60. Du Kentucky à l’Illinois

Depuis Nashville qui clôturait notre visite du Tennessee, nous avons fait un bout de chemin puisque nous sommes maintenant à Chicago. A vol d’oiseau, la distance séparant les 2 villes est de 640 km, mais le compteur de Roberto en a compté 1300. Il est vrai qu’à défaut de 4X4 tout terrain nous évitons la ligne droite, qui pourrait d’ailleurs être intéressante, prenant plutôt le temps de faire des détours, au gré des renseignements fournis par notre guide papier et quelques sites Internet. Voici donc les étapes qui nous ont marqué au fil de ce trajet, état par état.


KENTUCKY



1°) Le Mammoth Cave National Park

C’est une grande forêt de feuillus de 400 km2 parcourue de multiples chemins de randonnées mais qui est surtout connue pour son immense réseau de galeries souterraines, le plus grand du monde parait-il avec près de 700 km répertoriés à ce jour. Une partie se visite, mais seulement avec guide et réservation obligatoire. Le parking du Visitor Center bien rempli nous a confirmé nos craintes : en cette période de vacances scolaires américaines, tout était complet pour les jours qui viennent. Nous nous sommes donc contentés de l’exposition pour la partie intellectuelle et des chemins de randonnée pour la détente.

Une disparition inquiétante et l’autre pas

Les centres d’accueil des parcs nationaux sont en général riches de renseignements et proposent généralement des expositions dignes d’un musée d’histoire naturelle sur la flore et la faune du parc. Nous n’y trouverons pas de mammouth puisque comme chacun sait ils ont disparu depuis longtemps. Le nom du parc est en fait lié à la forme particulière de l’une des salles souterraines. Mais la faune ce sont aussi des êtres vivants beaucoup plus petits, comme les araignées. Un microscope braqué sur un porte-lame était d’ailleurs censé nous en montrer un exemplaire, mais le champ de vision restait vierge et un petit message au-dessous nous donnait cette explication étonnante et inquiétante à la fois : « Nous regrettons que l’araignée ait disparu ». Mais où diable était-elle donc passée ?


Le cimetière de Miles Davis

Puisque nous voilà décidés pour une randonnée, Claudie me propose une boucle de 12 km dont le point ultime est le cimetière de Miles Davis. Ah, on va chercher des trompettes de la mort, lui réponds-je malicieusement. Après avoir pris une petite route et même un bac (Roberto a adoré) pour rejoindre le point de départ de la randonnée, nous voilà partis par un temps de soleil voilé et plutôt frais sur un chemin s’enfonçant dans une forêt d’arbres très hauts dont on devine tout juste le feuillage vert tendre naissant au niveau de la canopée. Un calme absolu règne, aucun chant d’oiseau ne vient troubler le silence, aucun écureuil ne vient nous saluer. Même les insectes sont absents. Nous avançons péniblement, ayant fréquemment à contourner des zones boueuses placées comme un fait exprès juste sur notre chemin. Après environ 7 km, nous arrivons enfin à notre cimetière, une zone perdue en plein cœur de la forêt mais tout de même délimitée sur les 4 côtés par un grillage rouillé. J’aperçois une vingtaine de pierres tombales, cherche en vain du regard celle qui dominerait les autres, avec peut-être une statue du célèbre jazzman ou une trompette fleurie. Mais je ne trouve que de vieilles pierres moussues de tailles diverses, visiblement non entretenues. L’épitaphe la plus récente date de 1915. Devant ma perplexité, Claudie comprend ma méprise et m’explique qu’il ne s’agit là que du cimetière de 2 familles, les Miles et les Davis, qui ont vécu dans ce coin perdu de la forêt pendant quelques décennies. A lire les inscriptions gravées, on imagine des conditions de vie difficiles. Ainsi ce couple Georges et Sarah dont la petite Mary est morte en 1892 le jour de sa naissance. C’est sûr, pas de service de néonatalogie au milieu de la forêt. La tragédie familiale se confirme en observant les stèles les plus récentes, près de l’entrée, de plus en plus petites et bancales. Le dernier des Miles-Davis n’aurait-il pas eu d’autre choix que de s’enterrer tout seul ? 😥




2°) Louisville et les Bourbon

Nous avons fait un stop dans la ville la plus peuplée du Kentucky non pas pour compter ses habitants mais pour y découvrir quelques curiosités. Le musée consacré à Mohamed Ali (le célèbre boxeur étant originaire d’ici) étant malheureusement fermé, nous effectuerons à la place un petit parcours urbain où nous découvrirons quelques surprises. La journée du lendemain sera consacrée à la visite d’une distillerie de bourbon.   


Ils ont re-décapité Louis XVI !

Au cours de notre balade, nous remarquons sur notre carte Osmand (notre appli GPS) la mention d’une statue de Louis XVI juste devant la mairie de la ville. Nous ne sommes pas loin et décidons d’y faire un tour, par curiosité. Mais déception, après avoir cherché et bien cherché, nous ne trouvons qu’un carré de bitume au sol. Mais qu’a-t-il bien pu se passer et pourquoi y avait-il une statue de Louis XVI à cet endroit ? Et y aurait-il un lien avec le nom de la ville ? Internet, en ressource inépuisable, nous apprend déjà que la Louisville a été baptisée ainsi en hommage au soutien de Louis XVI pendant la guerre d’indépendance américaine. C’est sans doute pour les mêmes raisons que nous ne sommes qu’à quelques dizaines de kilomètres de Versailles ou encore mieux Paris. On nous dit par ailleurs que c’est la ville de Montpellier qui a généreusement offert à sa jumelle américaine cette imposante statue en marbre de Carrare. En fait, la cité languedocienne se serait plutôt débarrassée d’une statue encombrante qui traînait dans ses réserves depuis longtemps. Commandée en 1815, en plein rétablissement de la monarchie en France, elle ne resta exposée que 23 mois à Montpellier après les émeutes parisiennes conduisant à la monarchie de Juillet. Après une période de calme sur son nouveau territoire, la statue redevient l’objet de l’hostilité des foules : on lui casse un bras, puis on la tague : le maire de Louisville craignant davantage la déboulonne et la met en réserve. Il lui reste maintenant à déterminer à qui va-t-il refiler la patate chaude 😉


Au palais, bourbon !

Nous parlons ici de la boisson reine du Kentucky et non pas du bâtiment qui héberge l’Assemblée Nationale. Mais il y a tout de même un petit lien entre les deux puisque la boisson américaine tient son nom du Comté de Bourbon, lui-même baptisé ainsi en hommage aux héritiers de Louis-Philippe qui, chassés de France, se sont engagés aux côtés de l’Union pendant la Guerre de Sécession. Le siège du Comté de Bourbon est la petite ville de Paris, 8 500 habitants. Oui, je sais c’est compliqué. Mais revenons à notre bourbon. Nous n’avons pas laissé s’échapper l’occasion de visiter la distillerie Buffalo Trace, l’une des 4 (sur 183) qui a survécu à la prohibition. Une visite comme on aime, gratuite qui plus est, dans une usine superbe et en activité, merveilleusement odorante et toutes cheminées fumantes, où l’on apprend tout sur le processus de fabrication de ce whisky américain. Contrairement au scotch (le whisky écossais), la purée de céréales mise en fermentation comporte au moins 51% de maïs et le vieillissement se fait toujours en fûts de chêne neufs (ils sont ensuite revendus aux Écossais). La visite se termine bien entendu par une dégustation de 5 de leurs spécialités. Pas les mêmes d’un jour à l’autre, c’est incitatif à revenir, ça !


Churchill Downs

C’est l’hippodrome le plus célèbre des États-Unis, où se déroule chaque année en mai depuis 1875, sans avoir jamais failli à la règle, y compris pendant les guerres, le Derby du Kentucky, une course qui attire plus de 170 000 personnes. Une autre course a lieu à l’automne, le Kentucky Oaks, réservée aux pouliches, tandis que la première concerne les poulains et hongres (chevaux castrés), dans tous les cas âgés de 3 ans. Le restant de l’année, on s’y entraîne et les bâtiments sont ouverts à la visite. Nous en avons profité pour recueillir quelques connaissances sur ce milieu qui nous est peu familier. A noter que la région est depuis longtemps vouée à l’élevage des chevaux, que l’on envoyait volontiers depuis l’Europe pour paître dans la blue grass, une herbe épaisse et longue appelée ainsi pour la teinte qu’elle prend au printemps. La route entre Louisville et Lexington est d’ailleurs particulièrement pittoresque, bordée de grands champs entourés de multiples barrières en bois, parfois doublées ou triplées, ou encore formant des cercles autour des arbres.


