà tard, nous nous rabattons sur un petit camping tout proche, dénué de tout personnel comme nous en avons déjà vu (on met le paiement dans une urne à l’entrée). Pas de groupe électrogène cette fois, mais un groupe de tondeuses à gazon entourant Roberto. Relativement silencieuses, ces vaches noires ne nous laisseront que quelques bouses avant de s’éloigner et nous permettre une nuit paisible.


Allez les bleus !

Sur une colline bordant l’autoroute qui mène à Three Forks dans le Montana, on peut apercevoir un troupeau de chevaux semblant brouter tranquillement l’herbe jaune du coin. Tout de même, quelque chose cloche : ces chevaux semblent d’une taille quelque peu inhabituelle et, si leur crinière vole au vent, eux-mêmes sont immobiles. Qui plus est, en se rapprochant un peu, on distingue une couleur bleutée. S’il est possible de s’arrêter sur un petit terrain vague bordant l’autoroute, rien ne permet d’approcher davantage le troupeau. Il faut sortir les jumelles pour apprécier les 39 sculptures en métal prenant des positions aussi diverses que réalistes, et s’apercevoir que la couleur bleutée est celle de taches peintes sur chaque « animal ». Renseignement pris, il s’agit de l’œuvre d’un artiste local à qui une entreprise de céréales a offert un sommet de colline qu’elle ne pouvait sans doute cultiver. Et il parait que les vrais chevaux bleus, ça existe. Pas comme les éléphants roses.


Il nous en a fait voir de toutes les couleurs

Je parle bien sûr de cette merveille qu’est le parc de Yellowstone. On entre ici dans la cour des grands question parc naturel, le plus ancien du monde d’ailleurs car il a été créé en 1872. Pour les passionnés de thermalisme que nous sommes, c’est un grand waouh toutes les 10 minutes. Nous sommes en effet dans l’immense cratère d’un volcan dont la dernière éruption date de 620 000 ans, gardant depuis une activité géothermique intense. On voit des fumeroles partout, des lacs d’eau ou de boue en ébullition, et bien sûr des geysers. Les 2/3 des geysers du monde sont ici ! Le tout est joliment dispersé, comme si cela ne suffisait pas, dans un décor montagneux époustouflant, grandiose et diversifié. Ce qui a marqué le plus notre première journée, ce sont les couleurs magnifiques des différentes sources que nous avons rencontrées, liées aux micro-organismes qui parviennent miraculeusement à vivre dans ces eaux très chaudes (le record est à 240°C !). Paradoxalement, plus la couleur est froide, plus la température de l’eau est élevée.

A noter que nous avons fait la rencontre d’une famille française ayant tout quitté il y a 4 mois pour partir vivre au moins un an leur rêve de parcourir l’Amérique du Nord. Bien qu’ayant beaucoup voyagé avec nos enfants, nous n’avons jamais dépassé les 2 mois et demi de voyage continu, aussi nous ne pouvons qu’être admiratifs. Leur aventure est très bien racontée sur leur compte Instagram @lilybaroud, n’hésitez pas à jeter un œil.


Yellowstone J2

Ce grand parc mérite au moins 3 jours de visite, davantage si l’on souhaite parcourir d’autres sentiers que ceux qui se présentent tout le long des routes principales pour aller voir les points d’intérêts classiques. Ce qui n’est déjà pas si mal : rien qu’en empruntant ces sentiers, pour la plupart des passerelles en bois pour éviter de s’enfoncer dans les boues très chaudes, nous avons parcouru aujourd’hui 11 kilomètres. Comme hier, nous sommes allés d’émerveillements en émerveillements. Difficile de se lasser devant ces panaches de vapeur qui parsèment l’horizon, ces bassins en ébullition entourés de couronnes multicolores, ces fontaines crachotantes issues de cônes aux formes improbables et cette odeur de soufre omniprésente. Nous avons pu voir ce jour deux des attractions majeures du parc : le fabuleux Grand Prismatic Spring, un lac d’eau thermale formant une sorte de grand œil bleu entouré d’un halo de dégradés oranges du plus bel effet, et le célèbre geyser Old Faithful, dont l’intérêt réside surtout dans la fréquence relativement rapprochée et régulière des éruptions. C’est en conséquence autour de lui que l’on a construit toutes les infrastructures du sud du parc, comme les hôtels, les restaurants, les boutiques de souvenirs et bien entendu le centre des visiteurs. Les horaires probables des éruptions y sont annoncés, mais qu’on ne s’y trompe pas, les fourchettes sont assez larges. Ainsi, pour l’Old Faithful qui jaillit en moyenne toutes les 90 mn, la prochaine éruption était annoncée entre 13h40 et 14h (le spectacle a démarré à 13h40, mieux valait ne pas être en retard), tandis que pour le suivant, le Riverside geyser, c’était entre 15h05 et 16h35 (demandant donc un peu plus de patience). Pour d’autres geysers, l’intervalle entre deux éruptions est annoncé comme pouvant varier entre quelques heures et …quelques années ! Nous avons joué la simplicité en nous contentant de voir l’Old Faithful expulser 20 000 litres d’eau bouillante à une trentaine de mètres de hauteur, pendant environ 2 minutes. Confiants dans les organisateurs, nous n’avions même pas pris de parapluie !

Dans la série des rencontres, nous avons fait connaissance avec 2 autres familles de voyageurs français, chacune avec 2 enfants, parties pour un an à la conquête de l’Amérique du Nord et de l’Amérique centrale et complètement conquises par l’expérience. Ceux qui rêveraient d’en faire autant pourront se délecter de leurs aventures sur leurs comptes Instagram @prenezlapause et @nous_5_en_amerique.


Le zoo-camping du parc

Le camping sauvage étant interdit dans tout le parc, nous avons passé la nuit dans l’un de ses « campgrounds ». Les installations sanitaires sont basiques, limitées à des wc et lavabos, mais sans douches. Les emplacements sont par contre agréables avec, comme la plupart du temps en Amérique du Nord, table de pique-nique et foyer de cuisson individuels. Partout des panneaux préviennent de la présence fréquente d’animaux sauvages, ours et bisons entre autres. Nous n’aurons pas eu l’honneur de leur visite, mais en quittant le camping le matin nous sommes tombés sur ce cerf qui broutait tranquillement dans les allées, entre deux caravanes.


Gris et pastel

Troisième et dernier jour à Yellowstone. Nous commençons notre visite le matin par un secteur de géothermie boueuse. Ici, les sources dégagent volontiers de l’hydrogène sulfureux que des bactéries vont transformer en acide sulfurique, capable de dissoudre les roches autour et formant donc de la boue. Dès l’approche de la zone, bien avant de voir ces chaudrons bouillonnants, on sent bien l’odeur caractéritique d’œuf pourri et on entend les échappées de vapeurs, les bruits d’ébullition, et les bulles qui éclatent à la surface. Des geysers de boue, heureusement pour nous non actifs actuellement, ont aspergé puis grillé toute la végétation alentour, créant une grande clairière gris-blanc au milieu de la forêt. Le dernier bassin de boue que nous verrons n’est plus gris mais jaune. C’est de l’acide sulfurique presque pur, avec un pH proche de 1. Il est 10 fois plus acide que le jus de citron par exemple. A ne surtout pas consommer, même avec modération !

Nous traversons ensuite des plaines à bisons (une bonne cinquantaine étaient présents) pour rejoindre le grand canyon de la rivière Yellowstone, l’un des fleurons du parc. Long de 30 km, large de 500 à 1200 m, profond de 300m, il est le résultat de 600 000 ans d’érosion par la rivière et les conditions climatiques. Les parois abruptes où pas grand-chose ne pousse ont pris de jolies couleurs pastel, jaune pâle, vieux rose ou ocre. De frêles colonnes et murs rocheux s’avancent ça et là, procurant un bel effet de relief. Au bord des falaises, que nous avons longées à pied, des arbres au bord du vide exposent leur racines nues tout en s’accochant désespérément avec les autres. Le spectacle est vraiment spendide.


Le rodéo de Cody

Nous quittons Yellowstone en fin d’après-midi, avec l’impression d’avoir vécu quelque chose d’exceptionnel. Heureusement, la jolie route qui sort du parc nous permet une transition en douceur, tout comme celle qui mène ensuite à Cody, bordée de hautes falaises rougeâtres. Cody s’ennorgueillit d’être la capitale mondiale du rodéo, et comme nous n’avons jamais vu ce genre de manifestation, nous nous garons près de l’arène et attendons l’ouverture. Jusqu’à fin août, un show a lieu chaque soir à 20 heures. Nous arrivons en avance pour avoir les meilleures places, juste devant les stalles de départ, d’où nous pouvons assister aux préparatifs. Les cow-boys en tenue complète se bandent le bras qui tiendra le harnais (pour les chevaux) ou la corde (pour les taureaux) et l’entourent d’une attelle. Ils portent des gilets de maintien et des petits coussins protégeant la nuque. Manifestement, ça va être éprouvant pour les articulations. Pour l’épreuve sur les taureaux, ils troqueront en outre leur chapeau pour un casque intégral. Pendant ce temps le public s’installe. Les porteurs de chapeaux, de blousons et bottes en cuir sont nombreux. La musique country diffusée par les haut-parleurs donne l’ambiance. Vers 20h un animateur prend la parole, qu’il partagera avec un clown placé, lui, sur la piste. Les épreuves s’enchaînent, sous les cris et encouragement des spectateurs. D’abord rodéos à cru sur chevaux, puis attrapage de veaux au lasso, en individuel ou en équipe, rodéo sur chevaux mais avec selle, course de vitesse avec obstacles et enfin l’épreuve reine, le rodéo sur des taureaux déchaînés où, je crois, le meilleur a tenu 12 secondes. Du beau spectacle et une ambiance typique far-west.

Fatigués de cette grande journée, nous ne chercherons pas bien longtemps un endroit pour passer la nuit : un supermarché Walmart est à deux pas. Pas très glamour mais il fera l’affaire. D’autant que le frigo est vide, nous serons sur place pour les courses du lendemain.


La ville de Buffalo Bill

Si le rodéo est si légendaire à Cody, c’est bien bien grâce au créateur de la ville, William Frederick Cody. Son nom ne vous dit sans doute rien parce qu’il ne s’est appelé comme ça que jusqu’à l’âge de 23 ans où il abattit en une journée 69 bisons dans une sorte de concours stupide avec un autre éclaireur de l’armée qui lui n’en tua « que » 46. A partir de ce jour peu glorieux, mais qui pourtant suscitait l’admiration des gens d’alors, on l’appela Buffalo Bill. Quasiment autodidacte puisqu’il entra dans la vie active dès ses 10 ans, à la mort de son père, il fut particulièrement entreprenant tout au long de son existence. Cavalier et tireur émérite, acteur dans l’âme, il lança à l’âge de 36 ans, en 1882, le Wild West Show, un grand spectacle composé de numéros variés faisant tous l’apologie de la conquête de l’ouest. On y voyait des démonstrations de tir de précision, des courses de chevaux, des scènes de chasse avec de vrais bisons, des attaques de diligences, des batailles historiques et des scènes de la vie quotidienne. Buffalo Bill y participait en personne, aux côtés d’invités célèbres comme Calamity Jane ou le chef indien Sitting Bull. Le succès fut retentisssant et la troupe partit en tournée nationale puis européenne, avec une logistique remarquable pour l’époque. Buffalo Bill créa aussi la ville de Cody et fit beaucoup pour développer ses infrastructures. Nous n’avons pas résisté au plaisir de déjeuner au restaurant de SON hôtel. Ambiance typique garantie pour un prix étonamment raisonnable (15€ le buffet du midi).

Un excellent article sur le Wild West Show ici


Cinq pour le prix d’un

Le Buffalo Bill Center of the West est le centre culturel de Cody.5 expositions sont rassemblées dans même bâtiment, avec un billet d’entrée valable 2 jours, ce qui nous a été fort utile. La première est bien sûr dédiée au héros de la ville, tandis que les autres sont consacrées à l’histoire naturelle de la région, aux indiens des plaines, à l’art régional et aux armes à feu. Cette dernière, exceptionnelle, expose 5200 pièces sur les 7000 en possession du musée. Elle semble parfaitement à sa place ici au Wyoming, l’un des états ayant la plus forte proportion de détenteurs d’armes à feu (60% contre 5% pour le Delaware et 33% en moyenne aux USA)


La Tour du Démon

Après avoir de nouveau traversé des paysages superbes, nous arrivons à la Tour du Démon, une étonnante formation rocheuse qui ne ressemble à rien de ce qui l’entoure. Comme une dent qui aurait poussé au milieu de la campagne. En s’approchant un peu, on aperçoit des rayures verticales qui, avec la forme générale en tronc de cône, donnent à la chose l’apparence d’un cannelé bordelais géant. Inévitablement, on se demande comment elle est arrivée là. Au Visitor Center, les hypothèses vont bon train. On parle d’abord d’une origine extra-terrestre. Dailleurs, un alien est exposé à l’entrée, comme s’il avait été capturé puis empaillé en guise de preuve. Plus loin, on affirme, photo et gravure 3D à l’appui, qu’une ourse immense aurait tenté de grimper au sommet de la montagne où s’était réfugié un groupe d’Indiens, provoquant les profondes rainures avec ses griffes, en glissant. La bête ayant échoué, le lieu est devenu sacré pour les tribus du coin. Après, il y a les scientifiques qui ont forcément une explication : de la lave aurait trouvé son chemin il y a 60 000 ans (facile l’hypothèse, il n’y a plus personne pour témoigner) dans des couches sédimentaires, que la rivière autour aurait ensuite érodées. La lave elle-même en séchant lentement aurait produit ces jolies colonnes polyédriques. Pas facile de savoir qui a raison. Moi j’aime bien l’histoire de l’ourse, et vous ?


Nous passons la nuit à l’orée d’une forêt près du site, évitant volontairement le camping au pied de la tour. Pas seulement en raison du risque d’éboulement mais aussi parce qu’ils diffusent encore chaque soir le film Rencontres du 3ème type. Encore qu’avec en fond le décor qui a inspiré Spielberg ce pourrait être amusant.


Des têtes bien faites

Nous poussons jusqu’à l’état du Dakota du Sud pour rendre visite au monument le plus emblématique des USA après la statue de la liberté: le Mont Rushmore. Les têtes des plus méritants présidents du pays gravées dans le granit attirent chaque année plus de 3 millions de visiteurs. Initialement, ce devaient être des personnages célèbres de l’Ouest, mais le sculpteur Gutzon Borglum en a décidé autrement. Vu que l’oeuvre est très connue, je ne vais pas trop faire le savant, mais je vous propose un petit jeu : parmi les affirmations suivantes, une seule est fausse, laquelle ?

