77. Colorado

Nous avons retrouvé dans ces montagnes « de couleur rouge » (« colorado » en Espagnol) de cet état de l’Ouest américain celles de nos manuels de géographie. Elles contrastent magnifiquement avec les feuillages des arbres des vallées et les falaises blanches au voisinage. Mais ce grand état possède bien sûr d’autres richesses. Entre les parcs nationaux des montagnes rocheuses et des grandes dunes de sable, la capitale Denver et sa richesse culturelle et nos petites aventures, il n’y a pas de quoi s’ennuyer !


Allez en prison, ne passez pas par la case départ !

C’est par cette petite affiche malicieuse que débute la visite de l’ancienne prison de Laramie, tout au sud de l’état du Wyoming. Construite en 1872, elle a hébergé pendant 30 ans les plus grands bandits de la région, dont le célèbre Butch Cassidy. On commence par nous montrer la maison du gardien en chef, luxueusement logé pour l’époque, afin que le contraste soit bien net avec les cellules des prisonniers. Tout aussi austères que les règles de l’époque : dépersonnalisation (remplacement du nom par un numéro, rasage complet et tenue rayée unique), lever à 5h30 du matin, interdiction de toute conversation, marche en rangs serrés pour les sorties, travaux forcés, etc. On est loin des parties de Kohlantess de la prison de Fresnes !

Une salle entière est dédiée à Butch Cassidy, hôte de la prison pendant 18 mois, presque érigé en héros malgré ses nombreux crimes. Il est volontiers comparé à un Robin des Bois alors qu’il n’a jamais rendu un penny de ses larcins à quiconque. Au contraire, traqué par la police et des détectives privés, il a fini par s’enfuir avec son compère Kid Sundance en Amérique du Sud où il aurait probablement été tué quelques années plus tard. Les tests ADN n’ont toutefois pas confirmé que c’était bien lui, laissant la part belle à tous les fantasmes de ses admirateurs.


Lovely Loveland

Nous sommes maintenant dans l’état du Colorado. Sur la route du Parc National des Montagnes Rocheuses, nous faisons une petite halte à Loveland. Cette ville a bien sûr tiré parti de son nom – qui est en fait celui du président de la compagnie de chemins de fer qui a permis à la ville de se développer – pour promouvoir ce qui tourne autour de l’amour. Lors de la St Valentin notamment, le must est d’envoyer une carte à l’être cher avec le cachet postal de la ville. Si l’on ne peut se déplacer, il suffit d’envoyer la carte préaffranchie à la poste de la ville où des bénévoles se chargeront d’appliquer le cachet avant de la réexpédier. Le restant de l’année, on peut se faire photographier devant les lettres géantes LOVE du centre des visiteurs ou bien y accrocher un cadenas.

L’autre spécialité de la ville, si l’on peut dire, ce sont les scultpures. Outre le concours annuel du mois d’août, 3 parcs exposent plusieurs centaines de ces œuvres. Le premier que nous avons visité est dédié à l’art sculptural du Zimbabwe, le second sert d’accroche à l’office de tourisme, et le troisième, le plus grand, offre au regard des passants plus de 150 sculptures en bronze dont pas mal méritent le détour. Et tout est gratuit, profitez-en !


Parc National des Montagnes Rocheuses

Nous n’avions pas prévu de passer par ce parc au début et peut-être avons-nous provoqué de mauvaises ondes qui ont terni notre visite. A moins que ce ne soit lié au fait que nous y étions en plein week-end de fête du travail. La foule était au rendez-vous hélas. Donc pas de camping disponible et la ville à l’entrée du parc, Estes Park, est particulièrement inaccueillante vis-à-vis des véhicules de loisirs, interdisant notamment tout stationnement nocturne, y compris dans les rues. Nous avons passé la nuit sur un parking d’hôtel en centre-ville et avons décollé de bonne heure pour entrer dans le parc avant 9 heures. Car après, il faut un permis qui, comme les hébergements, se réserve plus d’un mois à l’avance. Ensuite, nous avons emprunté la route fétiche du parc, un chemin en terre bordé de quelques précipices mais circulant la plupart du temps en forêt. Le problème c’est que nous étions loin d’être seuls, et circuler ainsi au milieu d’une file de voitures ça gâche fortement le plaisir. Parvenus vers 3700 m d’altitude, ça s’est amélioré. Le paysage s’est dégagé, devenant grandiose, sans être toutefois exceptionnel pour nous qui avons vécu 25 ans à la montagne. Nous avons tout de même suivi quelques sentiers de randonnée au milieu de la toundra, grimpé sur de petits sommets rocheux et glané quelques informations sur les panneaux ou au centre des visiteurs. Un peu déçus quand même, nous sommes ressortis du parc le soir d’y être entrés, sans avoir l’envie d’y retourner.


L’attaque de l’écureuil

Dès la sortie du parc, nous avons longé le Lac Mountain Shade, qui n’avait pas tant l’air que ça à l’ombre de la montagne. Juste à côté se trouve une forêt nationale, et les forêts nationales c’est pratique pour nous autres voyageurs nomades car il est possible d’y stationner gratuitement et en général paisiblement pour la nuit. Nous nous sommes trouvés un petit coin dans une clairière et avons dormi comme des loirs. Un peu saisis par le froid tout de même le matin (9°C dans Roberto et sans doute 2 ou 3°C dehors). Nous avions juste oublié que nous étions en altitude. Un petit coup de chauffage nous a remontés rapidement à 20°C et le soleil radieux a rapidement pris le relais. Nous sommes donc retournés près du lac, toujours au soleil d’ailleurs, et avons randonné sur une petite boucle de 6,5 km, l’East Shore Trail, moitié au bord de l’eau moitié dans la forêt et les prairies. A la fois joli et tranquille, comme nous aimons. Le seul être vivant qui a troublé notre passage a été un écureuil qui, du haut de son sapin, nous jetait des jeunes pommes de pin et des bouts de branches. A priori il n’avait rien contre nous, il préparait plutôt sa récolte pour se sustenter pendant son hibernation. Tout de même, être canardés par un écureuil, c’est un comble !