Batte-man

On peut appeler ainsi M. Hillerich qui confectionna la première* batte de base-ball en bois en 1884 et continue avec sa société à en fabriquer aujourd’hui à Louisville. Les locaux et un petit musée se visitent, annoncés depuis la rue par une batte géante qui dépasse le toit de l’immeuble.
* à regarder de près le gourdin tenu par les hommes préhistoriques lorsqu’on les représente, je me demande si l’invention n’est pas antérieure…


3°) Lexington

Encore une ville axée sur le cheval et le bourbon. Si l’envie de visiter une autre distillerie de bourbon nous a effleurés, nous avons préféré voir une petite exposition artistique, de la Lexington Art League, située dans une demeure de style néogothique américain au charme certain. Les lieux étaient quasi-déserts, nous avons attendu un peu dans l’entrée avant qu’une dame vienne nous accueillir, nous dire qu’ils étaient normalement fermés aujourd’hui mais que puisque nous étions là nous pouvions jeter un œil. Une exposition assez éclectique mais avec de jolies trouvailles, comme vous verrez sur les photos.


OHIO



1°) Cincinnati

C’est notre première ville dans cet état. On y accède depuis Covington au Kentucky en franchissant le Roebling suspension bridge, construit en 1867, précurseur du pont de Brooklyn du même architecte. Sa chaussée très particulière faite d’une grille métallique le rend très sonore, faisant « chanter » les voitures. D’un côté, une jolie frise historique raconte l’histoire de la région et de la construction du pont. De l’autre, le National Underground Railroad Freedom Center relate la période des années 1830 à 1860 ou la population s’érigeant en passeurs bénévoles permit à environ 100 000 esclaves de rejoindre la liberté de l’autre côté de la rivière. Les états du Nord avaient aboli l’esclavage en 1833. Les pays du Sud y rechignaient et c’est l’une des raisons principales de la Guerre de Sécession.




2°) Dayton : 1 musée, 2 frères, 3 axes

A Dayton dans l’Ohio se trouve le Musée National de l’US Air Force. Sous 4 hangars géants sont exposés plus de 300 avions, des missiles, des fusées et même une navette spatiale. L’entrée est gratuite, le vétéran du Vietnam qui nous a donné le plan de visite à l’entrée nous a même présenté une bonne vingtaine des avions que nous allions trouver sur notre parcours. Nous n’avons pas tout compris mais nous l’avons remercié chaleureusement. Allez, parlons du premier avion présenté, celui des frères Wright, le tout premier à voler muni d’un moteur en 1902. Toutefois, l’appareil devant être propulsé sur un rail au décollage, les 2 frères n’ont pas eu la primauté de l’invention qui fut attribuée au français Clément Ader pour avoir fait décoller du sol de façon autonome 3 engins volants motorisés entre 1895 et 1897, même si c’était sur des distances limitées (300m pour le dernier). Le mérite des frères Wright reste d’avoir été les premiers à contrôler le vol dans ses 3 axes (tangage, roulis et lacet). Pour les 299 avions qui restent, je vous laisse voir quelques photos et prendre votre billet pour les États-Unis.



INDIANA



1°) Indianapolis

N’étant pas trop fan des grandes villes, nous ne sommes pas restés très longtemps dans la capitale de l’état d’Indiana, juste le temps de visiter 2 attractions : le Museum of Art, centré sur l’art européen, africain et asiatique, et l’incontournable Motor Speedway, circuit culte des 500 miles d’Indianapolis, avec toute l’histoire et les voitures de la course automobile qui a lieu chaque année depuis 1911.






2°) Fairmount

Cette petite ville d’à peine 2800 habitants s’enorgueillit d’être le lieu de naissance de deux héros : James Dean et Jim Davis. Si vous connaissez forcément le premier, l’acteur prometteur de la Fureur de Vivre décédé prématurément à l’âge de 24 ans dans un accident de voiture, le second vous parle sûrement moins. Mais le chat qu’il dessine, Garfield, est plus connu aux États-Unis que celui de Geluck. Nous avons (re)découvert leur vie dans un petit musée et roulé dans un cimetière avec Roberto (oui, là bas c’est comme ça qu’on fait !) jusqu’à la tombe de James Dean, toujours maculée parait-il de rouge à lèvres.



ILLINOIS



A la découverte de Chicago

Ce sera notre seule étape dans l’Illinois, mais Chicago, n’est rien moins que la 3ème ville des États-Unis. Le centre-ville a la particularité d’être délimité par une vieille ligne de métro aérienne formant une boucle et appelée pour cette raison le « loop ». Ce métro et les vieilles arches métalliques qui le supportent tranchent par leur charme désuet avec les gratte-ciels qui l’entourent. Beaucoup. La ville en compte presque autant que New York. Elle a même eu le plus haut du continent américain jusqu’en 1998, la Willis Tower, 442 m sans l’antenne, et quelques originalités comme ces immeubles jumeaux de l’entreprise Wrigleys (vous savez, les chewing-gums) aux contours polyédriques et reliés par une élégante passerelle. Ou encore ce bâtiment construit pour les 75 ans du journal Chicago Tribune à la base duquel ont été incluses des pierres rapportées du monde entier (Pearl Harbor, Fort Alamo, mais aussi Antarctique, Taj Mahal ou cathédrale de Reims. Curieuses aussi sont ces deux tours en forme d’épis de maïs. Vive la biodiversité urbaine !

Les halls d’entrée de ces beaux immeubles sont parfois accessibles à la visite et réservent des trésors. Les oeuvres d’art sont tout aussi fabuleuses à l’extérieur, dans les parcs ou au coin des rues, comme cette sculpture de Picasso qui n’a pas réussi à trouver de nom, cette mosaïque géante de Chagall représentant les 4 saisons avec parait-il un nombre de nuances de couleurs inégalé pour une telle oeuvre, ou encore la « porte des nuages » d’Anish Kapor, une structure réfléchissante en forme de haricot qui reflète aussi bien la skyline de Chicago que les visiteurs qui la contemplent et s’y prennent en photo.

Enfin, Chicago est aussi une cité portuaire, bordant l’immense Lac Michigan. Bien qu’il ne s’agisse que d’une mer fermée, les mouettes, les phares et les navires de plaisance sont là pour donner l’ambiance. On imagine les foules rassemblées sur les jetées et le ballet incessant des bateaux pendant la saison estivale. Mais rien de tout cela lors de notre visite. A moins de 10°C dehors, personne en maillot de bain !


Remettre les pendules à l’heure

L’expression fait sens ici car depuis notre arrivée aux États-Unis, nous avons changé d’heure 7 fois. 6 fois en raison de la traversée de la ligne de séparation entre les zones horaires du centre et de l’est du pays, 1 fois en raison du passage à l’heure d’été. Et nous le découvrons le plus souvent par surprise, devant un coucher de soleil plus précoce ou plus tardif que d’habitude. Car rien n’est simple. Les États-Unis comportent 9 fuseaux horaires, dont 3 concernent la vaste étendue continentale. La démarcation pourrait se faire sur les frontières entre les états, mais si c’est souvent le cas, c’est loin d’être la règle. Notamment, parmi les 11 états que nous avons traversés, 3 sont coupés en 2 par cette ligne, que nous avons dû franchir à plusieurs reprises en raison de nos trajets zig-zaguants. Pour que vous vous rendiez mieux compte, la carte de notre trajet inclut pour cet article au moins les fuseaux horaires.

