71. Traversée du Manitoba

Après les forêts et les lacs de l’Ontario, après la route de Thunder Bay à Kenora, nous abordons les plaines fertiles du Manitoba. D’immenses champs de blé alternent avec ceux de colza formant de superbes damiers jaunes et verts, entrecoupés de lacs. Il y en aurait plus de 150 000 dans cette province grande comme la France mais peuplée comme la moitié de Paris. Autant dire que nous ne la parcourrons pas en long et en large, mais seulement en travers, de sa capitale animée Winnipeg aux « sentinelles des prairies » d’Inglis.


La baie du tonnerre

C’est comme ça que se traduit en français le nom de la ville de Thunder Bay, située à l’extrémité nord-ouest de la partie canadienne du Lac Supérieur. Elle est née en 1970 du regroupement de deux villes plus petites, Fort Williams et Port Arthur et a peut-être été baptisée ainsi en hommage à la montagne sacrée des indiens Ojibwés, la « montagne du tonnerre » ou « thunder mountain ». Les anglais avaient alors préféré donner à la montagne sacrée le nom d’un commerçant en fourrures écossais, histoire d’effacer un peu plus la mémoire des autochtones.

Le Mont McKay est une sorte de cheminée des fées géante, que la coiffe rocheuse protectrice au sommet a protégée de l’érosion. Du coup le massif est maintenant 300m au-dessus de la vallée pour une altitude par rapport à la mer de 483m. Malgré les falaises, on peut gagner le sommet par un petit sentier bien escarpé. Mais la vue du plateau en haut récompense les efforts. C’est aussi devant cette montagne entourée de falaises, au bord d’une rivière assez fréquentée par les locaux, que nous avons garé Roberto pour y passer deux nuits.


Il y a deux siècles, l’activité dominante était la « traite », les indiens venant troquer les fourrures résultant de leur chasse dans le grand Nord contre des biens occidentaux (tissus, armes, ferblanterie, tabac, etc.). Les fourrures étaient ensuite acheminées par canoë jusqu’à Montréal. De là elles étaient expédiées sur de plus gros bateaux vers le monde entier. Toute cette activité se situait au Fort Williams où elle est aujourd’hui très bien mise en scène dans des bâtiments parfaitement reconstitués avec des acteurs costumés qui jouent leur rôle comme s’ils sortaient d’une machine à remonter le temps.



Faites-moi un signe

La poursuite de la route transcanadienne vers l’ouest va comporter de longs trajets où les forêts, les roches sédimentaires et les lacs se succèdent, tandis que les villes se font plutôt rares. Afin que le paysage, même splendide, ne risque pas de tourner à la monotonie, nous nous occupons. Notre activité principale est l’écoute de podcasts, souvent sur les sujets locaux mais pas toujours. J’aime bien aussi lire les panneaux sur le bord de la route. Ils peuvent annoncer des points d’intérêts non mentionnés dans nos guides, mais aussi informer sur les coutumes du pays, ou encore tout simplement donner le nom des voies de circulation. Un panneau indiquant sur ma droite « Yellow Brick Road » m’a tout de suite fait penser à cette chanson d’Elton John. Je n’ai pas eu le temps de le photographier, mais vous trouverez bien cette route sur Google Map du côté de Thunder Bay.

Mais toute occasion étant bonne à saisir, j’ai imaginé un petit jeu consistant à trouver des noms de rues jouant bien sûr sur les mots. Je vous en propose quelques-uns, saurez-vous en trouver d’autres ? Une image avec des panneaux vierges est à votre disposition, vous pouvez aussi metttre vos propositions en commentaires. Allez, soyez créatifs !


Orage ô désespoir

A l’approche de notre dernière ville ontarienne, Kenora, le temps devient orageux avec un ciel vraiment très sombre. Aurons-nous le temps de visiter cette cité touristique basée au bord du Lac des Bois ? Nous nous y aventurons, le parapluie à la main pour Claudie, mes jambes prêtes à courir en ce qui me concerne. En une heure de marche rapide, nous aurons un bon aperçu du centre-ville assez animé malgré le temps menaçant. Au final, le ciel sombre ne rend pas si mal sur certaines photos, mettant en valeur la couleur blanche du navire de croisière qui emporte son lot de touristes sur le lac ou de celle de la flotte d’hydravions plus prudemment restée ancrée au quai. En revanche, les autres clichés, comme celui du brochet géant de 12m de haut censé attesté de la qualité des eaux du lac, ou encore ceux des fresques murales, gagneraient à être plus contrastés.

Et puis la pluie nous a rattrapés. Aucune chance de voir un hydravion décoller devant Roberto. Nous avons repris la route, ça occupe… Avant de quitter l’Ontario, nous nous arrêtons pour la nuit sur une halte routière un peu en retrait de la transcanadienne. Comme d’habitude, il n’y avait que nous …et les moustiques !


Paysages urbains

Après plusieurs centaines de kilomètres dans une nature superbe parsemée de rares villages, nous arrivons dans la province du Manitoba, où se situe le centre longitudinal du Canada. En serions-nous pour autant à la moitié de notre périple canadien ? La suite nous le dira.


Nous arrivons assez rapidement à Winnipeg, la capitale de la province et 7ème ville du pays. Winnipeg, Manitoba, ça fleure bon les racines autochtones, non ? Après avoir traversé la banlieue, dans une circulation dense mais sans embouteillage, nous stationnons pour la nuit et probablement davantage sur le parking de la gare. Si celle-ci est étonnamment déserte, les trains ne manquent pas, transportant principalement des marchandises.


Nous retrouvons donc sans enthousiasme ces côtés négatifs de la ville : bruits en tous genres, des vrombissements des motos aux sirènes des ambulances en passant par les klaxons prolongés des trains, circulation rapide de gens pressés, mendiants ou personnes dans des états seconds, parkings payants, immeubles de béton rarement esthétiques, petit brin d’insécurité, etc.

Mais le positif domine avec les beaux bâtiments au charme suranné du quartier historique, le design des ponts et bâtiments publics, les sculptures au coin des rues, les fresques murales un peu partout, les accueillantes terrasses des cafés devant le « cube », une petite scène en plein centre-ville, un quartier français qui mérite de s’y arrêter, des beaux musées et bien sûr des boutiques qu’on ne trouve pas dans les villages de campagne. Et puis, cerise sur le gâteau, les moustiques semblent avoir déserté. Apparemment, une politique active de la ville en ce sens y serait pour quelque chose.

1. Le centre-ville et le quartier historique


2. La Winnipeg Art Gallery

On y trouve des oeuvres classiques bien sûr, mais ce musée présent depuis 1912 s’est spécialisé dans l’art Inuit et met en valeur parallèlement l’art Métis et ses magnifiques broderies de perles.


3. La cathédrale Saint-Boniface

Saint-Boniface, autrefois ville indépendante, est maintenant un quartier francophone de Winnipeg. Sa cathédrale de 1906 a été ravagée par un incendie en 1968, il n’en reste guère que la façade percée d’un trou béant à la place de la rosace, que l’on a choisi malgré tout de garder. Tout en reconstruisant une nouvelle cathédrale beaucoup plus moderne dans sa sobriété intérieure et le design de ses vitraux.


4. Parc de la Fourche

Il y a 6000 ans, les Premières Nations du Canada se sont installées là, au confluent de la Rivière Rouge et de la Rivière Assiniboine, pour profiter de terres fertiles, d’eaux poissonneuses et de bons moyens de communication avec les régions environnantes. L’état en a fait un lieu historique, l’a aménagé avec de nombreuses oeuvres d’art et y a édifié son Musée des droits de la personne (voir plus loin).


5. The Rolling Stones Unzipped

Cette exposition internationale sur l’inusable groupe de rock nous a consolés de ne pas être en France pour leur tournée mondiale actuelle. Histoire complète, costumes de scène, musicologie, graphisme des pochettes de disques, scénographie, vidéos grand format de concerts. Difficile d’entrer davantage dans les détails, mais vu que c’est international, peut être avez-vous ça à côté de chez vous si vous êtes fan.


