55. La Louisiane, quelle histoire !

Avant d’y être allé, j’imaginais la Louisiane réduite au seul état actuel des États-Unis. Une fois sur place, un peu plus investi dans l’histoire du pays, je découvre l’ampleur à la fois de mon ignorance et du territoire initial de ce qui a été la Nouvelle France. Près du tiers de l’Amérique du Nord, rien que ça ! Pour ceux comme moi qui ne le savaient pas, je vous ai fait un petit résumé du passé mouvementé de la région. Pour les autres, vous pouvez passer directement au second chapitre.

La Louisiane, le pays dont personne ne voulait

Quand les grandes forces européennes sont parties à la conquête de l’Amérique au XVIème siècle, l’Angleterre s’est octroyée la côte Est de l’Amérique du Nord, tandis que les Espagnols arrivés par le Sud ont plutôt colonisé l’Ouest et la Floride. La France, ne voulant sans doute pas paraître faible ou bien pour éviter que l’une des deux nations ci-dessus écrase l’autre, a pris ce qui restait, c’est-à-dire une large bande centrale allant du Canada au Golfe du Mexique, occupant un bon tiers des actuels États-Unis. Le conquérant français a nommé Louisiane toute la partie au sud des Grands Lacs, en l’honneur du Roi Louis XIV. Toutefois, ce dernier n’était pas vraiment convaincu par cet agrandissement de son territoire, tout occupé qu’il était à aménager Versailles. Quelques familles et quelques troupes ont bien été envoyées là-bas, deux à trois cents personnes en tout, une broutille par rapport à l’étendue du territoire. Sans moyens, sans convictions, la plupart rentraient au bout de quelques années, abandonnant au passage femmes amérindiennes et enfants.

La Louisiane en 1700
La Louisiane au sein de la Nouvelle France avant 1713

Louis XIV au bord de la ruine et peu avant sa mort privatisa alors la région, la donnant en gestion d’abord à un homme d’affaires français qui finalement ne la fit pas (l’affaire) puis, alors qu’on était passé à Louis XV, à un banquier explorateur d’origine écossaise qui avait néanmoins la confiance du monarque. Le banquier changea radicalement de méthode en envoyant à la place des Français trop peu motivés 7000 personnes recrutées ou enlevées de l’autre côté de la frontière Est de la France, pour une forte proportion jugés indésirables dans leurs pays respectifs (anciens forçats, vagabonds, brigands, déserteurs ainsi que des « femmes de mauvaise vie » dont la célèbre Manon Lescaut) et qualifiées du terme générique d' »Allemands ». Rentabilité oblige, le financier fit aussi venir d’Afrique un nombre similaire d’esclaves, soit bien moins que les autres nations. Si ça ne déresponsabilise pas la France pour autant, ce « faible » nombre explique peut-être en partie que la compagnie dirigée par le banquier fut mise en banqueroute quelques années seulement plus tard.

Pendant ce temps, Anglais et Espagnols bien plus investis dans la colonisation grossissaient leurs effectifs respectifs et rêvaient d’étendre leurs territoires. Mais sans rêver de la Louisiane pour autant, jugée non rentable en termes de qualité de sol et de sous-sol. Vint le moment où la France s’engagea dans la Guerre de 7 ans (1758-1763) contre les Anglais et la perdit. Elle dut céder la moitié Est de la Louisiane (et le Canada) à son adversaire et réussit à refiler l’autre moitié à l’Espagne, si peu intéressée qu’elle mit 4 ans à en prendre possession.

La Louisiane en 1762-1763

A l’inverse, lorsque la Louisiane redevint française 40 ans plus tard suite à la victoire de Maringo en 1800, la France, dirigée alors par Napoléon Bonaparte ne se précipita pas pour la réoccuper, laissant un temps les Espagnols la défendre. Et lorsque la date de prise de possession fut enfin fixée au 18 mars 1803, la France s’empressa de vendre le 20 avril la Louisiane aux États-Unis qu’elle jugeait mieux aptes qu’elle à la protéger des Anglais. Bonaparte n’avait pas tort, mais tout de même, la France a perdu, faute de s’en occuper, un territoire hautement stratégique et grand comme quatre fois le sien, représentant aujourd’hui 15 des 52 états américains.

Ce chapitre n’est qu’un résumé de l’excellent article sur le sujet que je me suis régalé à lire ici et que je vous conseille si vous voulez plus de détails.


