76. Autour de Yellowstone

C’est un long parcours qui nous emmènera de Missoula à Laramie en passant par l’exceptionnel parc Yellowstone, les états du Montana, du Wyoming et du Dakota du Sud jusqu’au célèbre Mont Rushmore. Une dizaine de jours intenses et inoubliables.

Missoula et son carrousel solidaire

Cette attraction est particulière par son histoire : un jour un menuisier du pays est allé voir le maire et lui a dit « I have a dream… » Il a proposé en fait de construire un carrousel pour la ville, à la seule condition qu’on lui promette que le manège ne sera jamais vendu ou déplacé. La ville a accepté, et désormais tout le monde se plaint du grincement infernal du manège, de la musique lancinante du limonaire, des enfants qui tombent ou qui se plaignent de violents maux de tête peu après avoir chevauché l’engin… Non non je blague, tout le monde est ravi, les enfants vont tous bien, le carrousel est magnifique et décoré dans les moindres détails y compris le bâtiment qui l’abrite. Ce qui est surtout marquant, c’est que la générosité de l’homme qui avait un rêve s’est étendue comme par contagion à une grande partie de la ville. Plusieurs milliers de personnes ont ainsi donné un coup de main pour que le projet se réalise, aussi bien pour sculpter et peindre les chevaux, carrosses et autres figurines que pour restaurer et remonter pièce par pièce le mécanisme que le menuisier avait récupéré, ou encore lever les fonds nécessaires aux travaux. Près de 100 000 heures de travaux bénévoles ont été comptabilisées. Le carrousel de Missoula est en service depuis 1995. 4000 volontaires se déclarèrent encore présents en 2001 lorsque le projet se présenta de construire un jardin d’enfants en forme de dragon juste à côté. Avec autant de bras, il ne fallut que 9 jours pour le montage. Un bel exemple de solidarité.


Nuit en forêt près de Garnet

C’est véritablement notre emplacement nocturne préféré car nous y avons en général une paix royale. Les forêts sont loin d’être toutes accessibles, souvent privées ou alors non équipées de voies de circulation. Mais aux USA, les forêts nationales relèvent du domaine public. Il suffit de les repérer sur la carte quand les emplacements de choix n’ont pas déjà été repérés par d’autres voyageurs sur les applications comme iOverlander. On nous demande parfois si nous ne craignons pas pour notre sécurité d’être autant isolés. Mais nous avons plutôt la sensation inverse. Tant mieux, il en faut pour tout le monde !


Garnet, le village fantôme

Vers 1890, des prospecteurs ont découvert de l’or dans la région, attirant de nombreux chercheurs, et, chose inhabituelle, leurs familles. La ville de Garnet a poussé comme un champignon, hébergeant jusqu’à 1000 personnes vers 1895, et disposant alors de 4 magasins généraux, 7 hôtels, 13 saloons, 3 écuries, 2 barbiers, 1 médecin, 1 école, 1 boucher et 1 boutique de confiseries (des familles vous dis-je). Pourtant, rien de tout cela n’a fait long feu. Les filons ont commencé à s’épuiser vers 1900, les exploitants ont commencé à louer à des gogos leurs mines en déclin, et les familles sont parties peu à peu. En 1905, il ne restait plus que 150 habitants. En 1912 un grand incendie en a encore chassé un grand nombre et le peu qu’il restait a été enrôlé dans la 1ère guerre mondiale. Même si la ville a connu quelques réveils provisoires par la suite, elle a fini par s’éteindre et est aujourd’hui abandonnée. Bien entendu, les autorités ont saisi le filon et tentent de maintenir en état les différents bâtiments pour la préservation de l’histoire, ce qui nous permet de les visiter aujourd’hui. Une poignée de baraques en bois dont une partie du mobilier est restée en place, suffisamment pour que l’on s’imprègne de l’ambiance de l’époque. Un petit sentier parcourt aussi la zone minière où l’on trouve du matériel abandonné et des puits de mine condamnés par sécurité mais dont rien que l’entrée en dit long sur les conditions de travail de l’époque.


Nuit au camping, près de Townsen

Après avoir traversé les jolis paysages du Montana, moyennes montagnes recouvertes d’une herbe jaune qu’on croirait sèche et parsemées de quelques sapins, ou champs ondulés de céréales à perte de vue, nous cherchons comme chaque soir un coin tranquille pour dormir. Nous avions repéré un camping gratuit près de la ville de Townsen, mais en faisant le tour de cet emplacement pourtant sympathique, nous découvrons que le seul occupant, une caravane sans son véhicule tracteur, est équipé d’un groupe électrogène en fonctionnement. Pas du tout envieux de supporter cela toute la soirée et encore moins la nuit, nous filons un peu plus loin. Comme il est déjà tard, nous nous rabattons sur un petit camping tout proche, dénué de tout personnel comme nous en avons déjà vu (on met le paiement dans une urne à l’entrée). Pas de groupe électrogène cette fois, mais un groupe de tondeuses à gazon entourant Roberto. Relativement silencieuses, ces vaches noires ne nous laisseront que quelques bouses avant de s’éloigner et nous permettre une nuit paisible.


Allez les bleus !

Sur une colline bordant l’autoroute qui mène à Three Forks dans le Montana, on peut apercevoir un troupeau de chevaux semblant brouter tranquillement l’herbe jaune du coin. Tout de même, quelque chose cloche : ces chevaux semblent d’une taille quelque peu inhabituelle et, si leur crinière vole au vent, eux-mêmes sont immobiles. Qui plus est, en se rapprochant un peu, on distingue une couleur bleutée. S’il est possible de s’arrêter sur un petit terrain vague bordant l’autoroute, rien ne permet d’approcher davantage le troupeau. Il faut sortir les jumelles pour apprécier les 39 sculptures en métal prenant des positions aussi diverses que réalistes, et s’apercevoir que la couleur bleutée est celle de taches peintes sur chaque « animal ». Renseignement pris, il s’agit de l’œuvre d’un artiste local à qui une entreprise de céréales a offert un sommet de colline qu’elle ne pouvait sans doute cultiver. Et il parait que les vrais chevaux bleus, ça existe. Pas comme les éléphants roses.


Il nous en a fait voir de toutes les couleurs

Je parle bien sûr de cette merveille qu’est le parc de Yellowstone. On entre ici dans la cour des grands question parc naturel, le plus ancien du monde d’ailleurs car il a été créé en 1872. Pour les passionnés de thermalisme que nous sommes, c’est un grand waouh toutes les 10 minutes. Nous sommes en effet dans l’immense cratère d’un volcan dont la dernière éruption date de 620 000 ans, gardant depuis une activité géothermique intense. On voit des fumeroles partout, des lacs d’eau ou de boue en ébullition, et bien sûr des geysers. Les 2/3 des geysers du monde sont ici ! Le tout est joliment dispersé, comme si cela ne suffisait pas, dans un décor montagneux époustouflant, grandiose et diversifié. Ce qui a marqué le plus notre première journée, ce sont les couleurs magnifiques des différentes sources que nous avons rencontrées, liées aux micro-organismes qui parviennent miraculeusement à vivre dans ces eaux très chaudes (le record est à 240°C !). Paradoxalement, plus la couleur est froide, plus la température de l’eau est élevée.

A noter que nous avons fait la rencontre d’une famille française ayant tout quitté il y a 4 mois pour partir vivre au moins un an leur rêve de parcourir l’Amérique du Nord. Bien qu’ayant beaucoup voyagé avec nos enfants, nous n’avons jamais dépassé les 2 mois et demi de voyage continu, aussi nous ne pouvons qu’être admiratifs. Leur aventure est très bien racontée sur leur compte Instagram @lilybaroud, n’hésitez pas à jeter un œil.


Yellowstone J2

Ce grand parc mérite au moins 3 jours de visite, davantage si l’on souhaite parcourir d’autres sentiers que ceux qui se présentent tout le long des routes principales pour aller voir les points d’intérêts classiques. Ce qui n’est déjà pas si mal : rien qu’en empruntant ces sentiers, pour la plupart des passerelles en bois pour éviter de s’enfoncer dans les boues très chaudes, nous avons parcouru aujourd’hui 11 kilomètres. Comme hier, nous sommes allés d’émerveillements en émerveillements. Difficile de se lasser devant ces panaches de vapeur qui parsèment l’horizon, ces bassins en ébullition entourés de couronnes multicolores, ces fontaines crachotantes issues de cônes aux formes improbables et cette odeur de soufre omniprésente. Nous avons pu voir ce jour deux des attractions majeures du parc : le fabuleux Grand Prismatic Spring, un lac d’eau thermale formant une sorte de grand œil bleu entouré d’un halo de dégradés oranges du plus bel effet, et le célèbre geyser Old Faithful, dont l’intérêt réside surtout dans la fréquence relativement rapprochée et régulière des éruptions. C’est en conséquence autour de lui que l’on a construit toutes les infrastructures du sud du parc, comme les hôtels, les restaurants, les boutiques de souvenirs et bien entendu le centre des visiteurs. Les horaires probables des éruptions y sont annoncés, mais qu’on ne s’y trompe pas, les fourchettes sont assez larges. Ainsi, pour l’Old Faithful qui jaillit en moyenne toutes les 90 mn, la prochaine éruption était annoncée entre 13h40 et 14h (le spectacle a démarré à 13h40, mieux valait ne pas être en retard), tandis que pour le suivant, le Riverside geyser, c’était entre 15h05 et 16h35 (demandant donc un peu plus de patience). Pour d’autres geysers, l’intervalle entre deux éruptions est annoncé comme pouvant varier entre quelques heures et …quelques années ! Nous avons joué la simplicité en nous contentant de voir l’Old Faithful expulser 20 000 litres d’eau bouillante à une trentaine de mètres de hauteur, pendant environ 2 minutes. Confiants dans les organisateurs, nous n’avions même pas pris de parapluie !

Dans la série des rencontres, nous avons fait connaissance avec 2 autres familles de voyageurs français, chacune avec 2 enfants, parties pour un an à la conquête de l’Amérique du Nord et de l’Amérique centrale et complètement conquises par l’expérience. Ceux qui rêveraient d’en faire autant pourront se délecter de leurs aventures sur leurs comptes Instagram @prenezlapause et @nous_5_en_amerique.