Mais tout ceci ne serait rien s’il n’y avait en plus le problème du passage à l’heure d’été. Certes cela n’arrive que deux fois par an, mais, si le gouvernement fédéral conseille l’adoption de l’heure d’été, il laisse le soin à chaque état d’en décider. Et bien entendu, les nations indiennes font ce qu’elles veulent. L’exemple le plus significatif est celui de l’état de l’Arizona, qui a décidé contrairement à ses voisins de ne pas adopter l’heure d’été. Mais dans le coin Nord-Ouest de l’Arizona se trouve le territoire indien Navajo qui, lui, choisit de l’appliquer. Mais au sein du territoire Navajo se trouve le territoire indien Hopi qui ne veut pas entendre parler de l’heure d’été. Vous suivez ? Ah, j’oubliais un truc, les jours de changement ne sont évidemment pas les mêmes qu’en Europe et ont été modifiés à deux reprises dans les 20 dernières années. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Heure appliquée dans les différents comtés de l’Indiana. En jaune, UTC -5h. En rouge, UTC -6h.
En vieux rose, les parties de l’Arizona refusant le changement d’heure, en jaune celles qui l’appliquent. Les états autour l’appliquent tous, mais avec un décalage horaire d’une heure pour les états en bleu (Nevada et Californie)

Désolé d’avoir été si long, mais la séquence anniversaire m’a fichu dedans. Le prochain article devrait être plus restreint territorialement parlant. A très bientôt !

59. Un an de vie nomade !

Le 24 avril 2021, en période de déconfinement progressif, nous démarrions notre vie nomade avec Roberto, tout frais sorti de chez son aménageur 5 jours auparavant. Après quelques jours passés à Rodez pour le rendre habitable, nous sommes partis heureux sur des routes quasi-désertes, munis d’une attestation un peu olé olé justifiant notre déplacement par l’achat de notre véhicule principal et le séjour au domicile de l’un de nos enfants pour rechercher un logement. Nous sommes ainsi entrés pleinement dans notre vie nomade, profitant du bonheur cumulé d’être libérés de la vie professionnelle, de la sédentarité et accessoirement de cette pandémie censée être sur le déclin. Profitant du bonheur de pouvoir aller où bon nous semble, de pouvoir nous arrêter au gré de nos envies, de se réveiller chaque jour dans un lieu différent. Et surtout de vivre à deux intensément notre soif de découvrir le monde.

Un an plus tard notre désir de poursuivre cette vie aventureuse est intact. Nous continuons à y trouver ce que nous cherchions. Nous avons parcouru près de 36 000 km et traversé 16 pays. Nous avons découvert des paysages souvent splendides dans lesquels nous avons volontiers randonné. Nous nous sommes gorgés de culture, d’histoire locale, d’art, de cuisine locale. Nous avons aussi rencontré quelques voyageurs nomades, discuté un peu avec les locaux souvent curieux de notre épopée, mais pratiquement jamais croisé de Français pas si aventureux que ça finalement. Si nous regrettons la distance physique avec la famille et les amis, nous sommes pour la plupart d’entre eux restés en relation grâce aux moyens de communication modernes, vidéoconférences et réseaux sociaux inclus.

En guise de bilan, j’ai demandé à chacun de nous de sélectionner une douzaine de photos, une par mois, et d’y mettre une légende. L’exercice s’est avéré ardu, les choix cornéliens, mais il fallait bien mettre des limites, à défaut de refaire tout le blog.

Claudie

04/21 Ma première sortie avec Roberto
05/21 Une nuit en pleine nature près d’un lac. Le début d’une longue série
06/21 Le Tribunal de Nuremberg, parce que j’adore l’Histoire
07/21 Freudenberg en Allemagne, trouvée non pas dans le guide mais dans un éphéméride !
08/21 Skänors Strand en Suède, pour les couleurs
09/21 Falaise de Preikestolen en Norvège, pour la beauté du site et l’exploit
10/21 La Colline aux Croix en Lituanie pour le côté résistance aux Russes
11/21 Les peintures florales sur les maisons de Zalipie en Pologne
12/21 La balade en vélo électrique avec les copains à l’Ile d’Yeu
01/22 Musée Frida Kalho (Mexico)
02/22 Paseo del arte, à Orizaba
03/22 La Nouvelle-Orléans pour son quartier français si typique
04/22 Le musée Martin Luther King d’Atlanta

Jean-Michel

04/21 Forcément, la découverte de Roberto !
05/21 Réveil au pied d’un moulin près d’Agen. Chaque jour le spectacle est différent
06/21 Ma première ville au-delà des frontières de la France
07/21 Les extraordinaires maisons de Freudenberg… et ma chérie devant
08/21 Cimetière Viking en Suède. Toute une culture à découvrir
09/21 Traversée de rennes près du Cap Nord. Mais j’ai hésité avec celle de Claudie
10/21 Les chantiers navals de Gdansk, pour leur valeur historique. La ville est bien aussi
11/21 La place colorée si typique du centre-ville de Zamosc en Pologne
12/21 Superbe excursion à l’Ile d’Yeu avec nos amis, ici au Fort de la Pierre Levée où j’étais en colo…
01/22 Découverte du Mexique par la place centrale très animée de Mexico (le Zocalo)
02/22 Les murs peints de Puebla (et de tout le Mexique)
03/22 Ma toute première sortie équestre dans le village fantôme au-dessus de Real de Catorce
04/22 Le jardin botanique d’Atlanta pour son incroyable serre tropicale

Roberto

04/21 Ma première nuit en pleine nature
05/21 Les gorges de l’Ardèche, épatantes pour tester les freins et la direction
06/21 Ma nuit aux pieds du Château de Neuschwanstein
07/21 Ma première plage… sur l’île de Rømø au Danemark. J’ai failli courser les chars à voile !
08/21 La Suède, ses forêts et ses milliers de lacs
09/21 J’ai réussi, je les ai emmenés au Cap Nord moi tout seul avec mes petites roues
10/21 Le camping d’Helsinki pour ses aurores magnifiques
11/21 Les sources ferrugineuses de Karlovy Vary (Rép. Tchèque) qui m’ont dégagé le filtre à air
12/21 Ma première escapade sur la neige au Lioran. Même pas glissé !
01/22 Le joli Château de Chalencon en Haute-Loire. Après, on m’a enfermé !
02/22 Ma première douche à Veracruz après 1 mois de mer
03/22 La terrible route étroite de Real de Catorce. J’y ai quand même croisé 4 véhicules !
04/22 Cette vue devant mon pare-brise ! Voilà comme on me traite après 35 000 km !

Nous poursuivons donc notre parcours sans hésiter, sans même nous être posés la questions tellement cela semble une évidence. Nous venons d’ailleurs de souscrire notre assurance santé pour une année complète. Car en effet, hors Europe, la sécu ne couvre plus que les situations d’urgence et encore faut-il avancer les frais. Nous ne l’avions pas encore fait jusqu’ici car nous étions couverts 3 mois après notre dernier départ de France par l’assistance de notre carte bancaire. La suite du récit de notre voyage, c’est pour dans quelques jours, surveillez vos boîtes-mail ! A très bientôt.

57. La Floride et les Rameaux

Au fait, pourquoi la Floride s’appelle-t-elle ainsi ?

La question est fort à propos (je suis fier de me l’être posée 😉) à proximité du Dimanche des Rameaux. Ce jour-là en effet, les chrétiens doivent apporter à l’église des branches fleuries telles que celles brandies par la foule accueillant Jésus sur son âne à Jérusalem. On appelle cela les Pâques fleuries. Vous l’avez deviné, c’est un jour de Rameaux, en 1513, que les Espagnols ont débarqué en Amérique, à Saint-Augustine précisément, dans une région que le conquistador appela Floride, en raccourci de Pascua florida, Pâques fleuries. Ok, mais alors pourquoi ne pas avoir donné ce nom à la ville ? Vous le saurez un peu plus loin, mais d’ici là, j’ai quelques autres (bonnes 😉) questions.

Quel est le fruit emblème de la Floride ?

Facile, il figure sur toutes les plaques d’immatriculation des voitures de l’état. Avec d’ailleurs la fleur emblème de celui-ci, la fleur d’oranger. Et les Visitors Centers à l’entrée des principales routes de Floride vous en offriront volontiers un jus fraîchement pressé. La production de ces agrumes, autrefois majeure dans l’économie régionale, est aujourd’hui en déclin, à cause de la concurrence mondiale bien sûr, mais surtout de la « maladie du dragon jaune » importée – volontairement diront les complotistes – d’Asie. Tiens, ça ne vous rappelle pas quelque chose ?