Dernière nuit au Texas

Le parc naturel évoqué dans le précédent article nous refusant l’hospitalité et peu enclins à rouler beaucoup aujourd’hui, nous nous réfugions dans le RV-park le plus proche. Les RV-parks, ça ressemble un peu à nos campings ou nos aires de services pour véhicules de loisirs, mais de loin tout de même. En fait, il y a de tout. Du simple terrain vague sans aucun équipement, dont on se demande bien pourquoi les gens s’y réfugient, jusqu’au camping 4 étoiles luxueux similaire aux nôtres. Les américains se réfugient quasi-systématiquement dans les RV-parks pour la nuit, et parfois même à demeure, car leurs camping-cars ne sont pas conçus pour être autonomes. Ils sont même gigantesques, déjà très longs, mais en plus devenant très larges une fois garés grâce à des caissons latéraux extractibles. Ils sont équipés de gros frigos, de fours, de climatiseurs, de machines à laver comme à la maison. Comme si cela ne suffisait pas encore, ils tractent volontiers une remorque, une caravane ou bien une voiture. Énergivores et volumineux, ils ne peuvent guère séjourner que sur des terrains spécialisés, alors que de notre côté nous avons suffisamment d’autonomie pour rester dans la nature sans bouger une douzaine de jours en été (davantage si nous pouvons trouver de l’eau), et deux ou trois jours en hiver (les panneaux solaires ne compensant plus la consommation, il nous faut alors rouler pour augmenter notre autonomie).

Roberto bien petit à côté de ses voisins

Notre terrain du jour est plutôt spartiate. Déjà il nous faut trouver l’accueil. Renseignement pris auprès d’un résident d’une sorte de mobile-home, le propriétaire n’est pas là, il faut l’appeler, mais il nous propose de l’appeler à notre place. Le proprio lui communique une place et déclare qu’il passera récupérer ses sous (12 $) dans la soirée, ce qu’il fera effectivement. Pour ce prix nous avons droit à un emplacement avec un robinet d’eau. Nous aurions pu nous brancher aussi en cas de besoin, ce qui n’était pas le cas. Nous avons accès à une salle d’eau unique en béton brut, avec douche chaude lavabo et WC. Une seule pour tout le camping, mais c’est suffisant car les locaux restent dans leur maison sur roues. Nous, quand on peut trouver une douche supérieure à 1 mètre carré, on profite… Voyant les gens sortir leur barbecue, nourrir leur chien en cage, allumer leur télé, nous avons craint un moment que la soirée soit très animée, mais non, la nuit a été plutôt calme.


Étapes en Louisiane

Que ce soit sur les routes secondaires ou les autoroutes, la verdure et l’eau sont omniprésentes en Louisiane, cela contraste avec les plaines arides du Texas. Compte-tenu de la grande surface occupée par les marécages (les fameux bayous), les voies de circulation sont souvent surélevées, voire carrément sur pilotis, par centaines de kilomètres, ou plutôt de miles. Car effectivement, depuis notre arrivée aux US, nous avons dû abandonner le système métrique. Autant s’y mettre de suite pour mieux apprécier les limites de vitesse ou les distances affichées sur les panneaux. D’ailleurs, nos deux applications de routage GPS ont adapté leur affichage sans aucune intervention de notre part.

Plaque minéralogique de l’état de Louisiane. Une particularité : il n’y en a pas à l’avant.

Le réseau routier, contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’un pays riche, n’est pas en super état. Les nids de poule, sans avoir l’ampleur de ceux du Mexique, sont très fréquents. En de nombreux endroits, les routes sont faites d’un matériau qui fait un bruit aigu en roulant, ou sont construite par plaques qui donnent l’impression de rouler sur une vieille voie de chemin de fer. La circulation n’est pas si facile non plus, surtout sur les autoroutes où la circulation est anarchique. Les limites de vitesse ne sont pas respectées et les dépassements se font aussi bien par la gauche que par la droite. Quand vous avez deux énormes semi-remorques qui vous doublent en même temps, un de chaque côté, c’est un rien stressant ! Et si vous voulez rester à droite pour éviter ça, immanquablement vous vous retrouvez sur une bretelle de sortie. Le point positif pour les autoroutes, que nous tentons néanmoins d’éviter dans la mesure du possible, c’est qu’elles sont gratuites.


1. La fabrique du Tabasco

Si notre guide Lonely Planet États-Unis n’en parlait pas, le site Authentik USA présentait la visite comme incontournable. Alors nous y sommes allés et n’avons rien regretté. Comme quoi il faut toujours multiplier ses sources d’information.