Le zoo-camping du parc

Le camping sauvage étant interdit dans tout le parc, nous avons passé la nuit dans l’un de ses « campgrounds ». Les installations sanitaires sont basiques, limitées à des wc et lavabos, mais sans douches. Les emplacements sont par contre agréables avec, comme la plupart du temps en Amérique du Nord, table de pique-nique et foyer de cuisson individuels. Partout des panneaux préviennent de la présence fréquente d’animaux sauvages, ours et bisons entre autres. Nous n’aurons pas eu l’honneur de leur visite, mais en quittant le camping le matin nous sommes tombés sur ce cerf qui broutait tranquillement dans les allées, entre deux caravanes.


Gris et pastel

Troisième et dernier jour à Yellowstone. Nous commençons notre visite le matin par un secteur de géothermie boueuse. Ici, les sources dégagent volontiers de l’hydrogène sulfureux que des bactéries vont transformer en acide sulfurique, capable de dissoudre les roches autour et formant donc de la boue. Dès l’approche de la zone, bien avant de voir ces chaudrons bouillonnants, on sent bien l’odeur caractéritique d’œuf pourri et on entend les échappées de vapeurs, les bruits d’ébullition, et les bulles qui éclatent à la surface. Des geysers de boue, heureusement pour nous non actifs actuellement, ont aspergé puis grillé toute la végétation alentour, créant une grande clairière gris-blanc au milieu de la forêt. Le dernier bassin de boue que nous verrons n’est plus gris mais jaune. C’est de l’acide sulfurique presque pur, avec un pH proche de 1. Il est 10 fois plus acide que le jus de citron par exemple. A ne surtout pas consommer, même avec modération !

Nous traversons ensuite des plaines à bisons (une bonne cinquantaine étaient présents) pour rejoindre le grand canyon de la rivière Yellowstone, l’un des fleurons du parc. Long de 30 km, large de 500 à 1200 m, profond de 300m, il est le résultat de 600 000 ans d’érosion par la rivière et les conditions climatiques. Les parois abruptes où pas grand-chose ne pousse ont pris de jolies couleurs pastel, jaune pâle, vieux rose ou ocre. De frêles colonnes et murs rocheux s’avancent ça et là, procurant un bel effet de relief. Au bord des falaises, que nous avons longées à pied, des arbres au bord du vide exposent leur racines nues tout en s’accochant désespérément avec les autres. Le spectacle est vraiment spendide.


Le rodéo de Cody

Nous quittons Yellowstone en fin d’après-midi, avec l’impression d’avoir vécu quelque chose d’exceptionnel. Heureusement, la jolie route qui sort du parc nous permet une transition en douceur, tout comme celle qui mène ensuite à Cody, bordée de hautes falaises rougeâtres. Cody s’ennorgueillit d’être la capitale mondiale du rodéo, et comme nous n’avons jamais vu ce genre de manifestation, nous nous garons près de l’arène et attendons l’ouverture. Jusqu’à fin août, un show a lieu chaque soir à 20 heures. Nous arrivons en avance pour avoir les meilleures places, juste devant les stalles de départ, d’où nous pouvons assister aux préparatifs. Les cow-boys en tenue complète se bandent le bras qui tiendra le harnais (pour les chevaux) ou la corde (pour les taureaux) et l’entourent d’une attelle. Ils portent des gilets de maintien et des petits coussins protégeant la nuque. Manifestement, ça va être éprouvant pour les articulations. Pour l’épreuve sur les taureaux, ils troqueront en outre leur chapeau pour un casque intégral. Pendant ce temps le public s’installe. Les porteurs de chapeaux, de blousons et bottes en cuir sont nombreux. La musique country diffusée par les haut-parleurs donne l’ambiance. Vers 20h un animateur prend la parole, qu’il partagera avec un clown placé, lui, sur la piste. Les épreuves s’enchaînent, sous les cris et encouragement des spectateurs. D’abord rodéos à cru sur chevaux, puis attrapage de veaux au lasso, en individuel ou en équipe, rodéo sur chevaux mais avec selle, course de vitesse avec obstacles et enfin l’épreuve reine, le rodéo sur des taureaux déchaînés où, je crois, le meilleur a tenu 12 secondes. Du beau spectacle et une ambiance typique far-west.

Fatigués de cette grande journée, nous ne chercherons pas bien longtemps un endroit pour passer la nuit : un supermarché Walmart est à deux pas. Pas très glamour mais il fera l’affaire. D’autant que le frigo est vide, nous serons sur place pour les courses du lendemain.


La ville de Buffalo Bill

Si le rodéo est si légendaire à Cody, c’est bien bien grâce au créateur de la ville, William Frederick Cody. Son nom ne vous dit sans doute rien parce qu’il ne s’est appelé comme ça que jusqu’à l’âge de 23 ans où il abattit en une journée 69 bisons dans une sorte de concours stupide avec un autre éclaireur de l’armée qui lui n’en tua « que » 46. A partir de ce jour peu glorieux, mais qui pourtant suscitait l’admiration des gens d’alors, on l’appela Buffalo Bill. Quasiment autodidacte puisqu’il entra dans la vie active dès ses 10 ans, à la mort de son père, il fut particulièrement entreprenant tout au long de son existence. Cavalier et tireur émérite, acteur dans l’âme, il lança à l’âge de 36 ans, en 1882, le Wild West Show, un grand spectacle composé de numéros variés faisant tous l’apologie de la conquête de l’ouest. On y voyait des démonstrations de tir de précision, des courses de chevaux, des scènes de chasse avec de vrais bisons, des attaques de diligences, des batailles historiques et des scènes de la vie quotidienne. Buffalo Bill y participait en personne, aux côtés d’invités célèbres comme Calamity Jane ou le chef indien Sitting Bull. Le succès fut retentisssant et la troupe partit en tournée nationale puis européenne, avec une logistique remarquable pour l’époque. Buffalo Bill créa aussi la ville de Cody et fit beaucoup pour développer ses infrastructures. Nous n’avons pas résisté au plaisir de déjeuner au restaurant de SON hôtel. Ambiance typique garantie pour un prix étonamment raisonnable (15€ le buffet du midi).

Un excellent article sur le Wild West Show ici


Cinq pour le prix d’un

Le Buffalo Bill Center of the West est le centre culturel de Cody.5 expositions sont rassemblées dans même bâtiment, avec un billet d’entrée valable 2 jours, ce qui nous a été fort utile. La première est bien sûr dédiée au héros de la ville, tandis que les autres sont consacrées à l’histoire naturelle de la région, aux indiens des plaines, à l’art régional et aux armes à feu. Cette dernière, exceptionnelle, expose 5200 pièces sur les 7000 en possession du musée. Elle semble parfaitement à sa place ici au Wyoming, l’un des états ayant la plus forte proportion de détenteurs d’armes à feu (60% contre 5% pour le Delaware et 33% en moyenne aux USA)


La Tour du Démon

Après avoir de nouveau traversé des paysages superbes, nous arrivons à la Tour du Démon, une étonnante formation rocheuse qui ne ressemble à rien de ce qui l’entoure. Comme une dent qui aurait poussé au milieu de la campagne. En s’approchant un peu, on aperçoit des rayures verticales qui, avec la forme générale en tronc de cône, donnent à la chose l’apparence d’un cannelé bordelais géant. Inévitablement, on se demande comment elle est arrivée là. Au Visitor Center, les hypothèses vont bon train. On parle d’abord d’une origine extra-terrestre. Dailleurs, un alien est exposé à l’entrée, comme s’il avait été capturé puis empaillé en guise de preuve. Plus loin, on affirme, photo et gravure 3D à l’appui, qu’une ourse immense aurait tenté de grimper au sommet de la montagne où s’était réfugié un groupe d’Indiens, provoquant les profondes rainures avec ses griffes, en glissant. La bête ayant échoué, le lieu est devenu sacré pour les tribus du coin. Après, il y a les scientifiques qui ont forcément une explication : de la lave aurait trouvé son chemin il y a 60 000 ans (facile l’hypothèse, il n’y a plus personne pour témoigner) dans des couches sédimentaires, que la rivière autour aurait ensuite érodées. La lave elle-même en séchant lentement aurait produit ces jolies colonnes polyédriques. Pas facile de savoir qui a raison. Moi j’aime bien l’histoire de l’ourse, et vous ?


Nous passons la nuit à l’orée d’une forêt près du site, évitant volontairement le camping au pied de la tour. Pas seulement en raison du risque d’éboulement mais aussi parce qu’ils diffusent encore chaque soir le film Rencontres du 3ème type. Encore qu’avec en fond le décor qui a inspiré Spielberg ce pourrait être amusant.


Des têtes bien faites

Nous poussons jusqu’à l’état du Dakota du Sud pour rendre visite au monument le plus emblématique des USA après la statue de la liberté: le Mont Rushmore. Les têtes des plus méritants présidents du pays gravées dans le granit attirent chaque année plus de 3 millions de visiteurs. Initialement, ce devaient être des personnages célèbres de l’Ouest, mais le sculpteur Gutzon Borglum en a décidé autrement. Vu que l’oeuvre est très connue, je ne vais pas trop faire le savant, mais je vous propose un petit jeu : parmi les affirmations suivantes, une seule est fausse, laquelle ?

  1. Le sculpteur a été formé en France
  2. Les nez des portraits sont de la même taille que Roberto
  3. L’une des têtes a dû être déplacée
  4. Un portrait féminin devait être ajouté mais cela n’a pas pu se faire faute d’argent
  5. Trump a demandé à ce que son portrait soit ajouté
  6. Une sculpture concurrente, plus grande, est en cours de réalisation sur une montagne proche
  7. Aucun décès n’a été à déplorer pendant le chantier
  8. Le sculpteur était membre du Ku Klux Klan

La solution en commentaire dès 5 réponses obtenues


A point ou bien cuits ?

De passage dans la ville de Hot Springs, nous n’avons pas résisté au plaisir de nous plonger dans les eaux bien chaudes d’un établissement local comportant plusieurs piscines ouvertes entourées de jardins. Rompant ainsi avec la frustration de n’avoir pu nous baigner dans les sources (trop) chaudes du parc Yellowstone. Un délice.