Petit coup de pompe

Nous sommes en pleine forme, rassurez-vous, mais ce n’était pas le cas il y a quelques jours de notre pompe à eau qui, après 18 mois de bons et loyaux services nous a brusquement lâchés. De rapides vérifications permettent de s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un problème d’alimentation en eau ou en électricité. Il nous faut donc trouver dans l’idéal un dépanneur, pour avoir au moins un diagnostic précis, ou à défaut une nouvelle pompe, sachant que les raccords des pompes américaines pourraient ne pas être compatibles avec les nôtres. Evidemment, nous sommes en plein week-end de fête du travail, mais c’est toujours comme ça. Nous dénichons un dépanneur à une douzaine de kilomètres de l’endroit où nous sommes, apparemment ouvert d’après Google – qui est loin de la fiabilité à 100%. L’entreprise s’appelle RV Doctor, c’est tout dire. Ils sont plutôt spécialisés dans le dépannage à domicile, ce qui nous parait incongru pour des véhicules plutôt mobiles, mais à la réflexion beaucoup de véhicules de loisirs américains sont scotchés plusieurs mois voire à l’année dans des campings ou ils sont raccordés à tout. Au bureau de RV Doctor, un gars qui semble tout juste sorti de son lit (il est 9h30) nous affirme qu’aucune réparation ne se fait sur place mais qu’il peut nous envoyer dans la journée un dépanneur …à notre domicile. Nous avons beau lui montrer Roberto garé juste devant sa fenêtre, rien à faire. Nous n’allons tout de même pas aller nous installer dans un camping juste pour la réparation ! Nous remontons dans notre véhicule et ressortons nos téléphones pour rechercher un autre dépanneur ou un vendeur de pièces détachées. C’est alors qu’arrive de l’arrière de la maison une autre personne qui nous demande si tout va bien. Nous lui expliquons notre problème et il demande tout de suite à regarder. Après quelques tests il pense que la pompe est grillée et nous propose de la remplacer. Une demi-heure plus tard nous repartons avec une pompe neuve et avec la pensée d’en donner de grands coups (de pompes bien sûr) à notre premier intervenant.

Cela pose la question plus générale des pannes en voyage. Pour les problèmes mécaniques, nous pouvons faire appel à l’assistance incluse dans notre contrat d’assurance, encore faut-il avoir du réseau et dans cet immense pays, c’est loin d’être toujours le cas. Et cela ne nous permet que de nous faire transporter au garage le plus proche, car la plus grosse difficulté est de trouver des pièces pour nos véhicules européens. Les concessionnaires Fiat américains ne vendent pas de fourgons Ducato et donc n’ont pas les pièces détachées, ni les valises diagnostiques sans doute. Les autres marques ne sont pas mieux loties et ceux qui espéraient s’en sortir en partant avec un véhicule Ford se cassent tout aussi bien les dents : les Ford Transit européens n’ont pas les mêmes moteurs que leur homologues Yankee. Une panne là-bas est donc souvent synonyme d’attente de l’envoi des pièces détachées. Pour les pièces d’usure, il est toutefois possible d’anticiper. Nous avons ainsi ramené avec nous de notre dernier passage en France un jeu de filtres et de plaquettes de freins. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de passer chez un concessionnaire Fiat pour faire remplacer le filtre à air moteur qui nécessitait un outil spécifique pour le démontage. Ils m’ont remis le nouveau, que j’avais apporté, en me souhaitant bon voyage, sans rien me demander donc.


L’argent a fait son bonheur

Georgetown dans le colorado est née 2 fois : une première fois en 1859 après la découverte de quelques pépites d’or dans le torrent qui la borde, dans une micro-ruée vers l’or qui ne dura que 2 ans. Puis une seconde fois en 1864, grâce à la découverte de filons à forte teneur en argent dans les montagnes et à une loi américaine récemment promulguée qui permettait au dollar de reposer aussi bien sur l’argent que l’or. La ville connut un essor tel que pendant quelques années, elle sera la ville qui produira le plus d’argent au monde.

Pour acheminer tout ce minerai il fallait un train, et la ligne fut inaugurée en 1885, transportant aussi des passagers jusqu’à la grande ville de Denver toute proche. La 2ème guerre mondiale porta un coup d’arrêt à la production d’argent et la ville connut une nouvelle récession. C’est le tourisme et l’énergie de plusieurs sociétés conservatrices du patrimoine qui la sauvèrent et permirent la remise en service de la voie désaffectée un siècle plus tard.

Nous avons emprunté ce train à vapeur circulant en voie métrique sur de frêles ponts de bois sans parapet, comme à l’époque. Cela nous a rappelé notre voyage itinérant en Inde d’il y a 35 ans (mais que ça passe vite !) où nous voyagions de nuit dans les derniers trains à vapeur en service régulier, nous réveillant le matin le visage et les cheveux couverts de scories. Pas de scorie ici, les huiles recyclées remplacent le charbon.

Nous en avons profité aussi pour visiter la mine d’argent. Mais, si le décor en valait la peine, le discours de la guide était plus orienté sur les anecdotes et les histoires de fantômes (les américains adorent) que sur la vie des mineurs et les technologies employées pour extraire et traiter le minerai.


Les Red Rocks

Ce titre ressemble un peu au nom d’un groupe musical ou d’une équipe de baseball, mais il s’agit bien d’une formation naturelle de roches rouges, des falaises de grès formées il y a 290 millions d’années. En temps ordinaire, c’est un parc de la ville de Denver qui se visite tranquillement. Mais la capitale du Colorado y a aussi installé un amphithéâtre en taillant un peu la montagne, pour y produire des concerts. Les Beatles notamment y ont joué en 1964. Nous avons retrouvé l’affiche à l’hôtel de Denver où ils avaient passé la nuit, laissant la direction totalement débordée par les 5000 fans qui s’étaient rassemblés devant la porte. Le problème des soirs de concert, c’est que les sentiers de randonnées ne sont plus accessibles, et c’était forcément le cas lorsque nous sommes arrivés dans le coin. Il restait heureusement la possibilité de circuler sur la route panoramique, ce qui nous a permis de profiter de ce paysage étonnant et de prendre quelques photos.


Denver, du décor !

Ce qui est bien dans les grandes villes, c’est que l’offre culurelle est généralement riche et variée. Et permet de constater que, si la nature nous offre de belles choses, l’humain en est capable aussi. En voyage, nous apprécions d’alterner les deux.