C’est ici, près de la ville de La Fayette, dans l’île d’Avery, ainsi appelée bien qu’elle soit en plein milieu des terres parce qu’il s’agit d’une zone circulaire complètement entourée d’une rivière marécageuse, qu’un banquier désœuvré suite à la Guerre de Sécession a mis au point la célèbre sauce au piment rouge en 1868. Edmund McIlhenny souhaitait simplement donner du goût aux rares aliments disponibles dans cette période. Une reproduction de son carnet de notes expose d’ailleurs, en guise de preuve, la recette originale. Recette qu’il a testée d’abord auprès de son entourage en la conditionnant dans d’anciens flacons d’eau de Cologne, ce qui explique la forme du conteneur encore aujourd’hui d’actualité.

Tout le processus de fabrication est présenté de façon pédagogique et vivante. On apprend que les piments provenant de la région de Tabasco au Mexique sont semés en juin puis récoltés en août, uniquement lorsqu’ils sont à point, c’est-à-dire lorsqu’ils ont atteint la couleur du petit bâton que possède chaque cueilleur. Ils sont ensuite lavés, réduits en purée puis mélangés à du sel. Et ça tombe bien, du sel il y en a beaucoup car l’île est en fait un « dôme de sel », une formation géologique particulière qui descend ici plus de 9 km sous le niveau du sol. La purée salée est alors mise à fermenter dans des tonneaux en chêne scellés au sel pendant une durée de 3 ans. Cette phase terminée, la purée de piment est malaxée de façon intermittente avec du vinaigre pendant plusieurs semaines avant d’être filtrée et mise en flacons.


Comme nous ne sommes pas dans la période de récolte, nous ne verrons pas les toutes premières étapes, mais tout le reste de l’usine est en activité, de la fabrication et du stockage des fûts jusqu’à l’embouteillage, en passant par le mélange final avec le vinaigre. Cela rend toujours les choses bien plus concrètes. Mais le plus concret, c’est bien sûr la dégustation, avec modération ici encore plus qu’ailleurs, mais pas pour les raisons habituelles !


2. Jungle Gardens

La visite des jardins attenants à l’usine était incluse dans le prix du billet, alors nous nous sommes dits pourquoi pas ? Mais ce que nous prenions pour un simple bonus s’est avéré être une attraction à part entière.

L’immense parc peut se parcourir aussi bien en voiture – ce que font la grande majorité des visiteurs – qu’à pied, solution que nous avons privilégiée. Nous sommes frappés d’emblée par ces grands arbres dont les branches sont couvertes de plantes épiphytes, certaines en forme de petites fougères, d’autres plus impressionnantes se présentant comme de grandes barbiches qui pendent et se balancent au gré du vent. Elles sont d’ailleurs appelées parfois barbes de vieillard ou encore filles de l’air, mais la dénomination la plus courante ici est celle de mousse espagnole. Ces plantes ne dépendent pas des arbres qui les supportent puisqu’elles n’ont pas de racines. Elles vivent simplement de l’eau de ruissellement et se propagent d’un endroit à un autre emportées par le vent. Elles sont volontiers utilisées ici pour garnir les matelas, moins coûteuses que les billets de banque. Nous avons adoré nous y promener.


3. J’Acadie : « Plongez dans le passé ! »

Toujours à La Fayette, un centre culturel est consacré à la culture « cajun » (« cadien » prononcé par un anglais chiquant du tabac) et nous en apprend un peu plus sur ce peuple d’émigrés français au Canada, brutalement arrachés à leur terre d’adoption par les Anglais qui venaient d’en hériter et savaient qu’ils n’arriveraient à imposer ni leur langue ni leur religion à ces irréductibles gaulois. Après une période de cavale, d’emprisonnement ou de retour forcé en France, beaucoup se sont retrouvés en Louisiane où ils ont fondé la « Nouvelle Acadie ». Peu de temps avant que la région ne devienne espagnole puis américaine. Quand on a la poisse… Cela ne les a pas empêchés de maintenir leur culture, leur religion et leur langue un peu particulière faite d’un mélange de vieux Français, de Canadien et de Créole.

A l’image de ces « courses des chevals », orthographiquement correctes en Acadien uniquement, un certain nombre d’expressions perdurent, colorées et parfois si logiques. Comme par exemple : asteur = maintenant (à cette heure) ; débourrer = déballer (un cadeau par exemple) ; froliquer = faire la fête ; galance = balançoire (pour se galancer, tiens) ; mouiller = pleuvoir ; plats = plats, mais aussi (ce serait trop simple) tasses, verres, couverts, en gros tout ce qu’on appellerait vaisselle ; plumer = éplucher (plumer des patates par exemple) ; poutine = boule faite d’un mélange de porc et de pommes de terre râpées (après avoir été plumées bien sûr)

Le centre culturel est complété par un village acadien reconstitué. Comme souvent aux États-Unis, c’est animé par des bénévoles qui nous présentent chacun un travail, une maison, voire poussent la chansonnette.