Nous sommes repassés maintenant dans le Wyoming et venons d’arriver à Laramie. Le voyage se poursuit sereinement. Pas d’incident mécanique à signaler, Roberto est bien vaillant, savourant sans doute comme nous le plaisir de découvrir la suite. Comme vous aussi j’espère.

75. Retour aux USA

Comme l’éclair

Les passages de frontières doivent être préparés un minimum, ne serait-ce que pour avoir nos différents documents à portée de main alors que la plupart du temps ils sont enfermés dans notre petit coffre et que nous portons sur nous des photocopies. Nous avons fait aussi un peu de vide dans le frigo, les USA étant assez sensibles aux aliments frais. Nous devons enfin prévoir les questions qui vont nous être posées, du genre « Quelle est votre prochaine destination ? » (Difficile de répondre que l’on ne sait pas – ce qui est la réalité quotidienne de notre voyage) ou « Transportez-vous des armes ? » (Surtout se retenir de plaisanter avec le sujet). Notre seule question à nous sera de savoir combien de jours nous seront octroyés sur le visa. Car la règle n’est pas simple et peut être interprétée différemment d’un douanier à une autre. Et comme nous sommes sortis du pays avant la fin des 90 jours, seule la période restante pourrait nous être accordée, ce qui serait une catastrophe (10 jours pour traverser les USA, imaginez !).

Nous voilà fin prêts, nous arrivons à la douane vers 13 heures. Trois files sont disponibles, deux pour les voitures, une pour les camions et « R.V. » (recreational vehicles). Nous empruntons cette dernière. Je tends spontanément nos passeports au douanier, qui nous dit que nous ne sommes pas dans la bonne file, que les R.V. c’est plus gros que ça et que pour lui nous sommes un « van ». J’ai envie de lui répondre que les policiers qui règlent le stationnement en ville pensent autrement mais je me tais. Nous stationnons à l’endroit qu’il nous indique et entrons dans le bâtiment. Une douanière très sympa nous interroge brièvement sur notre parcours, semblant admirative, scanne nos pupilles et nos pulpes de doigts puis nous remet nos passeports. Je vérifie rapidement le tampon : nous sommes autorisés à circuler jusqu’au 12 novembre, soit 90 jours. Yes !

L’opération aura pris 10 minutes tout au plus. Aucun papier n’aura été demandé pour Roberto qui n’aura pas non plus été fouillé. Quand on pense à tous les migrants qu’on aurait pu faire passer ! Je blague bien sûr. Hein, la NSA, je plai-san-te !


Les écluses de Ballard

Nous avons pris la route de Seattle. Dans la banlieue nord, nous nous arrêtons visiter les écluses de Ballard qui permettent de relier les lacs intérieurs de Seattle (Lac Union et Lac Washington) au détroit qui mène ensuite vers le Canada puis l’Océan Pacifique. Les touristes fluviaux sont nombreux et l’écluse est pleine à chaque remplissage, qu’il est toujours amusant d’observer. Quelques otaries se baladent dans les bassins. L’endroit s’appelle aussi la Baie des Saumons, et ce n’est pas pour rien. Nombre d’entre eux repartent vers la mer à cette époque et, comme ils ne sont pas très friands des écluses, où les attendraient d’ailleurs les otaries et les lions de mer, on leur a installé des échelles pour leur permettre le passage. Avec accessoirement une paroi vitrée pour que les touristes viennent les observer sauter de bassin en bassin. Il n’y a étonamment rien de mercantile là-dedans, l’entrée des écluses est gratuite, y compris les documents d’aide, les visites guidées et le tour d’un petit jardin botanique attenant. En fait c’est géré par la Nation américaine. Il faut bien que les taxes que l’on paye sur le gasoil et l’alimentation servent à quelque chose… Nan, en vrai, merci les USA !


Visite de Seattle

En vrai, la capitale de l’état de Washington n’est ni Washington (ça on le savait) ni Seattle (ça on le savait moins) mais plutôt Olympia (qui tire son nom du Mont Olympe que je pensais en Grèce mais qui existe aussi aux USA tout en n’ayant pas eu la faveur des JO d’hiver de 1960 qui ont eu lieu à Squaw Valley pas très loint de là mais en Californie). Nous avons préféré visiter Seattle pour ne pas créer de confusion et parce que le Lonely Planet lui consacre 14 pages contre une seule à Olympia. Bizarre mais ils doivent avoir leurs raisons.

  1. L’aiguille de l’espace

C’est ainsi que s’appelle la tour emblème de Seattle, comme il en existe dans beaucoup d’autres villes. Celle-ci, installée pour l’exposition universelle de 1962, culmine à 184 m. Ce qui est peu par rapport à notre Tour Eiffel, mais dans cette région à haut risque sismique il vaut mieux être prudent. Alors nous n’avons pas hésité à emprunter l’ascenseur qui mène au sommet en 41 secondes. D’abord une plate-forme fixe en extérieur, avec des parois de verre obliques sur lesquelles il faut oser s’adosser pour la photo-souvenir. Ensuite une plate-forme mobile sur laquelle il faut cette fois oser marcher car là c’est le plancher qui est transparent et permet d’observer directement sous ses pieds les microscopiques voitures et piétons se déplaçant bien au-dessous. Le seul plancher transparent mobile au monde parait-il. Et nous étions dessus !


  1. Le jardin de verre de Chihuly

Dave Chihuly est un artiste-verrier local, formé à Murano. Il présente l’œuvre de toute une vie dans une suite de pièces tantôt claires tantôt sombres mais qui attirent chacune un émerveillement renouvelé. Une débauche de couleurs et de formes improbables, de fleurs géantes, de véritables forêts de verres. Alors que l’on croit avec regret la visite terminée, la collection se poursuit, toujours aussi impressionnante, dans une grande serre puis à l’extérieur dans un jardin où le verre sublime les massifs végétaux pour le plus grand plaisir de nos yeux. Une exceptionnelle pépite de Seattle qu’il ne fallait pas manquer.

Tout ça est magnifique… faut-il vraiment des commentaires ?


  1. Troll et bus

Ce titre jouant sur les mots ne sert qu’à accrocher deux curiosités :

La première est un véritable troll, tapi sous un pont de voie rapide, pourrait effrayer les passants qui le découvrent au dernier moment. D’autant qu’en y regardant de près, il broie une coccinelle VW dans sa main. Les explications manquent sur place pour comprendre le pourquoi du comment, mais les trolls c’est comme ça.

L’autre curiosité, c’est un petit groupe de personnages attendant sous un abribus un train interurbain qui ne passera jamais, la ligne étant abandonnée depuis 1930. Ils sont là bien évidemment pour revendiquer la réouverture, mais sans grand succès apparemment. Ce qui est amusant, c’est que le chien qui les accompagne possède, lorsqu’on y regarde de près, des traits humains. Une revanche du sculpteur qui a immortalisé ainsi la tête du maire de l’époque qui s’opposait à l’installation de l’œuvre en ville. Bien fait !


  1. La ruée vers l’or de Klondike

La ville de Seattle, alors peu développée, fut touchée par un incendie géant en 1889 qui détruisit 90% des habitations alors en bois, sans faire de victime. Tout était à refaire. La ville commençait à se reconstruire, en dur cette fois, lorsqu’une seconde catastrophe, financière cette fois, la toucha : le krach de 1893 lié à un mouvement de panique des investisseurs qui voulurent soudain récupérer l’or sur lesquels leurs billets verts étaient basés. C’est dire si l’arrivée au port de Seattle d’un navire ramenant des hommes soudainement enrichis après la découverte d’un site aurifère au Yukon était un espoir pour une grande partie de la population tombée dans la misère. Plus de 100 000 personnes de la région se lancèrent soudain dans l’aventure, la plupart sans avoir aucune idée des difficultés qu’ils rencontreraient : coût élevé d’un voyage où il fallait emmener avec soi 1 an de vivres et matériaux, difficultés inimaginables sur le trajet comportant des mers gelées, des pistes enneigées et pentues et la quasi absence de toute infrastructure, durée très longue puisqu’avec les moyens de l’époque il fallait entre 6 et 18 mois pour parvenir sur les rives de la rivière Klondike, lieu de découverte de la première pépite. Pour les 40% des candidats qui parvenaient malgré tout à Dawson, la ville soudainement créée la plus proche du site aurifère, leur état d’épuisement était tel que beaucoup repartaient dégoutés ou se contentaient d’un emploi subalterne sur place. Seulement la moitié des arrivants partaient réellement chercher de l’or et au final 300 personnes seulement se sont réellement enrichies sur les cent mille partants. Les vrais gagnants, ce sont les commerçants qui ont su exploiter ce filon – c’est le cas de le dire – comme les hôteliers, les vendeurs de nourriture ou d’accessoires, les intermédiaires dans le marché de l’or et, de façon plus générale, la ville de Seattle qui était le vrai centre logistique de l’opération.


Re-verre dans le port de Tacoma

C’est tout près du célèbre port chanté par Hugues Aufray et par moi-même en colonie de vacances – c’est dire si c’est vintage – que Claudie nous a déniché un YAGM (yet another glass museum). Si vous ne savez pas que nous sommes fans de l’art du verre, reprenez la lecture du blog depuis le début 😉. Nous avons trouvé de belles pièces, mais il ne sera pas dans notre top 10. Je vous mets quelques photos pour marquer le coup.

Quelques oeuvres parmi d’autres…


A fond la gomme

Roberto nous a bien roulés, il nous avait caché que ses pneus avant étaient presque lisses. Pour s’en apercevoir, il a fallu un stationnement roues tournées d’un côté, car l’usure se fait au centre. Je ne sais pas à quoi c’est dû. Je pensais à un surgonflage mais la pression est celle recommandée. Le premier jeu avait fini comme ça, après 25 000 km, et là nous en sommes à 50 000. Une certaine règle semble s’installer. Nous trouvons facilement un spécialiste du pneu dans cette grande zone commerciale qu’est la banlieue de Seattle, possédant en stock le modèle que nous souhaitions, ce qui n’était pas donné d’avance avec notre véhicule français. Ce qui est amusant et motive l’écriture de ce chapitre, c’est que l’ouvrier qui a changé les pneus de Roberto s’appelait lui-même …Roberto ! Vous n’aurez pas sa photo car il a refusé mais je vous assure que c’est vrai.