Denver est riche en oeuvres de street art, avec une concentration particulière dans le RiNo Art District. RiNo pour River North et non pas pour la bête à corne ou le nez qui coule. Une ancienne friche industrielle, comme souvent, reconvertie en quartier branché avec tout ce qu’il faut pour boire et manger, notamment dans l’ancien marché central. Nous y étions au moment du festival annuel de street art, et plusieurs peintres étaient en action. Nous avons passé près de 2 heures à déambuler dans le quartier à examiner les murs, les portes de garages, et mêmes les poubelles ! Voici quelques unes de nos trouvailles.


L’architecture urbaine est par contre assez banale, peu soutenue par le classique quadrillage américain des rues et avenues qui rend la ville monotone. Comme d’habitude aux USA, pas de vrai centre-ville, tout au plus une longue rue semi-piétonne peu fréquentée. La chaleur y était peut-être pour quelque chose, mais les vitrines ne sont pas vraiment accueillantes non plus. A titre indicatif, on peut marcher plus d’une heure sans trouver une épicerie. Sont-elles cachées à l’intérieur des buildings ? Ont-elles disparu au profit des courses en ligne ? On trouve tout de même quelques curiosités en flânant dans les rues, comme ce gros ours bleu debout les yeux collés contre les vitres du Palais des Congrès. Un vrai symbole de la ville, il est baptisé « Je vois ce que vous voulez dire ». Il devait parait-il être brun, mais une erreur dans l’essai de couleur – un comble dans un état qui s’appelle Colorado – lui aurait donné cette teinte surprenante que finalement l’artiste a décidé de garder.


Le Denver Art Museum est réputé pour sa grande collection d’art amérindien, mais s’intéresse aussi à l’art de l’ouest américain et à celui du reste du monde. Les peintres impressionnistes français y avaient notamment une belle part. Nous y avons trouvé aussi une section dédiée au design et quelques expositions temporaires plus ou moins à notre goût. Mais la partie sur l’art amérindien vaut à elle seule le déplacement.


Dans un autre registre, le Forney Museum of Transportation mérite également la visite. Sa collection de voitures miniatures est exceptionnelle, tout comme celle des véhicules en tous genres rassemblés dans ses hangars. Des trains aux avions en passant par les vélos, les motos, les voitures, les autobus, les avions et même une auto-tamponneuse. Du matériel parfaitement entretenu avec des carrosseries d’un tel lustre qu’elles auraient fait rougir Roberto s’il avait pu entrer.


Nous nous sommes baladés enfin dans le jardin botanique, dans le TOP 5 des USA selon …la ville de Denver. Pas sûr que nous lui aurions donné nous-même cette place, notamment en raison de la faible mise en valeur de la grande serre tropicale, mais nous avons tout de même pris du plaisir à en explorer les différents secteurs, notamment ceux dédiés aux plantes de l’Ouest américain armées pour affronter des écarts climatiques extrêmes. Les grands bassins de nénuphars sont à notre avis le must de ce jardin avec de grandes variétés de fleurs et de feuilles ressortant particulièrement bien sur une eau volontairement assombrie. Une véritable œuvre d’art réalisée par l’équipe de jardiniers. Bravo !


Le Jardin des Dieux

Près de Colorado Springs, une ville à laquelle nous n’avons pas trouvé d’intérêt autre que le prix exceptionnellement bas du diesel (1,03 €/l, c’était peut-être une erreur, nous nous sommes dépêchés d’en profiter !), se trouve le Jardin des Dieux. C’est un parc qu’on peut parcourir entièrement à pied, aménagé autour de formations rocheuses étonnantes de grès rose ou rouge. Formées par sédimentation il y a des millions d’années, elles se sont redressées au moment de la formation des Montagnes Rocheuses et l’érosion en a fait des sortes de dalles verticales plus ou moins épaisses d’environ 150 mètres de haut. Chacune a son petit nom, des trois grâces aux chameaux qui s’embrassent. Nous avons cru reconnaître pour notre part un éléphant, non recensé dans la documentation. Mais ça risque d’être compliqué pour le faire homologuer, d’autant que nous l’aurions volontiers fait baptiser Roberto… Nous avons aussi croisé quelques cervidés pas trop farouches mais aussi un serpent à sonnette qui, lui, n’avait pas l’air commode. Un joli lieu un peu trop fréquenté mais qui a le mérite d’être gratuit. Ceci explique peut-être cela.


Rendez-vous manqué

Nous avions prévu de visiter le Parc National des Grandes Dunes de Sable, apparemment spectaculaires puisque les plus hautes d’Amérique du Nord, mais la météo en a décidé autrement. Avec la pluie continue et le brouillard bas, nous n’aurions pas vu grand-chose. Tant pis, ce sera pour une autre fois, nous décidons plutôt qu’attendre l’accalmie d’ »avaler du bitume » et de quitter un jour plus tôt que prévu le Colorado. Mais ce ne sera qu’un au revoir car cet état nous a bien plu et nous y retournerons prochainement. A bientôt pour la suite au Nouveau Mexique !

76. Autour de Yellowstone

C’est un long parcours qui nous emmènera de Missoula à Laramie en passant par l’exceptionnel parc Yellowstone, les états du Montana, du Wyoming et du Dakota du Sud jusqu’au célèbre Mont Rushmore. Une dizaine de jours intenses et inoubliables.

Missoula et son carrousel solidaire

Cette attraction est particulière par son histoire : un jour un menuisier du pays est allé voir le maire et lui a dit « I have a dream… » Il a proposé en fait de construire un carrousel pour la ville, à la seule condition qu’on lui promette que le manège ne sera jamais vendu ou déplacé. La ville a accepté, et désormais tout le monde se plaint du grincement infernal du manège, de la musique lancinante du limonaire, des enfants qui tombent ou qui se plaignent de violents maux de tête peu après avoir chevauché l’engin… Non non je blague, tout le monde est ravi, les enfants vont tous bien, le carrousel est magnifique et décoré dans les moindres détails y compris le bâtiment qui l’abrite. Ce qui est surtout marquant, c’est que la générosité de l’homme qui avait un rêve s’est étendue comme par contagion à une grande partie de la ville. Plusieurs milliers de personnes ont ainsi donné un coup de main pour que le projet se réalise, aussi bien pour sculpter et peindre les chevaux, carrosses et autres figurines que pour restaurer et remonter pièce par pièce le mécanisme que le menuisier avait récupéré, ou encore lever les fonds nécessaires aux travaux. Près de 100 000 heures de travaux bénévoles ont été comptabilisées. Le carrousel de Missoula est en service depuis 1995. 4000 volontaires se déclarèrent encore présents en 2001 lorsque le projet se présenta de construire un jardin d’enfants en forme de dragon juste à côté. Avec autant de bras, il ne fallut que 9 jours pour le montage. Un bel exemple de solidarité.