4. La Nouvelle-Orléans

A la Nouvelle-Orléans, berceau du jazz, il est normal de trouver des statues d’Armstrong ou de Bechet dans les jardins et de rencontrer des brass band un peu partout. En que capitale de la Louisiane, ex colonie de la France au passé mouvementé, il n’est pas étonnant que les plaques de rues portent des toponymes français, espagnols ou américains. A la Nouvelle-Orléans, des bateaux munis de roues à aubes naviguent encore sur le Mississipi, tout près du célèbre quartier français avec ses maisons coloniales aux jolis balcons en fer forgé.

Sous les arcades, les boutiques d’artisanat ou d’antiquités alternent avec les restaurants où l’on sert une cuisine cajun bien relevée. Juste devant la cathédrale Saint-Louis, comme par provocation, des sorciers vaudou désenvoûtent les passants. Et près du marché français trône une statue équestre de Jeanne d’Arc. Elle n’a pourtant pas délivré la Nouvelle-Orléans des Anglais que je sache !


5. Le réveil du couloir des tornades

Nous nous réveillons avec un ciel soudainement gris et du vent qui fait osciller Roberto. La météo annonce « Alerte rouge vents violents avec risque de tornades ». Pas de chance, c’est aujourd’hui que nous avons réservé une mini-croisière sur le Mississipi en bateau avec roues à aubes. Nous nous rendons tout de même à l’embarcadère. Au guichet on nous confirme malheureusement l’annulation du départ. C’est qu’ici, dans une région régulièrement touchée par les tornades et les ouragans, on ne plaisante pas avec la météo, et ça se comprend. Le site meteomedia.com, fait justement un article sur le « couloir des tornades » dont fait partie la Louisiane. Dommage.

Nous n’avons plus qu’à poursuivre notre découverte à pied de la ville, au milieu des vieux tramways, des statues de musiciens de jazz, des immeubles qui semblent vouloir toujours être plus hauts que leurs voisins.
Nous nous arrêtons dans un musée consacré aux artistes du sud de l’Amérique du Nord, dont un cubain (Luis Cruz Azaceta) qui a le don pour mettre ses idées noires en couleurs. Son expo est d’ailleurs intitulée « What a wonderful world », c’est dire !


Puisque la journée est pourrie, nous allons faire notre lessive dans une laverie automatique. Comme son enseigne l’indique, elle fonctionne avec des pièces, mais seulement des « quarters » (0,25$). J’ai commencé par changer le plus petit billet que j’avais, 20$, et j’ai eu l’impression de rafler la mise dans une machine à sous. Les 80 pièces pesaient bien lourd dans mes poches… Et Il a fallu en insérer pas mal dans la machine pour arriver aux 4,50$ du prix du lavage. Bon, ça occupe…


Pour finir la journée en beauté, la pluie, les éclairs et le tonnerre sont arrivés et puis nous avons reçu cette alerte tornade nous invitant à nous réfugier urgemment dans l’abri le plus proche. Mais comme personne ne bougeait autour de nous, nous avons attendu patiemment que ça passe. A Rome fais comme les Romains font.


La nuit s’est terminée dans le calme et nous avons pu poursuivre notre route vers l’état du Mississipi. A bientôt !



54. Welcome to Texas

Nous sommes maintenant au Texas. Le passage de la frontière a été quelque peu stressant compte-tenu des difficultés pour obtenir une assurance et de l’incertitude sur la durée de notre visa, mais tout cela est réglé et nous pouvons profiter pleinement de notre rêve américain.

Welcome to Texas

Un passage de frontière assez stressant

Petit retour sur l’entrée aux États-Unis. Le passage de frontières, s’il est insignifiant en Europe, n’est jamais anodin lorsque l’on s’en éloigne. Nous avions deux préoccupations pour ce passage du Mexique aux USA. D’une part l’assurance de Roberto et d’autre part la durée de notre visa.