  1. Le sculpteur a été formé en France
  2. Les nez des portraits sont de la même taille que Roberto
  3. L’une des têtes a dû être déplacée
  4. Un portrait féminin devait être ajouté mais cela n’a pas pu se faire faute d’argent
  5. Trump a demandé à ce que son portrait soit ajouté
  6. Une sculpture concurrente, plus grande, est en cours de réalisation sur une montagne proche
  7. Aucun décès n’a été à déplorer pendant le chantier
  8. Le sculpteur était membre du Ku Klux Klan

La solution en commentaire dès 5 réponses obtenues


A point ou bien cuits ?

De passage dans la ville de Hot Springs, nous n’avons pas résisté au plaisir de nous plonger dans les eaux bien chaudes d’un établissement local comportant plusieurs piscines ouvertes entourées de jardins. Rompant ainsi avec la frustration de n’avoir pu nous baigner dans les sources (trop) chaudes du parc Yellowstone. Un délice.


Nous sommes repassés maintenant dans le Wyoming et venons d’arriver à Laramie. Le voyage se poursuit sereinement. Pas d’incident mécanique à signaler, Roberto est bien vaillant, savourant sans doute comme nous le plaisir de découvrir la suite. Comme vous aussi j’espère.

75. Retour aux USA

Comme l’éclair

Les passages de frontières doivent être préparés un minimum, ne serait-ce que pour avoir nos différents documents à portée de main alors que la plupart du temps ils sont enfermés dans notre petit coffre et que nous portons sur nous des photocopies. Nous avons fait aussi un peu de vide dans le frigo, les USA étant assez sensibles aux aliments frais. Nous devons enfin prévoir les questions qui vont nous être posées, du genre « Quelle est votre prochaine destination ? » (Difficile de répondre que l’on ne sait pas – ce qui est la réalité quotidienne de notre voyage) ou « Transportez-vous des armes ? » (Surtout se retenir de plaisanter avec le sujet). Notre seule question à nous sera de savoir combien de jours nous seront octroyés sur le visa. Car la règle n’est pas simple et peut être interprétée différemment d’un douanier à une autre. Et comme nous sommes sortis du pays avant la fin des 90 jours, seule la période restante pourrait nous être accordée, ce qui serait une catastrophe (10 jours pour traverser les USA, imaginez !).

Nous voilà fin prêts, nous arrivons à la douane vers 13 heures. Trois files sont disponibles, deux pour les voitures, une pour les camions et « R.V. » (recreational vehicles). Nous empruntons cette dernière. Je tends spontanément nos passeports au douanier, qui nous dit que nous ne sommes pas dans la bonne file, que les R.V. c’est plus gros que ça et que pour lui nous sommes un « van ». J’ai envie de lui répondre que les policiers qui règlent le stationnement en ville pensent autrement mais je me tais. Nous stationnons à l’endroit qu’il nous indique et entrons dans le bâtiment. Une douanière très sympa nous interroge brièvement sur notre parcours, semblant admirative, scanne nos pupilles et nos pulpes de doigts puis nous remet nos passeports. Je vérifie rapidement le tampon : nous sommes autorisés à circuler jusqu’au 12 novembre, soit 90 jours. Yes !

L’opération aura pris 10 minutes tout au plus. Aucun papier n’aura été demandé pour Roberto qui n’aura pas non plus été fouillé. Quand on pense à tous les migrants qu’on aurait pu faire passer ! Je blague bien sûr. Hein, la NSA, je plai-san-te !


Les écluses de Ballard

Nous avons pris la route de Seattle. Dans la banlieue nord, nous nous arrêtons visiter les écluses de Ballard qui permettent de relier les lacs intérieurs de Seattle (Lac Union et Lac Washington) au détroit qui mène ensuite vers le Canada puis l’Océan Pacifique. Les touristes fluviaux sont nombreux et l’écluse est pleine à chaque remplissage, qu’il est toujours amusant d’observer. Quelques otaries se baladent dans les bassins. L’endroit s’appelle aussi la Baie des Saumons, et ce n’est pas pour rien. Nombre d’entre eux repartent vers la mer à cette époque et, comme ils ne sont pas très friands des écluses, où les attendraient d’ailleurs les otaries et les lions de mer, on leur a installé des échelles pour leur permettre le passage. Avec accessoirement une paroi vitrée pour que les touristes viennent les observer sauter de bassin en bassin. Il n’y a étonamment rien de mercantile là-dedans, l’entrée des écluses est gratuite, y compris les documents d’aide, les visites guidées et le tour d’un petit jardin botanique attenant. En fait c’est géré par la Nation américaine. Il faut bien que les taxes que l’on paye sur le gasoil et l’alimentation servent à quelque chose… Nan, en vrai, merci les USA !


Visite de Seattle

En vrai, la capitale de l’état de Washington n’est ni Washington (ça on le savait) ni Seattle (ça on le savait moins) mais plutôt Olympia (qui tire son nom du Mont Olympe que je pensais en Grèce mais qui existe aussi aux USA tout en n’ayant pas eu la faveur des JO d’hiver de 1960 qui ont eu lieu à Squaw Valley pas très loint de là mais en Californie). Nous avons préféré visiter Seattle pour ne pas créer de confusion et parce que le Lonely Planet lui consacre 14 pages contre une seule à Olympia. Bizarre mais ils doivent avoir leurs raisons.

  1. L’aiguille de l’espace

C’est ainsi que s’appelle la tour emblème de Seattle, comme il en existe dans beaucoup d’autres villes. Celle-ci, installée pour l’exposition universelle de 1962, culmine à 184 m. Ce qui est peu par rapport à notre Tour Eiffel, mais dans cette région à haut risque sismique il vaut mieux être prudent. Alors nous n’avons pas hésité à emprunter l’ascenseur qui mène au sommet en 41 secondes. D’abord une plate-forme fixe en extérieur, avec des parois de verre obliques sur lesquelles il faut oser s’adosser pour la photo-souvenir. Ensuite une plate-forme mobile sur laquelle il faut cette fois oser marcher car là c’est le plancher qui est transparent et permet d’observer directement sous ses pieds les microscopiques voitures et piétons se déplaçant bien au-dessous. Le seul plancher transparent mobile au monde parait-il. Et nous étions dessus !


  1. Le jardin de verre de Chihuly

Dave Chihuly est un artiste-verrier local, formé à Murano. Il présente l’œuvre de toute une vie dans une suite de pièces tantôt claires tantôt sombres mais qui attirent chacune un émerveillement renouvelé. Une débauche de couleurs et de formes improbables, de fleurs géantes, de véritables forêts de verres. Alors que l’on croit avec regret la visite terminée, la collection se poursuit, toujours aussi impressionnante, dans une grande serre puis à l’extérieur dans un jardin où le verre sublime les massifs végétaux pour le plus grand plaisir de nos yeux. Une exceptionnelle pépite de Seattle qu’il ne fallait pas manquer.

Tout ça est magnifique… faut-il vraiment des commentaires ?


  1. Troll et bus

Ce titre jouant sur les mots ne sert qu’à accrocher deux curiosités :

La première est un véritable troll, tapi sous un pont de voie rapide, pourrait effrayer les passants qui le découvrent au dernier moment. D’autant qu’en y regardant de près, il broie une coccinelle VW dans sa main. Les explications manquent sur place pour comprendre le pourquoi du comment, mais les trolls c’est comme ça.

L’autre curiosité, c’est un petit groupe de personnages attendant sous un abribus un train interurbain qui ne passera jamais, la ligne étant abandonnée depuis 1930. Ils sont là bien évidemment pour revendiquer la réouverture, mais sans grand succès apparemment. Ce qui est amusant, c’est que le chien qui les accompagne possède, lorsqu’on y regarde de près, des traits humains. Une revanche du sculpteur qui a immortalisé ainsi la tête du maire de l’époque qui s’opposait à l’installation de l’œuvre en ville. Bien fait !


  1. La ruée vers l’or de Klondike

La ville de Seattle, alors peu développée, fut touchée par un incendie géant en 1889 qui détruisit 90% des habitations alors en bois, sans faire de victime. Tout était à refaire. La ville commençait à se reconstruire, en dur cette fois, lorsqu’une seconde catastrophe, financière cette fois, la toucha : le krach de 1893 lié à un mouvement de panique des investisseurs qui voulurent soudain récupérer l’or sur lesquels leurs billets verts étaient basés. C’est dire si l’arrivée au port de Seattle d’un navire ramenant des hommes soudainement enrichis après la découverte d’un site aurifère au Yukon était un espoir pour une grande partie de la population tombée dans la misère. Plus de 100 000 personnes de la région se lancèrent soudain dans l’aventure, la plupart sans avoir aucune idée des difficultés qu’ils rencontreraient : coût élevé d’un voyage où il fallait emmener avec soi 1 an de vivres et matériaux, difficultés inimaginables sur le trajet comportant des mers gelées, des pistes enneigées et pentues et la quasi absence de toute infrastructure, durée très longue puisqu’avec les moyens de l’époque il fallait entre 6 et 18 mois pour parvenir sur les rives de la rivière Klondike, lieu de découverte de la première pépite. Pour les 40% des candidats qui parvenaient malgré tout à Dawson, la ville soudainement créée la plus proche du site aurifère, leur état d’épuisement était tel que beaucoup repartaient dégoutés ou se contentaient d’un emploi subalterne sur place. Seulement la moitié des arrivants partaient réellement chercher de l’or et au final 300 personnes seulement se sont réellement enrichies sur les cent mille partants. Les vrais gagnants, ce sont les commerçants qui ont su exploiter ce filon – c’est le cas de le dire – comme les hôteliers, les vendeurs de nourriture ou d’accessoires, les intermédiaires dans le marché de l’or et, de façon plus générale, la ville de Seattle qui était le vrai centre logistique de l’opération.


Re-verre dans le port de Tacoma

C’est tout près du célèbre port chanté par Hugues Aufray et par moi-même en colonie de vacances – c’est dire si c’est vintage – que Claudie nous a déniché un YAGM (yet another glass museum). Si vous ne savez pas que nous sommes fans de l’art du verre, reprenez la lecture du blog depuis le début 😉. Nous avons trouvé de belles pièces, mais il ne sera pas dans notre top 10. Je vous mets quelques photos pour marquer le coup.

Quelques oeuvres parmi d’autres…


A fond la gomme

Roberto nous a bien roulés, il nous avait caché que ses pneus avant étaient presque lisses. Pour s’en apercevoir, il a fallu un stationnement roues tournées d’un côté, car l’usure se fait au centre. Je ne sais pas à quoi c’est dû. Je pensais à un surgonflage mais la pression est celle recommandée. Le premier jeu avait fini comme ça, après 25 000 km, et là nous en sommes à 50 000. Une certaine règle semble s’installer. Nous trouvons facilement un spécialiste du pneu dans cette grande zone commerciale qu’est la banlieue de Seattle, possédant en stock le modèle que nous souhaitions, ce qui n’était pas donné d’avance avec notre véhicule français. Ce qui est amusant et motive l’écriture de ce chapitre, c’est que l’ouvrier qui a changé les pneus de Roberto s’appelait lui-même …Roberto ! Vous n’aurez pas sa photo car il a refusé mais je vous assure que c’est vrai.


Les chutes sèches

En plein cœur de l’état de Washington, entre les villes de George (on imagine le patronyme à l’origine) et de Coulee City (une coulée est ici un ravin glaciaire), nous sommes presques seuls à suivre cette belle route panoramique n°17 circulant au fond d’un canyon bordé de falaises ocres et abruptes. L’Ouest américain tel que nous l’imaginions. Nous cédons à l’invite d’un panneau à nous arrêter pour observer un point de vue. Et quel point de vue ! Un encorbellement de plus de 5 km de falaises surplombe de 120 m quelques plans d’eau. Aurions-nous l’occasion de nous téléporter au moment ou les cascades se déversaient du haut de ces falaises, il y a vingt mille ans, que nous nous trouverions devant les plus grandes chutes d’eau ayant jamais existé, dix fois la taille de celles du Niagara et dix fois le débit actuel de toutes les rivières du monde réunies. Ça laisse rêveur, mais aussi rageur de ne pas avoir la machine (à téléporter)


Au grand dam

Quelques dizaines de kilomètres plus loin, après avoir longé le lac Bank, une grande retenue d’eau dédiée à l’irrigation de cette région aride, nous parvenons à la 7ème merveille du génie civil américain, le barrage de Grande Coulée. C’est l’une des plus grandes structures jamais construites par l’humanité. Un kilomètre et demi de large sur 170 mètres de hauteur, 12 millions de mètres cube de béton, soit la quantité nécessaire pour fabriquer une route qui relierait Seattle à Miami. Après 8 années de travaux, le barrage (dam en anglais) a commencé à produire de l’électricité en 1942. En raison de la guerre, ce fut sa seule fonction pendant plusieurs années, mais par la suite les aménagements furent complétés pour que l’installation assure aussi le contrôle des inondations provoquées par la rivière Columbia et l’irrigation de la région grâce à la retenue du lac Bank mentionné ci-dessus, entièrement constituée par la station de pompage de l’eau du barrage. En 1967, une intervention audacieuse (il a fallu dynamiter une partie des installations en activité – on parle de chirurgie à la tronçonneuse…) a permis d’installer des turbines complémentaires et de porter ainsi la capacité de production à 21 milliards de kilowattheures d’électricité par an. Le Grand Coulee Dam reste aujourd’hui le premier producteur d’hydroélectricité aux États-Unis.

Nous avons passé la nuit au bord du lac Roosevelt, le lac de retenue du barrage, qui s’étend jusqu’à la frontière canadienne, à plus de 250 km de là. Le ciel du soir n’était pas terrible mais l’aurore était magnifique.


La machine à jeter son argent.

Nous avons trouvé cette étonnante machine dans un centre commercial. Une sorte de grand yoyo noir un peu mystérieux posé perpendiculairement à son axe. Au centre une sorte d’entonnoir dont on ne voit pas le fond. Sur le bord supérieur, deux « lanceurs de pièces » qui envoient la monnaie tourbilloner avant de disparaître à tout jamais dans le trou central. Pour ceux qui ne savent pas quoi faire de leur argent et qui hésitent encore, une plaque les informe qu’ils auront l’énorme avantage de savoir, à condition de jeter plusieurs pièces en même temps, vous saisissez la perversité de la chose, si celle de 2$ disparaîtra avant celle de 1$ ou bien l’inverse. N’ayant pas d’argent à jeter, j’ai tout de même sacrifié une pièce d’1 centime pour prendre la photo, tout en n’essayant pas de la rattraper avant l’issue finale, au risque de paraitre pingre.