Nuit en forêt près de Garnet

C’est véritablement notre emplacement nocturne préféré car nous y avons en général une paix royale. Les forêts sont loin d’être toutes accessibles, souvent privées ou alors non équipées de voies de circulation. Mais aux USA, les forêts nationales relèvent du domaine public. Il suffit de les repérer sur la carte quand les emplacements de choix n’ont pas déjà été repérés par d’autres voyageurs sur les applications comme iOverlander. On nous demande parfois si nous ne craignons pas pour notre sécurité d’être autant isolés. Mais nous avons plutôt la sensation inverse. Tant mieux, il en faut pour tout le monde !


Garnet, le village fantôme

Vers 1890, des prospecteurs ont découvert de l’or dans la région, attirant de nombreux chercheurs, et, chose inhabituelle, leurs familles. La ville de Garnet a poussé comme un champignon, hébergeant jusqu’à 1000 personnes vers 1895, et disposant alors de 4 magasins généraux, 7 hôtels, 13 saloons, 3 écuries, 2 barbiers, 1 médecin, 1 école, 1 boucher et 1 boutique de confiseries (des familles vous dis-je). Pourtant, rien de tout cela n’a fait long feu. Les filons ont commencé à s’épuiser vers 1900, les exploitants ont commencé à louer à des gogos leurs mines en déclin, et les familles sont parties peu à peu. En 1905, il ne restait plus que 150 habitants. En 1912 un grand incendie en a encore chassé un grand nombre et le peu qu’il restait a été enrôlé dans la 1ère guerre mondiale. Même si la ville a connu quelques réveils provisoires par la suite, elle a fini par s’éteindre et est aujourd’hui abandonnée. Bien entendu, les autorités ont saisi le filon et tentent de maintenir en état les différents bâtiments pour la préservation de l’histoire, ce qui nous permet de les visiter aujourd’hui. Une poignée de baraques en bois dont une partie du mobilier est restée en place, suffisamment pour que l’on s’imprègne de l’ambiance de l’époque. Un petit sentier parcourt aussi la zone minière où l’on trouve du matériel abandonné et des puits de mine condamnés par sécurité mais dont rien que l’entrée en dit long sur les conditions de travail de l’époque.


Nuit au camping, près de Townsen

Après avoir traversé les jolis paysages du Montana, moyennes montagnes recouvertes d’une herbe jaune qu’on croirait sèche et parsemées de quelques sapins, ou champs ondulés de céréales à perte de vue, nous cherchons comme chaque soir un coin tranquille pour dormir. Nous avions repéré un camping gratuit près de la ville de Townsen, mais en faisant le tour de cet emplacement pourtant sympathique, nous découvrons que le seul occupant, une caravane sans son véhicule tracteur, est équipé d’un groupe électrogène en fonctionnement. Pas du tout envieux de supporter cela toute la soirée et encore moins la nuit, nous filons un peu plus loin. Comme il est déjà tard, nous nous rabattons sur un petit camping tout proche, dénué de tout personnel comme nous en avons déjà vu (on met le paiement dans une urne à l’entrée). Pas de groupe électrogène cette fois, mais un groupe de tondeuses à gazon entourant Roberto. Relativement silencieuses, ces vaches noires ne nous laisseront que quelques bouses avant de s’éloigner et nous permettre une nuit paisible.


Allez les bleus !

Sur une colline bordant l’autoroute qui mène à Three Forks dans le Montana, on peut apercevoir un troupeau de chevaux semblant brouter tranquillement l’herbe jaune du coin. Tout de même, quelque chose cloche : ces chevaux semblent d’une taille quelque peu inhabituelle et, si leur crinière vole au vent, eux-mêmes sont immobiles. Qui plus est, en se rapprochant un peu, on distingue une couleur bleutée. S’il est possible de s’arrêter sur un petit terrain vague bordant l’autoroute, rien ne permet d’approcher davantage le troupeau. Il faut sortir les jumelles pour apprécier les 39 sculptures en métal prenant des positions aussi diverses que réalistes, et s’apercevoir que la couleur bleutée est celle de taches peintes sur chaque « animal ». Renseignement pris, il s’agit de l’œuvre d’un artiste local à qui une entreprise de céréales a offert un sommet de colline qu’elle ne pouvait sans doute cultiver. Et il parait que les vrais chevaux bleus, ça existe. Pas comme les éléphants roses.


Il nous en a fait voir de toutes les couleurs

Je parle bien sûr de cette merveille qu’est le parc de Yellowstone. On entre ici dans la cour des grands question parc naturel, le plus ancien du monde d’ailleurs car il a été créé en 1872. Pour les passionnés de thermalisme que nous sommes, c’est un grand waouh toutes les 10 minutes. Nous sommes en effet dans l’immense cratère d’un volcan dont la dernière éruption date de 620 000 ans, gardant depuis une activité géothermique intense. On voit des fumeroles partout, des lacs d’eau ou de boue en ébullition, et bien sûr des geysers. Les 2/3 des geysers du monde sont ici ! Le tout est joliment dispersé, comme si cela ne suffisait pas, dans un décor montagneux époustouflant, grandiose et diversifié. Ce qui a marqué le plus notre première journée, ce sont les couleurs magnifiques des différentes sources que nous avons rencontrées, liées aux micro-organismes qui parviennent miraculeusement à vivre dans ces eaux très chaudes (le record est à 240°C !). Paradoxalement, plus la couleur est froide, plus la température de l’eau est élevée.

A noter que nous avons fait la rencontre d’une famille française ayant tout quitté il y a 4 mois pour partir vivre au moins un an leur rêve de parcourir l’Amérique du Nord. Bien qu’ayant beaucoup voyagé avec nos enfants, nous n’avons jamais dépassé les 2 mois et demi de voyage continu, aussi nous ne pouvons qu’être admiratifs. Leur aventure est très bien racontée sur leur compte Instagram @lilybaroud, n’hésitez pas à jeter un œil.