Les assureurs acceptant de prendre en charge un véhicule plaqué français conduit par un touriste français se comptent sur les doigts d’une main, et peut être même la main d’un menuisier distrait. Si l’on élimine ceux qui ne peuvent offrir de contrat en ligne, il nous reste deux possibilités : Progressive et Thum. Le second étant réputé trois fois plus cher que le premier qui n’est déjà pas donné, nous concentrons nos efforts sur Progressive. Mais bien sûr il y a un hic : il faut avoir une adresse aux États-Unis. Il semble que ce soit surtout pour expédier le courrier dans le cas où l’on choisirait l’option. Nous apprendrons plus tard qu’il y a également une raison administrative. Heureusement, nous avons des amis là-bas et les premiers que nous sollicitons acceptent de nous « prêter » leur adresse (merci Nancy et Michel). Deux semaines environ avant le passage estimé de la frontière, nous demandons un devis, code postal américain à l’appui. Il nous semble correct mais nous attendons d’être sûrs de notre date d’entrée aux US pour terminer la procédure en appuyant sur le bouton « Pay ».

Mais pourquoi cette mention ne figurait-elle pas dans le devis ?

Le jour dit, soit 48h avant notre passage de frontière, nous validons le devis, pensant n’avoir plus qu’à dégainer la carte de crédit. Mais au contraire, tout se complique. Les étapes de validation s’enchaînent et bloquent le processus chacune à leur tour. Alors que rien de ce genre n’était demandé pour le devis, on nous demande maintenant de certifier que notre véhicule n’est pas le seul assuré dans la famille, ce qui n’est pas le cas, d’entrer un numéro de permis new-yorkais (nos amis sont basés là), de faire rentrer notre téléphone français dans les cases prévues pour un téléphone américain, etc. Nous recommençons le devis à zéro, mais là c’est encore pire : il est écrit noir sur blanc que Progressive ne peut nous assurer compte-tenu de notre permis étranger. Pourtant pas mal de voyageurs ont réussi, eux ! Tout en lançant de désespoir – et pour assurer nos arrières – une demande de devis chez le concurrent Thum, nous interrogeons les forums de voyageurs.

Cette fois, c’est une fin de non recevoir…
Pas d’assurance = bloqués au Mexique !

Deux jours plus tard, alors que nous ne sommes plus qu’à 50 km de la frontière, nous ne sommes toujours pas assurés et nous risquons bien d’être bloqués là un moment dans une petite ville mexicaine sans intérêt. Thum n’a pas répondu, mais les internautes sur les réseaux sociaux sont plus bavards. Si certains affirment qu’il ne serait plus possible d’assurer un véhicule français, ce qui ne nous réjouit guère, d’autres nous conseillent de refaire le devis avec une domiciliation dans un état plus souple sur les permis étrangers. Ce que nous tentons derechef après avoir obtenu l’accord d’amis domiciliés cette fois en Floride (merci Chris et Tim). Et cette fois c’est bingo, nous obtenons une nouvelle proposition, que nous nous empressons d’accepter. En une demi-heure nous validons en ligne les différents documents et obtenons notre attestation d’assurance. A nous les États-Unis !


La seconde incertitude concernait la durée de séjour qui nous serait octroyée. En théorie c’est 90 jours, mais compte-tenu de notre escale de 2 jours à Miami fin janvier, le décompte pouvait très bien commencer de là, ce qui ne nous laisserait qu’un mois pour remonter jusqu’au Canada. Il nous faudra attendre le passage de la frontière pour avoir la solution. Nous traversons le Rio Grande, rivière qui sépare les USA du Mexique, à Piedras Negras. L’attente est quasi nulle, le contrôle absent côté Mexique, et nous sommes rapidement pris en charge par la douane américaine.


Un agent nous emmène dans une petite salle pendant que deux autres s’occupent de fouiller Roberto, à la recherche de substances interdites comme tous les aliments frais par exemple. A l’intérieur du poste de douane, 4 agents s’affairent, viennent nous poser des questions de temps en temps puis nous renvoient à nos sièges. 3 autres personnes attendent avec nous. Trois quarts d’heure et un changement d’équipe plus tard, l’une de ces personnes finit par obtenir ses papiers et sortir. Nous commençons à trouver le temps long et imaginons ce que pourrait être l’attente s’ils avaient à gérer le débarquement d’un A380. Mais nous restons patients. Une demi-heure encore et c’est la distribution des passeports et visas pour les 2 autres personnes et nous. Nous regardons le papier : nous sommes autorisés à voyager aux USA jusqu’au 4 juin, soit 88 jours, youpi ! Ils ont juste déduit les 2 jours de Miami. C’est donc très heureux que nous remontons dans Roberto et reprenons la route, côté américain cette fois, avec la satisfaction de pouvoir prendre tout notre temps.

Nous sommes enfin entrés aux États-Unis !