J’ai bien regardé, je n’ai pas trouvé de machine similaire pour jeter ses billets, avec qui sait un gros ventilateur et la question de savoir si le billet de 100 s’envole avant le billet de 50. Mais ça ne saurait tarder 😉


Du port au bison

Si ce titre de chapitre vous fait penser par erreur au dernier plat à la mode des anti-vegan, c’est totalement volontaire. Mais il est juste là pour relier le début et la fin de cet article. Après avoir franchi brièvement l’état de l’Idaho (nous y reviendrons dans quelques semaines), nous sommes parvenus à celui du Montana. Pas besoin de vous faire un dessin sur l’origine du nom. Notre première visite est consacrée à un parc de bisons, réserve faunique créée dès 1908 pour tenter de sauver l’espèce quasi-exterminée par les conquérants américains officiellement parce que ces paisibles animaux gênaient la construction de leur chemin de fer et officieusement parce qu’ils étaient la source de vie principale des indiens. Même si la réserve a été lancée sous l’égide de l’état, on sait bien qui a fait pression pour son ouverture et ce n’est que depuis le début de cette année que la gestion en a enfin été confiée aux tribus indiennes Salish et Kootenai qui la revendiquaient depuis plusieurs décennies. Nous sommes contents pour eux.

Environ 500 bisons sont éparpillés dans ce parc de 76 km2, dans lequel on ne peut circuler qu’en voiture sur une route en gravier. Les chances de les trouver paraissent bien minces, mais les gardes du parc renseignent chaque jour la position approximative des différents animaux (aussi des ours, des lynx, des cerfs, des loups, etc.) sur un plan à l’entrée. Les conseils de bison futé en quelque sorte.

Par bonheur, les bisons préfèrent la vie en communauté et quelques groupes sont censés se trouver sur notre route. Nous nous lançons donc à leur recherche dans un décor magnifique, et nous allons effectivement en trouver. Les premiers d’ailleurs sont impossibles à rater puisque, immobilisés au plein milieu de la route, ils provoquent un embouteillage (de 4 voitures, n’imaginez pas la grande foule non plus). Les visiteurs sont sages et respectent bien les consignes, comme ne pas descendre de voiture par exemple. Les américains me semblent à ce sujet plus respectueux que les canadiens qui poursuivent volontiers les ours enfant sous le bras et appareil photo à la main alors que c’est le meilleur moyen de se faire croquer. Bref, nous passons une belle journée et rentrons avec des images de bisons plein les yeux. Et plein la carte-mémoire pour vous en faire profiter.


Cette seconde entrée aux USA nous comble. Le seul bémol est la chaleur qui reste assez élevée en permanence. Nous compensons en nous garant le plus possible à l’ombre et en prévoyant bien le secteur d’apparition du soleil le lendemain matin. Avec la conséquence que nos panneaux solaires fournissent bien moins d’électricité. Si nous roulons une heure ou deux, l’alternateur suffit pour compenser, mais cela n’a pas été le cas à Seattle où nous avons dû surveiller la batterie qui commençait à perdre un peu de tension. Mais tout s’est bien passé, le roulage jusqu’au Montana passant brièvement par l’Idaho lui a redonné son plein d’énergie. Nous venons d’arriver à Missoula. La suite pour bientôt.

71. Traversée du Manitoba

Après les forêts et les lacs de l’Ontario, après la route de Thunder Bay à Kenora, nous abordons les plaines fertiles du Manitoba. D’immenses champs de blé alternent avec ceux de colza formant de superbes damiers jaunes et verts, entrecoupés de lacs. Il y en aurait plus de 150 000 dans cette province grande comme la France mais peuplée comme la moitié de Paris. Autant dire que nous ne la parcourrons pas en long et en large, mais seulement en travers, de sa capitale animée Winnipeg aux « sentinelles des prairies » d’Inglis.


La baie du tonnerre

C’est comme ça que se traduit en français le nom de la ville de Thunder Bay, située à l’extrémité nord-ouest de la partie canadienne du Lac Supérieur. Elle est née en 1970 du regroupement de deux villes plus petites, Fort Williams et Port Arthur et a peut-être été baptisée ainsi en hommage à la montagne sacrée des indiens Ojibwés, la « montagne du tonnerre » ou « thunder mountain ». Les anglais avaient alors préféré donner à la montagne sacrée le nom d’un commerçant en fourrures écossais, histoire d’effacer un peu plus la mémoire des autochtones.

Le Mont McKay est une sorte de cheminée des fées géante, que la coiffe rocheuse protectrice au sommet a protégée de l’érosion. Du coup le massif est maintenant 300m au-dessus de la vallée pour une altitude par rapport à la mer de 483m. Malgré les falaises, on peut gagner le sommet par un petit sentier bien escarpé. Mais la vue du plateau en haut récompense les efforts. C’est aussi devant cette montagne entourée de falaises, au bord d’une rivière assez fréquentée par les locaux, que nous avons garé Roberto pour y passer deux nuits.


Il y a deux siècles, l’activité dominante était la « traite », les indiens venant troquer les fourrures résultant de leur chasse dans le grand Nord contre des biens occidentaux (tissus, armes, ferblanterie, tabac, etc.). Les fourrures étaient ensuite acheminées par canoë jusqu’à Montréal. De là elles étaient expédiées sur de plus gros bateaux vers le monde entier. Toute cette activité se situait au Fort Williams où elle est aujourd’hui très bien mise en scène dans des bâtiments parfaitement reconstitués avec des acteurs costumés qui jouent leur rôle comme s’ils sortaient d’une machine à remonter le temps.



Faites-moi un signe

La poursuite de la route transcanadienne vers l’ouest va comporter de longs trajets où les forêts, les roches sédimentaires et les lacs se succèdent, tandis que les villes se font plutôt rares. Afin que le paysage, même splendide, ne risque pas de tourner à la monotonie, nous nous occupons. Notre activité principale est l’écoute de podcasts, souvent sur les sujets locaux mais pas toujours. J’aime bien aussi lire les panneaux sur le bord de la route. Ils peuvent annoncer des points d’intérêts non mentionnés dans nos guides, mais aussi informer sur les coutumes du pays, ou encore tout simplement donner le nom des voies de circulation. Un panneau indiquant sur ma droite « Yellow Brick Road » m’a tout de suite fait penser à cette chanson d’Elton John. Je n’ai pas eu le temps de le photographier, mais vous trouverez bien cette route sur Google Map du côté de Thunder Bay.

Mais toute occasion étant bonne à saisir, j’ai imaginé un petit jeu consistant à trouver des noms de rues jouant bien sûr sur les mots. Je vous en propose quelques-uns, saurez-vous en trouver d’autres ? Une image avec des panneaux vierges est à votre disposition, vous pouvez aussi metttre vos propositions en commentaires. Allez, soyez créatifs !


Orage ô désespoir

A l’approche de notre dernière ville ontarienne, Kenora, le temps devient orageux avec un ciel vraiment très sombre. Aurons-nous le temps de visiter cette cité touristique basée au bord du Lac des Bois ? Nous nous y aventurons, le parapluie à la main pour Claudie, mes jambes prêtes à courir en ce qui me concerne. En une heure de marche rapide, nous aurons un bon aperçu du centre-ville assez animé malgré le temps menaçant. Au final, le ciel sombre ne rend pas si mal sur certaines photos, mettant en valeur la couleur blanche du navire de croisière qui emporte son lot de touristes sur le lac ou de celle de la flotte d’hydravions plus prudemment restée ancrée au quai. En revanche, les autres clichés, comme celui du brochet géant de 12m de haut censé attesté de la qualité des eaux du lac, ou encore ceux des fresques murales, gagneraient à être plus contrastés.

Et puis la pluie nous a rattrapés. Aucune chance de voir un hydravion décoller devant Roberto. Nous avons repris la route, ça occupe… Avant de quitter l’Ontario, nous nous arrêtons pour la nuit sur une halte routière un peu en retrait de la transcanadienne. Comme d’habitude, il n’y avait que nous …et les moustiques !


Paysages urbains

Après plusieurs centaines de kilomètres dans une nature superbe parsemée de rares villages, nous arrivons dans la province du Manitoba, où se situe le centre longitudinal du Canada. En serions-nous pour autant à la moitié de notre périple canadien ? La suite nous le dira.


Nous arrivons assez rapidement à Winnipeg, la capitale de la province et 7ème ville du pays. Winnipeg, Manitoba, ça fleure bon les racines autochtones, non ? Après avoir traversé la banlieue, dans une circulation dense mais sans embouteillage, nous stationnons pour la nuit et probablement davantage sur le parking de la gare. Si celle-ci est étonnamment déserte, les trains ne manquent pas, transportant principalement des marchandises.


Nous retrouvons donc sans enthousiasme ces côtés négatifs de la ville : bruits en tous genres, des vrombissements des motos aux sirènes des ambulances en passant par les klaxons prolongés des trains, circulation rapide de gens pressés, mendiants ou personnes dans des états seconds, parkings payants, immeubles de béton rarement esthétiques, petit brin d’insécurité, etc.

Mais le positif domine avec les beaux bâtiments au charme suranné du quartier historique, le design des ponts et bâtiments publics, les sculptures au coin des rues, les fresques murales un peu partout, les accueillantes terrasses des cafés devant le « cube », une petite scène en plein centre-ville, un quartier français qui mérite de s’y arrêter, des beaux musées et bien sûr des boutiques qu’on ne trouve pas dans les villages de campagne. Et puis, cerise sur le gâteau, les moustiques semblent avoir déserté. Apparemment, une politique active de la ville en ce sens y serait pour quelque chose.

1. Le centre-ville et le quartier historique


2. La Winnipeg Art Gallery

On y trouve des oeuvres classiques bien sûr, mais ce musée présent depuis 1912 s’est spécialisé dans l’art Inuit et met en valeur parallèlement l’art Métis et ses magnifiques broderies de perles.


3. La cathédrale Saint-Boniface

Saint-Boniface, autrefois ville indépendante, est maintenant un quartier francophone de Winnipeg. Sa cathédrale de 1906 a été ravagée par un incendie en 1968, il n’en reste guère que la façade percée d’un trou béant à la place de la rosace, que l’on a choisi malgré tout de garder. Tout en reconstruisant une nouvelle cathédrale beaucoup plus moderne dans sa sobriété intérieure et le design de ses vitraux.


4. Parc de la Fourche

Il y a 6000 ans, les Premières Nations du Canada se sont installées là, au confluent de la Rivière Rouge et de la Rivière Assiniboine, pour profiter de terres fertiles, d’eaux poissonneuses et de bons moyens de communication avec les régions environnantes. L’état en a fait un lieu historique, l’a aménagé avec de nombreuses oeuvres d’art et y a édifié son Musée des droits de la personne (voir plus loin).


5. The Rolling Stones Unzipped

Cette exposition internationale sur l’inusable groupe de rock nous a consolés de ne pas être en France pour leur tournée mondiale actuelle. Histoire complète, costumes de scène, musicologie, graphisme des pochettes de disques, scénographie, vidéos grand format de concerts. Difficile d’entrer davantage dans les détails, mais vu que c’est international, peut être avez-vous ça à côté de chez vous si vous êtes fan.


Musée canadien des droits de la personne

C’est à Winnipeg une visite incontournable. Ce musée géré par l’état, très réussi architecturalement, a été bâti sur le site où les premières nations autochtones se sont installées avant de devoir gérer l’envahissement par le monde occidental. Même si leurs droits s’améliorent timidement d’année en année, nous sommes loin de l’égalité promue par la déclaration des droits de l’homme dont l’un des premiers rédacteurs était Canadien. Le musée aborde tous les aspects des droits de la personne, d’une manière universelle mais aussi sur ce qui touche particulièrement le Canada. Notamment la lutte pour les droits des autochtones, des femmes, des francophones, des travailleurs. On porte aussi un regard sans concession sur les abominations commises par le pays : déportation des acadiens, internement des canadiens d’origine japonaise, surtaxation des immigrés chinois, refus d’accueillir les juifs pendant la 2ème guerre mondiale, déplacement forcé des Inuits, génocide culturel des autochtones dont les enfants ont été enlevés pour être placés dans des orphelinats pour « effacer l’Indien qui était en eux ». Un étage entier est consacré aux génocides mondiaux, juif, arménien, rwandais, cambodgien, ukrainien, bosniaque et au racisme en général. Heureusement on développe aussi tous les moyens mis pour lutter contre tout ça. Nous y avons passé 4 ou 5 heures sans voir le temps défiler.

A propos du génocide physique et culturel des autochtones dans les pensionnats indiens, lire le bel article de France Info qui vient de paraître, à l’occasion de l’actuelle visite du pape au Canada, venu entre autres y réitérer les excuses de l’église catholique. Cliquez sur ce lien.


Déclarés revenus

Les pélicans blancs d’Amérique étaient en voie d’extinction il y a une vingtaine d’années, essentiellement parce que les humains détruisaient leurs lieux de nidification. Une fois ces zones protégées sur les rives du Lac Winnipeg, ils sont revenus, et en masse qui plus est, pour le plus grand plaisir de nos yeux. Nous les avons trouvés un peu par hasard, en étant garés pour la nuit juste au-dessus de leur plage favorite !


Chasse, pêche, traditions …et camping

Les Canadiens sont férus d’activités à l’extérieur, comme le camping, la chasse, la pêche, la randonnée à pied à vélo ou en kayak, etc. Et pas seulement l’été ! Alors ce magasin Cabela’s doit être leur paradis. Décoré d’animaux empaillés dans tous ses recoins, il semble répondre de A à Z aux besoins de chaque activité. Pour les chasseurs par exemple, outre l’équipement vestimentaire de base, on y trouve des affûts en tous genres, des animaux-cibles équipés de capteurs pour s’entraîner au tir, des appeaux pour toutes les proies possibles, des pièges à ours ou à renard, des sprays pour enlever sa propre odeur, pour en rajouter des trompeuses genre urine de coyote ou d’orignal, de la poudre pour voir d’où vient le vent (si si) et bien sûr toutes les armes possibles et les munitions qui vont avec. J’oublie les arcs, arbalètes et pistolets vendus sous blister. Pour ceux qui dépècent et cuisinent le résultat de leur chasse, des rayons entiers de couteaux, des outils à éviscérer, des machines à fabriquer les saucisses et des barbecues pour les faire griller combleront leur bonheur.


Gimli, capitale de la Nouvelle Islande

Le nom de cette petite ville n’a rien à voir avec le personnage de Tolkien. Il signifie tout simplement « paradis » en langue Viking, car c’est là que se sont installés en 1875 plusieurs centaines d’immigrants islandais, fuyant leur pays en pleine crise économique suite à une éruption volcanique. Le gouvernement a mis à leur disposition des terres sur les rives du Lac Winnipeg. Un petit musée raconte les difficultés des premiers arrivants, la façon dont ils ont bâti toute une vie à partir de zéro, la malchance d’avoir perdu un tiers de leurs effectifs en raison d’une épidémie de variole la 2ème année, puis le développement progressif de la ville, l’intégration choisie au gouvernement Canadien qui leur avait pourtant laissé beaucoup d’autonomie, l’ouverture à d’autre communautés par la suite, ukrainiennes et polonaises en premier. De quoi nous faire réfléchir les jours où l’on trouve sa propre vie difficile.