Yellowstone J2

Ce grand parc mérite au moins 3 jours de visite, davantage si l’on souhaite parcourir d’autres sentiers que ceux qui se présentent tout le long des routes principales pour aller voir les points d’intérêts classiques. Ce qui n’est déjà pas si mal : rien qu’en empruntant ces sentiers, pour la plupart des passerelles en bois pour éviter de s’enfoncer dans les boues très chaudes, nous avons parcouru aujourd’hui 11 kilomètres. Comme hier, nous sommes allés d’émerveillements en émerveillements. Difficile de se lasser devant ces panaches de vapeur qui parsèment l’horizon, ces bassins en ébullition entourés de couronnes multicolores, ces fontaines crachotantes issues de cônes aux formes improbables et cette odeur de soufre omniprésente. Nous avons pu voir ce jour deux des attractions majeures du parc : le fabuleux Grand Prismatic Spring, un lac d’eau thermale formant une sorte de grand œil bleu entouré d’un halo de dégradés oranges du plus bel effet, et le célèbre geyser Old Faithful, dont l’intérêt réside surtout dans la fréquence relativement rapprochée et régulière des éruptions. C’est en conséquence autour de lui que l’on a construit toutes les infrastructures du sud du parc, comme les hôtels, les restaurants, les boutiques de souvenirs et bien entendu le centre des visiteurs. Les horaires probables des éruptions y sont annoncés, mais qu’on ne s’y trompe pas, les fourchettes sont assez larges. Ainsi, pour l’Old Faithful qui jaillit en moyenne toutes les 90 mn, la prochaine éruption était annoncée entre 13h40 et 14h (le spectacle a démarré à 13h40, mieux valait ne pas être en retard), tandis que pour le suivant, le Riverside geyser, c’était entre 15h05 et 16h35 (demandant donc un peu plus de patience). Pour d’autres geysers, l’intervalle entre deux éruptions est annoncé comme pouvant varier entre quelques heures et …quelques années ! Nous avons joué la simplicité en nous contentant de voir l’Old Faithful expulser 20 000 litres d’eau bouillante à une trentaine de mètres de hauteur, pendant environ 2 minutes. Confiants dans les organisateurs, nous n’avions même pas pris de parapluie !

Dans la série des rencontres, nous avons fait connaissance avec 2 autres familles de voyageurs français, chacune avec 2 enfants, parties pour un an à la conquête de l’Amérique du Nord et de l’Amérique centrale et complètement conquises par l’expérience. Ceux qui rêveraient d’en faire autant pourront se délecter de leurs aventures sur leurs comptes Instagram @prenezlapause et @nous_5_en_amerique.


Le zoo-camping du parc

Le camping sauvage étant interdit dans tout le parc, nous avons passé la nuit dans l’un de ses « campgrounds ». Les installations sanitaires sont basiques, limitées à des wc et lavabos, mais sans douches. Les emplacements sont par contre agréables avec, comme la plupart du temps en Amérique du Nord, table de pique-nique et foyer de cuisson individuels. Partout des panneaux préviennent de la présence fréquente d’animaux sauvages, ours et bisons entre autres. Nous n’aurons pas eu l’honneur de leur visite, mais en quittant le camping le matin nous sommes tombés sur ce cerf qui broutait tranquillement dans les allées, entre deux caravanes.


Gris et pastel

Troisième et dernier jour à Yellowstone. Nous commençons notre visite le matin par un secteur de géothermie boueuse. Ici, les sources dégagent volontiers de l’hydrogène sulfureux que des bactéries vont transformer en acide sulfurique, capable de dissoudre les roches autour et formant donc de la boue. Dès l’approche de la zone, bien avant de voir ces chaudrons bouillonnants, on sent bien l’odeur caractéritique d’œuf pourri et on entend les échappées de vapeurs, les bruits d’ébullition, et les bulles qui éclatent à la surface. Des geysers de boue, heureusement pour nous non actifs actuellement, ont aspergé puis grillé toute la végétation alentour, créant une grande clairière gris-blanc au milieu de la forêt. Le dernier bassin de boue que nous verrons n’est plus gris mais jaune. C’est de l’acide sulfurique presque pur, avec un pH proche de 1. Il est 10 fois plus acide que le jus de citron par exemple. A ne surtout pas consommer, même avec modération !

Nous traversons ensuite des plaines à bisons (une bonne cinquantaine étaient présents) pour rejoindre le grand canyon de la rivière Yellowstone, l’un des fleurons du parc. Long de 30 km, large de 500 à 1200 m, profond de 300m, il est le résultat de 600 000 ans d’érosion par la rivière et les conditions climatiques. Les parois abruptes où pas grand-chose ne pousse ont pris de jolies couleurs pastel, jaune pâle, vieux rose ou ocre. De frêles colonnes et murs rocheux s’avancent ça et là, procurant un bel effet de relief. Au bord des falaises, que nous avons longées à pied, des arbres au bord du vide exposent leur racines nues tout en s’accochant désespérément avec les autres. Le spectacle est vraiment spendide.


Le rodéo de Cody

Nous quittons Yellowstone en fin d’après-midi, avec l’impression d’avoir vécu quelque chose d’exceptionnel. Heureusement, la jolie route qui sort du parc nous permet une transition en douceur, tout comme celle qui mène ensuite à Cody, bordée de hautes falaises rougeâtres. Cody s’ennorgueillit d’être la capitale mondiale du rodéo, et comme nous n’avons jamais vu ce genre de manifestation, nous nous garons près de l’arène et attendons l’ouverture. Jusqu’à fin août, un show a lieu chaque soir à 20 heures. Nous arrivons en avance pour avoir les meilleures places, juste devant les stalles de départ, d’où nous pouvons assister aux préparatifs. Les cow-boys en tenue complète se bandent le bras qui tiendra le harnais (pour les chevaux) ou la corde (pour les taureaux) et l’entourent d’une attelle. Ils portent des gilets de maintien et des petits coussins protégeant la nuque. Manifestement, ça va être éprouvant pour les articulations. Pour l’épreuve sur les taureaux, ils troqueront en outre leur chapeau pour un casque intégral. Pendant ce temps le public s’installe. Les porteurs de chapeaux, de blousons et bottes en cuir sont nombreux. La musique country diffusée par les haut-parleurs donne l’ambiance. Vers 20h un animateur prend la parole, qu’il partagera avec un clown placé, lui, sur la piste. Les épreuves s’enchaînent, sous les cris et encouragement des spectateurs. D’abord rodéos à cru sur chevaux, puis attrapage de veaux au lasso, en individuel ou en équipe, rodéo sur chevaux mais avec selle, course de vitesse avec obstacles et enfin l’épreuve reine, le rodéo sur des taureaux déchaînés où, je crois, le meilleur a tenu 12 secondes. Du beau spectacle et une ambiance typique far-west.