Musée canadien des droits de la personne

C’est à Winnipeg une visite incontournable. Ce musée géré par l’état, très réussi architecturalement, a été bâti sur le site où les premières nations autochtones se sont installées avant de devoir gérer l’envahissement par le monde occidental. Même si leurs droits s’améliorent timidement d’année en année, nous sommes loin de l’égalité promue par la déclaration des droits de l’homme dont l’un des premiers rédacteurs était Canadien. Le musée aborde tous les aspects des droits de la personne, d’une manière universelle mais aussi sur ce qui touche particulièrement le Canada. Notamment la lutte pour les droits des autochtones, des femmes, des francophones, des travailleurs. On porte aussi un regard sans concession sur les abominations commises par le pays : déportation des acadiens, internement des canadiens d’origine japonaise, surtaxation des immigrés chinois, refus d’accueillir les juifs pendant la 2ème guerre mondiale, déplacement forcé des Inuits, génocide culturel des autochtones dont les enfants ont été enlevés pour être placés dans des orphelinats pour « effacer l’Indien qui était en eux ». Un étage entier est consacré aux génocides mondiaux, juif, arménien, rwandais, cambodgien, ukrainien, bosniaque et au racisme en général. Heureusement on développe aussi tous les moyens mis pour lutter contre tout ça. Nous y avons passé 4 ou 5 heures sans voir le temps défiler.

A propos du génocide physique et culturel des autochtones dans les pensionnats indiens, lire le bel article de France Info qui vient de paraître, à l’occasion de l’actuelle visite du pape au Canada, venu entre autres y réitérer les excuses de l’église catholique. Cliquez sur ce lien.


Déclarés revenus

Les pélicans blancs d’Amérique étaient en voie d’extinction il y a une vingtaine d’années, essentiellement parce que les humains détruisaient leurs lieux de nidification. Une fois ces zones protégées sur les rives du Lac Winnipeg, ils sont revenus, et en masse qui plus est, pour le plus grand plaisir de nos yeux. Nous les avons trouvés un peu par hasard, en étant garés pour la nuit juste au-dessus de leur plage favorite !


Chasse, pêche, traditions …et camping

Les Canadiens sont férus d’activités à l’extérieur, comme le camping, la chasse, la pêche, la randonnée à pied à vélo ou en kayak, etc. Et pas seulement l’été ! Alors ce magasin Cabela’s doit être leur paradis. Décoré d’animaux empaillés dans tous ses recoins, il semble répondre de A à Z aux besoins de chaque activité. Pour les chasseurs par exemple, outre l’équipement vestimentaire de base, on y trouve des affûts en tous genres, des animaux-cibles équipés de capteurs pour s’entraîner au tir, des appeaux pour toutes les proies possibles, des pièges à ours ou à renard, des sprays pour enlever sa propre odeur, pour en rajouter des trompeuses genre urine de coyote ou d’orignal, de la poudre pour voir d’où vient le vent (si si) et bien sûr toutes les armes possibles et les munitions qui vont avec. J’oublie les arcs, arbalètes et pistolets vendus sous blister. Pour ceux qui dépècent et cuisinent le résultat de leur chasse, des rayons entiers de couteaux, des outils à éviscérer, des machines à fabriquer les saucisses et des barbecues pour les faire griller combleront leur bonheur.


Gimli, capitale de la Nouvelle Islande

Le nom de cette petite ville n’a rien à voir avec le personnage de Tolkien. Il signifie tout simplement « paradis » en langue Viking, car c’est là que se sont installés en 1875 plusieurs centaines d’immigrants islandais, fuyant leur pays en pleine crise économique suite à une éruption volcanique. Le gouvernement a mis à leur disposition des terres sur les rives du Lac Winnipeg. Un petit musée raconte les difficultés des premiers arrivants, la façon dont ils ont bâti toute une vie à partir de zéro, la malchance d’avoir perdu un tiers de leurs effectifs en raison d’une épidémie de variole la 2ème année, puis le développement progressif de la ville, l’intégration choisie au gouvernement Canadien qui leur avait pourtant laissé beaucoup d’autonomie, l’ouverture à d’autre communautés par la suite, ukrainiennes et polonaises en premier. De quoi nous faire réfléchir les jours où l’on trouve sa propre vie difficile.


Le planeur de Gimli

La ville est aussi célèbre pour l’atterrissage d’urgence en 1983 d’un Boeing 767 d’Air Canada sur une piste militaire désaffectée, à la grande surprise des festivaliers qui s’y étaient rassemblés pour suivre une course de dragsters. La surprise était d’autant plus grande que l’avion est arrivé dans un silence total, tous moteurs coupés, en panne sèche en fait. Une bête erreur de conversion de litres en livres. Tout le monde s’en est sorti heureusement. Je vous invite à lire l’histoire en détail ici.

L’expression « to pull a Gimli glider » est depuis utilisée au Canada pour dire « faire une erreur spectaculaire et embarrassante ». Ça fait une belle jambe aux passagers !


Pas que sous les ponts

L’eau est partout ici, ou presque. Elle couvrirait 10% de la surface de la province du Manitoba (contre 0,5% de la France) et plutôt à un niveau assez élevé, ce qui embellit les paysages mais nous cause quelques petits problèmes de fermetures de sentiers de randonnées. C’était le cas pour le parc provincial d’Hecla, dans lequel nous avons simplement dormi et circulé, mais les deux chemins que nous avions envisagés de suivre étaient bloqués par l’eau.


Le lendemain, après un petit tour en voiture jusqu’au bout de la presqu’île, nous avons roulé jusqu’au parc national des Riding Mountains. Pour les mêmes raisons de hautes eaux, la moitié des randonnées étaient inaccessibles, y compris celle qui traversait un parc de bisons, quel dommage. Heureusement, nous avons pu trouver notre bonheur dans les parcours qui restaient. Une jolie balade dans une forêt de bouleaux puis de pin qui s’est terminée sur le ponton d’un petit lac.


Camping 2

Rassurez-vous, je ne vais pas vous raconter le film, encore que ce pourrait être drôle étant donné que je ne l’ai pas vu. Je voulais juste vous parler de notre seconde nuit en camping depuis le début de notre circuit au Canada fin mai, ce qui nous fait une moyenne d’une nuit par mois. Et c’est généralement parce que nous ne pouvons pas faire autrement. La première fois, c’était à Percé en Gaspésie. Toutes les villes de cette côte très touristique interdisaient le stationnement nocturne, même sur des parkings ordinaires. L’exceptionnel camping sur la falaise devant le rocher percé et les baleines nous a rapidement convaincu de ne pas chercher très loin un emplacement ce jour-là. Et aujourd’hui, le motif principal est le remplissage de nos réservoirs d’eau. La plupart du temps, c’est assez facile de trouver de l’eau, mais là, avec les villes très éloignées les unes des autres, nous arrivions au bout de nos 200 litres. Les campings au Canada sont pourtant en général plutôt cool, avec des emplacements spacieux, relativement privatisés, et quasi toujours munis d’une table de pique-nique et d’un barbecue. Pour un prix raisonnable, entre 25 et 50 € dirons-nous. Le problème avec les campings, ce sont les voisins. Ils sont pour la plupart du temps discrets ou agréablement causants, mais il y a toujours le risque d’avoir un entourage bruyant (conversation, musique, enfants, etc.) ou d’être sous le vent des odeurs des barbecues, qui servent là-bas dès le petit-déjeuner. Nos premiers critères pour le choix d’un stationnement nocturne sont 1°) le calme, 2°) la situation par rapport à nos activités du lendemain et 3°) la vue. Nous réussissons la plupart du temps à conjuguer les trois.


Les sentinelles des prairies

C’est par cet alignement étrange de hautes bâtisses de bois que nous terminons notre traversée du Manitoba.  On dirait de grands moulins sans ailes, mais on n’y meulait pas les céréales qu’on leur confiait, on les y stockait. Car ce sont des élévateurs à grain, installés là à partir de 1880 pour simplifier le transport des récoltes qui se faisait jusqu’ici uniquement par sacs transportés à dos d’homme. Le grain apporté par les agriculteurs était déversé au sol dans une trémie puis hissé à plus de 20m de hauteur grâce à une courroie munie de godets. De là, il était réparti à l’aide de tuyaux mobiles dans l’une des 16 cellules de stockage. Lorsque le moment du transport était venu, la cellule était vidée dans un camion sur la route devant ou dans un wagon sur la voie ferrée à l’arrière. En 1953, 260 élévateurs de ce type étaient en fonctionnement au Manitoba. L’arrivée des silos en béton puis en inox a conduit peu à peu à leur déclin. Ceux d’Inglis ont heureusement été restaurés pour préserver la mémoire de ces « sentinelles des prairies ».