Le planeur de Gimli

La ville est aussi célèbre pour l’atterrissage d’urgence en 1983 d’un Boeing 767 d’Air Canada sur une piste militaire désaffectée, à la grande surprise des festivaliers qui s’y étaient rassemblés pour suivre une course de dragsters. La surprise était d’autant plus grande que l’avion est arrivé dans un silence total, tous moteurs coupés, en panne sèche en fait. Une bête erreur de conversion de litres en livres. Tout le monde s’en est sorti heureusement. Je vous invite à lire l’histoire en détail ici.

L’expression « to pull a Gimli glider » est depuis utilisée au Canada pour dire « faire une erreur spectaculaire et embarrassante ». Ça fait une belle jambe aux passagers !


Pas que sous les ponts

L’eau est partout ici, ou presque. Elle couvrirait 10% de la surface de la province du Manitoba (contre 0,5% de la France) et plutôt à un niveau assez élevé, ce qui embellit les paysages mais nous cause quelques petits problèmes de fermetures de sentiers de randonnées. C’était le cas pour le parc provincial d’Hecla, dans lequel nous avons simplement dormi et circulé, mais les deux chemins que nous avions envisagés de suivre étaient bloqués par l’eau.


Le lendemain, après un petit tour en voiture jusqu’au bout de la presqu’île, nous avons roulé jusqu’au parc national des Riding Mountains. Pour les mêmes raisons de hautes eaux, la moitié des randonnées étaient inaccessibles, y compris celle qui traversait un parc de bisons, quel dommage. Heureusement, nous avons pu trouver notre bonheur dans les parcours qui restaient. Une jolie balade dans une forêt de bouleaux puis de pin qui s’est terminée sur le ponton d’un petit lac.


Camping 2

Rassurez-vous, je ne vais pas vous raconter le film, encore que ce pourrait être drôle étant donné que je ne l’ai pas vu. Je voulais juste vous parler de notre seconde nuit en camping depuis le début de notre circuit au Canada fin mai, ce qui nous fait une moyenne d’une nuit par mois. Et c’est généralement parce que nous ne pouvons pas faire autrement. La première fois, c’était à Percé en Gaspésie. Toutes les villes de cette côte très touristique interdisaient le stationnement nocturne, même sur des parkings ordinaires. L’exceptionnel camping sur la falaise devant le rocher percé et les baleines nous a rapidement convaincu de ne pas chercher très loin un emplacement ce jour-là. Et aujourd’hui, le motif principal est le remplissage de nos réservoirs d’eau. La plupart du temps, c’est assez facile de trouver de l’eau, mais là, avec les villes très éloignées les unes des autres, nous arrivions au bout de nos 200 litres. Les campings au Canada sont pourtant en général plutôt cool, avec des emplacements spacieux, relativement privatisés, et quasi toujours munis d’une table de pique-nique et d’un barbecue. Pour un prix raisonnable, entre 25 et 50 € dirons-nous. Le problème avec les campings, ce sont les voisins. Ils sont pour la plupart du temps discrets ou agréablement causants, mais il y a toujours le risque d’avoir un entourage bruyant (conversation, musique, enfants, etc.) ou d’être sous le vent des odeurs des barbecues, qui servent là-bas dès le petit-déjeuner. Nos premiers critères pour le choix d’un stationnement nocturne sont 1°) le calme, 2°) la situation par rapport à nos activités du lendemain et 3°) la vue. Nous réussissons la plupart du temps à conjuguer les trois.


Les sentinelles des prairies

C’est par cet alignement étrange de hautes bâtisses de bois que nous terminons notre traversée du Manitoba.  On dirait de grands moulins sans ailes, mais on n’y meulait pas les céréales qu’on leur confiait, on les y stockait. Car ce sont des élévateurs à grain, installés là à partir de 1880 pour simplifier le transport des récoltes qui se faisait jusqu’ici uniquement par sacs transportés à dos d’homme. Le grain apporté par les agriculteurs était déversé au sol dans une trémie puis hissé à plus de 20m de hauteur grâce à une courroie munie de godets. De là, il était réparti à l’aide de tuyaux mobiles dans l’une des 16 cellules de stockage. Lorsque le moment du transport était venu, la cellule était vidée dans un camion sur la route devant ou dans un wagon sur la voie ferrée à l’arrière. En 1953, 260 élévateurs de ce type étaient en fonctionnement au Manitoba. L’arrivée des silos en béton puis en inox a conduit peu à peu à leur déclin. Ceux d’Inglis ont heureusement été restaurés pour préserver la mémoire de ces « sentinelles des prairies ».


Et, voilà, à l’heure où vous lirez ces lignes, si vous n’êtes pas trop en retard par rapport aux publications, nous serons dans la province peu prononçable de la Saskatchewan, dont la plus grande ville s’appelle Saskatoon. Peut-être la patrie de Roger Rabbit ? Merci de nous lire et à bientôt !

70. Un lac vraiment supérieur

Depuis North Bay, nous longeons le Lac Nissiping dont je n’avais jamais entendu parler auparavant alors qu’il est pourtant 1 fois et demie plus grand que le Lac Léman, le plus grand d’Europe. Mais ce joli lac devient ridicule dès que l’on parvient un peu plus loin au Lac Supérieur, 94 fois plus grand que le Lac Nissiping… De Sault-Ste-Marie à Thunder Bay, il va nous falloir plus d’une semaine pour parcourir sa rive canadienne d’est en ouest. Mais commençons par là où nous nous étions arrêtés.


Diogénial ?

Tout à fait par hasard, nous sommes passés à North Bay devant cette maison étonnante, accumulant à l’excès (et le mot est faible) une foule d’objets hétéroclites, à mi-chemin entre le pop’art et la déchetterie. Le propriétaire, Daniel Séguin, explique sur YouTube, comment il a constitué cette collection depuis 25 ans, en hommage à son père qui poussait loin la décoration de Noël devant sa propre maison et lui demandait d’observer avec lui la réaction des passants : « Regarde, je leur ai donné de la joie ! ». Daniel a lui-même commencé son œuvre au moment de Noël, avant de l’enrichir au fil des fêtes suivantes. Il revendique vouloir embellir la ville et attirer des touristes, mais naturellement cela ne plait pas toujours à ses voisins ni à la ville qui lui a intenté plusieurs procès. Mais la collection poursuit sa croissance, à tel point que notre artiste, manquant de place, a dû acheter la maison voisine. Avec un voisin comme lui, le prix avait peut-être chuté. Gageons qu’il finira par acquérir tout le quartier. Il s’est d’ailleurs présenté aux dernières élections municipales, c’est un signe !


La côte publique

Nous suivons pendant une journée la rive nord du Lac Huron. Une jolie route côtière peu urbanisée qui nous fait réaliser à quel point nos routes françaises sont éloignées des plans d’eau dont les abords sont largement privatisés. Il semble ici que la nature soit privilégiée, règlementairement du moins. Pour le plaisir de nos yeux.


Loon et thune

La petite ville d’Echo Bay est fière de son résident célèbre, Robert-Ralph Carmichael et le fait savoir en arborant une réplique géante du premier dollar canadien, dont il a dessiné la gravure en 1986. L’esquisse du peintre n’avait pourtant été retenue qu’en seconde position au concours organisé par la Monnaie Royale Canadienne. Mais le moule de l’œuvre initialement choisie ayant été perdue lors du transport, pour ne pas courir de risque de contrefaçon, c’est le canard de M. Carmichael qui a été finalement reproduit à des milliards d’exemplaires. La pièce a été surnommée « huard » par les francophones (l’espèce de ce canard plongeur présent partout au Canada) et « looney » ou « loonie » par les anglophones, loon étant la traduction de huard. La statue d’Echo Bay, reposant sur un piédestal en pierres locales, a également été réalisée par le peintre. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !


P.S. Le huard aurait le cri d’un fantôme. A vous d’en juger en l’écoutant ci-dessous :


Le lac de tous les superlatifs

Depuis la petite ville de Sault-Ste-Marie, nous avons commencé à longer le Lac Supérieur. La rive d’en face s’écarte rapidement pour disparaître bientôt à l’horizon et le lac se présente alors dans toute son immensité, cumulant les records :

  • C’est le plus grand lac d’eau douce du monde, avec ses 82 000 km², soit le double de la surface de la Suisse par exemple. S’il vous prend l’envie d’en faire le tour, le sentier qui le borde dépasse les 4 000 km, bon courage !
  • C’est le plus profond des Grands Lacs, atteignant un maximum de 406 m. Car il est né d’un rift, c’est-à-dire de l’éloignement de plaques tectoniques. Son fond initialement abyssal et en fusion a été peu à peu recouvert de sédiments.
  • Contenant 12 billiards de litres, il représente à lui seul 10% des réserves d’eau douce en surface de la planète. Le Canada est par ailleurs le pays du monde qui a la plus grande réserve d’eau douce par habitant, soit plus de 78 000 m3/habitant/an, contre 3 247 pour la France. Cela explique peut-être qu’ils boivent un peu moins d’alcool que nous ?
  • C’est le plus froid des Grands Lacs, avec une température moyenne à sa surface de 4,4°C. Les moins frileux pourront toujours s’y essayer à la baignade au mois d’août lorsqu’il culmine à 14,5°C.

L’oie de Wawa

Pour les jeunes ou moins jeunes qui ne connaîtraient pas le sketch culte « Ouï dire » de Raymond Devos, retrouvez-le en cliquant sur ce lien. Ce pourrait être ici à Wawa que, comme dans l’œuvre de notre humoriste national, « l’oie de Louis a ouï ce que toute oie oit ». Le nom de la ville a été attribué par les Obijwés, une des premières nations du Canada et signifie « pays de la grande oie ». Quoi de mieux pour le promouvoir que d’ériger cette grande statue de 8,5m de hauteur, bien visible de l’autoroute et invitant les touristes à en sortir pour visiter la ville. A noter que le volatile initial, installé en 1963, a dû être remplacé en 2017 en raison de la rouille qui le rongeait et du risque conséquent d’effondrement sur un ou plusieurs des 60 000 visiteurs venus partager un selfie avec lui. 300 000 dollars canadiens ont été dépensés pour l’opération, soit 150 dollars du kilo pour cette statue de 2 tonnes. Contre 4 dollars le kilo pour la précédente. Quand on vous dit que la viande coûte de plus en plus cher !


Erratum

La version ci-dessus est celle de nos guides et d’un recoupement de plusieurs sites Internet dont Wikipédia. Après l’avoir écrite, en triant mes photos, je relis attentivement le texte des pancartes apposées par la ville sous la statue. Pour la petite histoire, je ne les ai pas lues immédiatement car nous subissions une attaque en règle de moustiques, j’ai juste dans un premier temps photographié les informations pour les lire à l’abri de nos moustiquaires. Ces pancartes nous apprennent que si le nom « wawa » a bien été attribué par les Objiwés, il signifiait « sources d’eaux claires ». Rien à voir avec les oies donc. Le mot aurait été mal traduit par les premiers européens arrivés sur place et confondu avec « wewe » qui signifie « oie sauvage » dans la langue indienne, et qui collait somme toute assez bien à cette ville située sur le point de passage de la migration saisonnière des oies entre la baie d’Hudson et le sud-ouest des États-Unis. Lorsque la construction d’une statue a été décidée pour l’inauguration du dernier tronçon de la route transcanadienne en 1960, c’est bien l’oie qui a été choisie par les officiels pensant que l’oiseau était la vraie origine du nom de la ville, faisant bien rire les locaux qui connaissaient la vérité. Cette première statue, faite de plâtre appliqué sur une armature en grillage, n’a tenu qu’un an face au climat rude de la région et a de l’être remplacée en 1963. L’oie actuelle est donc la 3ème œuvre et non la seconde. Comme quoi il faut toujours vérifier ses sources et n’accorder qu’une confiance limitée à Wikipédia.


Chute, on dort !

Ce n’est pas Niagara mais on peut se garer et passer la nuit au pied des chutes Magpie High Falls, près de Wawa, et nous ne nous en sommes pas privés. Nous avons pu observer en soirée l’eau qui déferlait sur 38 m de large et 23 m de hauteur, dans un vrombissement qui, pensions-nous, nous bercerait la nuit. Eh bien nous n’avons pas entendu grand-chose, attribuant cela à l’efficacité de l’isolation sonore de Roberto. Mais au petit matin, il fallut se rendre à l’évidence devant le pipi de chat qui s’écoulait alors devant les rochers : les chutes avaient été coupées pendant la nuit ! Le débit reprenant toute sa vigueur une heure plus tard, nous pouvions imaginer qu’une sorte d’extinction des feux avait été mise en place par la ville pour permettre à ses visiteurs de passer une nuit tranquille. Mais l’explication la plus probable est davantage liée aux manœuvres d’une usine hydro-électrique placée en amont pour réguler sa production d’énergie.


C’est une fille !

J’aurais pourtant parié que l’ourson le plus célèbre de Disney était de sexe masculin. Heureusement, de passage dans sa ville natale de White River, j’ai pu me rendre compte de mon erreur : Winnie était bien une oursonne. Elle a été vendue par un trappeur à un vétérinaire de cavalerie canadien provenant de Winnipeg et en partance pour Londres au tout début de la 1ère guerre mondiale. Affecté sur le front français, celui-ci a préféré laisser son oursonne au zoo de Londres. On laissait apparemment jouer quelques enfants avec, dont le jeune fils d’un écrivain qui baptisa ensuite ses peluches du nom des animaux du zoo. Le père, Alan Alexander Milne en a tiré l’histoire que vous connaissez en 1926 et que les studios Disney ont adaptée bien plus tard. Le vétérinaire est retourné vivre au Canada sans récupérer son ourse. On ne sait pas s’il a eu connaissance du roman tiré de cette histoire.


Quatre pour le prix d’une

Les rives canadiennes du Lac Supérieur, déjà majoritairement en zones naturelles, comptent en outre 7 parcs naturels protégés, dont 6 sont gérées par la province de l’Ontario et 1 par l’état canadien. C’est ce dernier que nous sommes allés voir, guidés essentiellement par la clémence de la météo. Il s’agit du Parc National de Pukaskwa, une immense réserve qui ne compte que 4 km de routes pour une surface de 1 878 km². Écartant d’emblée le sentier côtier et ses 65km et sa version en canoë de longueur identique, écartant aussi les descentes en canoë sur les rapides qui sont assez techniques et se font sur plusieurs jours, nous nous penchons sur les randonnées qui entourent le centre d’accueil des visiteurs. Incapables de choisir entre les 4 parcours proposés, nous décidons de les suivre tous. Et nous ne regretterons pas notre choix car cette balade d’un peu plus de 8 km nous fera passer par des zones très variées, aussi bien des chemins forestiers ou lacustres munis de passerelles en bois aux endroits délicats que des parcours sur des rochers au sommet de petites falaises en passant par des plages aussi couvertes de bois flotté que pauvres en visiteurs. Un fait notable est l’absence de toute signalisation directionnelle à l’exception des départs ou croisements de sentiers. Aucune trace de peinture ne souille ainsi les roches ou les arbres. Nous avons parfois hésité sur la route la route à suivre, mais sans jamais nous perdre. Un grand bol d’air dans cette région magnifique. A noter le droit d’entrée modique, un peu moins de 5 € pour la journée, que l’on suive le sentier de 65 km ou bien le plus court qui n’en fait qu’un.