Les chutes sèches

En plein cœur de l’état de Washington, entre les villes de George (on imagine le patronyme à l’origine) et de Coulee City (une coulée est ici un ravin glaciaire), nous sommes presques seuls à suivre cette belle route panoramique n°17 circulant au fond d’un canyon bordé de falaises ocres et abruptes. L’Ouest américain tel que nous l’imaginions. Nous cédons à l’invite d’un panneau à nous arrêter pour observer un point de vue. Et quel point de vue ! Un encorbellement de plus de 5 km de falaises surplombe de 120 m quelques plans d’eau. Aurions-nous l’occasion de nous téléporter au moment ou les cascades se déversaient du haut de ces falaises, il y a vingt mille ans, que nous nous trouverions devant les plus grandes chutes d’eau ayant jamais existé, dix fois la taille de celles du Niagara et dix fois le débit actuel de toutes les rivières du monde réunies. Ça laisse rêveur, mais aussi rageur de ne pas avoir la machine (à téléporter)


Au grand dam

Quelques dizaines de kilomètres plus loin, après avoir longé le lac Bank, une grande retenue d’eau dédiée à l’irrigation de cette région aride, nous parvenons à la 7ème merveille du génie civil américain, le barrage de Grande Coulée. C’est l’une des plus grandes structures jamais construites par l’humanité. Un kilomètre et demi de large sur 170 mètres de hauteur, 12 millions de mètres cube de béton, soit la quantité nécessaire pour fabriquer une route qui relierait Seattle à Miami. Après 8 années de travaux, le barrage (dam en anglais) a commencé à produire de l’électricité en 1942. En raison de la guerre, ce fut sa seule fonction pendant plusieurs années, mais par la suite les aménagements furent complétés pour que l’installation assure aussi le contrôle des inondations provoquées par la rivière Columbia et l’irrigation de la région grâce à la retenue du lac Bank mentionné ci-dessus, entièrement constituée par la station de pompage de l’eau du barrage. En 1967, une intervention audacieuse (il a fallu dynamiter une partie des installations en activité – on parle de chirurgie à la tronçonneuse…) a permis d’installer des turbines complémentaires et de porter ainsi la capacité de production à 21 milliards de kilowattheures d’électricité par an. Le Grand Coulee Dam reste aujourd’hui le premier producteur d’hydroélectricité aux États-Unis.

Nous avons passé la nuit au bord du lac Roosevelt, le lac de retenue du barrage, qui s’étend jusqu’à la frontière canadienne, à plus de 250 km de là. Le ciel du soir n’était pas terrible mais l’aurore était magnifique.


La machine à jeter son argent.

Nous avons trouvé cette étonnante machine dans un centre commercial. Une sorte de grand yoyo noir un peu mystérieux posé perpendiculairement à son axe. Au centre une sorte d’entonnoir dont on ne voit pas le fond. Sur le bord supérieur, deux « lanceurs de pièces » qui envoient la monnaie tourbilloner avant de disparaître à tout jamais dans le trou central. Pour ceux qui ne savent pas quoi faire de leur argent et qui hésitent encore, une plaque les informe qu’ils auront l’énorme avantage de savoir, à condition de jeter plusieurs pièces en même temps, vous saisissez la perversité de la chose, si celle de 2$ disparaîtra avant celle de 1$ ou bien l’inverse. N’ayant pas d’argent à jeter, j’ai tout de même sacrifié une pièce d’1 centime pour prendre la photo, tout en n’essayant pas de la rattraper avant l’issue finale, au risque de paraitre pingre.

J’ai bien regardé, je n’ai pas trouvé de machine similaire pour jeter ses billets, avec qui sait un gros ventilateur et la question de savoir si le billet de 100 s’envole avant le billet de 50. Mais ça ne saurait tarder 😉


Du port au bison

Si ce titre de chapitre vous fait penser par erreur au dernier plat à la mode des anti-vegan, c’est totalement volontaire. Mais il est juste là pour relier le début et la fin de cet article. Après avoir franchi brièvement l’état de l’Idaho (nous y reviendrons dans quelques semaines), nous sommes parvenus à celui du Montana. Pas besoin de vous faire un dessin sur l’origine du nom. Notre première visite est consacrée à un parc de bisons, réserve faunique créée dès 1908 pour tenter de sauver l’espèce quasi-exterminée par les conquérants américains officiellement parce que ces paisibles animaux gênaient la construction de leur chemin de fer et officieusement parce qu’ils étaient la source de vie principale des indiens. Même si la réserve a été lancée sous l’égide de l’état, on sait bien qui a fait pression pour son ouverture et ce n’est que depuis le début de cette année que la gestion en a enfin été confiée aux tribus indiennes Salish et Kootenai qui la revendiquaient depuis plusieurs décennies. Nous sommes contents pour eux.

Environ 500 bisons sont éparpillés dans ce parc de 76 km2, dans lequel on ne peut circuler qu’en voiture sur une route en gravier. Les chances de les trouver paraissent bien minces, mais les gardes du parc renseignent chaque jour la position approximative des différents animaux (aussi des ours, des lynx, des cerfs, des loups, etc.) sur un plan à l’entrée. Les conseils de bison futé en quelque sorte.

Par bonheur, les bisons préfèrent la vie en communauté et quelques groupes sont censés se trouver sur notre route. Nous nous lançons donc à leur recherche dans un décor magnifique, et nous allons effectivement en trouver. Les premiers d’ailleurs sont impossibles à rater puisque, immobilisés au plein milieu de la route, ils provoquent un embouteillage (de 4 voitures, n’imaginez pas la grande foule non plus). Les visiteurs sont sages et respectent bien les consignes, comme ne pas descendre de voiture par exemple. Les américains me semblent à ce sujet plus respectueux que les canadiens qui poursuivent volontiers les ours enfant sous le bras et appareil photo à la main alors que c’est le meilleur moyen de se faire croquer. Bref, nous passons une belle journée et rentrons avec des images de bisons plein les yeux. Et plein la carte-mémoire pour vous en faire profiter.


Cette seconde entrée aux USA nous comble. Le seul bémol est la chaleur qui reste assez élevée en permanence. Nous compensons en nous garant le plus possible à l’ombre et en prévoyant bien le secteur d’apparition du soleil le lendemain matin. Avec la conséquence que nos panneaux solaires fournissent bien moins d’électricité. Si nous roulons une heure ou deux, l’alternateur suffit pour compenser, mais cela n’a pas été le cas à Seattle où nous avons dû surveiller la batterie qui commençait à perdre un peu de tension. Mais tout s’est bien passé, le roulage jusqu’au Montana passant brièvement par l’Idaho lui a redonné son plein d’énergie. Nous venons d’arriver à Missoula. La suite pour bientôt.

71. Traversée du Manitoba

Après les forêts et les lacs de l’Ontario, après la route de Thunder Bay à Kenora, nous abordons les plaines fertiles du Manitoba. D’immenses champs de blé alternent avec ceux de colza formant de superbes damiers jaunes et verts, entrecoupés de lacs. Il y en aurait plus de 150 000 dans cette province grande comme la France mais peuplée comme la moitié de Paris. Autant dire que nous ne la parcourrons pas en long et en large, mais seulement en travers, de sa capitale animée Winnipeg aux « sentinelles des prairies » d’Inglis.


La baie du tonnerre

C’est comme ça que se traduit en français le nom de la ville de Thunder Bay, située à l’extrémité nord-ouest de la partie canadienne du Lac Supérieur. Elle est née en 1970 du regroupement de deux villes plus petites, Fort Williams et Port Arthur et a peut-être été baptisée ainsi en hommage à la montagne sacrée des indiens Ojibwés, la « montagne du tonnerre » ou « thunder mountain ». Les anglais avaient alors préféré donner à la montagne sacrée le nom d’un commerçant en fourrures écossais, histoire d’effacer un peu plus la mémoire des autochtones.

Le Mont McKay est une sorte de cheminée des fées géante, que la coiffe rocheuse protectrice au sommet a protégée de l’érosion. Du coup le massif est maintenant 300m au-dessus de la vallée pour une altitude par rapport à la mer de 483m. Malgré les falaises, on peut gagner le sommet par un petit sentier bien escarpé. Mais la vue du plateau en haut récompense les efforts. C’est aussi devant cette montagne entourée de falaises, au bord d’une rivière assez fréquentée par les locaux, que nous avons garé Roberto pour y passer deux nuits.


Il y a deux siècles, l’activité dominante était la « traite », les indiens venant troquer les fourrures résultant de leur chasse dans le grand Nord contre des biens occidentaux (tissus, armes, ferblanterie, tabac, etc.). Les fourrures étaient ensuite acheminées par canoë jusqu’à Montréal. De là elles étaient expédiées sur de plus gros bateaux vers le monde entier. Toute cette activité se situait au Fort Williams où elle est aujourd’hui très bien mise en scène dans des bâtiments parfaitement reconstitués avec des acteurs costumés qui jouent leur rôle comme s’ils sortaient d’une machine à remonter le temps.



Faites-moi un signe

La poursuite de la route transcanadienne vers l’ouest va comporter de longs trajets où les forêts, les roches sédimentaires et les lacs se succèdent, tandis que les villes se font plutôt rares. Afin que le paysage, même splendide, ne risque pas de tourner à la monotonie, nous nous occupons. Notre activité principale est l’écoute de podcasts, souvent sur les sujets locaux mais pas toujours. J’aime bien aussi lire les panneaux sur le bord de la route. Ils peuvent annoncer des points d’intérêts non mentionnés dans nos guides, mais aussi informer sur les coutumes du pays, ou encore tout simplement donner le nom des voies de circulation. Un panneau indiquant sur ma droite « Yellow Brick Road » m’a tout de suite fait penser à cette chanson d’Elton John. Je n’ai pas eu le temps de le photographier, mais vous trouverez bien cette route sur Google Map du côté de Thunder Bay.

Mais toute occasion étant bonne à saisir, j’ai imaginé un petit jeu consistant à trouver des noms de rues jouant bien sûr sur les mots. Je vous en propose quelques-uns, saurez-vous en trouver d’autres ? Une image avec des panneaux vierges est à votre disposition, vous pouvez aussi metttre vos propositions en commentaires. Allez, soyez créatifs !