San Antonio et ses célébrités

Nous démarrons notre visite du Texas par San Antonio et son célèbre Fort Alamo où moururent en héros en 1836 les colonels Davy Crockett, James Bowie et William Travis, ainsi qu’environ 200 de leurs soldats. Une défaite certes mais qui conduisit à l’indépendance du Texas (alors mexicain) 6 semaines plus tard. La visite est gratuite, mais vu le nombre de gens qui sortent de la boutique coiffés de la célèbre toque à queue de raton laveur, on ne se fait pas de soucis pour les conservateurs.


Mais San Antonio connaît d’autres célébrités. Les commentaires sous les photos vous les présenteront.

St Antoine de Padoue a donné son nom à la ville, découverte par les espagnols le jour de sa fête, un 13 juin. Heureusement qu’ils n’ont pas traîné en chemin.S’ils étaient arrivés 8 jours plus tard et la ville se serait alors appelée « été ». Pas terrible, non ?

David Jones était sans doute un grand admirateur du colonel James Bowie, l’un des héros de la bataille de Fort Alamo, pour lui avoir pris son patronyme et devenir vous savez qui.

Frédéric Dard aurait pointé au hasard sur la carte des États-Unis pour trouver son pseudo et le nom de son célèbre commissaire. Je ne suis pas sûr que cela émeuve les habitants de la ville ni que cela ait joué un rôle dans le succès de la saga. Mais, n’en déplaise à ma prof de Français qui voulait absolument que je lise « autre chose », j’ai avalé pas mal de ces romans policiers au langage assez vert dans ma jeunesse, et ce sont peut-être eux qui m’ont donné ce goût pour les jeux de mots laids.

Tony Parker est par contre l’enfant chéri de San Antonio, après avoir joué 17 saisons dans l’équipe de basket locale dont 4 victorieuses en NBA.

La Tour des Amériques, 229m de haut, construite pour l’exposition universelle de 1968 et la Torche de l’Amitié offerte par le gouvernement mexicain sont deux emblèmes de la ville visibles de loin.

Le Riverwalk, agréable réseau de canaux bordé de boutiques et restaurants, fait parfois qualifier San Antonio de Venise du Texas. Mais bon, rien à voir.


Vous avez sous les yeux les bottes les plus grandes du Monde. Celles de Berthe ?



Waco

Cette petite ville au cœur du Texas est célèbre pour être le lieu où a été inventé le cola Dr Pepper, peu connu en France mais plus commun aux États-Unis. La boisson a été commercialisée en 1885, soit un an avant le Coca-Cola. L’usine de production initiale se visite et présente bien entendu toute l’histoire de la découverte.

Un pharmacien local travaillait à ses heures perdues dans un « drugstore » qui distribuait des boissons gazeuses sucrées par l’intermédiaire d’une « fontaine à soda », comme c’était très en vogue alors. Il décida de mettre au point sa propre formule, associant une trentaine d’ingrédients et commercialisa sa boisson en s’appuyant sur des bases scientifiques. Notamment sur des publications décrivant les bienfaits sur la santé des eaux thermales et autres sels minéraux, il profita d’une étude démontrant que le taux de sucre dans le sang était au plus bas vers 10h30, 14h30 et 16h30 pour axer toute sa promotion sur la nécessiter d’apporter de bonnes quantités de glucose, par l’intermédiaire de sa boisson si possible, à 10h 14h et 16h. Ce qui est archi-faux bien entendu, mais money is money.

Le succès commercial a été au rendez-vous, même s’il a fallu s’associer au fil des années aux marques Seven-Up puis Schweppes et quelques autres pour lutter contre la concurrence. La visite reste intéressante et bien documentée et se termine bien évidemment par une dégustation. Il est amusant de voir d’ailleurs qu’il est systématiquement proposé au bar, moyennant finances bien sûr, de doubler voire de tripler la dose incluse dans le billet d’entrée, ou pire encore d’y adjoindre une énorme glace. 500 ml de soda + 500 ml de crème glacée = 1 600 Kcal, soit 60 % des besoins quotidiens d’un homme et 76 % des besoins quotidiens d’une femme. Et à regarder les tables voisines de la nôtre, l’option a malheureusement un certain succès, enfants compris.


Waco compte également un autre site intéressant où depuis quelques années des mammouths ont été découverts. Une vingtaine de squelettes fossilisés ont été mis au jour, pour la plupart transférés dans des musées ou des laboratoires scientifiques, mais, et c’est ce qui fait l’originalité du lieu, les derniers ont été laissés en place, protégés par une sorte de grand hangar où les fouilles d’ailleurs se poursuivent. Un plongeon émouvant de 70 000 ans dans le passé. Le rassemblement de tous ces animaux en un même lieu est expliqué par une crue soudaine à l’endroit où ils venaient s’abreuver.