Fatigués de cette grande journée, nous ne chercherons pas bien longtemps un endroit pour passer la nuit : un supermarché Walmart est à deux pas. Pas très glamour mais il fera l’affaire. D’autant que le frigo est vide, nous serons sur place pour les courses du lendemain.


La ville de Buffalo Bill

Si le rodéo est si légendaire à Cody, c’est bien bien grâce au créateur de la ville, William Frederick Cody. Son nom ne vous dit sans doute rien parce qu’il ne s’est appelé comme ça que jusqu’à l’âge de 23 ans où il abattit en une journée 69 bisons dans une sorte de concours stupide avec un autre éclaireur de l’armée qui lui n’en tua « que » 46. A partir de ce jour peu glorieux, mais qui pourtant suscitait l’admiration des gens d’alors, on l’appela Buffalo Bill. Quasiment autodidacte puisqu’il entra dans la vie active dès ses 10 ans, à la mort de son père, il fut particulièrement entreprenant tout au long de son existence. Cavalier et tireur émérite, acteur dans l’âme, il lança à l’âge de 36 ans, en 1882, le Wild West Show, un grand spectacle composé de numéros variés faisant tous l’apologie de la conquête de l’ouest. On y voyait des démonstrations de tir de précision, des courses de chevaux, des scènes de chasse avec de vrais bisons, des attaques de diligences, des batailles historiques et des scènes de la vie quotidienne. Buffalo Bill y participait en personne, aux côtés d’invités célèbres comme Calamity Jane ou le chef indien Sitting Bull. Le succès fut retentisssant et la troupe partit en tournée nationale puis européenne, avec une logistique remarquable pour l’époque. Buffalo Bill créa aussi la ville de Cody et fit beaucoup pour développer ses infrastructures. Nous n’avons pas résisté au plaisir de déjeuner au restaurant de SON hôtel. Ambiance typique garantie pour un prix étonamment raisonnable (15€ le buffet du midi).

Un excellent article sur le Wild West Show ici


Cinq pour le prix d’un

Le Buffalo Bill Center of the West est le centre culturel de Cody.5 expositions sont rassemblées dans même bâtiment, avec un billet d’entrée valable 2 jours, ce qui nous a été fort utile. La première est bien sûr dédiée au héros de la ville, tandis que les autres sont consacrées à l’histoire naturelle de la région, aux indiens des plaines, à l’art régional et aux armes à feu. Cette dernière, exceptionnelle, expose 5200 pièces sur les 7000 en possession du musée. Elle semble parfaitement à sa place ici au Wyoming, l’un des états ayant la plus forte proportion de détenteurs d’armes à feu (60% contre 5% pour le Delaware et 33% en moyenne aux USA)


La Tour du Démon

Après avoir de nouveau traversé des paysages superbes, nous arrivons à la Tour du Démon, une étonnante formation rocheuse qui ne ressemble à rien de ce qui l’entoure. Comme une dent qui aurait poussé au milieu de la campagne. En s’approchant un peu, on aperçoit des rayures verticales qui, avec la forme générale en tronc de cône, donnent à la chose l’apparence d’un cannelé bordelais géant. Inévitablement, on se demande comment elle est arrivée là. Au Visitor Center, les hypothèses vont bon train. On parle d’abord d’une origine extra-terrestre. Dailleurs, un alien est exposé à l’entrée, comme s’il avait été capturé puis empaillé en guise de preuve. Plus loin, on affirme, photo et gravure 3D à l’appui, qu’une ourse immense aurait tenté de grimper au sommet de la montagne où s’était réfugié un groupe d’Indiens, provoquant les profondes rainures avec ses griffes, en glissant. La bête ayant échoué, le lieu est devenu sacré pour les tribus du coin. Après, il y a les scientifiques qui ont forcément une explication : de la lave aurait trouvé son chemin il y a 60 000 ans (facile l’hypothèse, il n’y a plus personne pour témoigner) dans des couches sédimentaires, que la rivière autour aurait ensuite érodées. La lave elle-même en séchant lentement aurait produit ces jolies colonnes polyédriques. Pas facile de savoir qui a raison. Moi j’aime bien l’histoire de l’ourse, et vous ?


Nous passons la nuit à l’orée d’une forêt près du site, évitant volontairement le camping au pied de la tour. Pas seulement en raison du risque d’éboulement mais aussi parce qu’ils diffusent encore chaque soir le film Rencontres du 3ème type. Encore qu’avec en fond le décor qui a inspiré Spielberg ce pourrait être amusant.


Des têtes bien faites

Nous poussons jusqu’à l’état du Dakota du Sud pour rendre visite au monument le plus emblématique des USA après la statue de la liberté: le Mont Rushmore. Les têtes des plus méritants présidents du pays gravées dans le granit attirent chaque année plus de 3 millions de visiteurs. Initialement, ce devaient être des personnages célèbres de l’Ouest, mais le sculpteur Gutzon Borglum en a décidé autrement. Vu que l’oeuvre est très connue, je ne vais pas trop faire le savant, mais je vous propose un petit jeu : parmi les affirmations suivantes, une seule est fausse, laquelle ?

  1. Le sculpteur a été formé en France
  2. Les nez des portraits sont de la même taille que Roberto
  3. L’une des têtes a dû être déplacée
  4. Un portrait féminin devait être ajouté mais cela n’a pas pu se faire faute d’argent
  5. Trump a demandé à ce que son portrait soit ajouté
  6. Une sculpture concurrente, plus grande, est en cours de réalisation sur une montagne proche
  7. Aucun décès n’a été à déplorer pendant le chantier
  8. Le sculpteur était membre du Ku Klux Klan

La solution en commentaire dès 5 réponses obtenues


A point ou bien cuits ?

De passage dans la ville de Hot Springs, nous n’avons pas résisté au plaisir de nous plonger dans les eaux bien chaudes d’un établissement local comportant plusieurs piscines ouvertes entourées de jardins. Rompant ainsi avec la frustration de n’avoir pu nous baigner dans les sources (trop) chaudes du parc Yellowstone. Un délice.