Pourtant autrefois, le marché fut prospère. Les producteurs de plus en plus nombreux devaient se démarquer en personnalisant les boîtes en bois de leur production par un slogan marquant, autre que le « Ici on vend de belles oranges pas chères » de Fernand Raynaud. Nous avons retrouvé quelques-unes de ces étiquettes promotionnelles au musée d’histoire de la Floride, dont on peut se demander pour certaines si elles faisaient vraiment vendre. La belle-mère ou les soldats ennemis font plutôt sourire maintenant, tandis que l’indien offrant ses fruits au conquistador ferait plutôt grincer des dents. Après tout est question de goût. Je ne sais pas vous, mais moi, ma préférée c’est la dernière… Et vous, puisque nous sommes en période électorale, vous auriez voté pour laquelle ?


Quoi ? Encore un musée Dali ?

Oui mais celui-là il est privé, et c’est la plus importante collection mondiale privée d’œuvres de Salvador Dali. Elle a été assemblée par un couple de collectionneurs fous de l’artiste (et non du chocolat comme dans la pub) et suffisamment riches pour acquérir au fil des années plus de 200 œuvres. On y trouve notamment 7 des 18 toiles géantes réalisées par Dali dans sa vie, dont les célèbres « Découverte de l’Amérique par Christophe Colomb », reflétant sa propre découverte du continent sous un angle artistique, et « Gala nue devant la mer » qui se transforme en portrait d’Abraham Lincoln dès lors que l’on s’éloigne à l’autre bout de la pièce. Figurent aussi les tableaux « Les marché des esclaves avec le buste invisible de Voltaire » et « Les persistances de la mémoire » avec ses montres molles, montres que l’on retrouve aussi bien dans le jardin attenant au musée, sur un banc mou bien sûr, qu’en grandes quantités dans la boutique, business oblige. Tout ça se trouve à St Petersburg, enfin la version américaine, pas l’autre.


Mais qui donc était en vedette américaine ?

Le musée Dali accueille toujours une exposition temporaire. Cette fois-ci l’invité n’était rien d’autre que son ami Picasso. Bon, j’avoue que le cubisme m’impressionne moins que le surréalisme, je ne suis donc pas un grand fan de l’invité. Je vous mets quand même quelques œuvres qui ont accroché mon regard. J’ai été interrogé aussi par les titres d’un certain nombre de dessins pas toujours évidents à relier avec le visuel. Sauriez-vous retrouver par exemple les titres des 3 œuvres ci-dessous ? Vous trouverez les bonnes réponses en bas de ce chapitre, après mes 2 portraits. Je cherchais en effet un moyen informatique de convertir ma photo en portrait style cubiste. Je n’ai pas trouvé, mais grâce au site Google Art & Culture, j’ai pu me confectionner deux bouilles sympathiques en mode Van Gogh ou Vermeer.


Légende à retrouver :
A1 : Vent arrière ?
A2 : Homme assis ?
A3 : Prière d’été ?
Légende à retrouver :
B1 : Buste de Céretane ?
B2 : Serveuse Céretane ?
B3 : Boulangère Céretane ?
Légende à retrouver :
C1 : Maître d’école ?
C2 : Chasseur ?
C3 : Accordéoniste ?


Que feriez-vous un week-end à Orlando ?

Loin d’aller grossir les files d’attente des parcs d’attraction, nous sommes allés à la rencontre de notre famille-sœur américaine. Nous étions en relation depuis des années, après qu’ils aient généreusement accepté de recevoir notre fils Achille plusieurs étés de suite, de façon totalement bénévole. Des séjours d’immersion linguistique au départ, encadrés par l’association Horizons du Monde tout à fait recommandable, qui auraient pu s’arrêter là si ne s’était créée une relation intime entre cette famille au grand cœur et notre fils. Qu’ils appellent « notre fils français » tout comme le nôtre les appelle « ma famille américaine ». Le père, Tim, professeur de musique, est  tout aussi facétieux que grand amateur de sauces pimentées qu’il fabrique lui-même et qui ont ravi le palais exigeant de notre Achille. La mère, Chris, travaille dans un diocèse où elle est aussi choriste. Elle nous a paru à la fois très sensible et forte de caractère. Leur fils, Ben, grand copain du nôtre et très complice avec lui lors de ses séjours, est malheureusement décédé brutalement dans un accident de la route où son véhicule a été percuté par un chauffard de 17 ans sans permis. Nous avons vécu cette période tragique par réseaux sociaux interposés et admiré alors la dignité de cette famille très croyante qui s’est appuyée sur la religion pour se relever. Tim et Chris ont aussi deux filles, que nous connaissons moins, mais dont notre fils nous dit beaucoup de bien. Notre traversée des USA était l’occasion idéale de concrétiser notre souhait d’aller les rencontrer en vrai. Et ce week-end a comblé nos attentes. Le samedi pluvieux nous a octroyé des heures de discussion (en anglais, oui, oui) où nous avons échangé nos expériences et ouvert nos cœurs. Un grand moment émotionnel. Le dimanche était plus détendu et, avec le retour du soleil, Tim et Chris nous ont emmené faire une belle balade nature aux environs du Lac Monroe. Comme vous pourrez le constater sur les photos, la nature était au rendez-vous, dont cette source bien à l’image de cette amitié qui venait de (re)naître. Dommage que les photos ne montrent pas réellement le côté humain, pourtant le plus important ces deux jours-là, Merci à nos hôtes que nous espérons vraiment revoir très bientôt.


Et vous, auriez-vous voté vert ou verre ?

Nous avions le choix ce matin-là entre un jardin botanique et une galerie d’œuvres d’art en verre. Nous avons finalement voté verre, ce qui s’est avéré un excellent choix puisque la galerie était dotée d’un jardin tropical exquis. Nous avons laissé Roberto avec un peu d’appréhension sous des peintures murales effrayantes avant de nous engouffrer dans cet atelier où l’on expose aussi bien que l’on travaille le verre. Les œuvres magnifiques nous ont laissé sans voix. Enfin juste de quoi discuter un peu avec le responsable de l’exposition. Nous ajoutons volontiers à notre carnet d’adresses cette Duncan McClellan Gallery de St. Petersburg en Floride pour y refaire un petit tour dans quelques années lorsque nous aurons terminé notre tour du monde et que nous aurons éventuellement une maison à aménager.

La bonne surprise donc, c’était le petit jardin attenant, associant avec un goût certain plantes tropicales, orchidées magnifiques, sculptures et œuvres en verre, le tout gardé par un chat accueillant. Le vert au service du verre en quelque sorte, nous étions comblés.


Docteur Jekyll ou Mister Hyde ?

C’est la question que l’on peut se poser devant les automobilistes américains. Très courtois lorsque nous sommes piétons, attendant même de l’autre côté du carrefour que nous ayons fini de traverser. Très patients aux carrefours munis de 4 stops, laissant chacun s’avancer tour à tour dans l’ordre d’arrivée, ce qui est parfois compliqué lorsqu’une dizaine de voitures sont présentes. Mais les mêmes (ou pas ?) peuvent être déchaînés sur les grands axes et les voies rapides, circulant bien au-delà des limites de vitesse autorisées, doublant par la droite sans prévenir, zig-zaguant entre les files de voitures, traversant soudain en venant d’une rue à droite 4 files d’un coup pour se mettre sur celle de gauche. Et je ne parle pas de la circulation sur les zébras ou encore des dépassements sur double ligne jaune. Je sens parfois que Roberto, en bon italien fougueux, aimerait en faire de même !


Les Américaines sont-elles aussi belles qu’on le dit ?

Nous sommes allés le vérifier dans ce musée qui leur est dédié. Et nous ne pouvons que le confirmer devant ces citadines aux châssis rutilants, aux pare-chocs astiqués, aux amortisseurs souples, aux bas de caisse avantageux, aux lève-vitres impulsionnels. Ou encore devant ces sportives aux airbags contenus mais aux filtres à air et à particule développés, capables, promptes à l’allumage, de démarrer au quart de tour et de jouer leur rôle de convertisseur de couple. Et encore, souhaitant limiter nos crit’air de jugement, ne pas risquer de vanne EGR ni de se prendre un soufflet de cardan dans la tête de delco, nous éviterons de parler des pompes à huiles et de tout ce qui est décapotable, les vices cachés, quoi. Ah oui, quelles Belles Américaines !