Orage ô désespoir

A l’approche de notre dernière ville ontarienne, Kenora, le temps devient orageux avec un ciel vraiment très sombre. Aurons-nous le temps de visiter cette cité touristique basée au bord du Lac des Bois ? Nous nous y aventurons, le parapluie à la main pour Claudie, mes jambes prêtes à courir en ce qui me concerne. En une heure de marche rapide, nous aurons un bon aperçu du centre-ville assez animé malgré le temps menaçant. Au final, le ciel sombre ne rend pas si mal sur certaines photos, mettant en valeur la couleur blanche du navire de croisière qui emporte son lot de touristes sur le lac ou de celle de la flotte d’hydravions plus prudemment restée ancrée au quai. En revanche, les autres clichés, comme celui du brochet géant de 12m de haut censé attesté de la qualité des eaux du lac, ou encore ceux des fresques murales, gagneraient à être plus contrastés.

Et puis la pluie nous a rattrapés. Aucune chance de voir un hydravion décoller devant Roberto. Nous avons repris la route, ça occupe… Avant de quitter l’Ontario, nous nous arrêtons pour la nuit sur une halte routière un peu en retrait de la transcanadienne. Comme d’habitude, il n’y avait que nous …et les moustiques !


Paysages urbains

Après plusieurs centaines de kilomètres dans une nature superbe parsemée de rares villages, nous arrivons dans la province du Manitoba, où se situe le centre longitudinal du Canada. En serions-nous pour autant à la moitié de notre périple canadien ? La suite nous le dira.


Nous arrivons assez rapidement à Winnipeg, la capitale de la province et 7ème ville du pays. Winnipeg, Manitoba, ça fleure bon les racines autochtones, non ? Après avoir traversé la banlieue, dans une circulation dense mais sans embouteillage, nous stationnons pour la nuit et probablement davantage sur le parking de la gare. Si celle-ci est étonnamment déserte, les trains ne manquent pas, transportant principalement des marchandises.


Nous retrouvons donc sans enthousiasme ces côtés négatifs de la ville : bruits en tous genres, des vrombissements des motos aux sirènes des ambulances en passant par les klaxons prolongés des trains, circulation rapide de gens pressés, mendiants ou personnes dans des états seconds, parkings payants, immeubles de béton rarement esthétiques, petit brin d’insécurité, etc.

Mais le positif domine avec les beaux bâtiments au charme suranné du quartier historique, le design des ponts et bâtiments publics, les sculptures au coin des rues, les fresques murales un peu partout, les accueillantes terrasses des cafés devant le « cube », une petite scène en plein centre-ville, un quartier français qui mérite de s’y arrêter, des beaux musées et bien sûr des boutiques qu’on ne trouve pas dans les villages de campagne. Et puis, cerise sur le gâteau, les moustiques semblent avoir déserté. Apparemment, une politique active de la ville en ce sens y serait pour quelque chose.

1. Le centre-ville et le quartier historique


2. La Winnipeg Art Gallery

On y trouve des oeuvres classiques bien sûr, mais ce musée présent depuis 1912 s’est spécialisé dans l’art Inuit et met en valeur parallèlement l’art Métis et ses magnifiques broderies de perles.


3. La cathédrale Saint-Boniface

Saint-Boniface, autrefois ville indépendante, est maintenant un quartier francophone de Winnipeg. Sa cathédrale de 1906 a été ravagée par un incendie en 1968, il n’en reste guère que la façade percée d’un trou béant à la place de la rosace, que l’on a choisi malgré tout de garder. Tout en reconstruisant une nouvelle cathédrale beaucoup plus moderne dans sa sobriété intérieure et le design de ses vitraux.


4. Parc de la Fourche

Il y a 6000 ans, les Premières Nations du Canada se sont installées là, au confluent de la Rivière Rouge et de la Rivière Assiniboine, pour profiter de terres fertiles, d’eaux poissonneuses et de bons moyens de communication avec les régions environnantes. L’état en a fait un lieu historique, l’a aménagé avec de nombreuses oeuvres d’art et y a édifié son Musée des droits de la personne (voir plus loin).


5. The Rolling Stones Unzipped

Cette exposition internationale sur l’inusable groupe de rock nous a consolés de ne pas être en France pour leur tournée mondiale actuelle. Histoire complète, costumes de scène, musicologie, graphisme des pochettes de disques, scénographie, vidéos grand format de concerts. Difficile d’entrer davantage dans les détails, mais vu que c’est international, peut être avez-vous ça à côté de chez vous si vous êtes fan.


Musée canadien des droits de la personne

C’est à Winnipeg une visite incontournable. Ce musée géré par l’état, très réussi architecturalement, a été bâti sur le site où les premières nations autochtones se sont installées avant de devoir gérer l’envahissement par le monde occidental. Même si leurs droits s’améliorent timidement d’année en année, nous sommes loin de l’égalité promue par la déclaration des droits de l’homme dont l’un des premiers rédacteurs était Canadien. Le musée aborde tous les aspects des droits de la personne, d’une manière universelle mais aussi sur ce qui touche particulièrement le Canada. Notamment la lutte pour les droits des autochtones, des femmes, des francophones, des travailleurs. On porte aussi un regard sans concession sur les abominations commises par le pays : déportation des acadiens, internement des canadiens d’origine japonaise, surtaxation des immigrés chinois, refus d’accueillir les juifs pendant la 2ème guerre mondiale, déplacement forcé des Inuits, génocide culturel des autochtones dont les enfants ont été enlevés pour être placés dans des orphelinats pour « effacer l’Indien qui était en eux ». Un étage entier est consacré aux génocides mondiaux, juif, arménien, rwandais, cambodgien, ukrainien, bosniaque et au racisme en général. Heureusement on développe aussi tous les moyens mis pour lutter contre tout ça. Nous y avons passé 4 ou 5 heures sans voir le temps défiler.

A propos du génocide physique et culturel des autochtones dans les pensionnats indiens, lire le bel article de France Info qui vient de paraître, à l’occasion de l’actuelle visite du pape au Canada, venu entre autres y réitérer les excuses de l’église catholique. Cliquez sur ce lien.


Déclarés revenus

Les pélicans blancs d’Amérique étaient en voie d’extinction il y a une vingtaine d’années, essentiellement parce que les humains détruisaient leurs lieux de nidification. Une fois ces zones protégées sur les rives du Lac Winnipeg, ils sont revenus, et en masse qui plus est, pour le plus grand plaisir de nos yeux. Nous les avons trouvés un peu par hasard, en étant garés pour la nuit juste au-dessus de leur plage favorite !


Chasse, pêche, traditions …et camping

Les Canadiens sont férus d’activités à l’extérieur, comme le camping, la chasse, la pêche, la randonnée à pied à vélo ou en kayak, etc. Et pas seulement l’été ! Alors ce magasin Cabela’s doit être leur paradis. Décoré d’animaux empaillés dans tous ses recoins, il semble répondre de A à Z aux besoins de chaque activité. Pour les chasseurs par exemple, outre l’équipement vestimentaire de base, on y trouve des affûts en tous genres, des animaux-cibles équipés de capteurs pour s’entraîner au tir, des appeaux pour toutes les proies possibles, des pièges à ours ou à renard, des sprays pour enlever sa propre odeur, pour en rajouter des trompeuses genre urine de coyote ou d’orignal, de la poudre pour voir d’où vient le vent (si si) et bien sûr toutes les armes possibles et les munitions qui vont avec. J’oublie les arcs, arbalètes et pistolets vendus sous blister. Pour ceux qui dépècent et cuisinent le résultat de leur chasse, des rayons entiers de couteaux, des outils à éviscérer, des machines à fabriquer les saucisses et des barbecues pour les faire griller combleront leur bonheur.


Gimli, capitale de la Nouvelle Islande

Le nom de cette petite ville n’a rien à voir avec le personnage de Tolkien. Il signifie tout simplement « paradis » en langue Viking, car c’est là que se sont installés en 1875 plusieurs centaines d’immigrants islandais, fuyant leur pays en pleine crise économique suite à une éruption volcanique. Le gouvernement a mis à leur disposition des terres sur les rives du Lac Winnipeg. Un petit musée raconte les difficultés des premiers arrivants, la façon dont ils ont bâti toute une vie à partir de zéro, la malchance d’avoir perdu un tiers de leurs effectifs en raison d’une épidémie de variole la 2ème année, puis le développement progressif de la ville, l’intégration choisie au gouvernement Canadien qui leur avait pourtant laissé beaucoup d’autonomie, l’ouverture à d’autre communautés par la suite, ukrainiennes et polonaises en premier. De quoi nous faire réfléchir les jours où l’on trouve sa propre vie difficile.


Le planeur de Gimli

La ville est aussi célèbre pour l’atterrissage d’urgence en 1983 d’un Boeing 767 d’Air Canada sur une piste militaire désaffectée, à la grande surprise des festivaliers qui s’y étaient rassemblés pour suivre une course de dragsters. La surprise était d’autant plus grande que l’avion est arrivé dans un silence total, tous moteurs coupés, en panne sèche en fait. Une bête erreur de conversion de litres en livres. Tout le monde s’en est sorti heureusement. Je vous invite à lire l’histoire en détail ici.

L’expression « to pull a Gimli glider » est depuis utilisée au Canada pour dire « faire une erreur spectaculaire et embarrassante ». Ça fait une belle jambe aux passagers !


Pas que sous les ponts

L’eau est partout ici, ou presque. Elle couvrirait 10% de la surface de la province du Manitoba (contre 0,5% de la France) et plutôt à un niveau assez élevé, ce qui embellit les paysages mais nous cause quelques petits problèmes de fermetures de sentiers de randonnées. C’était le cas pour le parc provincial d’Hecla, dans lequel nous avons simplement dormi et circulé, mais les deux chemins que nous avions envisagés de suivre étaient bloqués par l’eau.