Et, voilà, à l’heure où vous lirez ces lignes, si vous n’êtes pas trop en retard par rapport aux publications, nous serons dans la province peu prononçable de la Saskatchewan, dont la plus grande ville s’appelle Saskatoon. Peut-être la patrie de Roger Rabbit ? Merci de nous lire et à bientôt !

70. Un lac vraiment supérieur

Depuis North Bay, nous longeons le Lac Nissiping dont je n’avais jamais entendu parler auparavant alors qu’il est pourtant 1 fois et demie plus grand que le Lac Léman, le plus grand d’Europe. Mais ce joli lac devient ridicule dès que l’on parvient un peu plus loin au Lac Supérieur, 94 fois plus grand que le Lac Nissiping… De Sault-Ste-Marie à Thunder Bay, il va nous falloir plus d’une semaine pour parcourir sa rive canadienne d’est en ouest. Mais commençons par là où nous nous étions arrêtés.


Diogénial ?

Tout à fait par hasard, nous sommes passés à North Bay devant cette maison étonnante, accumulant à l’excès (et le mot est faible) une foule d’objets hétéroclites, à mi-chemin entre le pop’art et la déchetterie. Le propriétaire, Daniel Séguin, explique sur YouTube, comment il a constitué cette collection depuis 25 ans, en hommage à son père qui poussait loin la décoration de Noël devant sa propre maison et lui demandait d’observer avec lui la réaction des passants : « Regarde, je leur ai donné de la joie ! ». Daniel a lui-même commencé son œuvre au moment de Noël, avant de l’enrichir au fil des fêtes suivantes. Il revendique vouloir embellir la ville et attirer des touristes, mais naturellement cela ne plait pas toujours à ses voisins ni à la ville qui lui a intenté plusieurs procès. Mais la collection poursuit sa croissance, à tel point que notre artiste, manquant de place, a dû acheter la maison voisine. Avec un voisin comme lui, le prix avait peut-être chuté. Gageons qu’il finira par acquérir tout le quartier. Il s’est d’ailleurs présenté aux dernières élections municipales, c’est un signe !


La côte publique

Nous suivons pendant une journée la rive nord du Lac Huron. Une jolie route côtière peu urbanisée qui nous fait réaliser à quel point nos routes françaises sont éloignées des plans d’eau dont les abords sont largement privatisés. Il semble ici que la nature soit privilégiée, règlementairement du moins. Pour le plaisir de nos yeux.


Loon et thune

La petite ville d’Echo Bay est fière de son résident célèbre, Robert-Ralph Carmichael et le fait savoir en arborant une réplique géante du premier dollar canadien, dont il a dessiné la gravure en 1986. L’esquisse du peintre n’avait pourtant été retenue qu’en seconde position au concours organisé par la Monnaie Royale Canadienne. Mais le moule de l’œuvre initialement choisie ayant été perdue lors du transport, pour ne pas courir de risque de contrefaçon, c’est le canard de M. Carmichael qui a été finalement reproduit à des milliards d’exemplaires. La pièce a été surnommée « huard » par les francophones (l’espèce de ce canard plongeur présent partout au Canada) et « looney » ou « loonie » par les anglophones, loon étant la traduction de huard. La statue d’Echo Bay, reposant sur un piédestal en pierres locales, a également été réalisée par le peintre. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !


P.S. Le huard aurait le cri d’un fantôme. A vous d’en juger en l’écoutant ci-dessous :


Le lac de tous les superlatifs

Depuis la petite ville de Sault-Ste-Marie, nous avons commencé à longer le Lac Supérieur. La rive d’en face s’écarte rapidement pour disparaître bientôt à l’horizon et le lac se présente alors dans toute son immensité, cumulant les records :

  • C’est le plus grand lac d’eau douce du monde, avec ses 82 000 km², soit le double de la surface de la Suisse par exemple. S’il vous prend l’envie d’en faire le tour, le sentier qui le borde dépasse les 4 000 km, bon courage !
  • C’est le plus profond des Grands Lacs, atteignant un maximum de 406 m. Car il est né d’un rift, c’est-à-dire de l’éloignement de plaques tectoniques. Son fond initialement abyssal et en fusion a été peu à peu recouvert de sédiments.
  • Contenant 12 billiards de litres, il représente à lui seul 10% des réserves d’eau douce en surface de la planète. Le Canada est par ailleurs le pays du monde qui a la plus grande réserve d’eau douce par habitant, soit plus de 78 000 m3/habitant/an, contre 3 247 pour la France. Cela explique peut-être qu’ils boivent un peu moins d’alcool que nous ?
  • C’est le plus froid des Grands Lacs, avec une température moyenne à sa surface de 4,4°C. Les moins frileux pourront toujours s’y essayer à la baignade au mois d’août lorsqu’il culmine à 14,5°C.

L’oie de Wawa

Pour les jeunes ou moins jeunes qui ne connaîtraient pas le sketch culte « Ouï dire » de Raymond Devos, retrouvez-le en cliquant sur ce lien. Ce pourrait être ici à Wawa que, comme dans l’œuvre de notre humoriste national, « l’oie de Louis a ouï ce que toute oie oit ». Le nom de la ville a été attribué par les Obijwés, une des premières nations du Canada et signifie « pays de la grande oie ». Quoi de mieux pour le promouvoir que d’ériger cette grande statue de 8,5m de hauteur, bien visible de l’autoroute et invitant les touristes à en sortir pour visiter la ville. A noter que le volatile initial, installé en 1963, a dû être remplacé en 2017 en raison de la rouille qui le rongeait et du risque conséquent d’effondrement sur un ou plusieurs des 60 000 visiteurs venus partager un selfie avec lui. 300 000 dollars canadiens ont été dépensés pour l’opération, soit 150 dollars du kilo pour cette statue de 2 tonnes. Contre 4 dollars le kilo pour la précédente. Quand on vous dit que la viande coûte de plus en plus cher !


Erratum

La version ci-dessus est celle de nos guides et d’un recoupement de plusieurs sites Internet dont Wikipédia. Après l’avoir écrite, en triant mes photos, je relis attentivement le texte des pancartes apposées par la ville sous la statue. Pour la petite histoire, je ne les ai pas lues immédiatement car nous subissions une attaque en règle de moustiques, j’ai juste dans un premier temps photographié les informations pour les lire à l’abri de nos moustiquaires. Ces pancartes nous apprennent que si le nom « wawa » a bien été attribué par les Objiwés, il signifiait « sources d’eaux claires ». Rien à voir avec les oies donc. Le mot aurait été mal traduit par les premiers européens arrivés sur place et confondu avec « wewe » qui signifie « oie sauvage » dans la langue indienne, et qui collait somme toute assez bien à cette ville située sur le point de passage de la migration saisonnière des oies entre la baie d’Hudson et le sud-ouest des États-Unis. Lorsque la construction d’une statue a été décidée pour l’inauguration du dernier tronçon de la route transcanadienne en 1960, c’est bien l’oie qui a été choisie par les officiels pensant que l’oiseau était la vraie origine du nom de la ville, faisant bien rire les locaux qui connaissaient la vérité. Cette première statue, faite de plâtre appliqué sur une armature en grillage, n’a tenu qu’un an face au climat rude de la région et a de l’être remplacée en 1963. L’oie actuelle est donc la 3ème œuvre et non la seconde. Comme quoi il faut toujours vérifier ses sources et n’accorder qu’une confiance limitée à Wikipédia.


Chute, on dort !

Ce n’est pas Niagara mais on peut se garer et passer la nuit au pied des chutes Magpie High Falls, près de Wawa, et nous ne nous en sommes pas privés. Nous avons pu observer en soirée l’eau qui déferlait sur 38 m de large et 23 m de hauteur, dans un vrombissement qui, pensions-nous, nous bercerait la nuit. Eh bien nous n’avons pas entendu grand-chose, attribuant cela à l’efficacité de l’isolation sonore de Roberto. Mais au petit matin, il fallut se rendre à l’évidence devant le pipi de chat qui s’écoulait alors devant les rochers : les chutes avaient été coupées pendant la nuit ! Le débit reprenant toute sa vigueur une heure plus tard, nous pouvions imaginer qu’une sorte d’extinction des feux avait été mise en place par la ville pour permettre à ses visiteurs de passer une nuit tranquille. Mais l’explication la plus probable est davantage liée aux manœuvres d’une usine hydro-électrique placée en amont pour réguler sa production d’énergie.