Peut-on tout mettre en boîte ?

Les épinards, d’accord, parce que ça rend plus fort et du coup on peut ouvrir la boîte en l’écrasant avec une seule main. J’ai essayé, mais comme je n’avais pas encore mangé d’épinards, je n’ai pas eu la force suffisante pour ouvrir la boîte. Euh ça ne marche pas le truc de Popeye ! Mais le vin… Oh non pas le vin ! Et pourtant ils l’ont fait. Ici on trouve des rouges, des blancs, des rosés et des champagnes …en canettes. Sacrilège !

Et les gens ? Allez, sardinons-nous dans la grosse caravane en forme de boîte de conserve que nous venons d’offrir à Roberto. Ah, vous doutez et vous vous dites que nous n’avons pas pu en arriver là ? Vous avez raison, le véhicule devant la caravane ce n’est pas Roberto, même s’il y ressemble. Et les gens dans la caravane ce n’est pas nous. Ouf !


Connaissez-vous la coquina ?

Rien d’irrévérencieux là-dedans, c’est le nom de la matière première du Castillo de San Marcos, le fort qui a permis à la ville de Ste. Augustine de rester la plus ancienne ville des États-Unis après sa fondation en 1565. La coquina, c’est une roche sédimentaire calcaire formée essentiellement de fragments de coquilles et de limon, présente sur les côtes du Golfe du Mexique. Une fois extraite de la mer, on la fait sécher pendant trois ans avant de la découper en parpaings. Les constructions réalisées ainsi étaient à la fois solides et résistantes aux boulets de canons dont elles amortissaient les impacts, une qualité indéniable pour les forts. Celui de Ste. Augustine n’a d’ailleurs jamais cédé sous le coup des assaillants. Son artillerie a sûrement joué un rôle aussi. En tout cas, une chose est sûre, on n’a rien sans faire des forts.


Une haie d’honneur pour Roberto ?

Pourquoi pas, mais plutôt la majestueuse allée de chênes couverts de mousse espagnole menant à une ancienne plantation près de la ville de Savannah en Géorgie. La ville elle-même est charmante, dotée en son centre de rues toutes aussi arborées et bordées de somptueuses demeures victoriennes. De quoi donner envie de se poser quelque part. Mais non.


Do you have a dream ?

Martin Luther King l’avait, lui, et l’a en grande partie réalisé. Nous avons dormi dans son quartier natal d’Atlanta, près de sa maison, près de l’église où il prêchait la déségrégation auprès de son père, près du mémorial qui rapporte toute sa lutte basée sur la ténacité et la non-violence. Une magnifique histoire. Une vie de lutte difficilement racontable en dix lignes de texte, mais si vous en avez l’occasion, ça fait du bien de se replonger dans cette histoire. A l’opposé total du célèbre pasteur qui était aussi anticapitaliste, un pharmacien d’Atlanta avait lui aussi un rêve qu’il a concrétisé, celui de devenir riche en concevant une boisson pétillante et sucrée dont plus personne ne peut ignorer le nom. C’était probablement une erreur que de visiter le même jour le Mémorial Martin Luther King et le World of Coca-Cola. Le plus significatif est que le premier était gratuit alors que nous avons dû payer 20$ pour regarder les films publicitaires du second (n’y allez pas) dans un bâtiment « noir de monde ». Un qualificatif par contre qui aurait plu à Martin Luther King.

Bon, allez, pour les fans de Coca-Cola je vous promets un paragraphe dans le prochain article. La firme est tout de même un symbole incontournable des États-Unis.


Mais la route nous attire, c’est plus fort que nous, alors nous quitterons juste après la publication de cet article Atlanta et la Géorgie pour le Tennessee, vers le Nord-Ouest. Ci-dessous comme d’habitude la carte du parcours actualisée et les boutons pour communiquer. A bientôt chers lecteurs !

55. La Louisiane, quelle histoire !

Avant d’y être allé, j’imaginais la Louisiane réduite au seul état actuel des États-Unis. Une fois sur place, un peu plus investi dans l’histoire du pays, je découvre l’ampleur à la fois de mon ignorance et du territoire initial de ce qui a été la Nouvelle France. Près du tiers de l’Amérique du Nord, rien que ça ! Pour ceux comme moi qui ne le savaient pas, je vous ai fait un petit résumé du passé mouvementé de la région. Pour les autres, vous pouvez passer directement au second chapitre.

La Louisiane, le pays dont personne ne voulait

Quand les grandes forces européennes sont parties à la conquête de l’Amérique au XVIème siècle, l’Angleterre s’est octroyée la côte Est de l’Amérique du Nord, tandis que les Espagnols arrivés par le Sud ont plutôt colonisé l’Ouest et la Floride. La France, ne voulant sans doute pas paraître faible ou bien pour éviter que l’une des deux nations ci-dessus écrase l’autre, a pris ce qui restait, c’est-à-dire une large bande centrale allant du Canada au Golfe du Mexique, occupant un bon tiers des actuels États-Unis. Le conquérant français a nommé Louisiane toute la partie au sud des Grands Lacs, en l’honneur du Roi Louis XIV. Toutefois, ce dernier n’était pas vraiment convaincu par cet agrandissement de son territoire, tout occupé qu’il était à aménager Versailles. Quelques familles et quelques troupes ont bien été envoyées là-bas, deux à trois cents personnes en tout, une broutille par rapport à l’étendue du territoire. Sans moyens, sans convictions, la plupart rentraient au bout de quelques années, abandonnant au passage femmes amérindiennes et enfants.

La Louisiane en 1700
La Louisiane au sein de la Nouvelle France avant 1713

Louis XIV au bord de la ruine et peu avant sa mort privatisa alors la région, la donnant en gestion d’abord à un homme d’affaires français qui finalement ne la fit pas (l’affaire) puis, alors qu’on était passé à Louis XV, à un banquier explorateur d’origine écossaise qui avait néanmoins la confiance du monarque. Le banquier changea radicalement de méthode en envoyant à la place des Français trop peu motivés 7000 personnes recrutées ou enlevées de l’autre côté de la frontière Est de la France, pour une forte proportion jugés indésirables dans leurs pays respectifs (anciens forçats, vagabonds, brigands, déserteurs ainsi que des « femmes de mauvaise vie » dont la célèbre Manon Lescaut) et qualifiées du terme générique d' »Allemands ». Rentabilité oblige, le financier fit aussi venir d’Afrique un nombre similaire d’esclaves, soit bien moins que les autres nations. Si ça ne déresponsabilise pas la France pour autant, ce « faible » nombre explique peut-être en partie que la compagnie dirigée par le banquier fut mise en banqueroute quelques années seulement plus tard.

Pendant ce temps, Anglais et Espagnols bien plus investis dans la colonisation grossissaient leurs effectifs respectifs et rêvaient d’étendre leurs territoires. Mais sans rêver de la Louisiane pour autant, jugée non rentable en termes de qualité de sol et de sous-sol. Vint le moment où la France s’engagea dans la Guerre de 7 ans (1758-1763) contre les Anglais et la perdit. Elle dut céder la moitié Est de la Louisiane (et le Canada) à son adversaire et réussit à refiler l’autre moitié à l’Espagne, si peu intéressée qu’elle mit 4 ans à en prendre possession.

La Louisiane en 1762-1763

A l’inverse, lorsque la Louisiane redevint française 40 ans plus tard suite à la victoire de Maringo en 1800, la France, dirigée alors par Napoléon Bonaparte ne se précipita pas pour la réoccuper, laissant un temps les Espagnols la défendre. Et lorsque la date de prise de possession fut enfin fixée au 18 mars 1803, la France s’empressa de vendre le 20 avril la Louisiane aux États-Unis qu’elle jugeait mieux aptes qu’elle à la protéger des Anglais. Bonaparte n’avait pas tort, mais tout de même, la France a perdu, faute de s’en occuper, un territoire hautement stratégique et grand comme quatre fois le sien, représentant aujourd’hui 15 des 52 états américains.