La route transcanadienne

Nous venons de passer le point médian de cette longue route qui traverse le Canada de part en part, 8 000 km pour aller d’Est en Ouest, du Pacifique à l’Atlantique, de Victoria en Colombie Britannique à St Jean à Terre-Neuve-et-Labrador. Il s’agit de la plus longue route nationale au monde après ses deux aînées que sont la route péri-australienne (15 800 km !) et la route transsibérienne (11 000 km). Plus de la moitié est encore la simple route à 2 voies d’origine (le dernier tronçon a été terminé en 1970) qui traverse des centres-villes ou serpente, étroite, entre des chaînes montagneuses. Petit à petit, on la transforme en autoroute, mais ce n’est le cas pour l’instant que de 15% de son trajet. Elle traverse les 10 provinces du Canada et 6 fuseaux horaires. Il faut conduire non-stop pendant une semaine pour la parcourir en entier. Heureusement, 2 nécessaires traversées en ferry permettent de souffler un peu !

Mais nous ne la suivrons pas de bout en bout parce qu’elle ne relie pas tout ce que nous voulons voir au Canada. Par ailleurs nous avons prévu 4 mois pour ce pays, cela devrait être suffisant.

En illustration, vous trouverez la carte officielle du trajet avec ses différentes branches, quelques photos de la zone montagneuse que nous venons de traverser, et puis quelques clichés que je n’arrive pas à caser ailleurs.

Si l’histoire vous intéresse, vous trouverez un reportage sur cette page


Ainsi se termine ce joli parcours le long des rives du Lac Supérieur, parmi les plus beaux paysages que nous avons traversés avec la Gaspésie. Nous n’en avons pas fini pour autant avec l’Ontario, province qui absorbe à elle seule un quart de la route transcanadienne. Comme le dit sa devise : « Il y a tant à découvrir »

68. Cap plein Ouest

Après ce point extrême-oriental de la Gaspésie, nous amorçons un virage à 180° pour débuter une longue traversée du Canada qui devrait nous amener dans la région de Vancouver fin-août début-septembre. Notre GPS nous indique à vue de nez 5 500 km et 58 heures de route, mais ce sera forcément davantage compte-tenu de notre malin plaisir à prendre le chemin des écoliers.

Un trou pas du tout perdu

La petite ville de Percé, à l’Est de la Gaspésie, ne compte guère qu’un peu plus de 3 000 habitants, mais elle accueille 20 fois plus de touristes en saison, tous venus voir en priorité le trou dans la falaise qui lui donne son nom. La falaise est maintenant séparée du continent, mais ça n’a pas toujours été le cas. Lorsque Jacques Cartier est passé dans le coin en 1534, il a décrit une seule avancée et trois trous. Les assauts de la mer combinés aux alternances gel/dégel en hiver arrachent chaque année 300 tonnes de roches à la falaise et rendent ses abords dangereux. Nous nous sommes contentés de l’observer de loin, en prolongeant même le plaisir une nuit entière grâce au camping situé pile en face. Cerise sur le gâteau, nous avons observé le matin aux jumelles moult baleines venues prendre leur petit déjeuner dans la baie.


L’anti Robin des bois

Tout près du joli port de pêche de l’Anse à Beaufils, au sud de Percé, se trouve le Magasin Général de la compagnie Robin. Ce Robin-là était un immigré de Jersey et de ce fait parlait très bien l’Anglais et le Français. Il a ainsi pu embobiner les francophones du Québec alors sous domination anglaise en les enrôlant dans la pêche à la morue. M. Robin possédait les bateaux et revendait la morue. Il rémunérait ses pêcheurs en avoirs, utilisables seulement dans les « magasins généraux » …appartenant bien entendu au magnat jersiais. Inutile de dire que M. Robin faisait aussi crédit, entraînant ses ouvriers dans des spirales infernales où l’aîné de la famille devait aller pêcher à son tour pour éponger les dettes du père. Après le moratoire sur la fin de la surpêche à la morue, ces boutiques ont périclité. Mais pour l’histoire, celle-ci a été remise sur pied et aménagée comme autrefois. Pour les touristes, les vendeurs en habits d’époque font l’article de leurs produits, mais heureusement, plus rien n’est à vendre sinon ce baratin.


Retour en Acadie

Quelques mois après la Louisiane, nous retrouvons les Acadiens à Bonaventure, au Sud de la Gaspésie, une de leurs premières destinations après qu’ils aient été chassés de leur Acadie primitive par les Anglais. On se souvient que ces émigrants du centre-ouest de la France avaient fondé une colonie en Nouvelle-France au début du XVIIème siècle, dans un territoire transféré ensuite à l’Angleterre puis reconquis par le Canada. Grâce à une forte résilience et une forte natalité aussi (jusqu’à 25 enfants par famille !) ils ont su se reconstruire et reconquérir peu à peu leurs territoires perdus. 80% des habitants de Bonaventure sont Acadiens. Le drapeau bleu-blanc-rouge orné d’une étoile jaune (représentant la vierge Marie) qui flotte dans la ville aux côtés du drapeau Québécois en témoigne.


Tous à couvert !

Non, ce n’est pas une mauvaise blague sur ce qu’endurent les Ukrainiens, c’est juste l’histoire de quelques ponts couverts croisés sur notre route. Au Québec, il s’en est construit plus de 1 500 au cours du XIXème siècle, principalement pour décupler leur longévité par rapport aux ponts classiques en raison de la sévérité du climat. On dit aussi qu’ils étaient idéaux pour dissimuler les amoureux… Ils étaient dotés d’une construction robuste, de type ferme pour la charpente et de madriers entrecroisés pour les parois. Quelques 90 de ces ponts sont encore présents et pour beaucoup en service. Nous en avons d’ailleurs traversé un, à la fois pour le fun et pour aller régler quelques cartes postales peintes par l’épouse d’un gentil monsieur qui nous a raconté l’histoire du petit village où il habite, de l’autre côté du pont.


Ventes de garages à gogo

Le marché de l’automobile se porte mal, pourrait-on penser à voir fleurir ainsi ces multiples pancartes au bord des routes. Mais ce n’est pas ce que l’on croit. La cause est un phénomène de société au Québec appelé « Le grand déménagement ». Curieusement, la plupart des baux d’habitation expirant au 30 juin, la grande majorité des Québécois qui déménagent le font le 1er juillet. Cela vient d’une loi de 1750 qui imposait alors pour les premiers baux une échéance au 1er mai. Bien plus tard, le 1er mai est devenu le 1er juillet pour ne pas perturber l’année scolaire des enfants. Plus aucune loi n’impose quelque date que ce soit aujourd’hui, mais les habitudes ont la dent dure. Mais alors, pourquoi vend-t-on tous ces garages fin juin ? Eh bien parce qu’une « vente de garage » en québécois est l’équivalent de nos « vide-greniers ».


Apparences trompeuses

Le forfait mobile Free est très prisé des voyageurs qui se rendent en Amérique du Nord, car il offre, outre la gratuité des communications et textos depuis ce sous-continent, 25 Go de données cellulaires en mobilité, ce qui est tout à fait compétitif par rapport à d’autres forfaits européens voire locaux. Mais comme les autres opérateurs français, Free ne possède pas d’antennes en Amérique et doit donc sous-traiter avec des opérateurs locaux. Et nous avons eu la mauvaise surprise de constater qu’en Gaspésie, pourtant une région francophone et très touristique du Canada, la couverture de l’opérateur partenaire de Free, Rogers, est quasi inexistante. Vous pourrez constater cela sur les cartes ci-dessous, répertoriant les antennes des 4 opérateurs historiques canadiens.

Bien sûr on peut trouver des antennes Wi-Fi çà et là, dans les restaurants ou les musées, mais ce n’est pas pareil. Pour nos visites touristiques par exemple, nous avons besoin d’avoir un peu d’internet pour trouver quelques informations actualisées par rapport à nos guides papier, notamment en termes d’heures d’ouvertures. Nous avons dû acheter un forfait local, chez l’opérateur Telus, bien plus présent en Gaspésie. Cela dit, pour le triple de notre forfait Free, nous avons obtenu trois fois moins de données cellulaires. Mais nous avons pu nous connecter, c’était le principal. En tout cas, mieux vaut toujours se renseigner lorsque l’on part dans un pays censé être couvert par son opérateur sur la réalité de la couverture de son relais local.


De mon point de vue…

celui du Mont St Joseph, à Carleton, méritait le déplacement. Surtout pour son panorama sur la Baie des Chaleurs et son barachois, une sorte de lagune fermée par deux bandes de sable, l’une hébergeant le plus beau camping de Gaspésie, l’autre une colonie de hérons. On trouve aussi au sommet une petite chapelle au toit tout bleu surmonté d’une Sainte-Vierge curieusement emprisonnée dans un grillage.


Faire de la pluie un évènement positif

Au cours de ces 2 semaines en Gaspésie, nous aurons profité de 4 ou 5 jours de beau temps, pas plus. En raison de la pluie torrentielle, nous avions décidé de remettre à plus tard la visite des réputés Jardins de Métis, sachant que nous les croiserions de nouveau à la fin de notre boucle. Mais le moment venu, la pluie est toujours présente. A croire qu’elle n’a pas quitté les lieux depuis notre passage. Heureusement, la météo annonce une petite accalmie vers les 15h, alors que le parc ferme à 17. Nous attendons patiemment toute la matinée, et nous précipitons vers l’entrée dès le premier rayon de soleil réapparu. Les Jardins de Métis ont été aménagés par Mme Elsie Reford, une bourgeoise montréalaise venue se mettre au vert chaque été sur un campement de pêche. Associant les fermiers et guides de pêche de la région pour les transformer en jardiniers, surmontant des conditions climatiques extrêmes (et je ne parle pas de la pluie bien sûr), elle parvient à planter plus de 3000 espèces dans un environnement initialement forestier, nous offrant de beaux jardins à l’anglaise. Nous y avons trouvé des fleurs magnifiques et surtout sublimées par cette récente pluie. Les photos parlent d’elles-mêmes. Admirez les gouttelettes qui perlent partout, les superbes pavots bleus de l’Himalaya, les pivoines aux couleurs éclatantes et le jardin sauvage d’épilobes avec leur camaïeu de pourpre.


C’est une maison blanche… accrochée à la ravine

Rien à voir avec sa consœur bleue, celle-ci a une tout autre histoire. Nous sommes rendus à Chicoutimi, de nouveau sur la rive Nord du fleuve St Laurent, et même plus précisément sur la rive Sud de son affluent la rivière Saguenay. En 1996, des pluies exceptionnelles dans la région ont provoqué un débordement de tous les barrages hydro-électriques, et des torrents monstrueux ont envahi les villes en aval. Ainsi à Chicoutimi, toutes les maisons du centre ont petit à petit été emportées par les eaux. Toutes sauf une restée fièrement debout au milieu du déluge. Tout simplement parce que sa propriétaire de 79 ans avait, avant d’être évacuée, déposé une rose sur la statue de Ste Anne qui trônait dans son salon. Mais pourquoi (diable) les autres n’y avaient-ils pas pensé ?!


Pas lol du tout

Ces inondations de 1996, auxquelles la petite maison blanche a survécu, ont fait beaucoup de victimes, générant dans la foulée quelques monuments commémoratifs. Cette « Pyramide des Ha! Ha! » est l’un d’entre eux. Elle est faite d’un intéressant assemblage de 3000 panneaux routiers d’alerte, dont le pouvoir réfléchissant nocturne doit rendre un bel effet lorsque les phares des véhicules l’éclairent. Nous y étions le matin, nous n’avons pas pu vérifier. Ha! Ha! est le nom de la rivière qui a débordé ici. L’étymologie n’est pas claire mais n’a rien à voir avec l’onomatopée liée au rire. Heureusement, car il n’y avait pas de quoi !


Lol par contre

Suite logique aux panneaux d’avertissements, je vous en livre deux autres, photographiés à peu d’intervalle, l’un dans les toilettes d’un magasin de bricolage, l’autre près d’un barrage. Je me demande si le second ne répond pas à la question mystérieuse que semble soulever le premier. Vous en pensez quoi ?


Le village-fantôme de Val Jalbert

C’était la grande époque des pulperies, ces usines de pâte à papier du tout début du XXème siècle. Dans ce site idéal cumulant une forêt abondante pour la matière première, un torrent pour transporter les troncs et une cascade pour fournir l’énergie nécessaire, une usine performante a été installée en moins de 18 mois. Afin d’attirer les ouvriers, un village a été construit avec des facilités rares à l’époque : eau courante et électricité. 25 ans plus tard, 80 maisons abritaient 950 personnes. L’année d’avant la crise économique de 1929, la demande s’était déjà affaiblie et l’usine dut fermer. Les familles partirent les unes après les autres et le site resta abandonné pendant près d’un siècle avant que l’on ne lui redécouvre une valeur historique. Certaines maisons ont été restaurées, ouvertes à la visite avec leur mobilier d’époque, pour certaines transformées en chambres d’hôtes, tandis que d’autres s’effondrent tranquillement, envahies par la nature. Il en résulte un certain charme et nous avons adoré cette balade dans ce site magnifique.


Nous sommes dans la région du lac St Jean, encore calme malgré la saison touristique en cours. Mais les deux jours qui viennent vont être encore plus tranquilles. Nous allons rejoindre le Val d’Or par une route en pleine nature où les stations-services – si cela peut être un repère – sont espacées de plusieurs centaines de kilomètres. A bientôt si nous ne nous perdons pas !

67. La route du bout du monde

Après une dernière étape sur la rive gauche du Saint-Laurent, effectuée sur un zodiac à la recherche des baleines, nous avons embarqué avec Roberto sur un ferry pour rejoindre l’autre rive et gagner la Gaspésie, une région peu peuplée mais très nature du Québec. Et là, nous sommes véritablement allés jusqu’au bout du monde !

Aileron aileron petit patapon

Nous attendions un peu plus de cette sortie à la rencontre des baleines aux Escoumins, à côté de Tadoussac. Nous avions misé sur une navigation en zodiac, avec un nombre limité de personnes, au lieu du gros bateau chargé de centaines de touristes. Nous avions le temps pour nous : un grand soleil après une journée de pluie et de brume. Nous étions au bon endroit, là où la concentration des cétacés est la plus forte. Notre seul point faible était la saison, qui débutait seulement, avec un pic en nombre et en variété de mammifères marins survenant seulement deux mois plus tard. Est-ce pour cette seule raison, mais le bilan après 2 heures de navigation était plutôt mitigé : 3 têtes de phoques et une trentaine de nageoires dorsales de petits rorquals aperçues, surgissant à la fois lentement et furtivement hors de l’eau avant d’y replonger. Et sans grand spectacle puisque cette espèce ne saute pas et n’expose pas sa nageoire caudale en plongeant. Serions-nous devenus difficiles ?
P.S. Sauriez-vous dire à quel adverbe de ce texte correspond le mot « patapon » du titre ?