Nous sommes repassés maintenant dans le Wyoming et venons d’arriver à Laramie. Le voyage se poursuit sereinement. Pas d’incident mécanique à signaler, Roberto est bien vaillant, savourant sans doute comme nous le plaisir de découvrir la suite. Comme vous aussi j’espère.

70. Un lac vraiment supérieur

Depuis North Bay, nous longeons le Lac Nissiping dont je n’avais jamais entendu parler auparavant alors qu’il est pourtant 1 fois et demie plus grand que le Lac Léman, le plus grand d’Europe. Mais ce joli lac devient ridicule dès que l’on parvient un peu plus loin au Lac Supérieur, 94 fois plus grand que le Lac Nissiping… De Sault-Ste-Marie à Thunder Bay, il va nous falloir plus d’une semaine pour parcourir sa rive canadienne d’est en ouest. Mais commençons par là où nous nous étions arrêtés.


Diogénial ?

Tout à fait par hasard, nous sommes passés à North Bay devant cette maison étonnante, accumulant à l’excès (et le mot est faible) une foule d’objets hétéroclites, à mi-chemin entre le pop’art et la déchetterie. Le propriétaire, Daniel Séguin, explique sur YouTube, comment il a constitué cette collection depuis 25 ans, en hommage à son père qui poussait loin la décoration de Noël devant sa propre maison et lui demandait d’observer avec lui la réaction des passants : « Regarde, je leur ai donné de la joie ! ». Daniel a lui-même commencé son œuvre au moment de Noël, avant de l’enrichir au fil des fêtes suivantes. Il revendique vouloir embellir la ville et attirer des touristes, mais naturellement cela ne plait pas toujours à ses voisins ni à la ville qui lui a intenté plusieurs procès. Mais la collection poursuit sa croissance, à tel point que notre artiste, manquant de place, a dû acheter la maison voisine. Avec un voisin comme lui, le prix avait peut-être chuté. Gageons qu’il finira par acquérir tout le quartier. Il s’est d’ailleurs présenté aux dernières élections municipales, c’est un signe !


La côte publique

Nous suivons pendant une journée la rive nord du Lac Huron. Une jolie route côtière peu urbanisée qui nous fait réaliser à quel point nos routes françaises sont éloignées des plans d’eau dont les abords sont largement privatisés. Il semble ici que la nature soit privilégiée, règlementairement du moins. Pour le plaisir de nos yeux.


Loon et thune

La petite ville d’Echo Bay est fière de son résident célèbre, Robert-Ralph Carmichael et le fait savoir en arborant une réplique géante du premier dollar canadien, dont il a dessiné la gravure en 1986. L’esquisse du peintre n’avait pourtant été retenue qu’en seconde position au concours organisé par la Monnaie Royale Canadienne. Mais le moule de l’œuvre initialement choisie ayant été perdue lors du transport, pour ne pas courir de risque de contrefaçon, c’est le canard de M. Carmichael qui a été finalement reproduit à des milliards d’exemplaires. La pièce a été surnommée « huard » par les francophones (l’espèce de ce canard plongeur présent partout au Canada) et « looney » ou « loonie » par les anglophones, loon étant la traduction de huard. La statue d’Echo Bay, reposant sur un piédestal en pierres locales, a également été réalisée par le peintre. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !


P.S. Le huard aurait le cri d’un fantôme. A vous d’en juger en l’écoutant ci-dessous :


Le lac de tous les superlatifs

Depuis la petite ville de Sault-Ste-Marie, nous avons commencé à longer le Lac Supérieur. La rive d’en face s’écarte rapidement pour disparaître bientôt à l’horizon et le lac se présente alors dans toute son immensité, cumulant les records :

  • C’est le plus grand lac d’eau douce du monde, avec ses 82 000 km², soit le double de la surface de la Suisse par exemple. S’il vous prend l’envie d’en faire le tour, le sentier qui le borde dépasse les 4 000 km, bon courage !
  • C’est le plus profond des Grands Lacs, atteignant un maximum de 406 m. Car il est né d’un rift, c’est-à-dire de l’éloignement de plaques tectoniques. Son fond initialement abyssal et en fusion a été peu à peu recouvert de sédiments.
  • Contenant 12 billiards de litres, il représente à lui seul 10% des réserves d’eau douce en surface de la planète. Le Canada est par ailleurs le pays du monde qui a la plus grande réserve d’eau douce par habitant, soit plus de 78 000 m3/habitant/an, contre 3 247 pour la France. Cela explique peut-être qu’ils boivent un peu moins d’alcool que nous ?
  • C’est le plus froid des Grands Lacs, avec une température moyenne à sa surface de 4,4°C. Les moins frileux pourront toujours s’y essayer à la baignade au mois d’août lorsqu’il culmine à 14,5°C.

L’oie de Wawa

Pour les jeunes ou moins jeunes qui ne connaîtraient pas le sketch culte « Ouï dire » de Raymond Devos, retrouvez-le en cliquant sur ce lien. Ce pourrait être ici à Wawa que, comme dans l’œuvre de notre humoriste national, « l’oie de Louis a ouï ce que toute oie oit ». Le nom de la ville a été attribué par les Obijwés, une des premières nations du Canada et signifie « pays de la grande oie ». Quoi de mieux pour le promouvoir que d’ériger cette grande statue de 8,5m de hauteur, bien visible de l’autoroute et invitant les touristes à en sortir pour visiter la ville. A noter que le volatile initial, installé en 1963, a dû être remplacé en 2017 en raison de la rouille qui le rongeait et du risque conséquent d’effondrement sur un ou plusieurs des 60 000 visiteurs venus partager un selfie avec lui. 300 000 dollars canadiens ont été dépensés pour l’opération, soit 150 dollars du kilo pour cette statue de 2 tonnes. Contre 4 dollars le kilo pour la précédente. Quand on vous dit que la viande coûte de plus en plus cher !