Ce chapitre n’est qu’un résumé de l’excellent article sur le sujet que je me suis régalé à lire ici et que je vous conseille si vous voulez plus de détails.


Dernière nuit au Texas

Le parc naturel évoqué dans le précédent article nous refusant l’hospitalité et peu enclins à rouler beaucoup aujourd’hui, nous nous réfugions dans le RV-park le plus proche. Les RV-parks, ça ressemble un peu à nos campings ou nos aires de services pour véhicules de loisirs, mais de loin tout de même. En fait, il y a de tout. Du simple terrain vague sans aucun équipement, dont on se demande bien pourquoi les gens s’y réfugient, jusqu’au camping 4 étoiles luxueux similaire aux nôtres. Les américains se réfugient quasi-systématiquement dans les RV-parks pour la nuit, et parfois même à demeure, car leurs camping-cars ne sont pas conçus pour être autonomes. Ils sont même gigantesques, déjà très longs, mais en plus devenant très larges une fois garés grâce à des caissons latéraux extractibles. Ils sont équipés de gros frigos, de fours, de climatiseurs, de machines à laver comme à la maison. Comme si cela ne suffisait pas encore, ils tractent volontiers une remorque, une caravane ou bien une voiture. Énergivores et volumineux, ils ne peuvent guère séjourner que sur des terrains spécialisés, alors que de notre côté nous avons suffisamment d’autonomie pour rester dans la nature sans bouger une douzaine de jours en été (davantage si nous pouvons trouver de l’eau), et deux ou trois jours en hiver (les panneaux solaires ne compensant plus la consommation, il nous faut alors rouler pour augmenter notre autonomie).

Roberto bien petit à côté de ses voisins

Notre terrain du jour est plutôt spartiate. Déjà il nous faut trouver l’accueil. Renseignement pris auprès d’un résident d’une sorte de mobile-home, le propriétaire n’est pas là, il faut l’appeler, mais il nous propose de l’appeler à notre place. Le proprio lui communique une place et déclare qu’il passera récupérer ses sous (12 $) dans la soirée, ce qu’il fera effectivement. Pour ce prix nous avons droit à un emplacement avec un robinet d’eau. Nous aurions pu nous brancher aussi en cas de besoin, ce qui n’était pas le cas. Nous avons accès à une salle d’eau unique en béton brut, avec douche chaude lavabo et WC. Une seule pour tout le camping, mais c’est suffisant car les locaux restent dans leur maison sur roues. Nous, quand on peut trouver une douche supérieure à 1 mètre carré, on profite… Voyant les gens sortir leur barbecue, nourrir leur chien en cage, allumer leur télé, nous avons craint un moment que la soirée soit très animée, mais non, la nuit a été plutôt calme.


Étapes en Louisiane

Que ce soit sur les routes secondaires ou les autoroutes, la verdure et l’eau sont omniprésentes en Louisiane, cela contraste avec les plaines arides du Texas. Compte-tenu de la grande surface occupée par les marécages (les fameux bayous), les voies de circulation sont souvent surélevées, voire carrément sur pilotis, par centaines de kilomètres, ou plutôt de miles. Car effectivement, depuis notre arrivée aux US, nous avons dû abandonner le système métrique. Autant s’y mettre de suite pour mieux apprécier les limites de vitesse ou les distances affichées sur les panneaux. D’ailleurs, nos deux applications de routage GPS ont adapté leur affichage sans aucune intervention de notre part.

Plaque minéralogique de l’état de Louisiane. Une particularité : il n’y en a pas à l’avant.

Le réseau routier, contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’un pays riche, n’est pas en super état. Les nids de poule, sans avoir l’ampleur de ceux du Mexique, sont très fréquents. En de nombreux endroits, les routes sont faites d’un matériau qui fait un bruit aigu en roulant, ou sont construite par plaques qui donnent l’impression de rouler sur une vieille voie de chemin de fer. La circulation n’est pas si facile non plus, surtout sur les autoroutes où la circulation est anarchique. Les limites de vitesse ne sont pas respectées et les dépassements se font aussi bien par la gauche que par la droite. Quand vous avez deux énormes semi-remorques qui vous doublent en même temps, un de chaque côté, c’est un rien stressant ! Et si vous voulez rester à droite pour éviter ça, immanquablement vous vous retrouvez sur une bretelle de sortie. Le point positif pour les autoroutes, que nous tentons néanmoins d’éviter dans la mesure du possible, c’est qu’elles sont gratuites.


1. La fabrique du Tabasco

Si notre guide Lonely Planet États-Unis n’en parlait pas, le site Authentik USA présentait la visite comme incontournable. Alors nous y sommes allés et n’avons rien regretté. Comme quoi il faut toujours multiplier ses sources d’information.

C’est ici, près de la ville de La Fayette, dans l’île d’Avery, ainsi appelée bien qu’elle soit en plein milieu des terres parce qu’il s’agit d’une zone circulaire complètement entourée d’une rivière marécageuse, qu’un banquier désœuvré suite à la Guerre de Sécession a mis au point la célèbre sauce au piment rouge en 1868. Edmund McIlhenny souhaitait simplement donner du goût aux rares aliments disponibles dans cette période. Une reproduction de son carnet de notes expose d’ailleurs, en guise de preuve, la recette originale. Recette qu’il a testée d’abord auprès de son entourage en la conditionnant dans d’anciens flacons d’eau de Cologne, ce qui explique la forme du conteneur encore aujourd’hui d’actualité.

Tout le processus de fabrication est présenté de façon pédagogique et vivante. On apprend que les piments provenant de la région de Tabasco au Mexique sont semés en juin puis récoltés en août, uniquement lorsqu’ils sont à point, c’est-à-dire lorsqu’ils ont atteint la couleur du petit bâton que possède chaque cueilleur. Ils sont ensuite lavés, réduits en purée puis mélangés à du sel. Et ça tombe bien, du sel il y en a beaucoup car l’île est en fait un « dôme de sel », une formation géologique particulière qui descend ici plus de 9 km sous le niveau du sol. La purée salée est alors mise à fermenter dans des tonneaux en chêne scellés au sel pendant une durée de 3 ans. Cette phase terminée, la purée de piment est malaxée de façon intermittente avec du vinaigre pendant plusieurs semaines avant d’être filtrée et mise en flacons.


Comme nous ne sommes pas dans la période de récolte, nous ne verrons pas les toutes premières étapes, mais tout le reste de l’usine est en activité, de la fabrication et du stockage des fûts jusqu’à l’embouteillage, en passant par le mélange final avec le vinaigre. Cela rend toujours les choses bien plus concrètes. Mais le plus concret, c’est bien sûr la dégustation, avec modération ici encore plus qu’ailleurs, mais pas pour les raisons habituelles !


2. Jungle Gardens

La visite des jardins attenants à l’usine était incluse dans le prix du billet, alors nous nous sommes dits pourquoi pas ? Mais ce que nous prenions pour un simple bonus s’est avéré être une attraction à part entière.

L’immense parc peut se parcourir aussi bien en voiture – ce que font la grande majorité des visiteurs – qu’à pied, solution que nous avons privilégiée. Nous sommes frappés d’emblée par ces grands arbres dont les branches sont couvertes de plantes épiphytes, certaines en forme de petites fougères, d’autres plus impressionnantes se présentant comme de grandes barbiches qui pendent et se balancent au gré du vent. Elles sont d’ailleurs appelées parfois barbes de vieillard ou encore filles de l’air, mais la dénomination la plus courante ici est celle de mousse espagnole. Ces plantes ne dépendent pas des arbres qui les supportent puisqu’elles n’ont pas de racines. Elles vivent simplement de l’eau de ruissellement et se propagent d’un endroit à un autre emportées par le vent. Elles sont volontiers utilisées ici pour garnir les matelas, moins coûteuses que les billets de banque. Nous avons adoré nous y promener.