C’est une fille !

J’aurais pourtant parié que l’ourson le plus célèbre de Disney était de sexe masculin. Heureusement, de passage dans sa ville natale de White River, j’ai pu me rendre compte de mon erreur : Winnie était bien une oursonne. Elle a été vendue par un trappeur à un vétérinaire de cavalerie canadien provenant de Winnipeg et en partance pour Londres au tout début de la 1ère guerre mondiale. Affecté sur le front français, celui-ci a préféré laisser son oursonne au zoo de Londres. On laissait apparemment jouer quelques enfants avec, dont le jeune fils d’un écrivain qui baptisa ensuite ses peluches du nom des animaux du zoo. Le père, Alan Alexander Milne en a tiré l’histoire que vous connaissez en 1926 et que les studios Disney ont adaptée bien plus tard. Le vétérinaire est retourné vivre au Canada sans récupérer son ourse. On ne sait pas s’il a eu connaissance du roman tiré de cette histoire.


Quatre pour le prix d’une

Les rives canadiennes du Lac Supérieur, déjà majoritairement en zones naturelles, comptent en outre 7 parcs naturels protégés, dont 6 sont gérées par la province de l’Ontario et 1 par l’état canadien. C’est ce dernier que nous sommes allés voir, guidés essentiellement par la clémence de la météo. Il s’agit du Parc National de Pukaskwa, une immense réserve qui ne compte que 4 km de routes pour une surface de 1 878 km². Écartant d’emblée le sentier côtier et ses 65km et sa version en canoë de longueur identique, écartant aussi les descentes en canoë sur les rapides qui sont assez techniques et se font sur plusieurs jours, nous nous penchons sur les randonnées qui entourent le centre d’accueil des visiteurs. Incapables de choisir entre les 4 parcours proposés, nous décidons de les suivre tous. Et nous ne regretterons pas notre choix car cette balade d’un peu plus de 8 km nous fera passer par des zones très variées, aussi bien des chemins forestiers ou lacustres munis de passerelles en bois aux endroits délicats que des parcours sur des rochers au sommet de petites falaises en passant par des plages aussi couvertes de bois flotté que pauvres en visiteurs. Un fait notable est l’absence de toute signalisation directionnelle à l’exception des départs ou croisements de sentiers. Aucune trace de peinture ne souille ainsi les roches ou les arbres. Nous avons parfois hésité sur la route la route à suivre, mais sans jamais nous perdre. Un grand bol d’air dans cette région magnifique. A noter le droit d’entrée modique, un peu moins de 5 € pour la journée, que l’on suive le sentier de 65 km ou bien le plus court qui n’en fait qu’un.


La route transcanadienne

Nous venons de passer le point médian de cette longue route qui traverse le Canada de part en part, 8 000 km pour aller d’Est en Ouest, du Pacifique à l’Atlantique, de Victoria en Colombie Britannique à St Jean à Terre-Neuve-et-Labrador. Il s’agit de la plus longue route nationale au monde après ses deux aînées que sont la route péri-australienne (15 800 km !) et la route transsibérienne (11 000 km). Plus de la moitié est encore la simple route à 2 voies d’origine (le dernier tronçon a été terminé en 1970) qui traverse des centres-villes ou serpente, étroite, entre des chaînes montagneuses. Petit à petit, on la transforme en autoroute, mais ce n’est le cas pour l’instant que de 15% de son trajet. Elle traverse les 10 provinces du Canada et 6 fuseaux horaires. Il faut conduire non-stop pendant une semaine pour la parcourir en entier. Heureusement, 2 nécessaires traversées en ferry permettent de souffler un peu !

Mais nous ne la suivrons pas de bout en bout parce qu’elle ne relie pas tout ce que nous voulons voir au Canada. Par ailleurs nous avons prévu 4 mois pour ce pays, cela devrait être suffisant.

En illustration, vous trouverez la carte officielle du trajet avec ses différentes branches, quelques photos de la zone montagneuse que nous venons de traverser, et puis quelques clichés que je n’arrive pas à caser ailleurs.

Si l’histoire vous intéresse, vous trouverez un reportage sur cette page


Ainsi se termine ce joli parcours le long des rives du Lac Supérieur, parmi les plus beaux paysages que nous avons traversés avec la Gaspésie. Nous n’en avons pas fini pour autant avec l’Ontario, province qui absorbe à elle seule un quart de la route transcanadienne. Comme le dit sa devise : « Il y a tant à découvrir »

69. Bonjour (au revoir) Québec

Du zoo sauvage de St Félicien aux rives du lac Témiscamingue, des mines d’or aux mines de cuivre, des longues forestières du nord aux zones agricoles colorées du sud, nous profitons jusqu’au bout de cette fin de parcours au Québec dont la francophonie si particulière et la gentillesse des gens nous auront enchanté. Nous laisserons le qualificatif « libre » à De Gaulle mais nous pouvons dire sans hésiter : vive le Québec !

Des humains pour distraire les animaux

C’est un peu la philosophie de ce « zoo sauvage de St Félicien ». Préserver un gros bout de nature avec forêts, prairies, rivières, etc. pour y placer en demi-pension (certains repas sont fournis, d’autre pas) des animaux adaptés au climat du coin. Et pour que les animaux ne s’ennuient pas, on met des grappes d’humains dans des cages et on fait circuler ces cages pas trop loin d’eux. Certes, le concept n’est pas unique, mais il correspond bien à notre façon d’aller à la rencontre des animaux. Si un gorille me tendait une banane, j’en serais ravi… Alors nous sommes montés dans la cage et avons suivi le parcours imposé en guettant la faune qui décide ou pas de se montrer. Les bisons et les ours, peu farouches, longeaient volontiers notre petit train sur roues. Les chiens de prairie, très curieux, semblaient guetter notre passage debout sur leurs terriers. Les autres animaux aperçus (loups gris, cerfs de Virginie, caribous, semblaient quant à eux indifférents, poursuivant leur sieste ou leur rumination, y compris à ma grande déception ce grand orignal se désaltérant au bord du lac, cachant ainsi ses bois typiques et magnifiques. Une partie du zoo, plus classique mais avec tout de même de grands enclos, nous a permis d’observer d’autres espèces de la région boréale. Je vous en mets quelques-unes en photos et vous propose après un petit quiz. Oui oui, déjà !

Et voici donc le quiz :

1°) Comment appelle-t-on le petit du bison ? A. un bisonneau ? B. un bisonnet ? C. un bisounours ?

2°) Comment dit-on « bison, iciparvient » en verlan ?

3°) De ces 3 affirmations sur le castor, laquelle est juste ? A. son petit s’appelle le castor junior ; B. l’huile de castor provient de sa glande anale ; C. il mange ses excréments

4°) Comment appelle-t-on le petit du chameau ? A. un chamelet ? B. un chamelon ? C. un chamaleau ?

5°) Comment appelle-t-on autrement le carcajou ? A. le glouton ? B. le gulo gulo ? C. la belette boréale ?

Réponses à la fin du paragraphe suivant


La grande traversée

A la sortie de St Félicien, le panneau est clair : prochaines stations-services à 1 puis 249 km. Nous vérifions la jauge, respirons un bon coup puis nous nous engageons dans cette traversée des régions du nord du Québec qui nous fera monter un peu au-dessus du 49ème parallèle. Un peu plus de 600 km prévus jusqu’à Val d’Or, pas forcément dans la journée car nous sommes autonomes. Une route au revêtement tout à fait honorable – je m’attendais éventuellement à de la terre, peu fréquentée, bordée de jolies fleurs multicolores, qui fend un paysage de type taïga avec forêt dense et nombreux lacs. Deux ours noirs nous feront l’honneur de leur brève apparition. Deux petites villes rompront la monotonie du paysage, ainsi que de rares maisons isolées qui interrogent sur les motivations de leurs occupants. Les zones d’habitation représentent 0,5% de la surface de la région administrative du Québec dans laquelle nous venons d’arriver, et qui porte le nom tout simple d’Abitibi-Temiscamingue. Je vous laisse le soin de dénicher sur Internet le gentilé tout aussi savoureux. Après 500 km, nous trouvons une petite aire aménagée – parking + toilettes sèches + rampe à bateaux – au bord d’un lac et décidons de nous y arrêter pour la nuit. Tout au long de cette belle route tranquille, nous avons écouté les 8 épisodes d’un balado relatant l’histoire d’un québécois ayant, à l’aide de son petit avion, saboté les lignes haute-tension et plongé dans le noir une grande partie de la région. Si comme nous vous avec envie de vous immerger dans la langue québécoise, le lien est ici. Au fait, un balado est l’appellation locale d’un podcast.