Enfin un supermarché de Waco nous a permis de faire quelques courses originales : un joli gâteau multicolore et du café en sachets à infuser. De façon plus banale, nous avons acheté aussi de la soupe en sachets. Sans trouver la marque que nous nous attendions à trouver ici, la Waco minute soupe 😉


Fort Worth

Cette ville proche de Dallas nous a attirés pour son musée d’art moderne, dont l’architecture en vastes salles de béton brut permet une bonne mise en valeur des œuvres exposées, mais surtout pour son quartier de Stockyards qui nous a plongés en plein far-west. Les façades de bois dans les rues, les saloons typiques avec leurs portes battantes, les étals de bottes et de chapeaux, les cow-boys circulant à cheval ou menant un défilé de buffles aux cornes géantes, les charrettes bâchées, l’arène de rodéo, et même le train qui entre toutes sirènes hurlantes dans un hall bondé vous immergent complètement dans le western, ambiance encore renforcée par la musique country omniprésente.



Dallas

Nous nous y sommes garés au pied des gratte-ciels (Roberto était très impressionné) pour aller voir le Musée du Sixième Étage. Ce nom énigmatique ne vous dit peut-être rien, mais réfléchissez aux premières choses qui vous viennent à l’esprit concernant Dallas. Une fois éliminée la célébrissime série télévisée des années 80, dont nous aurions d’ailleurs pu visiter le ranch (Southfork) si nous avions été des fans de la famille Ewing, il ne vous reste que l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy en 1963.

Le 6ème étage c’est bien évidemment celui du bâtiment d’où ont été tirés les coups de feu qui ont tué le 35ème président des États-Unis, les impacts étant marqués sous forme de croix sur l’avenue qui passe devant (zoomez sur l’image pour les voir si besoin)

Un musée très fréquenté y présente tout le contexte politique du moment, l’attentat en détails et toute l’enquête qui a suivi. Malgré la minutie des enquêteurs, les reconstitutions, les nombreuses expertises médicales, balistiques et acoustiques, malgré les 20 000 pages du rapport final en 26 volumes, plus de la moitié de la population américaine croit encore à un complot. La crise sanitaire récente nous a montré que c’était humain.


Houston

A l’instar des astronautes de la mission Apollo 13, nous avons rencontré un problème avec cette ville gigantesque, la plus grande du sud des États-Unis. Sur la demi-douzaine de visites escomptées, nous n’en ferons qu’une seule (une belle demeure et ses jardins au bord d’un bayou), les autres étant véritablement inaccessibles en raison des embouteillages et de l’impossibilité de se garer. La ville ne manque pourtant pas de places, mais elles sont pour la plupart privées : d’immenses parkings vides réservés à tel presbytère ou telle entreprise et de nombreux emplacements disponibles mais interdits d’accès si l’on n’est pas résidents du quartier sont autant d’éléments agaçants lorsque nous sommes au troisième tour du pâté de maisons à la recherche désespérée d’un stationnement. Nous souhaitions également nous rendre dans un grand parc verdoyant du centre-ville, mais les multiples déviations et les longues files de voitures nous ont fait jeter l’éponge. Il faut dire que le parc abrite aussi un zoo et que nous sommes en période de vacances scolaires. Pour cette dernière raison, nous avons abandonné l’idée de nous rendre au centre spatial de Houston. Nous resterons sur notre superbe visite de Cap Canaveral d’il y a une douzaine d’années. En bref, nous avons véritablement fui Houston !


San Jacinto

Ce lieu à la fois imprégné d’histoire et verdoyant nous redonne du baume au cœur. Est ici érigé un monument, le plus haut obélisque du monde, de 172 m de hauteur, surmonté d’une étoile, en hommage aux combattants de la bataille de San Jacinto décisive dans la révolution texane en 1836. Cette bataille a été une revanche après la défaite de l’Alamo un mois et demi auparavant. Les assaillants texans ont d’ailleurs donné l’assaut contre les occupants mexicains aux cris de « Souviens-toi de l’Alamo », phrase devenue un temps la devise du Texas une fois l’indépendance obtenue. Le lieu est typiquement américain : espaces verts bien entretenus, routes carrées à sens unique, drapeaux géants et monument intégralement en béton. D’ailleurs, la ville la plus proche, s’appelle Bay Town, ça ne s’invente pas.


Réserve nationale de Big Thicket

Nous complétons ce retour au vert par un parc naturel. Une balade agréable avec beau temps et températures douces dans une forêt adaptée à la montée régulière des eaux. Notre seul regret est de ne pouvoir y dormir. Tout est assez verrouillé aux États-Unis, nous aurons certainement l’occasion d’en reparler.