Les chemins de traverse

Ça nous rappelle le bon temps de la Norvège : depuis que nous longeons le fleuve Saint-Laurent, nous sommes amenés régulièrement à prendre le ferry, soit pour traverser le fleuve lui-même, avec un parcours d’autant plus long que l’on s’approche de son embouchure, soit pour traverser des affluents. Le Québecois, hostile par nature aux anglicismes, déteste le mot ferry-boat et préfère parler de traversier, voire de traverse ou à la rigueur de bac. Les petits traversiers sont fréquents et souvent gratuits, l’occasion de réaliser des mini-croisières pour pas cher. Dès que le trajet s’allonge, la fréquence se ralentit, la réservation devient nécessaire et le type de véhicules transportables varie. C’est ce que nous venons en tout cas de découvrir au retour de notre sortie baleines. Nous souhaitons maintenant gagner la Gaspésie, de l’autre côté du Saint-Laurent. Et là, pas question comme jusqu’ici de se présenter simplement à l’embarcadère. Il nous faut réserver. Nous cherchons d’abord sur le site de la compagnie locale (nous sommes aux Escoumins) qui nous apprend que le seul traversier du jour est déjà parti. Deux départs sont prévus demain mais il faut créer un compte pour réserver en ligne. Nous cherchons alors si le port suivant, à une quarantaine de kilomètres, aurait des départs pour ce soir. Mais là, fin de non-recevoir, leur traversier n’accepte pas de véhicule de plus de 2,40m de hauteur et nous faisons 2,55m. Même en dégonflant les pneus, ça ne passera pas. Nous revenons donc sur le premier site et créons notre compte, validons notre mail pour être autorisés enfin à réserver en ligne. Mais notre catégorie de véhicule n’apparait pas dans la liste et le site nous renvoie à une réservation classique par messagerie. Heureusement, après une trentaine de minutes et quelques échanges de mails et de documents, nous sommes confirmés pour le départ du lendemain à 13h. Ouf ! Sinon la traversée a été plutôt tranquille. Nous avons juste craint à l’embarquement que le nombre impressionnant de véhicules qui attendaient sur le quai ne rentreraient pas tous dans cet assez petit bateau, mais ça s’est bien passé. Le personnel a dû être sélectionné à l’embauche sur son habilité au jeu de Tetris.



Le canyon de la descente aux enfers

Pour une fois, je n’ai pas trafiqué le titre, c’est bien comme ça que s’appelle ce canyon. Avec tel nom, difficile de résister à la tentation d’aller jeter un œil. J’ai tout de même pris la précaution de vérifier que la balade ne commençait pas avec un gros élastique attaché autour des chevilles, on ne sait jamais. J’ai aussi consulté la météo, car, il faut bien le dire, le temps nous joue des tours au Québec, nous faisant jongler entre des jours ensoleillés très chauds et des jours de pluie froide et continue. Nous adaptons dans la mesure du possible nos trajets à ces conditions, privilégiant les activités abritées les jours de pluie, comme le roulage, les courses, les musées, et les sorties en extérieur les jours secs. Et là, après une grosse journée et demi pluvieuse, on nous annonçait une après-midi ensoleillée. Alors nous avons rejoint ce canyon en empruntant des routes assez limites, soit asphaltées mais défoncées, soit en terre mais à la surface plus régulière. L’impression d’aller au bout du monde. Après, ce fut une belle balade en forêt, bien aménagée avec de nombreuses passerelles et des centaines de marches, longeant d’abord le fameux canyon sur un parcours en balcon magnifique, avant de le traverser sur une passerelle suspendue 60 mètres au-dessus du torrent, pour redescendre au niveau de celui-ci par un escalier de 300 marches qui longe de près un torrent tumultueux. Nous aurions mis 5 étoiles à la balade s’il n’y avait pas eu la malchance des 51% et les maringouins. Je m’explique. La météo avait prévu un temps relativement sec, avec juste un risque de pluie estimé à 51% entre 14 et 15h. L’incertitude s’est faite en notre défaveur et nous avons dû sortir nos parapluies tout le long du chemin du retour. Quant aux maringouins, nom local pour les moustiques, c’est la plaie estivale du Canada. Nous n’en avons encore que rarement souffert car l’été n’est pas encore vraiment commencé mais nous craignons que le phénomène ne s’amplifie au cours des mois qui viennent. Mais nous redoutons encore davantage les « frappe d’abord », des insectes genre mouches noires agressives qui vous tombent brutalement dessus et repartent après vous avoir arraché un bout de chair. Paraît-il. Nous vous dirons plus tard s’il existe une autre descente aux enfers que celle du canyon !


Criss quels sacres !

Au Québec on ne jure pas, on sacre. Les deux termes viennent d’ailleurs de la religion, comme une grande partie de ces sacres. Cela vient de l’époque où la religion était un peu trop présente et sacrer était une occasion de contourner cette domination. C’est totalement différent des jurons anglo-saxons et à moindre degré européens qui eux tapent presque tout au-dessous de la ceinture. Pratiquement tous peuvent s’utiliser comme interjection, adjectif, verbe ou même remplacer une personne. Ils expriment généralement la colère, le mécontentement, l’indignation ou la surprise. Ils peuvent aussi renforcer le mot ou la phrase en cours, voire être cumulés pour décupler leurs effets. Voici quelques-unes de ces expressions dont la plupart sont encore en cours aujourd’hui, avec leur origine et un exemple d’emploi.

– baptême (de la cérémonie) ; Baptême, où sont encore passées mes clefs !
– câlisse (de calice) ; Câlisse que c’est laid ! Es-tu sérieux câlisse ?
– calvaire (de calvaire) ; Y’était beau en calvaire ! (Il était fâché)
– crisse (de Christ) ; Crisse que j’suis content d’être là !
– ostie (de hostie) ; Y’a du monde en ostie au départ de c’traversier !
– maudit (de maudit) ; Maudit démon, le gaz a encore augmenté ! (gaz = essence au Québec)
– sacrament (de sacrement) ; Fous-moi la paix sacrament !
– tabarnak (de tabernacle) ; Il pleut en tabarnak ! Ta-bar-nak, j’en reviens pas !
– viarge (de vierge) ; Bout’ viarge ! (Putain, j’en ai assez !)

On peut aussi cumuler les mots pour renforcer leurs effets. Par exemple, « Crisse de câlisse d’ostie de tabarnak ! » équivaudrait à notre « Putain de bordel de merde ! ». J’ai même trouvé un site qui vous compose un sacre aléatoire de la longueur de votre choix au cas où vous seriez en mal d’inspiration après vous être cogné brutalement votre petit orteil dans un meuble ou après avoir découvert que votre taux de prélèvement à la source venait de doubler.


L’homme qui aimait les vans

Entre les habitants d’une région touristique et les véhicules de loisirs, les relations sont généralement tendues. Les premiers accusent les seconds de saccager leur paysage, tandis que les second accusent les premiers de cracher dans la soupe, de mépriser cette manne touristique qui les fait vivre. De fait, les habitants irrités font pression sur leur mairie pour pondre des arrêtés interdisant le stationnement des camping-cars dans la ville et installent de multiples panneaux ad-hoc. Il faut savoir qu’en France ces panneaux sont illégaux, on ne peut en effet stigmatiser un type particulier de véhicule. Mais les maires le savent bien, et comptent sur le fait que les éventuels verbalisés ne porteront pas plainte. Dans ce cas, après quelques années prévisibles de procédure, l’arrêté municipal correspondant serait annulé …et il suffirait d’en faire voter un autre au contenu légèrement différent pour relancer le cycle infernal.

Mais on ne peut généraliser. Il y a aussi des habitants de zones touristiques qui aiment les véhicules de loisirs. Nous venons d’en rencontrer un. Nous venions de passer devant chez lui pour rejoindre au bout de sa rue en cul-de-sac un parking tranquille figurant dans l’application iOverlander. Constatant que le stationnement était désormais interdit à notre catégorie de véhicules, nous rebroussons chemin. C’est là que notre résident nous arrête gentiment, et nous demande si nous cherchons un stationnement nocturne, parce que si c’est le cas il nous propose la zone gazonnée située entre la route et le fleuve, juste devant sa maison. Adorable, non ? Normand nous explique qu’il a enseigné plusieurs années en France et qu’il a parcouru quelques pays d’Europe en camping-car. Nous lui faisons part en contrepartie de notre parcours. Il nous aide pour nous garer, propose même de déplacer une lourde table de pique-nique et nous demande juste de laisser un peu de place pour un autre véhicule récréatif qui se présenterait. Nous étions comme des rois. Sympas les Québécois !


Il coule son transatlantique pour sa première prise de fonctions

Pas de chance pour ce jeune officier promu commandant du navire Empress of Ireland à l’âge de 40 ans. Un navire réputé plus sûr que le Titanic, équipé contrairement à ce dernier d’un sonar capable de repérer les icebergs et de plus de canots de sauvetage qu’il n’en faut pour embarquer tous les passagers. L’Empress of Ireland avait 192 traversées à son actif et venait de franchir ce 28 Mai 1914 la partie la plus difficile du fleuve St Laurent entre Québec et Pointe-au-Père, celle où l’assistance d’un pilote local est obligatoire. Il s’élançait tranquillement dans la nuit vers la large embouchure qui le menait à l’Océan Atlantique quand le brouillard s’est levé. Malgré les signaux sonores, un cargo charbonnier moitié moins gros que lui est venu percuter notre navire de croisière sur son flanc, créant une brèche de 11 mètres sur 8. Tout aussi réputé insubmersible que le Titanic, l’Empress of Ireland coula en seulement 14 minutes, emportant avec lui 1012 de ses passagers tout en épargnant 465 personnes. Les statistiques sur le taux de survie en fonction de la classe sont édifiantes : 3% seulement des 138 enfants ont survécu, 18% des 717 passagers de 3ème classe, 19% des 253 passagers de 2ème classe, 41% des passagers de 1ère classe …et 59% des 420 membres de l’équipage dont le commandant. Les femmes et les enfants d’abord ? Mon œil !

Le musée qui retrace ce naufrage et tout ce qui l’entoure évoque aussi la recherche de l’épave bien des années après, le pillage en règle dont elle a été victime avant qu’elle ne soit enfin protégée par la loi et l’évolution technologique des moyens de recherche sous-marine.

: Images obtenue par sonars à balayage latéral en 2000 et 2012 (ci-dessus) et par échosondeur multifaisceaux en 2012 et 2013 (ci-dessous), impossibles à obtenir par photographie dans les eaux noires et opaques du fleuve à 60 m de profondeur.)


Quelques objets remontés du fond


Et quelques autres qu’il vous faut retrouver (quiz du jour !). Les résultats sont à la fin du chapitre suivant.


La vengeance du saumon fumé.

Juste avant la ville de Matane, située au confluent d’une rivière à saumons et du fleuve St Laurent, nous nous arrêtons faire quelques emplettes dans une fumerie artisanale réputée de la région. Nous achetons du saumon et du turbot fumés à chaud le jour même. Il vous faudra attendre la dégustation pour avoir notre avis, parce que là c’était plutôt l’heure du thé… Nous poursuivons jusqu’au centre-ville avec l’intention de visiter un centre d’observation du saumon. Nous avions déjà vu ce type d’installation en Norvège, où l’on profite de l’installation d’échelles à saumons, permettant à ceux-ci de contourner un barrage hydro-électrique qui les aurait empêchés de remonter la rivière, pour les observer dans une zone transparente. Mais rien n’est jamais pareil, chaque pays a ses habitudes et nous étions de passage dans la ville au moment des heures d’ouverture. Enfin selon les dires de notre guide car les lieux étaient bien fermés. Les saumons se seraient-ils vengés ?

Résultats du quiz : 1C 2A 3C


Le grand rassemblement

Dans la famille Gagnon ils sont tous artistes. C’est le père, Marcel, qui a commencé à sculpter ces figurines longilignes et à les installer en petits groupes au bord de la plage puis en colonne perpendiculairement à celle-ci, formant une étrange procession qui apparait puis disparait au fil des marées. Son œuvre ne se limite bien sûr pas là, mais l’attraction a attiré pas mal de curieux et a permis à l’artiste puis à sa famille de se faire connaître. La décoration de leur maison vaut également le détour.


Ne tournez plus manège

Le temps gris et pluvieux se poursuit. Il paraît que les Québécois n’ont pas vu de printemps aussi arrosé depuis longtemps, c’est bien notre chance ! Mais nous n’allons pas rester immobiles pour autant. Nous continuons d’aller jeter un œil aux curiosités qui se présentent le long de notre route. Aujourd’hui ce sera une éolienne, mais pas n’importe laquelle, juste l’éolienne à axe vertical la plus haute du monde. La performance est amoindrie par le fait que cette technologie n’a jamais supplanté les éoliennes classiques à 3 pales et axe horizontal. Mais celle que nous visitons était justement un modèle expérimental. Inaugurée en 1987, elle a fonctionné avec efficacité pendant 6 ans avant de tomber en panne. Un truc tout bête, un roulement à la base. Mais dont le remplacement aurait nécessité le démontage total de l’éolienne, avec un coût supérieur à l’installation d’une version classique. Du coup l’installation a été revendue à une société privée pour en faire une attraction touristique. On peut même, en alignant à peu près autant de dollars canadiens que de marches à gravir, grimper le long de son mât presque jusqu’au sommet. Mais elle ne tourne plus et c’est bien triste car c’est un bel objet. Pour finir par une note positive, sachez que c’est un Français, Ernest-Sylvain Bollée, qui a utilisé pour la première fois le mot « éolienne » au lieu de l’horrible expression « pompe à vent » utilisée jusque-là. Et que c’est encore un Français, Georges Darrieus qui a inventé l’éolienne à axe vertical. Bon, d’accord, ça n’a pas super marché, mais quand même !


Un digne repas de fête des pères

C’est dimanche et c’est la fête des pères. Ma chérie m’invite au restaurant. Plus précisément dans une poissonnerie-restaurant car elle sait que je rêve de manger du poisson bien frais à force de côtoyer tous les jours des bateaux de pêche. Je prends une « table d’hôte », c’est comme ça que l’on appelle ici le menu du jour, composé d’une soupe de poissons (avec de gros morceaux dedans, une des meilleures de ma vie), d’un plat de turbot poché (super frais, un régal), d’un café (oui, il est bien arrivé avant le dessert…) et d’une tarte meringuée au citron (pas terrible hélas – eh les pâtissiers français, il y a plein de boulot ici !). J’avais préféré une semaine plus tôt le « pudding chômeur », une spécialité québécoise celle-là. Je vous le mets aussi en photo pour mémoire. Bon, à part le dessert, c’était quand même une bonne expérience, et mes enfants même loin m’ayant témoigné leur amour, j’étais comblé.