Réponses au quiz du paragraphe précédent : 1.A ; 2.Zombi, vient par ici ; 3.C ; 4.B ; 5.AB


Un ménage juteux

Nous sommes ici à Val d’Or, célèbre pour sa mine aurifère exploitée de 1935 à 1985, ce qui est plutôt long pour une mine d’or. C’est parce que le minerai était particulièrement riche, permettant d’extraire 6,3g du précieux métal par tonne. Tout le processus de fabrication, de l’extraction au coulage des lingots est expliqué de façon démonstrative. On entre d’abord dans les entrailles de la mine après avoir décroché sa tenue de la « salle des pendus » et s’être équipé de casque, lampe et ceinture. D’abord dans un chariot motorisé d’époque circulant dans des boyaux étroits où il faut régulièrement baisser la tête pour ne pas accrocher le plafond, puis à pied dans les galeries sombres et humides. Tout est bien sûr émaillé de petites anecdotes, notamment sur la façon dont les ouvriers tentaient de ramener quelques morceaux de minerai en les cachant dans le seul objet qu’ils avaient le droit d’emmener et de ramener : leur savon. Mais le meilleur est pour la fin : à la fermeture de l’usine, une entreprise spécialisée a été chargée de faire le ménage en récupérant entre autres la moindre particule de poussière piégée dans les coins ou derrière les radiateurs de la salle de broyage. Un ménage qui a rapporté gros une fois l’or extrait de cette poussière : pas loin de 900 000 dollars canadiens, soit près de 670 300 euros !


Le zoo paralympique

Rien à voir avec le zoo sauvage évoqué précédemment : ce refuge accueille bien des animaux sauvages, mais pas ceux genre le petit panda roux tout mignon qui attire les enfants et augmente les ventes de peluches dans la boutique. Il est destiné aux éclopés, aux tombés du nid, aux victimes de chauffards, aux amputés d’une patte ou d’une aile, aux bébés devenus orphelins grâce au chasseur qui a tiré sur leur mère. Tous les pensionnaires ici ont une histoire, décrite sur la pancarte devant leur cage ou leur enclos. Certains sont là temporairement, le temps de se retaper ou de se sevrer avant d’être relâchés dans la nature. D’autres sont hébergés au long cours, incapables de vivre sans assistance humaine, parfois à cause des premiers contacts humains justement (si vous rencontrez un animal en difficulté dans la nature, prévenez les autorités mais surtout n’y touchez pas). ). Ce fut en tout cas une visite touchante, dont nous vous rapportons quelques portraits.


Dyn-Amos

Nous étions venus à Amos pour le Refuge Pageau et ses animaux handicapés. Quitte à être là, nous avons poussé jusqu’au centre-ville pour en respirer l’ambiance. Nous nous sommes présentés à l’office du tourisme, aussi fleuri qu’accueillant et riche en renseignements. De nombreuses activités insoupçonnées sont proposées par la ville, si dynamique que je leur aurais bien proposé le slogan ci-dessus, mais qui n’est pas de si bon goût. Le seul vrai bon goût est celui de l’eau de la ville, qui serait la plus pure du monde grâce à son système de filtration naturel par des moraines glaciaires qui contiendrait parait-il aussi des diamants. Jetez un œil si vous voulez sur les multiples attractions de la ville. Limités par le temps pluvieux, nous nous sommes contentés de la cathédrale, de la maison Hector-Authier (un notable qui a quasiment mis en place toute la région), et le centre d’exposition tout aussi moderne que gratuit où nous avons visionné des documentaires sur l’histoire de la région en réalité virtuelle et une exposition sur le thème du voyage en réalité augmentée. Dynamique je vous dis !


Mauvaise mine

Rouyn-Noranda est la capitale de la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Désolé pour les noms, mais je peux tout expliquer. Rouyn et Noranda sont deux villages fondés en 1926 sur le site d’une mine de cuivre fraîchement découverte. Rouyn est le nom d’un militaire lorrain s’étant illustré lors de la dernière bataille des franco-canadiens contre les anglais. Noranda résulte …d’une erreur d’imprimerie : elle devait s’appeler NordCanada. Les 2 villes ont fusionné, tout comme le cuivre qu’elles produisent, en 1986.

Abitibi et Témiscamingue, c’est à cause des Cris. Désolé pour les noms mais je peux tout expliquer. Les Cris font partie des premières nations du Canada, et à ce titre ils ont eu le loisir d’appeler les montagnes, les forêts et les lacs comme ils voulaient. Et justement, Abitibi et Témiscamingue sont les noms de deux importants lacs de la région, le « lac du milieu » et le « lac sans fond » en langue crie, vous devinez pourquoi.

Quant aux Cris, leur nom est le diminutif de l’appellation française du village Kenisteniwuik. Désolé pour le nom mais je peux tout expliquer, mais plus tard parce que ce n’est pas le sujet.

A Rouyn-Noranda se trouve donc une importante mine, qui produisait principalement du cuivre, mais aussi de l’or et de l’argent. Aujourd’hui l’extraction a cessé, seule la fonderie fonctionne, notamment en recyclage. Le problème c’est qu’elle laisse échapper de l’arsenic par ses grandes cheminées. Une étude récente, qui retrouve un taux plus élevé qu’attendu de cancers du poumon dans la ville, fait actuellement polémique dans les médias. L’usine serait menacée de fermer si elle ne réduit pas ses taux.

Je me demandais aussi pourquoi la visite était gratuite… En fait nous avons tout de même tenté d’y aller, mais, selon les agents d’accueil qui n’avaient pas si mauvaise mine, ça reste fermé aux visiteurs depuis la crise sanitaire. Oui mais laquelle ?

Rouyn-Noranda possède tout de même quelques atouts :


Pause magasinage

En guise de trou normand, entre deux chapitres, voici quelques trouvailles repérées en allant « magasiner », c’est-à-dire faire nos courses. D’abord une sélection de fromages un peu surprenants, puis quelques boissons qui ne gagnent probablement pas à être bues. Enfin à vous de voir !


Au temps de la traite des brunes

Oui des brunes, parce que les fourrures d’ours blancs ne faisaient pas partie a priori de ce commerce appelé « la traite » aux 17è et 18è siècle. C’est au Fort Témiscamingue, bâti au bord du lac éponyme par les Français en 1720 que tout cela se passait.

La position géographique était idéale. Les indiens Algonquins y venaient depuis la baie d’Hudson vendre les peaux de phoques, de loutres, de visons et de castors que les « voyageurs » d’origine européenne transportaient ensuite à Montréal. Dans les deux cas, le transport se faisait sur des canoés en écorce de bouleau, lors de navigations exténuantes de 25 jours sur des rivières tumultueuses.

Le site très pédagogique montre en détail la fabrication de ces embarcations, la vie des gens dans ce fort qui n’avait rien de militaire. De nombreuses maquettes et personnages à l’échelle permettent de mieux se rendre compte, et des animateurs, le plus souvent des jeunes en job d’été, sont là pour répondre aux questions.

J’ai eu l’occasion d’essayer un chapeau haut de forme en fourrure de castor. Nous avons apprécié aussi la balade dans la « forêt enchantée », où après l’abattage de presque tous les pins pour la construction des maisons du fort, des jeunes pousses de cèdres les ont remplacés, en prenant cet aspect tordu encore inexpliqué.

Un seul bémol : la rareté des visiteurs alors que nous sommes en haute saison touristique. Ce n’est pourtant pas le prix d’entrée qui freine les visiteurs (3,50€), alors où sont-ils ? Et cela concerne la totalité de notre parcours récent : alors que nous nous attendions depuis le début des vacances scolaires à rencontrer des difficultés pour accéder aux lieux touristiques ou pour nous garer, il n’en est rien : les attractions ne sont guère plus fréquentées qu’en juin, les parkings sont facilement accessibles le jour et nous sommes la plupart du temps seuls sur nos lieux de stationnement nocturnes. C’est tant mieux pour notre tranquillité, mais cela pose question.