Le lendemain, après un petit tour en voiture jusqu’au bout de la presqu’île, nous avons roulé jusqu’au parc national des Riding Mountains. Pour les mêmes raisons de hautes eaux, la moitié des randonnées étaient inaccessibles, y compris celle qui traversait un parc de bisons, quel dommage. Heureusement, nous avons pu trouver notre bonheur dans les parcours qui restaient. Une jolie balade dans une forêt de bouleaux puis de pin qui s’est terminée sur le ponton d’un petit lac.


Camping 2

Rassurez-vous, je ne vais pas vous raconter le film, encore que ce pourrait être drôle étant donné que je ne l’ai pas vu. Je voulais juste vous parler de notre seconde nuit en camping depuis le début de notre circuit au Canada fin mai, ce qui nous fait une moyenne d’une nuit par mois. Et c’est généralement parce que nous ne pouvons pas faire autrement. La première fois, c’était à Percé en Gaspésie. Toutes les villes de cette côte très touristique interdisaient le stationnement nocturne, même sur des parkings ordinaires. L’exceptionnel camping sur la falaise devant le rocher percé et les baleines nous a rapidement convaincu de ne pas chercher très loin un emplacement ce jour-là. Et aujourd’hui, le motif principal est le remplissage de nos réservoirs d’eau. La plupart du temps, c’est assez facile de trouver de l’eau, mais là, avec les villes très éloignées les unes des autres, nous arrivions au bout de nos 200 litres. Les campings au Canada sont pourtant en général plutôt cool, avec des emplacements spacieux, relativement privatisés, et quasi toujours munis d’une table de pique-nique et d’un barbecue. Pour un prix raisonnable, entre 25 et 50 € dirons-nous. Le problème avec les campings, ce sont les voisins. Ils sont pour la plupart du temps discrets ou agréablement causants, mais il y a toujours le risque d’avoir un entourage bruyant (conversation, musique, enfants, etc.) ou d’être sous le vent des odeurs des barbecues, qui servent là-bas dès le petit-déjeuner. Nos premiers critères pour le choix d’un stationnement nocturne sont 1°) le calme, 2°) la situation par rapport à nos activités du lendemain et 3°) la vue. Nous réussissons la plupart du temps à conjuguer les trois.


Les sentinelles des prairies

C’est par cet alignement étrange de hautes bâtisses de bois que nous terminons notre traversée du Manitoba.  On dirait de grands moulins sans ailes, mais on n’y meulait pas les céréales qu’on leur confiait, on les y stockait. Car ce sont des élévateurs à grain, installés là à partir de 1880 pour simplifier le transport des récoltes qui se faisait jusqu’ici uniquement par sacs transportés à dos d’homme. Le grain apporté par les agriculteurs était déversé au sol dans une trémie puis hissé à plus de 20m de hauteur grâce à une courroie munie de godets. De là, il était réparti à l’aide de tuyaux mobiles dans l’une des 16 cellules de stockage. Lorsque le moment du transport était venu, la cellule était vidée dans un camion sur la route devant ou dans un wagon sur la voie ferrée à l’arrière. En 1953, 260 élévateurs de ce type étaient en fonctionnement au Manitoba. L’arrivée des silos en béton puis en inox a conduit peu à peu à leur déclin. Ceux d’Inglis ont heureusement été restaurés pour préserver la mémoire de ces « sentinelles des prairies ».


Et, voilà, à l’heure où vous lirez ces lignes, si vous n’êtes pas trop en retard par rapport aux publications, nous serons dans la province peu prononçable de la Saskatchewan, dont la plus grande ville s’appelle Saskatoon. Peut-être la patrie de Roger Rabbit ? Merci de nous lire et à bientôt !

70. Un lac vraiment supérieur

Depuis North Bay, nous longeons le Lac Nissiping dont je n’avais jamais entendu parler auparavant alors qu’il est pourtant 1 fois et demie plus grand que le Lac Léman, le plus grand d’Europe. Mais ce joli lac devient ridicule dès que l’on parvient un peu plus loin au Lac Supérieur, 94 fois plus grand que le Lac Nissiping… De Sault-Ste-Marie à Thunder Bay, il va nous falloir plus d’une semaine pour parcourir sa rive canadienne d’est en ouest. Mais commençons par là où nous nous étions arrêtés.


Diogénial ?

Tout à fait par hasard, nous sommes passés à North Bay devant cette maison étonnante, accumulant à l’excès (et le mot est faible) une foule d’objets hétéroclites, à mi-chemin entre le pop’art et la déchetterie. Le propriétaire, Daniel Séguin, explique sur YouTube, comment il a constitué cette collection depuis 25 ans, en hommage à son père qui poussait loin la décoration de Noël devant sa propre maison et lui demandait d’observer avec lui la réaction des passants : « Regarde, je leur ai donné de la joie ! ». Daniel a lui-même commencé son œuvre au moment de Noël, avant de l’enrichir au fil des fêtes suivantes. Il revendique vouloir embellir la ville et attirer des touristes, mais naturellement cela ne plait pas toujours à ses voisins ni à la ville qui lui a intenté plusieurs procès. Mais la collection poursuit sa croissance, à tel point que notre artiste, manquant de place, a dû acheter la maison voisine. Avec un voisin comme lui, le prix avait peut-être chuté. Gageons qu’il finira par acquérir tout le quartier. Il s’est d’ailleurs présenté aux dernières élections municipales, c’est un signe !


La côte publique

Nous suivons pendant une journée la rive nord du Lac Huron. Une jolie route côtière peu urbanisée qui nous fait réaliser à quel point nos routes françaises sont éloignées des plans d’eau dont les abords sont largement privatisés. Il semble ici que la nature soit privilégiée, règlementairement du moins. Pour le plaisir de nos yeux.


Loon et thune

La petite ville d’Echo Bay est fière de son résident célèbre, Robert-Ralph Carmichael et le fait savoir en arborant une réplique géante du premier dollar canadien, dont il a dessiné la gravure en 1986. L’esquisse du peintre n’avait pourtant été retenue qu’en seconde position au concours organisé par la Monnaie Royale Canadienne. Mais le moule de l’œuvre initialement choisie ayant été perdue lors du transport, pour ne pas courir de risque de contrefaçon, c’est le canard de M. Carmichael qui a été finalement reproduit à des milliards d’exemplaires. La pièce a été surnommée « huard » par les francophones (l’espèce de ce canard plongeur présent partout au Canada) et « looney » ou « loonie » par les anglophones, loon étant la traduction de huard. La statue d’Echo Bay, reposant sur un piédestal en pierres locales, a également été réalisée par le peintre. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !


P.S. Le huard aurait le cri d’un fantôme. A vous d’en juger en l’écoutant ci-dessous :


Le lac de tous les superlatifs

Depuis la petite ville de Sault-Ste-Marie, nous avons commencé à longer le Lac Supérieur. La rive d’en face s’écarte rapidement pour disparaître bientôt à l’horizon et le lac se présente alors dans toute son immensité, cumulant les records :

  • C’est le plus grand lac d’eau douce du monde, avec ses 82 000 km², soit le double de la surface de la Suisse par exemple. S’il vous prend l’envie d’en faire le tour, le sentier qui le borde dépasse les 4 000 km, bon courage !
  • C’est le plus profond des Grands Lacs, atteignant un maximum de 406 m. Car il est né d’un rift, c’est-à-dire de l’éloignement de plaques tectoniques. Son fond initialement abyssal et en fusion a été peu à peu recouvert de sédiments.
  • Contenant 12 billiards de litres, il représente à lui seul 10% des réserves d’eau douce en surface de la planète. Le Canada est par ailleurs le pays du monde qui a la plus grande réserve d’eau douce par habitant, soit plus de 78 000 m3/habitant/an, contre 3 247 pour la France. Cela explique peut-être qu’ils boivent un peu moins d’alcool que nous ?
  • C’est le plus froid des Grands Lacs, avec une température moyenne à sa surface de 4,4°C. Les moins frileux pourront toujours s’y essayer à la baignade au mois d’août lorsqu’il culmine à 14,5°C.

L’oie de Wawa

Pour les jeunes ou moins jeunes qui ne connaîtraient pas le sketch culte « Ouï dire » de Raymond Devos, retrouvez-le en cliquant sur ce lien. Ce pourrait être ici à Wawa que, comme dans l’œuvre de notre humoriste national, « l’oie de Louis a ouï ce que toute oie oit ». Le nom de la ville a été attribué par les Obijwés, une des premières nations du Canada et signifie « pays de la grande oie ». Quoi de mieux pour le promouvoir que d’ériger cette grande statue de 8,5m de hauteur, bien visible de l’autoroute et invitant les touristes à en sortir pour visiter la ville. A noter que le volatile initial, installé en 1963, a dû être remplacé en 2017 en raison de la rouille qui le rongeait et du risque conséquent d’effondrement sur un ou plusieurs des 60 000 visiteurs venus partager un selfie avec lui. 300 000 dollars canadiens ont été dépensés pour l’opération, soit 150 dollars du kilo pour cette statue de 2 tonnes. Contre 4 dollars le kilo pour la précédente. Quand on vous dit que la viande coûte de plus en plus cher !


Erratum

La version ci-dessus est celle de nos guides et d’un recoupement de plusieurs sites Internet dont Wikipédia. Après l’avoir écrite, en triant mes photos, je relis attentivement le texte des pancartes apposées par la ville sous la statue. Pour la petite histoire, je ne les ai pas lues immédiatement car nous subissions une attaque en règle de moustiques, j’ai juste dans un premier temps photographié les informations pour les lire à l’abri de nos moustiquaires. Ces pancartes nous apprennent que si le nom « wawa » a bien été attribué par les Objiwés, il signifiait « sources d’eaux claires ». Rien à voir avec les oies donc. Le mot aurait été mal traduit par les premiers européens arrivés sur place et confondu avec « wewe » qui signifie « oie sauvage » dans la langue indienne, et qui collait somme toute assez bien à cette ville située sur le point de passage de la migration saisonnière des oies entre la baie d’Hudson et le sud-ouest des États-Unis. Lorsque la construction d’une statue a été décidée pour l’inauguration du dernier tronçon de la route transcanadienne en 1960, c’est bien l’oie qui a été choisie par les officiels pensant que l’oiseau était la vraie origine du nom de la ville, faisant bien rire les locaux qui connaissaient la vérité. Cette première statue, faite de plâtre appliqué sur une armature en grillage, n’a tenu qu’un an face au climat rude de la région et a de l’être remplacée en 1963. L’oie actuelle est donc la 3ème œuvre et non la seconde. Comme quoi il faut toujours vérifier ses sources et n’accorder qu’une confiance limitée à Wikipédia.