Après la grande ourse, l’étoile polaire

L’opérateur-relais de notre forfait Free n’étant pas implanté sur cette côte Nord de la Gaspésie, nous n’avons plus de réseau depuis 1 jour et demi. Le temps d’une soirée, ça arrive assez régulièrement lors de nos nuits en spots nature, mais ce n’est pas gênant si le lendemain on peut se reconnecter pour échanger des nouvelles ou préparer la suite de notre voyage. Mais là ça n’est pas qu’une question d’éloignement, même dans les villes nous n’avons pas de réseau. Etonnant pour une région très touristique. En fait, les antennes sont bien là, mais ce ne sont pas celles de notre opérateur. A défaut d’acquérir une carte SIM locale, il nous faut trouver des spots Wi-Fi pour continuer à communiquer. Aujourd’hui ce Musée Exploramer à Ste Anne des Monts tombe à pic. D’abord pour aller l’explorer et apprendre, malgré notre grand âge, encore plein de choses passionnantes, notamment sur la flore et la faune du St Laurent. Et découvrir notamment l’existence de cette étoile de mer dite « polaire » munie de 6 branches et non pas de 5 comme la plupart de ses consœurs. Et, toujours plus fort, on nous a montré sa rare voisine de bassin, une étoile « solaire » cette fois comptant pas moins de 14 bras, tous capables de se régénérer en cas de perte accidentelle ou volontaire. L’animateur nous compte d’ailleurs l’histoire de ce pêcheur qui, lassé de voir ses casiers envahis d’étoiles de mer, décida un jour de systématiquement les couper en deux avant de les rejeter à la mer. La population doubla en un rien de temps…

Bonus (uniquement pour ceux qui ne la connaissent pas) : M. et Mme Létoile-Polaire ont une fille, comment s’appelle-t-elle ? La solution est à l’envers pour que vous preniez le temps de réfléchir : ! rûs neib eronoélE


Je l’ai rêvé, ils l’ont fait !

Au cours de ma vie professionnelle, il m’arrivait, fatigué par des enfants déchaînés qui exploraient véritablement mon bureau pendant la consultation sans que les parents n’interviennent, de rêver à l’installation d’une sorte de clôture électrique préservant ma zone de travail… Je ne l’ai jamais fait bien sûr. Mais le même musée dont je viens de parler n’a pas hésité à franchir le pas, sous couverture de l’expérience scientifique cette fois. Sous un panneau décrivant les décharges électriques puissantes que peut déclencher le contact avec certaines raies, on propose d’expérimenter la sensation en touchant un anneau métallique. Bizarrement, pas un gamin turbulent à proximité ce jour là 😉


Le phare voyageur

Une belle histoire que celle du phare de la Pointe-à-la-Renommée, installé loin de tout à l’embouchure du St Laurent pour en sécuriser l’accès en 1880. On nous raconte d’abord la vie très repliée du gardien et des quelques familles qui s’étaient installées là, devant quasiment tout faire en autonomie, ne pouvant compter que sur un unique ravitaillement annuel. Ce phare implanté en un lieu stratégique a de plus été le premier site d’implantation de la TSF en Amérique du Nord, en 1904, par son inventeur en personne, Guglielmo Marconi. Que ce soit par ses signaux lumineux, sonores ou radio, il a permis de sauver de nombreuses vies, soit en prévenant les abordages soit en facilitant grandement les secours. Sans les échanges TSF entre les techniciens Marconi embarqués à bord du Titanic et ceux de la station de la Pointe-à-Renommée, les survivants du transatlantique n’auraient probablement pas été secourus. Les installations ont joué également un rôle capital pendant les 2 guerres mondiales.

Après 95 ans de bons et loyaux services, le phare a été désaffecté. Et puis démonté et transporté à Québec pour soi-disant le protéger, au désespoir des habitants du petit village pour qui c’était le centre de leur vie quotidienne. Ils allaient même lui rendre visite à la capitale provinciale, c’était un comble ! Un groupe de 3 femmes a bataillé dur auprès des autorités et réussi à faire rapatrier le phare en 1997 dans le cadre d’une réhabilitation de tout le site pour sa valeur historique, et nous permettant d’en profiter aujourd’hui. Des phares qui se déplacent de 1300 km aller et retour, on en compte assez peu!


Le bout du monde

Alors que nous approchons de l’extrémité Est de la Gaspésie, la pluie qui nous avait accompagnés ces derniers jours s’assèche et l’horizon commence à réapparaître. De grandes falaises surplombent la belle route côtière. Je suis surpris d’apprendre qu’il s’agit de la chaîne des Appalaches. N’avions-nous pas déjà côtoyé ces montagnes quelques mois plus tôt en Géorgie, tout près de la Floride ? Eh bien oui, les Appalaches longent toute la côte Est de l’Amérique du Nord, jusqu’au Canada et terminent leur vie en s’enfonçant dans la mer en Gaspésie, dans un site protégé appelé parc Forillon. Une protection qui ne s’est pas faite sans heurts d’ailleurs car bon nombre d’habitants ont dû être délogés lors de la création de cet espace naturel, un souvenir douloureux si l’on en juge par le nombre de mémoriaux qui leur sont dédiés. Mais a posteriori un mal nécessaire pour les générations futures. Nous y parcourons de superbes sentiers longeant une végétation boréale d’un côté et les échancrures du golfe du St Laurent de l’autre, observant au passage de nombreuses baleines. Si l’on y prête attention, il ne se passe guère plus de dix minutes avant d’apercevoir un souffle ou deux. Il ne reste plus qu’à sortir les jumelles et d’observer les cétacés venir respirer trois ou quatre fois à la surface en exposant leur nageoire dorsale avant de plonger la queue en l’air vers les profondeurs. Du grand spectacle. Le plus long des sentiers nous a amenés rien de moins que jusqu’au « bout du monde », le surnom donné au Cap Gaspé, la pointe la plus orientale de la Gaspésie, là où les Appalaches sont englouties par la mer. Et d’ailleurs, savez-vous d’où vient le nom « Gaspésie » ? Du mot « gespeg » en MicMac (le peuple indien autochtone présent avant les français) qui signifie « fin des terres », bout du monde quoi !


Nous sommes donc allés au bout du monde, notre rêve s’est réalisé, notre voyage est donc terminé. Nous sommes très heureux d’avoir pu vivre ces moments intenses et d’avoir pu en partager une partie avec vous. Nous avons vu tellement de choses magnifi… Attendez, Claudie me dit quelque chose. Comment ? Il n’y a pas qu’UN bout ? Ah bon ? Ah mais alors ça ne s’arrête pas là ! Ouf ! Bon eh bien nous repartons pour de nouvelles aventures vers un des autres bouts de ce monde décidément immense, et vous disons à bientôt.

65. Six expressions de parlure québécoise

Le langage québécois coloré, appelé ici parlure, participe au bonheur de nos découvertes. Nous vous présentons ici quelques-unes de ces merveilles en parallèle avec nos visites de Montréal à Trois-Rivières.

Salut, tu vas bien ?

A Montréal aussi les gens ont dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors. Nous sommes très bien accueillis partout avec des « Bon matin » dans la rue, des « Salut, tu vas bien ? » ou même des « Allo » (ça signifie aussi bonjour !) à l’entrée d’une boutique ou d’un restaurant ou encore des « Bienvenue » lorsque l’on remercie le serveur (l’expression est employée en fait pour « de rien ») venu nous réchauffer (resservir du café) ou nous apporter la facture (l’addition). Les Montréalais semblent détendus et souriants, presque joyeux parfois, en contraste avec le temps gris, frais, venteux et bruineux lors de notre arrivée. De quoi ressortir la petite laine et ternir un peu les photos de cette première journée dans la vieille ville. Les seuls clichés colorés sont ceux pris en intérieur.


Il pleut à boire debout

« D’la pleu toujours, d’la pleu tout l’temps, d’la pleu les troè quarts de l’année », poétisait mon grand-père dans son patois solognot. En France on dit maintenant qu’il pleut des cordes, aux USA des chats et des chiens, mais ce mercredi, icitte à Montréal, il pleuvait à boire debout. Il mouillait beaucoup en quelque sorte. Nous ne sommes pas pour autant restés assis sur nos steaks (à ne rien faire), préférant aller magasiner (faire les boutiques) munis de nos parapluies, avant de nous réfugier au Musée des beaux-arts. Un grand complexe de 5 bâtiments reliés entre eux par des souterrains, hiver oblige, hébergeant tellement de collections que nous avons dû faire des choix drastiques. Nous nous sommes limités à celle sur l’art Inuit, pas si commun, à l’exposition temporaire très colorée de Nicolas Party, artiste peintre Suisse qui a réalisé plusieurs œuvres directement sur les murs du musée, et au bâtiment dédié aux arts décoratifs et au design. Il est toujours intéressant de voir comment les créateurs revisitent nos objets du quotidien. Après les photos légendées, un petit quizz vous est proposé pour trouver à quoi peuvent bien servir les 2 dernières machines.



Arts décoratifs et design


Quiz du jour : saurez-vous retrouver l’utilité de ces deux objets ?

Objet a deviner
Objet 1
1A – Un dictaphone ?
1B – Un inhalateur de solutions soufrées ?
1C – Un épilateur
?
Objet a deviner
Objet 2
2A – Un pétrin de boulanger ?
2B – Une machine à fabriquer des préservatifs ?
2C – Un moteur de hors-bord ?

Résultats à la fin de l’article


Et on termine la partie artistique par un peu de street-art à l’extérieur du musée

Pour info, Les foufounes électriques est le nom d’un bar branché de Montréal axé sur la culture punk, gothique et alternative. En québécois, foufounes signifie fesses…


C’est tiguidou !

C’est tiguidou, on est revenus aux belles températures ! Ma blonde et moi on a embarqué dans not’ roulotte pour aller au Mont Royal. J’ai chauffé Roberto jusqu’à un stationnement, ça m’a coûté 13 piasses, c’était pas dispendieux. Pis on a mis nos espadrilles et on est partis prendre une marche. Y f’sait chaud, pas besoin d’s’abrier. D’ailleurs le monde movait plutôt en camisole et gougounes qu’en chandail. Nous avons dîné dans la van, mais on aurait pu aussi bien manger des sous-marins sur une des tables de pique-nique, en faisant attention de bien tout mettre après aux vidanges au risque de se prendre un ticket. C’est de même icitte !

Chouette, le beau temps est revenu ! Ma chérie et moi avons pris notre van pour aller au Mont Royal (le point culminant de Montréal qui a donné son nom à la ville). J’ai conduit Roberto jusqu’à un parking, ça m’a couté 13 dollars la journée ce n’était pas cher. Puis nous avons mis nos baskets et sommes partis en randonnée. Il faisait chaud, pas besoin de se couvrir. D’ailleurs, les gens portaient plutôt des débardeurs et des tongs que des pulls. Nous avons déjeuné dans le van, mais nous aurions pu tout aussi bien manger des sandwiches sur une des tables de pique-nique, en faisant attention de tout mettre après aux poubelles, au risque de se prendre une amende. C’est comme ça ici !

(Traduction de l’auteur, en l’absence de cette fonctionnalité sur Google et autres Reverso)

Sur les photos, vous verrez les vues panoramiques qu’offrent le belvédère et les sentiers au sommet du parc, un chanteur français qui passait par là, la grande croix visible à 80km à la ronde et le lac aux castors qui contrairement à ce que son nom indique héberge des poissons rouges.


Une belle fin de semaine

Ah oui ici on ne dit pas week-end. La plupart des mots anglais sont bannis. Pour cette fin de semaine, donc, nous sommes allés rendre visite à nos amis de St Barth, Véronique et Pierre, qui ont acheté ici un petit châlet au bord d’un lac dans la belle région des Laurentides au Nord de Montréal. Une maison toute bleue qui m’a donné envie de pasticher une chanson bien connue de Maxime Le Forestier. Je ne suis qu’un poète de 4 sous, vous êtes prévenus !

Ce sont deux maisons bleues
Adossées à la colline
D’un lac oublié en plein Canada
L’une est toujours là, l’autre y a roulé.
On se retrouve ensemble après une année de route
Véronique et Pierre, Claudie et donc moi
Autour du repas, c’était comme hier.
Quand les étoiles s’allument
Quand apparait la lune
Le lac est beau là devant vous
Scintillant de cent mille et un éclats

Parlant jusque très tard
Échangeant sur tous nos rêves
On racontera nos meilleures histoires
Nos petits tracas jusqu’à la nuit noire.
Quand l’aube enfin se lève
Le canot quitte la grève
Le lac est beau, il est à nous
Glissons sur l’onde, n’attendons pas

Ce sont deux maisons bleues
Qui espèrent bien se revoir
Dans quelques années, celle qui reste là
Et l’autre qui aura fini sa tournée

Nous avons eu le plaisir de rencontrer chez nos amis leurs sympathiques voisins, Ninon et Laurent, de vrais Québécois qui nous ont appris plein de trucs sur le pays et donné des tuyaux sur nos futures visites. Nous étions ravis aussi qu’ils connaissent et apprécient la série québécoise que nous visionnons actuellement, Le temps d’une paix, une saga familiale qui se déroule dans le Québec rural entre la première et la seconde guerre mondiale. La première diffusion a eu lieu entre 1980 et 1986, mais a été suivie de nombreuses rediffusions tant les québécois en ont redemandé. Nous apprenons beaucoup sur la culture de cette époque tout en nous familiarisant avec les subtilités de la langue. Pour ceux qui voudraient s’y essayer, c’est disponible sur Youtube, voici le premier épisode. Il faut s’accrocher un peu pour comprendre au début, mais après ça vient tout seul.

https://www.youtube.com/watch?v=1_BHzWf_edE

C’est de valeur que tout soit fermé !

Depuis que nous sommes au Canada, nous constatons que beaucoup d’attractions, de musées ne fonctionnent pratiquement qu’en haute saison, soit de fin juin à fin août pour l’été. Nous aurions tendance à dire comme les locaux que « c’est de valeur », expression trompeuse qui signifie en fait « c’est dommage », mais d’un autre côté nous ne sommes pas si pressés de voir débarquer des hordes de touristes sur nos lieux de visites. Lors de notre passage à Trois-Rivières, entre Montréal et Québec, c’était un peu le cas. Sur la demi-douzaine de visites que nous projetions, nous n’avons pu en concrétiser que deux, celle du centre historique avec ses bâtiments très typiques de l’architecture canadienne, et celle de l’ancienne papèterie qui fut un temps la première productrice mondiale de papier. Il faut dire que la ville est idéalement située, au confluent de la rivière Saint-Maurice et du fleuve St Laurent, la première étant une excellente voie pour acheminer les arbres depuis leur zone de coupe dans l’arrière-pays tout en fournissant une eau d’excellente qualité pour fabriquer la pâte à papier (qui en contient à l’origine au moins 99%), le second étant propice ensuite à la livraison du produit fini dans le monde entier. Il est à noter que les habitants de Trois-Rivières s’appellent les trifluviens, alors qu’ils n’ont qu’un seul fleuve (le Saint-Laurent). Pire encore, ils n’ont qu’une seule riviève (la rivière Saint-Maurice). Le nom aurait été attribué par erreur par un navigateur malouin au XVIème siècle, qui ne se rendit pas compte que les 3 chenaux que forme la rivière Saint-Maurice à son embouchure proviennent du même cours d’eau. Pour une fois, honte à la France !