Bonjour le Québec

Autant vous dire tout de suite, si vous avez bien suivi, « bonjour » en québécois s’emploie pour dire « au revoir ». Nous venons donc de terminer notre parcours québécois et quittons la province avec regret. Nous y avons été particulièrement bien accueillis, et nul doute que la francophonie a beaucoup aidé. Et puis quelle francophonie ! Nous avons adoré entendre parler les Québécois. Un langage coloré, imagé, avec des tournures dont certaines rappellent le passé tandis que d’autres au contraire apparaissent terriblement modernes dans leur lutte active contre la dominance de l’anglais. Les meilleurs exemples sont la francisation des enseignes KFC et Starbucks Coffee, devenues respectivement PFC (Poulet Frit du Kentucky) et Starbucks Café. Mais nous en avons découvert beaucoup d’autres, qui nous font réaliser que nous autres Français nous nous sommes complètement laissés envahir. C’est ainsi que nous avons écouté des balados, déjà évoqués au début de l’article, que nous ne nous étonnons plus lorsqu’on nous propose de taper notre code NIP (1), lorsque des sites Internet nous demandent d’accepter des témoins de navigation (2) ou quand un préposé d’accueil veut nous remettre un pamphlet (3). Nous savons maintenant ce qu’il y a derrière les portes des salles de bains (4) ou des vidanges (5), et ce que récoltent régulièrement les gens à la cueillette (6) des supermarchés. Nous disons désormais « pour dîner (7) » en nous présentant à un restaurant vers 13h, nous demandons la facture (8) à la fin du repas et nous ne prendrons surtout pas le risque de choquer quelqu’un lui demandant s’il (elle) emmène ses gosses (9) en vacances.

Pour ceux qui aimeraient en savoir plus, ou pour notre ami Yann qui vient de s’installer à Montréal, vous pourrez trouver ici un lexique assez détaillé des mots ou expressions québécoises les plus usitées.

(1) code PIN, (2) cookies, (3) dépliant ou flyer, (4) WC, (5) poubelles, (6) pick-up, (7) petit-déjeuner, car à midi au Québec on dîne et le soir on soupe, (8) addition, (9) testicules


En franchissant la rivière des Outaouais, nous sommes passés dans la province de l’Ontario. Même si le Français reste l’une des deux langues officielles, il n’est plus parlé ici que par une minorité de la population. Autant nous remettre à l’Anglais, qui va maintenant nous accompagner jusqu’au sud des États-Unis.

Alors, see you soon !

Ci-dessous la carte du parcours correspondant à cet article et les boutons pour commenter ou vous abonner

68. Cap plein Ouest

Après ce point extrême-oriental de la Gaspésie, nous amorçons un virage à 180° pour débuter une longue traversée du Canada qui devrait nous amener dans la région de Vancouver fin-août début-septembre. Notre GPS nous indique à vue de nez 5 500 km et 58 heures de route, mais ce sera forcément davantage compte-tenu de notre malin plaisir à prendre le chemin des écoliers.

Un trou pas du tout perdu

La petite ville de Percé, à l’Est de la Gaspésie, ne compte guère qu’un peu plus de 3 000 habitants, mais elle accueille 20 fois plus de touristes en saison, tous venus voir en priorité le trou dans la falaise qui lui donne son nom. La falaise est maintenant séparée du continent, mais ça n’a pas toujours été le cas. Lorsque Jacques Cartier est passé dans le coin en 1534, il a décrit une seule avancée et trois trous. Les assauts de la mer combinés aux alternances gel/dégel en hiver arrachent chaque année 300 tonnes de roches à la falaise et rendent ses abords dangereux. Nous nous sommes contentés de l’observer de loin, en prolongeant même le plaisir une nuit entière grâce au camping situé pile en face. Cerise sur le gâteau, nous avons observé le matin aux jumelles moult baleines venues prendre leur petit déjeuner dans la baie.


L’anti Robin des bois

Tout près du joli port de pêche de l’Anse à Beaufils, au sud de Percé, se trouve le Magasin Général de la compagnie Robin. Ce Robin-là était un immigré de Jersey et de ce fait parlait très bien l’Anglais et le Français. Il a ainsi pu embobiner les francophones du Québec alors sous domination anglaise en les enrôlant dans la pêche à la morue. M. Robin possédait les bateaux et revendait la morue. Il rémunérait ses pêcheurs en avoirs, utilisables seulement dans les « magasins généraux » …appartenant bien entendu au magnat jersiais. Inutile de dire que M. Robin faisait aussi crédit, entraînant ses ouvriers dans des spirales infernales où l’aîné de la famille devait aller pêcher à son tour pour éponger les dettes du père. Après le moratoire sur la fin de la surpêche à la morue, ces boutiques ont périclité. Mais pour l’histoire, celle-ci a été remise sur pied et aménagée comme autrefois. Pour les touristes, les vendeurs en habits d’époque font l’article de leurs produits, mais heureusement, plus rien n’est à vendre sinon ce baratin.


Retour en Acadie

Quelques mois après la Louisiane, nous retrouvons les Acadiens à Bonaventure, au Sud de la Gaspésie, une de leurs premières destinations après qu’ils aient été chassés de leur Acadie primitive par les Anglais. On se souvient que ces émigrants du centre-ouest de la France avaient fondé une colonie en Nouvelle-France au début du XVIIème siècle, dans un territoire transféré ensuite à l’Angleterre puis reconquis par le Canada. Grâce à une forte résilience et une forte natalité aussi (jusqu’à 25 enfants par famille !) ils ont su se reconstruire et reconquérir peu à peu leurs territoires perdus. 80% des habitants de Bonaventure sont Acadiens. Le drapeau bleu-blanc-rouge orné d’une étoile jaune (représentant la vierge Marie) qui flotte dans la ville aux côtés du drapeau Québécois en témoigne.


Tous à couvert !

Non, ce n’est pas une mauvaise blague sur ce qu’endurent les Ukrainiens, c’est juste l’histoire de quelques ponts couverts croisés sur notre route. Au Québec, il s’en est construit plus de 1 500 au cours du XIXème siècle, principalement pour décupler leur longévité par rapport aux ponts classiques en raison de la sévérité du climat. On dit aussi qu’ils étaient idéaux pour dissimuler les amoureux… Ils étaient dotés d’une construction robuste, de type ferme pour la charpente et de madriers entrecroisés pour les parois. Quelques 90 de ces ponts sont encore présents et pour beaucoup en service. Nous en avons d’ailleurs traversé un, à la fois pour le fun et pour aller régler quelques cartes postales peintes par l’épouse d’un gentil monsieur qui nous a raconté l’histoire du petit village où il habite, de l’autre côté du pont.


Ventes de garages à gogo

Le marché de l’automobile se porte mal, pourrait-on penser à voir fleurir ainsi ces multiples pancartes au bord des routes. Mais ce n’est pas ce que l’on croit. La cause est un phénomène de société au Québec appelé « Le grand déménagement ». Curieusement, la plupart des baux d’habitation expirant au 30 juin, la grande majorité des Québécois qui déménagent le font le 1er juillet. Cela vient d’une loi de 1750 qui imposait alors pour les premiers baux une échéance au 1er mai. Bien plus tard, le 1er mai est devenu le 1er juillet pour ne pas perturber l’année scolaire des enfants. Plus aucune loi n’impose quelque date que ce soit aujourd’hui, mais les habitudes ont la dent dure. Mais alors, pourquoi vend-t-on tous ces garages fin juin ? Eh bien parce qu’une « vente de garage » en québécois est l’équivalent de nos « vide-greniers ».


Apparences trompeuses

Le forfait mobile Free est très prisé des voyageurs qui se rendent en Amérique du Nord, car il offre, outre la gratuité des communications et textos depuis ce sous-continent, 25 Go de données cellulaires en mobilité, ce qui est tout à fait compétitif par rapport à d’autres forfaits européens voire locaux. Mais comme les autres opérateurs français, Free ne possède pas d’antennes en Amérique et doit donc sous-traiter avec des opérateurs locaux. Et nous avons eu la mauvaise surprise de constater qu’en Gaspésie, pourtant une région francophone et très touristique du Canada, la couverture de l’opérateur partenaire de Free, Rogers, est quasi inexistante. Vous pourrez constater cela sur les cartes ci-dessous, répertoriant les antennes des 4 opérateurs historiques canadiens.