Quittons-nous sur ces images. A très bientôt !


Et notre route au Texas. L’état est grand comme la France, difficile d’aller partout !

21. Aujourd’hui j’ai posé de la moquette

Cathédrale Pontoise

Pour rappel, Roberto est un fourgon « aménagé ». Et l’aménagement initial n’étant que le minimum vital, il faut le compléter petit à petit. Tout comme pour une maison d’ailleurs. Malgré notre réflexion approfondie, nous ne pouvions sans expérience de vie nomade imaginer la totalité de nos besoins. C’est ainsi que nous agrémentons Roberto de menus équipements au fil des semaines. Parmi ces broutilles qui n’étaient pas présentes dès le départ, on peut citer les filets élastiques vide-poches, très pratiques car rien ne bouge en roulant, des petits crochets pour suspendre tel ou tel accessoire, des velcros sur le rideau de douche pour qu’il ne nous colle pas à la peau pendant la séance, un tapis de bain de la même taille que notre receveur pour la douche en extérieur, un rideau de séparation entre la cabine de conduite et la cellule, afin que les gens ne voient pas le contenu depuis l’extérieur, des films réfléchissants sur les vitres de la cellule pour la même raison.

Il y a bien eu aussi quelques menues réparations, principalement du resserrage de trucs qui se desserrent avec les vibrations de la route, et même un peu de peinture noire pour rendre plus discrets des accessoires extérieurs initialement blancs sur notre carrosserie bleu foncé. Tout cela nécessite un minimum d’équipement de bricolage. Une petite perceuse s’est même rapidement révélée indispensable, en adjonction à quelques outils plus basiques comme un marteau, un jeu de clefs plates, une mini-scie, un tournevis à embouts multiples, du scotch armé… La liste pourrait s’allonger, mais la taille restreinte de l’emplacement pour la trousse à outils (environ 35 x 40 x 20 cm) impose de limiter l’utile à l’indispensable.

Aujourd’hui, donc, j’ai posé de la moquette. Nos pieds se plaignaient en effet d’un léger manque de douceur au niveau du sol. Nous nous sommes mis à la recherche d’un revêtement de sol plus douillet, de taille adaptée au couloir de Roberto, dont la surface est réduite au strict minimum car, comme chacun sait, un couloir c’est de la place perdue. Nous dirons donc un coupon d’environ 2,50 m sur 70 cm. Le premier magasin sur notre route, dont le nom sonne un peu comme St Cloud mais avec un truc en plus au milieu, avait des modèles qui nous convenaient, mais ne les proposait qu’en 4 mètres de largeur. Et pas sûr qu’ils n’en auraient débité que 70 cm. Nous nous sommes rabattus sur la solderie voisine, dont le nom sonne comme « j’ai fait » mais au passé simple et avec une petite tournure savoyarde. Nous y avons déniché 2 tapis que j’ai découpés soigneusement pour les adapter à notre sol, non sans mal car les contours étaient un peu tarabiscotés. Mais je suis satisfait du rendu final. Et nos petons encore plus !

Tout ça pour dire qu’en vie nomade, on bricole tout autant qu’à la maison !

P.S. L’illustration en tête de cet article est un clin d’oeil à nos amis Pontoisiens qui nous lisent régulièrement. Pour les autres, il faudra chercher l’explication dans cette ville.

Sinon voici quelques nouvelles du voyage : après quelques jours dans l’Aube pour réceptionner nos 2 palettes venues de St Barth et retrouver un peu la famille, nous voilà repartis tranquillement sur les routes. A moitié sous la pluie nous avons parcouru la jolie ville de Provins dans ses remparts bien conservés, avant d’aller nous garer pour la nuit pile devant le château de Vaux-le-Vicomte pour une visite le lendemain. Nous avions le parking pour nous tous seuls. Pas trop de « wouah » cependant le matin au réveil, la pluie étant encore battante. Ça s’est tout de même un peu arrangé en fin de matinée, mais pas au point de faire disparaître la grisaille sur les photos. Si les jardins sont loin d’avoir leur superbe initiale, les intérieurs du château valent le déplacement. Nous allons encore traîner quelques jours en région parisienne jusqu’à un dernier rendez-vous à Paris lundi. Nous quitterons ensuite la France pour nous diriger vers les pays Scandinaves.

chateau de vaux le vicomte - façade sud
Le château de Vaux-le-Vicomte pour nous seuls

château de vaux le vicomte - intérieurs
avec des intérieurs luxueux qui valent le déplacement

château de vaux le vicomte - salle à manger
…le point fort restant la salle à manger avec ces appétissantes profiteroles