Elle se visite mais on peut aussi y tenter l’expérience de l’incarcération pour une nuit, avec tout le protocole (mise en tenue, photos de face et profil, etc.) et nuit en cellule sous la surveillance d’un gardien, lui-même ancien détenu. Pas sûr qu’on vous pique votre portable, mais d’un autre côté il parait que c’est assez répandu dans les vraies prisons…

Les dépanneurs au Québec n’ont rien à voir avec la mécanique. Ce sont de petites épiceries qui vous « dépannent » à des heures précoces ou tardives de fournitures alimentaires de dernière minute. Celui de droite, une ancienne institution dans la ville s’est reconverti en magasin bio et vintage. On y trouve aussi ces sodas bizarres aux goûts étranges. Bon enfin si c’est bio…


Tu trouves-tu ?

Au Québec, le pronom tu est fréquemment redoublé dans les phrases interrogatives, comme dans Tu m’aimes-tu ? Là où ça se complique, c’est quand le premier pronom n’est pas tu, par exemple dans Il vient-tu avec nous ?. Ce tu qui devrait être tu viendrait en fait de la contraction t’y également employée en vieux Français. Tu comprends-tu ?

Bon, je voulais plutôt vous parler de ces points d’interrogation bizarres, rencontrés à plusieurs reprises, qui ont attiré inévitablement notre curiosité. Il nous ont semblé dans un premier temps représenter une sorte de jeu de piste, jusqu’à ce que nous ayons eu l’occasion de les suivre et d’arriver …à l’office de tourisme. Ce point d’interrogation remplace en fait le « i » dont nous avons l’habitude et que la majorité des pays ont adopté. Je vous livre dans la foulée quelques panneaux amusants que nous avons rencontré sur notre chemin.



Cette première étape sur la province de Québec s’achève. Nous venons d’arriver à la ville éponyme qui va mériter certainement plusieurs jours de visite. A bientôt pour le récit !
P.S. Réponses au quiz : 1A et 2C

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63. Six passages de frontières en 12 jours

Un seul de ces passages de frontières était pourtant prévu à la sortie des États-Unis début juin pour la poursuite de notre périple au Canada, mais les circonstances en ont décidé autrement. D’abord une circonstance joyeuse aux Chutes du Niagara où nous a pris soudainement l’envie, alors que nous étions du côté américain, d’aller les observer du point de vue canadien avant de retrouver Roberto aux US. Un autre passage de frontière plus tragique nous obligera quelques jours plus tard à retourner au Canada puis en France pendant quelques jours avant de reprendre notre parcours là où nous l’avions laissé.


Chutes du Niagara

Ce sont l’une des merveilles de la Terre et la visite nous a paru incontournable. Nous avons joué le jeu à fond en allant les contempler de plusieurs points de vue : en longeant la rivière tumultueuse, en grimpant sur la tour d’observation et sa proue trônant 86 m au-dessus du vide, en escaladant la passerelle qui rejoint la cataracte à mi-hauteur, en embarquant munis de ponchos en plastique – car oui, ça éclabousse pas mal – sur un bateau qui s’aventure jusqu’aux pieds de la célèbre cascade du fer à cheval. Tout ça c’était du côté américain, mais comme nous n’en avions pas assez, nous sommes allés voir les chutes du côté canadien. Rien de plus facile, il a suffi de traverser à pied en moins de 10 mn le Rainbow Bridge qui relie les deux pays. Bon, honnêtement, il a bien fallu consacrer 15 mn supplémentaires aux formalités administratives d’entrée ay Canada, mais cela valait le coup. De l’autre côté, avec la lumière de l’après-midi et l’angle de vue différent, c’est un autre spectacle que nous avons contemplé. Le tout dans un bruit assourdissant et permanent. Et c’était vraiment impressionnant que de voir ces tonnes d’eau se déverser (2 800 chaque seconde !) dans une brume envahissante qui s’élève bien au-dessus des chutes et où de jolis arcs-en-ciel se forment. Une visite somme toute vivifiante. Saviez-vous qu’en 1948 les chutes se sont arrêtées de couler pendant 3 jours, en raison de la formation d’un gros bloc de glace en amont ? Certains se sont alors aventurés dans le cours d’eau soudain asséché, sous les falaises. Je ne crois pas que nous l’aurions fait.


Corning ou l’art de se mettre au verre

Le nom de Corning me disait quelque chose. Une marque inscrite sur la verrerie de laboratoire du temps où j’étais étudiant. Tubes à essais, Béchers, Erlenmeyers et autres cristallisoirs, réputés pour leur grande résistance aux chocs et aux changements brutaux de température. Normal, Corning est l’inventeur du Pyrex. C’est aussi et je l’ignorais le nom de la ville de Pennsylvanie d’où tout est parti. Apprenant que l’usine originale faisait encore référence en matière de verrerie d’art, les grands amateurs de la chose que sont Claudie et moi n’ont pas manqué de faire un crochet pour aller y jeter un œil. Nous nous sommes régalés pendant quelques heures à observer les magnifiques œuvres collectionnées comme réalisées sur place, à voir travailler en direct les souffleurs de verre, à apprendre les étapes de la maîtrise de la fabrication du matériau au fil des époques, à comprendre comment l’on fabrique en série des assiettes, des bouteilles ou encore des miroirs de télescopes.

Et puis soudain la nouvelle est tombée. Mon père qui n’allait plus très bien depuis quelques jours venait à sont tout de franchir une frontière, bien plus terrible que notre passerelle, celle du monde des vivants. Certes il est parti en douceur à 90 ans, mais cela ne console qu’à moitié.


Réorganiser le voyage

Il nous faut donc rentrer en France pour les obsèques, et réfléchir à l’endroit d’où nous allons partir. Notre visa américain était encore valable un peu plus de 2 semaines. Cela risquait d’être un peu juste en cas de retour retardé pour une raison quelconque : le nouveau visa qui nous serait attribué courrait alors pour 90 jours Canada compris. Le plus sûr est donc de faire l’aller-retour depuis le Canada et de shunter la partie Nord-Est des États-Unis. Nous prenons des billets d’avion aller-retour Toronto-Paris et du coup refranchissons la frontière aux Chutes du Niagara, avec Roberto cette fois. Presque une formalité. Personne côté américain – comment sauront-ils que nous avons quitté leur territoire ? – et un douanier sympathique côté canadien qui cède même sa place à un confrère francophone pour nous faciliter la tâche. Un simple contrôle des passeports et de l’enregistrement en ligne « arrivecan » que nous avions réalisé 2 jours plus tôt et nous voilà parvenus au pays à la feuille d’érable. Roberto n’aura même pas été contrôlé !


Parenthèse française

Je ne m’étendrai pas sur cette semaine éprouvante mais nécessaire dont le bon côté a été, comme toujours dans ces circonstances, de revoir toute la famille ou presque. Vous n’aurez ni humour ni photo, encore que j’ai hésité à vous mettre celle de la belle cathédrale de Bourges quasi comble de spectateurs venus assister comme nous à un spectacle de trompes de chasse, en essayant de vous faire croire à la forte popularité de mon papa. Mais non, j’ai respecté sa mémoire.


Le dernier des 6 franchissements de frontières

Un bel Airbus 350 d’Air France nous a ramenés au Canada. J’ai été un peu surpris d’emblée de partir plein Nord, en direction de Calais puis de l’Islande. Mon ingénieur de père m’aurait sûrement rappelé, s’il avait été encore là, que si le chemin le plus court sur une projection à plat de la Terre était bien la ligne droite, il devenait une ligne courbe appelée arc géodésique si l’on redonnait à notre planète ses rondeurs naturelles. Du coup nous sommes passés tout près de l’Islande avant de traverser le Sud du Groenland, immense étendue de plaines et de montagnes enneigées fendues par de grandes vallées glaciaires toutes gelées et entourées d’une banquise en cours de fragmentation formant sous les effets du vent et des courants de véritables galaxies des mers.


Arrivée mouvementée

L’arrivée à Toronto n’a pas été une sinécure. Pourtant partis à peu près à l’heure, nous avions déjà une trentaine de minutes de retard (peut-être que finalement l’avion aurait dû partir plein Est ?). Mais cela ne serait rien si l’on ne nous avait pas annoncé alors qu’en raison de l’engorgement des douanes, nous devrions rester un moment dans l’avion avant de débarquer 50 par 50. Plus d’une heure et demi après, nous sortons enfin de l’appareil, un peu énervés. Mais nos tracas ne s’arrêtent pas là car il nous faut alors patienter dans une très longue queue dont les zig-zags passent même par les toilettes tellement la salle est comble. Après un contrôle policier peu aimable, il nous reste à récupérer nos bagages qui ne circulent plus depuis longtemps sur les tapis mais ont été entassés au milieu de la salle. Ce n’est que 2h30 après notre arrivée que nous sortons enfin de l’aéroport, avec encore beaucoup de mal pour trouver la navette qui rejoint le parking, indiquée nulle part. Nous retrouvons avec joie Roberto, notre cabane au Canada, intact et démarrant au quart de tour, comme pressé lui aussi de reprendre la route. A bientôt alors !

59. Un an de vie nomade !

Le 24 avril 2021, en période de déconfinement progressif, nous démarrions notre vie nomade avec Roberto, tout frais sorti de chez son aménageur 5 jours auparavant. Après quelques jours passés à Rodez pour le rendre habitable, nous sommes partis heureux sur des routes quasi-désertes, munis d’une attestation un peu olé olé justifiant notre déplacement par l’achat de notre véhicule principal et le séjour au domicile de l’un de nos enfants pour rechercher un logement. Nous sommes ainsi entrés pleinement dans notre vie nomade, profitant du bonheur cumulé d’être libérés de la vie professionnelle, de la sédentarité et accessoirement de cette pandémie censée être sur le déclin. Profitant du bonheur de pouvoir aller où bon nous semble, de pouvoir nous arrêter au gré de nos envies, de se réveiller chaque jour dans un lieu différent. Et surtout de vivre à deux intensément notre soif de découvrir le monde.

Un an plus tard notre désir de poursuivre cette vie aventureuse est intact. Nous continuons à y trouver ce que nous cherchions. Nous avons parcouru près de 36 000 km et traversé 16 pays. Nous avons découvert des paysages souvent splendides dans lesquels nous avons volontiers randonné. Nous nous sommes gorgés de culture, d’histoire locale, d’art, de cuisine locale. Nous avons aussi rencontré quelques voyageurs nomades, discuté un peu avec les locaux souvent curieux de notre épopée, mais pratiquement jamais croisé de Français pas si aventureux que ça finalement. Si nous regrettons la distance physique avec la famille et les amis, nous sommes pour la plupart d’entre eux restés en relation grâce aux moyens de communication modernes, vidéoconférences et réseaux sociaux inclus.

En guise de bilan, j’ai demandé à chacun de nous de sélectionner une douzaine de photos, une par mois, et d’y mettre une légende. L’exercice s’est avéré ardu, les choix cornéliens, mais il fallait bien mettre des limites, à défaut de refaire tout le blog.

Claudie

04/21 Ma première sortie avec Roberto
05/21 Une nuit en pleine nature près d’un lac. Le début d’une longue série
06/21 Le Tribunal de Nuremberg, parce que j’adore l’Histoire
07/21 Freudenberg en Allemagne, trouvée non pas dans le guide mais dans un éphéméride !
08/21 Skänors Strand en Suède, pour les couleurs
09/21 Falaise de Preikestolen en Norvège, pour la beauté du site et l’exploit
10/21 La Colline aux Croix en Lituanie pour le côté résistance aux Russes
11/21 Les peintures florales sur les maisons de Zalipie en Pologne
12/21 La balade en vélo électrique avec les copains à l’Ile d’Yeu
01/22 Musée Frida Kalho (Mexico)
02/22 Paseo del arte, à Orizaba
03/22 La Nouvelle-Orléans pour son quartier français si typique
04/22 Le musée Martin Luther King d’Atlanta

Jean-Michel

04/21 Forcément, la découverte de Roberto !
05/21 Réveil au pied d’un moulin près d’Agen. Chaque jour le spectacle est différent
06/21 Ma première ville au-delà des frontières de la France
07/21 Les extraordinaires maisons de Freudenberg… et ma chérie devant
08/21 Cimetière Viking en Suède. Toute une culture à découvrir
09/21 Traversée de rennes près du Cap Nord. Mais j’ai hésité avec celle de Claudie
10/21 Les chantiers navals de Gdansk, pour leur valeur historique. La ville est bien aussi
11/21 La place colorée si typique du centre-ville de Zamosc en Pologne
12/21 Superbe excursion à l’Ile d’Yeu avec nos amis, ici au Fort de la Pierre Levée où j’étais en colo…
01/22 Découverte du Mexique par la place centrale très animée de Mexico (le Zocalo)
02/22 Les murs peints de Puebla (et de tout le Mexique)
03/22 Ma toute première sortie équestre dans le village fantôme au-dessus de Real de Catorce
04/22 Le jardin botanique d’Atlanta pour son incroyable serre tropicale

Roberto

04/21 Ma première nuit en pleine nature
05/21 Les gorges de l’Ardèche, épatantes pour tester les freins et la direction
06/21 Ma nuit aux pieds du Château de Neuschwanstein
07/21 Ma première plage… sur l’île de Rømø au Danemark. J’ai failli courser les chars à voile !
08/21 La Suède, ses forêts et ses milliers de lacs
09/21 J’ai réussi, je les ai emmenés au Cap Nord moi tout seul avec mes petites roues
10/21 Le camping d’Helsinki pour ses aurores magnifiques
11/21 Les sources ferrugineuses de Karlovy Vary (Rép. Tchèque) qui m’ont dégagé le filtre à air
12/21 Ma première escapade sur la neige au Lioran. Même pas glissé !
01/22 Le joli Château de Chalencon en Haute-Loire. Après, on m’a enfermé !
02/22 Ma première douche à Veracruz après 1 mois de mer
03/22 La terrible route étroite de Real de Catorce. J’y ai quand même croisé 4 véhicules !
04/22 Cette vue devant mon pare-brise ! Voilà comme on me traite après 35 000 km !

Nous poursuivons donc notre parcours sans hésiter, sans même nous être posés la questions tellement cela semble une évidence. Nous venons d’ailleurs de souscrire notre assurance santé pour une année complète. Car en effet, hors Europe, la sécu ne couvre plus que les situations d’urgence et encore faut-il avancer les frais. Nous ne l’avions pas encore fait jusqu’ici car nous étions couverts 3 mois après notre dernier départ de France par l’assistance de notre carte bancaire. La suite du récit de notre voyage, c’est pour dans quelques jours, surveillez vos boîtes-mail ! A très bientôt.