Bien sûr on peut trouver des antennes Wi-Fi çà et là, dans les restaurants ou les musées, mais ce n’est pas pareil. Pour nos visites touristiques par exemple, nous avons besoin d’avoir un peu d’internet pour trouver quelques informations actualisées par rapport à nos guides papier, notamment en termes d’heures d’ouvertures. Nous avons dû acheter un forfait local, chez l’opérateur Telus, bien plus présent en Gaspésie. Cela dit, pour le triple de notre forfait Free, nous avons obtenu trois fois moins de données cellulaires. Mais nous avons pu nous connecter, c’était le principal. En tout cas, mieux vaut toujours se renseigner lorsque l’on part dans un pays censé être couvert par son opérateur sur la réalité de la couverture de son relais local.


De mon point de vue…

celui du Mont St Joseph, à Carleton, méritait le déplacement. Surtout pour son panorama sur la Baie des Chaleurs et son barachois, une sorte de lagune fermée par deux bandes de sable, l’une hébergeant le plus beau camping de Gaspésie, l’autre une colonie de hérons. On trouve aussi au sommet une petite chapelle au toit tout bleu surmonté d’une Sainte-Vierge curieusement emprisonnée dans un grillage.


Faire de la pluie un évènement positif

Au cours de ces 2 semaines en Gaspésie, nous aurons profité de 4 ou 5 jours de beau temps, pas plus. En raison de la pluie torrentielle, nous avions décidé de remettre à plus tard la visite des réputés Jardins de Métis, sachant que nous les croiserions de nouveau à la fin de notre boucle. Mais le moment venu, la pluie est toujours présente. A croire qu’elle n’a pas quitté les lieux depuis notre passage. Heureusement, la météo annonce une petite accalmie vers les 15h, alors que le parc ferme à 17. Nous attendons patiemment toute la matinée, et nous précipitons vers l’entrée dès le premier rayon de soleil réapparu. Les Jardins de Métis ont été aménagés par Mme Elsie Reford, une bourgeoise montréalaise venue se mettre au vert chaque été sur un campement de pêche. Associant les fermiers et guides de pêche de la région pour les transformer en jardiniers, surmontant des conditions climatiques extrêmes (et je ne parle pas de la pluie bien sûr), elle parvient à planter plus de 3000 espèces dans un environnement initialement forestier, nous offrant de beaux jardins à l’anglaise. Nous y avons trouvé des fleurs magnifiques et surtout sublimées par cette récente pluie. Les photos parlent d’elles-mêmes. Admirez les gouttelettes qui perlent partout, les superbes pavots bleus de l’Himalaya, les pivoines aux couleurs éclatantes et le jardin sauvage d’épilobes avec leur camaïeu de pourpre.


C’est une maison blanche… accrochée à la ravine

Rien à voir avec sa consœur bleue, celle-ci a une tout autre histoire. Nous sommes rendus à Chicoutimi, de nouveau sur la rive Nord du fleuve St Laurent, et même plus précisément sur la rive Sud de son affluent la rivière Saguenay. En 1996, des pluies exceptionnelles dans la région ont provoqué un débordement de tous les barrages hydro-électriques, et des torrents monstrueux ont envahi les villes en aval. Ainsi à Chicoutimi, toutes les maisons du centre ont petit à petit été emportées par les eaux. Toutes sauf une restée fièrement debout au milieu du déluge. Tout simplement parce que sa propriétaire de 79 ans avait, avant d’être évacuée, déposé une rose sur la statue de Ste Anne qui trônait dans son salon. Mais pourquoi (diable) les autres n’y avaient-ils pas pensé ?!


Pas lol du tout

Ces inondations de 1996, auxquelles la petite maison blanche a survécu, ont fait beaucoup de victimes, générant dans la foulée quelques monuments commémoratifs. Cette « Pyramide des Ha! Ha! » est l’un d’entre eux. Elle est faite d’un intéressant assemblage de 3000 panneaux routiers d’alerte, dont le pouvoir réfléchissant nocturne doit rendre un bel effet lorsque les phares des véhicules l’éclairent. Nous y étions le matin, nous n’avons pas pu vérifier. Ha! Ha! est le nom de la rivière qui a débordé ici. L’étymologie n’est pas claire mais n’a rien à voir avec l’onomatopée liée au rire. Heureusement, car il n’y avait pas de quoi !


Lol par contre

Suite logique aux panneaux d’avertissements, je vous en livre deux autres, photographiés à peu d’intervalle, l’un dans les toilettes d’un magasin de bricolage, l’autre près d’un barrage. Je me demande si le second ne répond pas à la question mystérieuse que semble soulever le premier. Vous en pensez quoi ?


Le village-fantôme de Val Jalbert

C’était la grande époque des pulperies, ces usines de pâte à papier du tout début du XXème siècle. Dans ce site idéal cumulant une forêt abondante pour la matière première, un torrent pour transporter les troncs et une cascade pour fournir l’énergie nécessaire, une usine performante a été installée en moins de 18 mois. Afin d’attirer les ouvriers, un village a été construit avec des facilités rares à l’époque : eau courante et électricité. 25 ans plus tard, 80 maisons abritaient 950 personnes. L’année d’avant la crise économique de 1929, la demande s’était déjà affaiblie et l’usine dut fermer. Les familles partirent les unes après les autres et le site resta abandonné pendant près d’un siècle avant que l’on ne lui redécouvre une valeur historique. Certaines maisons ont été restaurées, ouvertes à la visite avec leur mobilier d’époque, pour certaines transformées en chambres d’hôtes, tandis que d’autres s’effondrent tranquillement, envahies par la nature. Il en résulte un certain charme et nous avons adoré cette balade dans ce site magnifique.


Nous sommes dans la région du lac St Jean, encore calme malgré la saison touristique en cours. Mais les deux jours qui viennent vont être encore plus tranquilles. Nous allons rejoindre le Val d’Or par une route en pleine nature où les stations-services – si cela peut être un repère – sont espacées de plusieurs centaines de kilomètres. A bientôt si nous ne nous perdons pas !

65. Six expressions de parlure québécoise

Le langage québécois coloré, appelé ici parlure, participe au bonheur de nos découvertes. Nous vous présentons ici quelques-unes de ces merveilles en parallèle avec nos visites de Montréal à Trois-Rivières.

Salut, tu vas bien ?

A Montréal aussi les gens ont dans le cœur le soleil qu’ils n’ont pas dehors. Nous sommes très bien accueillis partout avec des « Bon matin » dans la rue, des « Salut, tu vas bien ? » ou même des « Allo » (ça signifie aussi bonjour !) à l’entrée d’une boutique ou d’un restaurant ou encore des « Bienvenue » lorsque l’on remercie le serveur (l’expression est employée en fait pour « de rien ») venu nous réchauffer (resservir du café) ou nous apporter la facture (l’addition). Les Montréalais semblent détendus et souriants, presque joyeux parfois, en contraste avec le temps gris, frais, venteux et bruineux lors de notre arrivée. De quoi ressortir la petite laine et ternir un peu les photos de cette première journée dans la vieille ville. Les seuls clichés colorés sont ceux pris en intérieur.


Il pleut à boire debout

« D’la pleu toujours, d’la pleu tout l’temps, d’la pleu les troè quarts de l’année », poétisait mon grand-père dans son patois solognot. En France on dit maintenant qu’il pleut des cordes, aux USA des chats et des chiens, mais ce mercredi, icitte à Montréal, il pleuvait à boire debout. Il mouillait beaucoup en quelque sorte. Nous ne sommes pas pour autant restés assis sur nos steaks (à ne rien faire), préférant aller magasiner (faire les boutiques) munis de nos parapluies, avant de nous réfugier au Musée des beaux-arts. Un grand complexe de 5 bâtiments reliés entre eux par des souterrains, hiver oblige, hébergeant tellement de collections que nous avons dû faire des choix drastiques. Nous nous sommes limités à celle sur l’art Inuit, pas si commun, à l’exposition temporaire très colorée de Nicolas Party, artiste peintre Suisse qui a réalisé plusieurs œuvres directement sur les murs du musée, et au bâtiment dédié aux arts décoratifs et au design. Il est toujours intéressant de voir comment les créateurs revisitent nos objets du quotidien. Après les photos légendées, un petit quizz vous est proposé pour trouver à quoi peuvent bien servir les 2 dernières machines.



Arts décoratifs et design


Quiz du jour : saurez-vous retrouver l’utilité de ces deux objets ?