3. J’Acadie : « Plongez dans le passé ! »

Toujours à La Fayette, un centre culturel est consacré à la culture « cajun » (« cadien » prononcé par un anglais chiquant du tabac) et nous en apprend un peu plus sur ce peuple d’émigrés français au Canada, brutalement arrachés à leur terre d’adoption par les Anglais qui venaient d’en hériter et savaient qu’ils n’arriveraient à imposer ni leur langue ni leur religion à ces irréductibles gaulois. Après une période de cavale, d’emprisonnement ou de retour forcé en France, beaucoup se sont retrouvés en Louisiane où ils ont fondé la « Nouvelle Acadie ». Peu de temps avant que la région ne devienne espagnole puis américaine. Quand on a la poisse… Cela ne les a pas empêchés de maintenir leur culture, leur religion et leur langue un peu particulière faite d’un mélange de vieux Français, de Canadien et de Créole.

A l’image de ces « courses des chevals », orthographiquement correctes en Acadien uniquement, un certain nombre d’expressions perdurent, colorées et parfois si logiques. Comme par exemple : asteur = maintenant (à cette heure) ; débourrer = déballer (un cadeau par exemple) ; froliquer = faire la fête ; galance = balançoire (pour se galancer, tiens) ; mouiller = pleuvoir ; plats = plats, mais aussi (ce serait trop simple) tasses, verres, couverts, en gros tout ce qu’on appellerait vaisselle ; plumer = éplucher (plumer des patates par exemple) ; poutine = boule faite d’un mélange de porc et de pommes de terre râpées (après avoir été plumées bien sûr)

Le centre culturel est complété par un village acadien reconstitué. Comme souvent aux États-Unis, c’est animé par des bénévoles qui nous présentent chacun un travail, une maison, voire poussent la chansonnette.


4. La Nouvelle-Orléans

A la Nouvelle-Orléans, berceau du jazz, il est normal de trouver des statues d’Armstrong ou de Bechet dans les jardins et de rencontrer des brass band un peu partout. En que capitale de la Louisiane, ex colonie de la France au passé mouvementé, il n’est pas étonnant que les plaques de rues portent des toponymes français, espagnols ou américains. A la Nouvelle-Orléans, des bateaux munis de roues à aubes naviguent encore sur le Mississipi, tout près du célèbre quartier français avec ses maisons coloniales aux jolis balcons en fer forgé.

Sous les arcades, les boutiques d’artisanat ou d’antiquités alternent avec les restaurants où l’on sert une cuisine cajun bien relevée. Juste devant la cathédrale Saint-Louis, comme par provocation, des sorciers vaudou désenvoûtent les passants. Et près du marché français trône une statue équestre de Jeanne d’Arc. Elle n’a pourtant pas délivré la Nouvelle-Orléans des Anglais que je sache !


5. Le réveil du couloir des tornades

Nous nous réveillons avec un ciel soudainement gris et du vent qui fait osciller Roberto. La météo annonce « Alerte rouge vents violents avec risque de tornades ». Pas de chance, c’est aujourd’hui que nous avons réservé une mini-croisière sur le Mississipi en bateau avec roues à aubes. Nous nous rendons tout de même à l’embarcadère. Au guichet on nous confirme malheureusement l’annulation du départ. C’est qu’ici, dans une région régulièrement touchée par les tornades et les ouragans, on ne plaisante pas avec la météo, et ça se comprend. Le site meteomedia.com, fait justement un article sur le « couloir des tornades » dont fait partie la Louisiane. Dommage.

Nous n’avons plus qu’à poursuivre notre découverte à pied de la ville, au milieu des vieux tramways, des statues de musiciens de jazz, des immeubles qui semblent vouloir toujours être plus hauts que leurs voisins.
Nous nous arrêtons dans un musée consacré aux artistes du sud de l’Amérique du Nord, dont un cubain (Luis Cruz Azaceta) qui a le don pour mettre ses idées noires en couleurs. Son expo est d’ailleurs intitulée « What a wonderful world », c’est dire !


Puisque la journée est pourrie, nous allons faire notre lessive dans une laverie automatique. Comme son enseigne l’indique, elle fonctionne avec des pièces, mais seulement des « quarters » (0,25$). J’ai commencé par changer le plus petit billet que j’avais, 20$, et j’ai eu l’impression de rafler la mise dans une machine à sous. Les 80 pièces pesaient bien lourd dans mes poches… Et Il a fallu en insérer pas mal dans la machine pour arriver aux 4,50$ du prix du lavage. Bon, ça occupe…


Pour finir la journée en beauté, la pluie, les éclairs et le tonnerre sont arrivés et puis nous avons reçu cette alerte tornade nous invitant à nous réfugier urgemment dans l’abri le plus proche. Mais comme personne ne bougeait autour de nous, nous avons attendu patiemment que ça passe. A Rome fais comme les Romains font.


La nuit s’est terminée dans le calme et nous avons pu poursuivre notre route vers l’état du Mississipi. A bientôt !



52. On the road again

Roberto est enfin libéré des griffes des douaniers mexicains et cela n’a pas été une sinécure. L’inventaire après la récupération nous a permis de constater par ailleurs qu’un certain nombre d’objets avaient disparu pendant le transport transatlantique, bien plus que nous ne le pensions initialement. Mais notre fourgon lui-même n’a pas été détérioré et c’est avec un grand bonheur que nous avons pu reprendre notre vie itinérante sur les routes du Mexique. On the road again !

Le VIN français n’est pas bon !

Oui je sais, vous n’y comprenez rien, je vais vous expliquer. Après avoir patienté tout un week-end le temps que les douaniers se reposent avant de pondre le rapport sur l’inspection qui autorisera Roberto à sortir, nous attendons le message de notre agent maritime pour nous rendre au port. A 9h30, notre ami Kilian nous indique que lui est déjà là-bas et qu’il n’attend plus qu’un coup de tampon pour partir. Nous en faisons part à notre agent sous forme d’un petit mot qui signifie en gros « pourquoi lui et pourquoi pas nous ? ». La réponse ne se fait guère attendre : « Vous ne pouvez pas sortir, votre VIN n’est pas bon »…

Notre ami Kilian a pris de l’avance sur nous. Il attend son van, celui derrière Roberto

Ne vous méprenez pas, ce n’est pas une insulte à notre boisson nationale, le VIN c’est le Vehicle Identification Number, ou encore numéro de châssis propre à chaque véhicule. Eh bien dans le cas de Roberto, la compagnie maritime a tout bêtement tronqué les 3 premières lettres, coupé le VIN en quelque sorte, ce qui évidemment est insupportable aux yeux de l’administration mexicaine. L’agence nous dit être en contact avec la douane et assure s' »apprêter à envoyer » un mail à la compagnie maritime afin qu’elle corrige le document. Inutile de vous dire notre déception. Nous nous voyons passer encore quelques jours à Veracruz le temps que les échanges de mails et de coups de tampons se fassent.

Nous exprimons tout de même notre mécontentement à la fois à notre agent qui avait en main tous ces papiers depuis plus d’un mois et aurait pu les vérifier, ainsi qu’à notre intermédiaire allemand qui aurait pu lui aussi s’assurer que la compagnie maritime avait la bonne information. Et puis, tandis que Kilian nous annonce qu’il est au volant de son van, dans la file d’attente pour sortir du port – nous sommes tout de même heureux pour lui, nous prolongeons notre chambre d’hôtel d’une journée. En espérant qu’il n’en faudra pas deux ou trois autres. Heureusement, peut-être piqués au vif, les différents intervenants ont apparemment pu corriger rapidement les documents puisque notre agent nous propose vers midi un rendez-vous à 15h pour la sortie du port. Ouf !

Kilian sort du port. Et pourquoi pas nous ?

Le moment venu, l’agent me prend devant l’hôtel et m’emmène de nouveau auprès de Roberto. Nous attendons 45 minutes interminables avant de recevoir la liasse de papiers dûment validés qu’il faudra présenter aux différents postes de contrôle. L’agent m’explique toute la procédure et le chemin pour sortir car il ne pourra m’accompagner jusqu’au bout. Et là je reprends enfin le volant. Un vrai bonheur que de reconduire notre fourgon après tout ce temps. Je suis le parcours indiqué et me retrouve comme prévu dans la longue file d’attente au milieu d’un flot continu de poids lourds. L’avancée se fait au compte-gouttes, c’était prévu, et ce n’est qu’une heure et demi plus tard que je passe enfin les dernières barrières, non sans avoir dû montrer une dernière fois que j’avais un bon VIN derrière le fagot, euh derrière le pare-brise. Un long parcours d’une quinzaine de kilomètres me ramène enfin auprès de Claudie, dont je n’ai pas besoin de vous décrire la joie lors des retrouvailles.