Erratum

La version ci-dessus est celle de nos guides et d’un recoupement de plusieurs sites Internet dont Wikipédia. Après l’avoir écrite, en triant mes photos, je relis attentivement le texte des pancartes apposées par la ville sous la statue. Pour la petite histoire, je ne les ai pas lues immédiatement car nous subissions une attaque en règle de moustiques, j’ai juste dans un premier temps photographié les informations pour les lire à l’abri de nos moustiquaires. Ces pancartes nous apprennent que si le nom « wawa » a bien été attribué par les Objiwés, il signifiait « sources d’eaux claires ». Rien à voir avec les oies donc. Le mot aurait été mal traduit par les premiers européens arrivés sur place et confondu avec « wewe » qui signifie « oie sauvage » dans la langue indienne, et qui collait somme toute assez bien à cette ville située sur le point de passage de la migration saisonnière des oies entre la baie d’Hudson et le sud-ouest des États-Unis. Lorsque la construction d’une statue a été décidée pour l’inauguration du dernier tronçon de la route transcanadienne en 1960, c’est bien l’oie qui a été choisie par les officiels pensant que l’oiseau était la vraie origine du nom de la ville, faisant bien rire les locaux qui connaissaient la vérité. Cette première statue, faite de plâtre appliqué sur une armature en grillage, n’a tenu qu’un an face au climat rude de la région et a de l’être remplacée en 1963. L’oie actuelle est donc la 3ème œuvre et non la seconde. Comme quoi il faut toujours vérifier ses sources et n’accorder qu’une confiance limitée à Wikipédia.


Chute, on dort !

Ce n’est pas Niagara mais on peut se garer et passer la nuit au pied des chutes Magpie High Falls, près de Wawa, et nous ne nous en sommes pas privés. Nous avons pu observer en soirée l’eau qui déferlait sur 38 m de large et 23 m de hauteur, dans un vrombissement qui, pensions-nous, nous bercerait la nuit. Eh bien nous n’avons pas entendu grand-chose, attribuant cela à l’efficacité de l’isolation sonore de Roberto. Mais au petit matin, il fallut se rendre à l’évidence devant le pipi de chat qui s’écoulait alors devant les rochers : les chutes avaient été coupées pendant la nuit ! Le débit reprenant toute sa vigueur une heure plus tard, nous pouvions imaginer qu’une sorte d’extinction des feux avait été mise en place par la ville pour permettre à ses visiteurs de passer une nuit tranquille. Mais l’explication la plus probable est davantage liée aux manœuvres d’une usine hydro-électrique placée en amont pour réguler sa production d’énergie.


C’est une fille !

J’aurais pourtant parié que l’ourson le plus célèbre de Disney était de sexe masculin. Heureusement, de passage dans sa ville natale de White River, j’ai pu me rendre compte de mon erreur : Winnie était bien une oursonne. Elle a été vendue par un trappeur à un vétérinaire de cavalerie canadien provenant de Winnipeg et en partance pour Londres au tout début de la 1ère guerre mondiale. Affecté sur le front français, celui-ci a préféré laisser son oursonne au zoo de Londres. On laissait apparemment jouer quelques enfants avec, dont le jeune fils d’un écrivain qui baptisa ensuite ses peluches du nom des animaux du zoo. Le père, Alan Alexander Milne en a tiré l’histoire que vous connaissez en 1926 et que les studios Disney ont adaptée bien plus tard. Le vétérinaire est retourné vivre au Canada sans récupérer son ourse. On ne sait pas s’il a eu connaissance du roman tiré de cette histoire.


Quatre pour le prix d’une

Les rives canadiennes du Lac Supérieur, déjà majoritairement en zones naturelles, comptent en outre 7 parcs naturels protégés, dont 6 sont gérées par la province de l’Ontario et 1 par l’état canadien. C’est ce dernier que nous sommes allés voir, guidés essentiellement par la clémence de la météo. Il s’agit du Parc National de Pukaskwa, une immense réserve qui ne compte que 4 km de routes pour une surface de 1 878 km². Écartant d’emblée le sentier côtier et ses 65km et sa version en canoë de longueur identique, écartant aussi les descentes en canoë sur les rapides qui sont assez techniques et se font sur plusieurs jours, nous nous penchons sur les randonnées qui entourent le centre d’accueil des visiteurs. Incapables de choisir entre les 4 parcours proposés, nous décidons de les suivre tous. Et nous ne regretterons pas notre choix car cette balade d’un peu plus de 8 km nous fera passer par des zones très variées, aussi bien des chemins forestiers ou lacustres munis de passerelles en bois aux endroits délicats que des parcours sur des rochers au sommet de petites falaises en passant par des plages aussi couvertes de bois flotté que pauvres en visiteurs. Un fait notable est l’absence de toute signalisation directionnelle à l’exception des départs ou croisements de sentiers. Aucune trace de peinture ne souille ainsi les roches ou les arbres. Nous avons parfois hésité sur la route la route à suivre, mais sans jamais nous perdre. Un grand bol d’air dans cette région magnifique. A noter le droit d’entrée modique, un peu moins de 5 € pour la journée, que l’on suive le sentier de 65 km ou bien le plus court qui n’en fait qu’un.


La route transcanadienne

Nous venons de passer le point médian de cette longue route qui traverse le Canada de part en part, 8 000 km pour aller d’Est en Ouest, du Pacifique à l’Atlantique, de Victoria en Colombie Britannique à St Jean à Terre-Neuve-et-Labrador. Il s’agit de la plus longue route nationale au monde après ses deux aînées que sont la route péri-australienne (15 800 km !) et la route transsibérienne (11 000 km). Plus de la moitié est encore la simple route à 2 voies d’origine (le dernier tronçon a été terminé en 1970) qui traverse des centres-villes ou serpente, étroite, entre des chaînes montagneuses. Petit à petit, on la transforme en autoroute, mais ce n’est le cas pour l’instant que de 15% de son trajet. Elle traverse les 10 provinces du Canada et 6 fuseaux horaires. Il faut conduire non-stop pendant une semaine pour la parcourir en entier. Heureusement, 2 nécessaires traversées en ferry permettent de souffler un peu !

Mais nous ne la suivrons pas de bout en bout parce qu’elle ne relie pas tout ce que nous voulons voir au Canada. Par ailleurs nous avons prévu 4 mois pour ce pays, cela devrait être suffisant.

En illustration, vous trouverez la carte officielle du trajet avec ses différentes branches, quelques photos de la zone montagneuse que nous venons de traverser, et puis quelques clichés que je n’arrive pas à caser ailleurs.

Si l’histoire vous intéresse, vous trouverez un reportage sur cette page


Ainsi se termine ce joli parcours le long des rives du Lac Supérieur, parmi les plus beaux paysages que nous avons traversés avec la Gaspésie. Nous n’en avons pas fini pour autant avec l’Ontario, province qui absorbe à elle seule un quart de la route transcanadienne. Comme le dit sa devise : « Il y a tant à découvrir »