Objet a deviner
Objet 1
1A – Un dictaphone ?
1B – Un inhalateur de solutions soufrées ?
1C – Un épilateur
?
Objet a deviner
Objet 2
2A – Un pétrin de boulanger ?
2B – Une machine à fabriquer des préservatifs ?
2C – Un moteur de hors-bord ?

Résultats à la fin de l’article


Et on termine la partie artistique par un peu de street-art à l’extérieur du musée

Pour info, Les foufounes électriques est le nom d’un bar branché de Montréal axé sur la culture punk, gothique et alternative. En québécois, foufounes signifie fesses…


C’est tiguidou !

C’est tiguidou, on est revenus aux belles températures ! Ma blonde et moi on a embarqué dans not’ roulotte pour aller au Mont Royal. J’ai chauffé Roberto jusqu’à un stationnement, ça m’a coûté 13 piasses, c’était pas dispendieux. Pis on a mis nos espadrilles et on est partis prendre une marche. Y f’sait chaud, pas besoin d’s’abrier. D’ailleurs le monde movait plutôt en camisole et gougounes qu’en chandail. Nous avons dîné dans la van, mais on aurait pu aussi bien manger des sous-marins sur une des tables de pique-nique, en faisant attention de bien tout mettre après aux vidanges au risque de se prendre un ticket. C’est de même icitte !

Chouette, le beau temps est revenu ! Ma chérie et moi avons pris notre van pour aller au Mont Royal (le point culminant de Montréal qui a donné son nom à la ville). J’ai conduit Roberto jusqu’à un parking, ça m’a couté 13 dollars la journée ce n’était pas cher. Puis nous avons mis nos baskets et sommes partis en randonnée. Il faisait chaud, pas besoin de se couvrir. D’ailleurs, les gens portaient plutôt des débardeurs et des tongs que des pulls. Nous avons déjeuné dans le van, mais nous aurions pu tout aussi bien manger des sandwiches sur une des tables de pique-nique, en faisant attention de tout mettre après aux poubelles, au risque de se prendre une amende. C’est comme ça ici !

(Traduction de l’auteur, en l’absence de cette fonctionnalité sur Google et autres Reverso)

Sur les photos, vous verrez les vues panoramiques qu’offrent le belvédère et les sentiers au sommet du parc, un chanteur français qui passait par là, la grande croix visible à 80km à la ronde et le lac aux castors qui contrairement à ce que son nom indique héberge des poissons rouges.


Une belle fin de semaine

Ah oui ici on ne dit pas week-end. La plupart des mots anglais sont bannis. Pour cette fin de semaine, donc, nous sommes allés rendre visite à nos amis de St Barth, Véronique et Pierre, qui ont acheté ici un petit châlet au bord d’un lac dans la belle région des Laurentides au Nord de Montréal. Une maison toute bleue qui m’a donné envie de pasticher une chanson bien connue de Maxime Le Forestier. Je ne suis qu’un poète de 4 sous, vous êtes prévenus !

Ce sont deux maisons bleues
Adossées à la colline
D’un lac oublié en plein Canada
L’une est toujours là, l’autre y a roulé.
On se retrouve ensemble après une année de route
Véronique et Pierre, Claudie et donc moi
Autour du repas, c’était comme hier.
Quand les étoiles s’allument
Quand apparait la lune
Le lac est beau là devant vous
Scintillant de cent mille et un éclats

Parlant jusque très tard
Échangeant sur tous nos rêves
On racontera nos meilleures histoires
Nos petits tracas jusqu’à la nuit noire.
Quand l’aube enfin se lève
Le canot quitte la grève
Le lac est beau, il est à nous
Glissons sur l’onde, n’attendons pas

Ce sont deux maisons bleues
Qui espèrent bien se revoir
Dans quelques années, celle qui reste là
Et l’autre qui aura fini sa tournée

Nous avons eu le plaisir de rencontrer chez nos amis leurs sympathiques voisins, Ninon et Laurent, de vrais Québécois qui nous ont appris plein de trucs sur le pays et donné des tuyaux sur nos futures visites. Nous étions ravis aussi qu’ils connaissent et apprécient la série québécoise que nous visionnons actuellement, Le temps d’une paix, une saga familiale qui se déroule dans le Québec rural entre la première et la seconde guerre mondiale. La première diffusion a eu lieu entre 1980 et 1986, mais a été suivie de nombreuses rediffusions tant les québécois en ont redemandé. Nous apprenons beaucoup sur la culture de cette époque tout en nous familiarisant avec les subtilités de la langue. Pour ceux qui voudraient s’y essayer, c’est disponible sur Youtube, voici le premier épisode. Il faut s’accrocher un peu pour comprendre au début, mais après ça vient tout seul.

https://www.youtube.com/watch?v=1_BHzWf_edE

C’est de valeur que tout soit fermé !

Depuis que nous sommes au Canada, nous constatons que beaucoup d’attractions, de musées ne fonctionnent pratiquement qu’en haute saison, soit de fin juin à fin août pour l’été. Nous aurions tendance à dire comme les locaux que « c’est de valeur », expression trompeuse qui signifie en fait « c’est dommage », mais d’un autre côté nous ne sommes pas si pressés de voir débarquer des hordes de touristes sur nos lieux de visites. Lors de notre passage à Trois-Rivières, entre Montréal et Québec, c’était un peu le cas. Sur la demi-douzaine de visites que nous projetions, nous n’avons pu en concrétiser que deux, celle du centre historique avec ses bâtiments très typiques de l’architecture canadienne, et celle de l’ancienne papèterie qui fut un temps la première productrice mondiale de papier. Il faut dire que la ville est idéalement située, au confluent de la rivière Saint-Maurice et du fleuve St Laurent, la première étant une excellente voie pour acheminer les arbres depuis leur zone de coupe dans l’arrière-pays tout en fournissant une eau d’excellente qualité pour fabriquer la pâte à papier (qui en contient à l’origine au moins 99%), le second étant propice ensuite à la livraison du produit fini dans le monde entier. Il est à noter que les habitants de Trois-Rivières s’appellent les trifluviens, alors qu’ils n’ont qu’un seul fleuve (le Saint-Laurent). Pire encore, ils n’ont qu’une seule riviève (la rivière Saint-Maurice). Le nom aurait été attribué par erreur par un navigateur malouin au XVIème siècle, qui ne se rendit pas compte que les 3 chenaux que forme la rivière Saint-Maurice à son embouchure proviennent du même cours d’eau. Pour une fois, honte à la France !


Elle se visite mais on peut aussi y tenter l’expérience de l’incarcération pour une nuit, avec tout le protocole (mise en tenue, photos de face et profil, etc.) et nuit en cellule sous la surveillance d’un gardien, lui-même ancien détenu. Pas sûr qu’on vous pique votre portable, mais d’un autre côté il parait que c’est assez répandu dans les vraies prisons…

Les dépanneurs au Québec n’ont rien à voir avec la mécanique. Ce sont de petites épiceries qui vous « dépannent » à des heures précoces ou tardives de fournitures alimentaires de dernière minute. Celui de droite, une ancienne institution dans la ville s’est reconverti en magasin bio et vintage. On y trouve aussi ces sodas bizarres aux goûts étranges. Bon enfin si c’est bio…


Tu trouves-tu ?

Au Québec, le pronom tu est fréquemment redoublé dans les phrases interrogatives, comme dans Tu m’aimes-tu ? Là où ça se complique, c’est quand le premier pronom n’est pas tu, par exemple dans Il vient-tu avec nous ?. Ce tu qui devrait être tu viendrait en fait de la contraction t’y également employée en vieux Français. Tu comprends-tu ?

Bon, je voulais plutôt vous parler de ces points d’interrogation bizarres, rencontrés à plusieurs reprises, qui ont attiré inévitablement notre curiosité. Il nous ont semblé dans un premier temps représenter une sorte de jeu de piste, jusqu’à ce que nous ayons eu l’occasion de les suivre et d’arriver …à l’office de tourisme. Ce point d’interrogation remplace en fait le « i » dont nous avons l’habitude et que la majorité des pays ont adopté. Je vous livre dans la foulée quelques panneaux amusants que nous avons rencontré sur notre chemin.



Cette première étape sur la province de Québec s’achève. Nous venons d’arriver à la ville éponyme qui va mériter certainement plusieurs jours de visite. A bientôt pour le récit !
P.S. Réponses au quiz : 1A et 2C

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