Chute, on dort !

Ce n’est pas Niagara mais on peut se garer et passer la nuit au pied des chutes Magpie High Falls, près de Wawa, et nous ne nous en sommes pas privés. Nous avons pu observer en soirée l’eau qui déferlait sur 38 m de large et 23 m de hauteur, dans un vrombissement qui, pensions-nous, nous bercerait la nuit. Eh bien nous n’avons pas entendu grand-chose, attribuant cela à l’efficacité de l’isolation sonore de Roberto. Mais au petit matin, il fallut se rendre à l’évidence devant le pipi de chat qui s’écoulait alors devant les rochers : les chutes avaient été coupées pendant la nuit ! Le débit reprenant toute sa vigueur une heure plus tard, nous pouvions imaginer qu’une sorte d’extinction des feux avait été mise en place par la ville pour permettre à ses visiteurs de passer une nuit tranquille. Mais l’explication la plus probable est davantage liée aux manœuvres d’une usine hydro-électrique placée en amont pour réguler sa production d’énergie.


C’est une fille !

J’aurais pourtant parié que l’ourson le plus célèbre de Disney était de sexe masculin. Heureusement, de passage dans sa ville natale de White River, j’ai pu me rendre compte de mon erreur : Winnie était bien une oursonne. Elle a été vendue par un trappeur à un vétérinaire de cavalerie canadien provenant de Winnipeg et en partance pour Londres au tout début de la 1ère guerre mondiale. Affecté sur le front français, celui-ci a préféré laisser son oursonne au zoo de Londres. On laissait apparemment jouer quelques enfants avec, dont le jeune fils d’un écrivain qui baptisa ensuite ses peluches du nom des animaux du zoo. Le père, Alan Alexander Milne en a tiré l’histoire que vous connaissez en 1926 et que les studios Disney ont adaptée bien plus tard. Le vétérinaire est retourné vivre au Canada sans récupérer son ourse. On ne sait pas s’il a eu connaissance du roman tiré de cette histoire.


Quatre pour le prix d’une

Les rives canadiennes du Lac Supérieur, déjà majoritairement en zones naturelles, comptent en outre 7 parcs naturels protégés, dont 6 sont gérées par la province de l’Ontario et 1 par l’état canadien. C’est ce dernier que nous sommes allés voir, guidés essentiellement par la clémence de la météo. Il s’agit du Parc National de Pukaskwa, une immense réserve qui ne compte que 4 km de routes pour une surface de 1 878 km². Écartant d’emblée le sentier côtier et ses 65km et sa version en canoë de longueur identique, écartant aussi les descentes en canoë sur les rapides qui sont assez techniques et se font sur plusieurs jours, nous nous penchons sur les randonnées qui entourent le centre d’accueil des visiteurs. Incapables de choisir entre les 4 parcours proposés, nous décidons de les suivre tous. Et nous ne regretterons pas notre choix car cette balade d’un peu plus de 8 km nous fera passer par des zones très variées, aussi bien des chemins forestiers ou lacustres munis de passerelles en bois aux endroits délicats que des parcours sur des rochers au sommet de petites falaises en passant par des plages aussi couvertes de bois flotté que pauvres en visiteurs. Un fait notable est l’absence de toute signalisation directionnelle à l’exception des départs ou croisements de sentiers. Aucune trace de peinture ne souille ainsi les roches ou les arbres. Nous avons parfois hésité sur la route la route à suivre, mais sans jamais nous perdre. Un grand bol d’air dans cette région magnifique. A noter le droit d’entrée modique, un peu moins de 5 € pour la journée, que l’on suive le sentier de 65 km ou bien le plus court qui n’en fait qu’un.


La route transcanadienne

Nous venons de passer le point médian de cette longue route qui traverse le Canada de part en part, 8 000 km pour aller d’Est en Ouest, du Pacifique à l’Atlantique, de Victoria en Colombie Britannique à St Jean à Terre-Neuve-et-Labrador. Il s’agit de la plus longue route nationale au monde après ses deux aînées que sont la route péri-australienne (15 800 km !) et la route transsibérienne (11 000 km). Plus de la moitié est encore la simple route à 2 voies d’origine (le dernier tronçon a été terminé en 1970) qui traverse des centres-villes ou serpente, étroite, entre des chaînes montagneuses. Petit à petit, on la transforme en autoroute, mais ce n’est le cas pour l’instant que de 15% de son trajet. Elle traverse les 10 provinces du Canada et 6 fuseaux horaires. Il faut conduire non-stop pendant une semaine pour la parcourir en entier. Heureusement, 2 nécessaires traversées en ferry permettent de souffler un peu !

Mais nous ne la suivrons pas de bout en bout parce qu’elle ne relie pas tout ce que nous voulons voir au Canada. Par ailleurs nous avons prévu 4 mois pour ce pays, cela devrait être suffisant.

En illustration, vous trouverez la carte officielle du trajet avec ses différentes branches, quelques photos de la zone montagneuse que nous venons de traverser, et puis quelques clichés que je n’arrive pas à caser ailleurs.

Si l’histoire vous intéresse, vous trouverez un reportage sur cette page


Ainsi se termine ce joli parcours le long des rives du Lac Supérieur, parmi les plus beaux paysages que nous avons traversés avec la Gaspésie. Nous n’en avons pas fini pour autant avec l’Ontario, province qui absorbe à elle seule un quart de la route transcanadienne. Comme le dit sa devise : « Il y a tant à découvrir »

69. Bonjour (au revoir) Québec

Du zoo sauvage de St Félicien aux rives du lac Témiscamingue, des mines d’or aux mines de cuivre, des longues forestières du nord aux zones agricoles colorées du sud, nous profitons jusqu’au bout de cette fin de parcours au Québec dont la francophonie si particulière et la gentillesse des gens nous auront enchanté. Nous laisserons le qualificatif « libre » à De Gaulle mais nous pouvons dire sans hésiter : vive le Québec !

Des humains pour distraire les animaux

C’est un peu la philosophie de ce « zoo sauvage de St Félicien ». Préserver un gros bout de nature avec forêts, prairies, rivières, etc. pour y placer en demi-pension (certains repas sont fournis, d’autre pas) des animaux adaptés au climat du coin. Et pour que les animaux ne s’ennuient pas, on met des grappes d’humains dans des cages et on fait circuler ces cages pas trop loin d’eux. Certes, le concept n’est pas unique, mais il correspond bien à notre façon d’aller à la rencontre des animaux. Si un gorille me tendait une banane, j’en serais ravi… Alors nous sommes montés dans la cage et avons suivi le parcours imposé en guettant la faune qui décide ou pas de se montrer. Les bisons et les ours, peu farouches, longeaient volontiers notre petit train sur roues. Les chiens de prairie, très curieux, semblaient guetter notre passage debout sur leurs terriers. Les autres animaux aperçus (loups gris, cerfs de Virginie, caribous, semblaient quant à eux indifférents, poursuivant leur sieste ou leur rumination, y compris à ma grande déception ce grand orignal se désaltérant au bord du lac, cachant ainsi ses bois typiques et magnifiques. Une partie du zoo, plus classique mais avec tout de même de grands enclos, nous a permis d’observer d’autres espèces de la région boréale. Je vous en mets quelques-unes en photos et vous propose après un petit quiz. Oui oui, déjà !

Et voici donc le quiz :

1°) Comment appelle-t-on le petit du bison ? A. un bisonneau ? B. un bisonnet ? C. un bisounours ?

2°) Comment dit-on « bison, iciparvient » en verlan ?

3°) De ces 3 affirmations sur le castor, laquelle est juste ? A. son petit s’appelle le castor junior ; B. l’huile de castor provient de sa glande anale ; C. il mange ses excréments

4°) Comment appelle-t-on le petit du chameau ? A. un chamelet ? B. un chamelon ? C. un chamaleau ?

5°) Comment appelle-t-on autrement le carcajou ? A. le glouton ? B. le gulo gulo ? C. la belette boréale ?

Réponses à la fin du paragraphe suivant


La grande traversée

A la sortie de St Félicien, le panneau est clair : prochaines stations-services à 1 puis 249 km. Nous vérifions la jauge, respirons un bon coup puis nous nous engageons dans cette traversée des régions du nord du Québec qui nous fera monter un peu au-dessus du 49ème parallèle. Un peu plus de 600 km prévus jusqu’à Val d’Or, pas forcément dans la journée car nous sommes autonomes. Une route au revêtement tout à fait honorable – je m’attendais éventuellement à de la terre, peu fréquentée, bordée de jolies fleurs multicolores, qui fend un paysage de type taïga avec forêt dense et nombreux lacs. Deux ours noirs nous feront l’honneur de leur brève apparition. Deux petites villes rompront la monotonie du paysage, ainsi que de rares maisons isolées qui interrogent sur les motivations de leurs occupants. Les zones d’habitation représentent 0,5% de la surface de la région administrative du Québec dans laquelle nous venons d’arriver, et qui porte le nom tout simple d’Abitibi-Temiscamingue. Je vous laisse le soin de dénicher sur Internet le gentilé tout aussi savoureux. Après 500 km, nous trouvons une petite aire aménagée – parking + toilettes sèches + rampe à bateaux – au bord d’un lac et décidons de nous y arrêter pour la nuit. Tout au long de cette belle route tranquille, nous avons écouté les 8 épisodes d’un balado relatant l’histoire d’un québécois ayant, à l’aide de son petit avion, saboté les lignes haute-tension et plongé dans le noir une grande partie de la région. Si comme nous vous avec envie de vous immerger dans la langue québécoise, le lien est ici. Au fait, un balado est l’appellation locale d’un podcast.