On the road again
C’est enfin notre tour. Pour une fois que je me sens heureux coincé dans une file interminable de poids-lourds !

Protections en vain

Le temps m’avait manqué pour réaliser l’inventaire de nos biens lors de l’inspection des douanes. Bien que j’aie retrouvé la porte latérale de Roberto non verrouillée, l’absence de tout désordre à l’intérieur me laissait supposer qu’à l’inverse du véhicule de Kilian retrouvé sens dessus dessous (voir article précédent) personne n’avait pénétré à l’intérieur du nôtre. Malheureusement, Claudie et moi devons nous rendre à l’évidence, il y a bien eu intrusion et fouille en règle de notre fourgon et, curieusement, pour ne pas dire avec perversité, tout a été remis en place comme s’il ne s’était rien passé. Les serrures des tiroirs et de la porte de la salle de bains ont bien été forcées, les pênes en acier tordus en témoignent. Quelques vêtements ont disparu, un petit couteau, un aspirateur portable, un thermomètre et sûrement quelques autres bricoles dont l’absence se révèlera au moment où nous en aurons besoin.

Malgré la bonne tenue du cadenas qui verrouillait les portes arrière, celles-ci ont pu être entrebâillées en force, suffisamment pour passer la main et récolter ce qui était le plus accessible dans la soute. Une mini-perceuse a ainsi disparu de ma boîte à outils. Ce qui nous amène à nous inquiéter pour notre petit coffre-fort, d’apparence intact et fermé. Nous affichons la combinaison et l’ouvrons… pour découvrir qu’une partie du contenu a également disparu. Pas les lingots, que nous avions gardés avec nous bien sûr 😉, mais quelques objets de valeur indéterminable comme nos anciens téléphones par exemple. Le plus surprenant est qu’ils aient réussi à ouvrir et encore plus à refermer ce coffre sans effraction !

Certes il s’agissait d’un modeste coffre d’hôtel, avec une clef 4 pans pour l’ouvrir en cas de perte du code ou d’épuisement des piles, et aussi une prise USB destinée aux gérants des hôtels. Ont-ils utilisé l’un de ces 2 moyens ??? Cela témoigne en tout cas que nous avons eu affaire à des voleurs expérimentés, pas de simples marins au long cours. Nous allons pousser la société Seabridge qui nous a vendu la traversée à investiguer davantage pour que ces vols à répétition cessent de devenir la règle et ne demeurent pas impunis. Et en parler sur les réseaux sociaux pour inciter les futurs voyageurs à en laisser le moins possible plutôt qu’à tout barricader. Mais nous n’allons pas nous prendre la tête non plus. Le principal est que Roberto n’ait pas subi de dommages et puisse continuer à nous emmener vaillamment là où nous le souhaitons. Notre vie nomade avant tout, le reste n’est que dommages collatéraux. Les risques étaient connus et nous les avons acceptés.


20 pesos le litre d’essence (0,90€), qui dit mieux ?

Nous passons la fin de journée sur le parking d’un supermarché à remettre Roberto en état d’y dormir et bien que nous ayons encore la chambre d’hôtel, nous nous offrons le plaisir d’aller passer la nuit dans notre véhicule favori garé sur la jetée, à 10 mètres de la mer. Quel bonheur ! Le lendemain, nous repassons à l’hôtel prendre nos affaires et quittons pour de bon Veracruz. Non sans avoir fait quelques petits stops dans la banlieue pour refaire le plein de gasoil (un peu plus cher que l’essence, mais à peine : 1 €/l), d’eau (gratuite à la station-service en contrepartie de la visite de notre fourgon) et de denrées alimentaires. Et même faire shampouiner Roberto qui, après ces 6 semaines de voyage, était franchement cra-cra. Lavage « al mano » comme ils disent, à grands coups de seaux d’eaux et de serpillère dans une ambiance de musique latino à tue-tête. Nous n’aurons pas droit à la finition à la brosse à dents, comme la voiture d’à côté, faute peut-être ne de pas avoir payé le supplément adéquat, mais 4 euros pour 50 mn de lavage, c’était vraiment donné ! Après plus d’une heure de route (tout un poème, je vous en reparlerai c’est promis), nous nous garons dans une petite rue du village de Zempoala, tout près de l’entrée d’un site préhispanique que nous visiterons demain.


Zempoala, le « site des vingt cours d’eau »

Au matin, nous sommes réveillés par le soleil qui commence à bien chauffer l’habitacle. Il n’est pourtant que 8 heures. Je descends prendre le frais. Une dame sort de la propriété devant laquelle nous sommes garés et s’approche de moi. J’ai soudain un doute et me dis que nous la gênons, que nous allons devoir déplacer le fourgon. Mais non, c’est tout le contraire, elle me propose de me garer à l’ombre dans sa propriété pour ne pas rester en plein soleil, joignant le geste à la parole en ouvrant largement son portail. Quelle hospitalité ! Je me confonds en remerciements et conduis donc Roberto sous les grands arbres d’un jardin. Il s’agit en fait de la cour d’un petit restaurant, mais rien ne nous est demandé. Nous achèterons tout de même quelques empanadas avant de quitter les lieux en guise de remerciement. Ainsi protégés du soleil, nous partons à la découverte du site qui vient d’ouvrir.

Roberto à l’ombre dans la garderie

En fait, un seul des vingt cours d’eau évoqués dans l’appellation du site est naturel : la rivière qui le traverse. Les autres, ce sont les différents canaux du dense réseau d’irrigation de ce complexe politico-religieux préhispanique édifié vers l’an 1200 par les Totonaques. Ce peuple plutôt pacifique du centre du Mexique vivait d’agriculture, de chasse et de pêche. Ce qui ne l’empêchait pas d’avoir des rites religieux plutôt barbares, du genre sacrifier des esclaves pour les écorcher et se revêtir de leur peau. Brrr ! La table d’exécution est encore là d’ailleurs, et l’herbe y pousse bien… Autour, nous explorons un ensemble de pyramides construites entièrement en galets provenant de la rivière, joints avec un mortier fait à base de coquillages cuits. Nous avons le site pour nous seuls, l’ambiance n’en est que meilleure. Les Totonaques connaîtront leur déclin, comme tous les peuples de cette époque, avec l’arrivée des Espagnols en 1521. Ils crurent un instant s’en sortir en s’alliant avec Hernan Cortes, le grand chef des conquistadores, pour lutter contre leurs ennemis Aztèques, mais l’Espagnol en guise de remerciement détruisit les statues de leurs divinités, obstacles à la christianisation, et leur refila en prime la variole. Les rares survivants se réfugièrent dans la ville voisine et le site tomba dans l’oubli, envahi peu à peu par la végétation. La restauration est en cours depuis une cinquantaine d’années.

En haut : la table des sacrifices – En bas : Je me prends pour un chef Totonaque et grâcie le prisonnier

Un MAX qui assure : 20/20

Cet acronyme est le raccourci du Musée Anthropologique de Xalapa, le second du Mexique, que nous ne voulions pas manquer car le premier, celui de Mexico était fermé au moment où nous y étions. Dans un décor grandiose est exposée une superbe collection d’objets issus des principales civilisations préhispaniques du Golfe du Mexique : Olmèques, Totonaques et Huastèques. Le musée possède notamment la plus grande collection mondiale de têtes géantes Olmèques, pouvant atteindre 3 mètres de haut. Mais aussi une multitude d’autres pièces fabuleuses dont vous n’aurez que quelques exemplaires en photo, une bonne partie du reste étant accessible en visite virtuelle sur le site du musée. La visite se termine agréablement par les jardins, bien entretenus. Nous avons adoré.


C’est le moment de nous quitter, mais pas d’inquiétude, nous en avons encore beaucoup à raconter ! A très bientôt !