Réponses au quiz du paragraphe précédent : 1.A ; 2.Zombi, vient par ici ; 3.C ; 4.B ; 5.AB


Un ménage juteux

Nous sommes ici à Val d’Or, célèbre pour sa mine aurifère exploitée de 1935 à 1985, ce qui est plutôt long pour une mine d’or. C’est parce que le minerai était particulièrement riche, permettant d’extraire 6,3g du précieux métal par tonne. Tout le processus de fabrication, de l’extraction au coulage des lingots est expliqué de façon démonstrative. On entre d’abord dans les entrailles de la mine après avoir décroché sa tenue de la « salle des pendus » et s’être équipé de casque, lampe et ceinture. D’abord dans un chariot motorisé d’époque circulant dans des boyaux étroits où il faut régulièrement baisser la tête pour ne pas accrocher le plafond, puis à pied dans les galeries sombres et humides. Tout est bien sûr émaillé de petites anecdotes, notamment sur la façon dont les ouvriers tentaient de ramener quelques morceaux de minerai en les cachant dans le seul objet qu’ils avaient le droit d’emmener et de ramener : leur savon. Mais le meilleur est pour la fin : à la fermeture de l’usine, une entreprise spécialisée a été chargée de faire le ménage en récupérant entre autres la moindre particule de poussière piégée dans les coins ou derrière les radiateurs de la salle de broyage. Un ménage qui a rapporté gros une fois l’or extrait de cette poussière : pas loin de 900 000 dollars canadiens, soit près de 670 300 euros !


Le zoo paralympique

Rien à voir avec le zoo sauvage évoqué précédemment : ce refuge accueille bien des animaux sauvages, mais pas ceux genre le petit panda roux tout mignon qui attire les enfants et augmente les ventes de peluches dans la boutique. Il est destiné aux éclopés, aux tombés du nid, aux victimes de chauffards, aux amputés d’une patte ou d’une aile, aux bébés devenus orphelins grâce au chasseur qui a tiré sur leur mère. Tous les pensionnaires ici ont une histoire, décrite sur la pancarte devant leur cage ou leur enclos. Certains sont là temporairement, le temps de se retaper ou de se sevrer avant d’être relâchés dans la nature. D’autres sont hébergés au long cours, incapables de vivre sans assistance humaine, parfois à cause des premiers contacts humains justement (si vous rencontrez un animal en difficulté dans la nature, prévenez les autorités mais surtout n’y touchez pas). ). Ce fut en tout cas une visite touchante, dont nous vous rapportons quelques portraits.


Dyn-Amos

Nous étions venus à Amos pour le Refuge Pageau et ses animaux handicapés. Quitte à être là, nous avons poussé jusqu’au centre-ville pour en respirer l’ambiance. Nous nous sommes présentés à l’office du tourisme, aussi fleuri qu’accueillant et riche en renseignements. De nombreuses activités insoupçonnées sont proposées par la ville, si dynamique que je leur aurais bien proposé le slogan ci-dessus, mais qui n’est pas de si bon goût. Le seul vrai bon goût est celui de l’eau de la ville, qui serait la plus pure du monde grâce à son système de filtration naturel par des moraines glaciaires qui contiendrait parait-il aussi des diamants. Jetez un œil si vous voulez sur les multiples attractions de la ville. Limités par le temps pluvieux, nous nous sommes contentés de la cathédrale, de la maison Hector-Authier (un notable qui a quasiment mis en place toute la région), et le centre d’exposition tout aussi moderne que gratuit où nous avons visionné des documentaires sur l’histoire de la région en réalité virtuelle et une exposition sur le thème du voyage en réalité augmentée. Dynamique je vous dis !


Mauvaise mine

Rouyn-Noranda est la capitale de la région de l’Abitibi-Témiscamingue. Désolé pour les noms, mais je peux tout expliquer. Rouyn et Noranda sont deux villages fondés en 1926 sur le site d’une mine de cuivre fraîchement découverte. Rouyn est le nom d’un militaire lorrain s’étant illustré lors de la dernière bataille des franco-canadiens contre les anglais. Noranda résulte …d’une erreur d’imprimerie : elle devait s’appeler NordCanada. Les 2 villes ont fusionné, tout comme le cuivre qu’elles produisent, en 1986.

Abitibi et Témiscamingue, c’est à cause des Cris. Désolé pour les noms mais je peux tout expliquer. Les Cris font partie des premières nations du Canada, et à ce titre ils ont eu le loisir d’appeler les montagnes, les forêts et les lacs comme ils voulaient. Et justement, Abitibi et Témiscamingue sont les noms de deux importants lacs de la région, le « lac du milieu » et le « lac sans fond » en langue crie, vous devinez pourquoi.

Quant aux Cris, leur nom est le diminutif de l’appellation française du village Kenisteniwuik. Désolé pour le nom mais je peux tout expliquer, mais plus tard parce que ce n’est pas le sujet.

A Rouyn-Noranda se trouve donc une importante mine, qui produisait principalement du cuivre, mais aussi de l’or et de l’argent. Aujourd’hui l’extraction a cessé, seule la fonderie fonctionne, notamment en recyclage. Le problème c’est qu’elle laisse échapper de l’arsenic par ses grandes cheminées. Une étude récente, qui retrouve un taux plus élevé qu’attendu de cancers du poumon dans la ville, fait actuellement polémique dans les médias. L’usine serait menacée de fermer si elle ne réduit pas ses taux.

Je me demandais aussi pourquoi la visite était gratuite… En fait nous avons tout de même tenté d’y aller, mais, selon les agents d’accueil qui n’avaient pas si mauvaise mine, ça reste fermé aux visiteurs depuis la crise sanitaire. Oui mais laquelle ?

Rouyn-Noranda possède tout de même quelques atouts :


Pause magasinage

En guise de trou normand, entre deux chapitres, voici quelques trouvailles repérées en allant « magasiner », c’est-à-dire faire nos courses. D’abord une sélection de fromages un peu surprenants, puis quelques boissons qui ne gagnent probablement pas à être bues. Enfin à vous de voir !


Au temps de la traite des brunes

Oui des brunes, parce que les fourrures d’ours blancs ne faisaient pas partie a priori de ce commerce appelé « la traite » aux 17è et 18è siècle. C’est au Fort Témiscamingue, bâti au bord du lac éponyme par les Français en 1720 que tout cela se passait.

La position géographique était idéale. Les indiens Algonquins y venaient depuis la baie d’Hudson vendre les peaux de phoques, de loutres, de visons et de castors que les « voyageurs » d’origine européenne transportaient ensuite à Montréal. Dans les deux cas, le transport se faisait sur des canoés en écorce de bouleau, lors de navigations exténuantes de 25 jours sur des rivières tumultueuses.

Le site très pédagogique montre en détail la fabrication de ces embarcations, la vie des gens dans ce fort qui n’avait rien de militaire. De nombreuses maquettes et personnages à l’échelle permettent de mieux se rendre compte, et des animateurs, le plus souvent des jeunes en job d’été, sont là pour répondre aux questions.

J’ai eu l’occasion d’essayer un chapeau haut de forme en fourrure de castor. Nous avons apprécié aussi la balade dans la « forêt enchantée », où après l’abattage de presque tous les pins pour la construction des maisons du fort, des jeunes pousses de cèdres les ont remplacés, en prenant cet aspect tordu encore inexpliqué.

Un seul bémol : la rareté des visiteurs alors que nous sommes en haute saison touristique. Ce n’est pourtant pas le prix d’entrée qui freine les visiteurs (3,50€), alors où sont-ils ? Et cela concerne la totalité de notre parcours récent : alors que nous nous attendions depuis le début des vacances scolaires à rencontrer des difficultés pour accéder aux lieux touristiques ou pour nous garer, il n’en est rien : les attractions ne sont guère plus fréquentées qu’en juin, les parkings sont facilement accessibles le jour et nous sommes la plupart du temps seuls sur nos lieux de stationnement nocturnes. C’est tant mieux pour notre tranquillité, mais cela pose question.


Bonjour le Québec

Autant vous dire tout de suite, si vous avez bien suivi, « bonjour » en québécois s’emploie pour dire « au revoir ». Nous venons donc de terminer notre parcours québécois et quittons la province avec regret. Nous y avons été particulièrement bien accueillis, et nul doute que la francophonie a beaucoup aidé. Et puis quelle francophonie ! Nous avons adoré entendre parler les Québécois. Un langage coloré, imagé, avec des tournures dont certaines rappellent le passé tandis que d’autres au contraire apparaissent terriblement modernes dans leur lutte active contre la dominance de l’anglais. Les meilleurs exemples sont la francisation des enseignes KFC et Starbucks Coffee, devenues respectivement PFC (Poulet Frit du Kentucky) et Starbucks Café. Mais nous en avons découvert beaucoup d’autres, qui nous font réaliser que nous autres Français nous nous sommes complètement laissés envahir. C’est ainsi que nous avons écouté des balados, déjà évoqués au début de l’article, que nous ne nous étonnons plus lorsqu’on nous propose de taper notre code NIP (1), lorsque des sites Internet nous demandent d’accepter des témoins de navigation (2) ou quand un préposé d’accueil veut nous remettre un pamphlet (3). Nous savons maintenant ce qu’il y a derrière les portes des salles de bains (4) ou des vidanges (5), et ce que récoltent régulièrement les gens à la cueillette (6) des supermarchés. Nous disons désormais « pour dîner (7) » en nous présentant à un restaurant vers 13h, nous demandons la facture (8) à la fin du repas et nous ne prendrons surtout pas le risque de choquer quelqu’un lui demandant s’il (elle) emmène ses gosses (9) en vacances.

Pour ceux qui aimeraient en savoir plus, ou pour notre ami Yann qui vient de s’installer à Montréal, vous pourrez trouver ici un lexique assez détaillé des mots ou expressions québécoises les plus usitées.

(1) code PIN, (2) cookies, (3) dépliant ou flyer, (4) WC, (5) poubelles, (6) pick-up, (7) petit-déjeuner, car à midi au Québec on dîne et le soir on soupe, (8) addition, (9) testicules


En franchissant la rivière des Outaouais, nous sommes passés dans la province de l’Ontario. Même si le Français reste l’une des deux langues officielles, il n’est plus parlé ici que par une minorité de la population. Autant nous remettre à l’Anglais, qui va maintenant nous accompagner jusqu’au sud des États-Unis.

Alors, see you soon !

Ci-dessous la carte du parcours correspondant à cet article et les boutons pour commenter ou vous abonner